Sus au braconniers ! (Mission : Le sauvetage des Tauracles)

Après cet échange, le repas se termina dans le calme et un silence lourd. Régulièrement, je jetais des coups d’œils au trois autres, mais aucun ne semblait décidé à rompre le silence. Super... Le repas finis, je suivis l’Épicière à l'extérieur.

-Nous avons besoin d'aide d'un Sanctuari pour cette nuit. J'ai bien un plan pour attraper l'un de ces bandits, mais nous avons besoin d'être supervisés pour l'opération. Jamais je n'aurais cru dire ça un jour mais nous ne pouvons pas agir inconsciemment face à ce genre de personnes

Je ne mis pas très longtemps avant de répondre :

-C'est vrai que ce qu'on a fait ce matin semble vraiment inutile si personne ne fait rien pour arrêter ces débiles. Bien sûr que je suis pour que l'on fasse quelque chose pour les mettre hors d'état de nuire. Et s'il nous faut un Sanctuari, soit.

Un bruit me fit faire volte-face, et je découvris mon binôme de la matinée, un air malicieux sur le visage :

-Bien joué les filles, vous allez appeler la Caserne et après quoi ? Je ne sais pas ce que vous avez en tête, par contre, je préfère vous prévenir, l'arrivée d'un Sanctuari ne va pas être accueillie d'un bon œil par tout le monde. Nous sommes tout de même des Commissaires. Ils ne vont pas apprécier qu'on sous-entende qu'ils ne sont pas à la hauteur de la tâche qui leur a été confiée... Mais bon, allez-y, appelez un Sanctuari. Depuis le temps que je rêve de mettre un de ces bandits sous les verrous.... Je suis curieux de voir ce que vous allez proposer. Et j'ai hâte de voir la tête de tous ces orgueilleux quand ils sauront ce que vous avez prévu. Mais vous inquiétez pas, je leur dirais rien avant, c'est votre idée. Moi quand je l'ai suggéré, on m'a proposé de changer de mission.

Après un silence il ajouta :

-Mais moi je suis Commissaire pour aider les Tauracles, pas pour autre chose.

Puis il reparti, aussi vite et discrètement qu'il était arrivé. Je regardais l’Épicière avec l'air de dire "il viens de se passer quoi là ?".

-Ouais bon ok ça c'est fait. N'empêche qu'il a pas tord, va falloir ménager certains égos je pense... Ou accepter l'idée que l'on baisse dans leur estime après ça, ce qui moi ne me pose pas vraiment de problème. Et je suis tout aussi curieuse que lui de connaître ton idée par contre...

L'hybride n'a pas pu s'empêcher de sursauter à l'arrivée du binôme de son amie. Il gâche alors sa salive à leur expliquer les problèmes d'égo surdimensionnés de Commissaires idiots, incapables de réfléchir plus et d'aller plus loin que leur simple travail de surveillance pour combattre le problème à la racine.

Un sourire mutin sur les lèvres, Leiline n'attend pas la fin de son discours pour coller son nez à son baladeur subsonic, tapotant le clavier d'un pouce pour composer le numéro des Sanctuaris. Alors que l'homme repart et Lylla s'adresse à elle, la femme-chat place de sa main libre un de ses écouteurs adapté à ses oreilles de félidé.

- Je te dévoile mon plan dès que le Sanctuari est avec nous. En attendant ...

Elle relève la tête et adresse un grand sourire à sa camarade.

- Leurs querelles de cours de récré, je m'en tamponne.

Il ne faut que très peu de minutes pour donner les informations à la Caserne et encore quelques autres pour qu'une silhouette s'approche de leur camp. La Li arbore un sourire solaire lorsqu'elle distingue le visage et les yeux meurtris du représentant de l'ordre. Une personne en plus de compétente dans le groupe. Elle l'accueille à bras ouvert et avec plaisanterie.

- Hoooou attention ! Morgan nous montre sous plus bel apparat.

C'est une des rares fois ou Leiline ne le voit pas emmitouflé sous d'innombrables couches de vêtements. Elle répond à sa bise et laisse l'aveugle se préparer, tout en lui donnant les billes pour comprendre leur cas.

- Nous sommes venues ici pour aider un groupe de Commissaire à surveiller les Tauracles. C'est une espèce menacée et ils sont recherchés par des braconniers pour leurs cornes aux effets soi-disant magiques. Si les gars ici sont uniquement là pour garder le troupeau et débusquer les pièges, Lylla et moi voulons aller plus loin et débusquer directement les bandits.

La féline trouve toujours autant stupide que le groupe de Commissaire n'y a pas réfléchit plus tôt et fait appel à la Caserne. Trop respectueux des ordres donnés ? Manque de courage ou même de confiance aux forces de l'ordre ? La deuxième option lui sembla la plus favorable, au vu de ce qu'a évoqué le comparse de l'ange.

- Les braconniers ne viennent qu'à la tombée de la nuit et ne s'en prennent qu'aux petits. Ils font endormir la moindre personne qui s'approcherait d'eux et utilisent de la téléportation pour s'enfuir avec leur butin.

Même s'ils connaissent les stratégies, ils en savent encore trop peu sur les méthodes. Comment ils endorment, comment il se téléportent, l'opération va se faire à l'aveugle. Un comble lorsqu'il y en a un dans l'équipe.

- De mon côté, j'avais pour idée de me cacher dans l'un des arbres alentours et d'user d'Unelma pour créer une illusion. Un petit Tauracle éloigné de tous son troupeau qui se retrouvera au pied d'un arbre.

Elle tapote joyeusement sa petite sacoche dans laquelle se trouve sa pochette à titre.

- J'ai aussi un M5 et une arbalète. J'ai chargé cette dernière avec des carreaux Hypnos et Parésie. Idéal pour endormir ou paralyser. Dès que le type est dans ma ligne de mire, bam ! Après, je ne prend pas en compte le cas où ils y vont par deux par exemple ...

Ça ne reste que la théorie. À voir si la pratique va être la même face aux délinquants.

- J'ai pensé qu'en capturer un ou deux pourrait être utile pour les faire parler. Après, est-ce qu'ils vont être loquaces, ça ... Mais bon, vu que nous neutralisons des gens dans ce genre de scénario, tu te doutes qu'il faut la supervision et l'accord d'un Sanctuari pour se charger d'une telle opération. Après, si tout deux avez d'autres idées, je suis toute ouïe.

-Leurs querelles de cours de récré, je m'en tamponne.

Le tout dit sur un ton sans appel. De mon côté, j'aurais bien aimé comprendre pourquoi ces fameux Commissaires n'avaient pas réagit avant, mais après tout, nous n'étions que de passage, et le principal était de parer à l'urgence. Nous attendîmes pendant quelques minutes, pendant lesquelles je surveillais du coin de l’œil le renard explorant les alentours et la dragonne affalée à l'ombre du bâtiment. Finalement, nous eûmes la joie de découvrir qui allait nous aider dans notre démarche. Je retins un rire lorsque l'aveugle nous fit la révérence. Pour ma part, je ne me fis pas prier pour câliner la renarde stellaire qui visiblement n'attendait que ça.

-Salut Sélène ! Ça faisait longtemps !

Il n'en fallut pas plus pour que mes propres familiers rappliquent, pour flairer la nouvelle venue. Tandis que l'un semblait vouloir jouer, l'autre affichait plus de retenue, se tournant d'un air presque dédaigneux pour retourner s'allonger alors même que j'allais la câliner également. Ma main resta suspendu alors que je la rappelais avec un brin d'étonnement qui se transforma en un fou rire lorsque je compris

-Bah Yülina ? Reviens voyons ! Qu'est-ce-qu'il te prends ? T'es jalouse ? J'y crois pas, elle me fait la tête ! C'est pas parce que je fais des câlins à Sélène que je t'aimes plus espèce de nounouille ! Sale caractère va !

Je me redressais, pour écouter le plan de la féline, reprenant mon sérieux, même si, chaque fois que je regardais ma dragonne qui évitait volontairement mon regard, un sourire venait étirer mes lèvres. Elle boudait, incroyable mais vrai ! Je hochais la tête, l'idée de l'illusion me paraissait viable. J'ajoutais mon grain de sel, les idées me venant au fur et à mesure que je parlais :

-On pourrait rester en contact via les baladeurs. Si la lune n'éclaire pas trop, je pourrais même passer inaperçue dans les airs. Comme ça, je pourrais essayer de les repérer en amont, même si je ne vois pas dans le noir. Ou alors, on se cache également à proximité. J'ai pas d'armes paralysantes, mais mon pouvoir devrait suffire à ce niveau, il me faut juste 5 secondes pour attraper ma cible.

Le pouvoir de la demoiselle aux ailes d'ange ne sera pas négligeable. Il pourra contrecarrer les cas où les captures d'une seul spécimen se font par groupes. Quant à Morgan, il ne va pas être facile de lui de lui trouver une place dans le plan. Qu'il soit armé est une bonne chose en somme, mais utiliser sa compétence dans le sable n'est pas une partie de plaisir, c'est un risque à ce qu'il tire dans l'un des petits. Le plus gros problème restant la visibilité de Lylla. Si elle est censée être les yeux de Morgan et qu'elle ne voit pas dans le noir, c'est comme proposer un chien d'aveugle lui-même aveugle ...

Leiline n'a pas le temps de mettre sur table ses réflexions qu'un commissaire encore inconnu au bataillon débarque en trombe, se montrant des plus odieux avec le représentant de l'ordre. Les disputes de cours de récré qui commencent ... L'hybride a cependant plus d'un tour et même si elle laisse le répondant de Morgan très bien faire son travail face à cet ignorant, la féline sait sur quoi jouer si les Commissaires se montrent si réfractaires aux membres de la Caserne. Mutine, elle répond donc à son camarade.

- Il ne sont pas tous comme ça. Et ils n'ont pas intérêt, crois-moi.

Elle jette un œil sur son baladeur, l'heure indiquant le début de l'après-midi. Il va y avoir un peu d'attente avant de mettre le plan à exécution. Encore faut t-il que les Commissaires ne leur mettent pas des bâtons dans les roues.

- Ce que je propose, c'est que Lylla te dirige vers son binôme de ce matin. Lui a déjà l'air plus enclin à coopérer et donner des informations sur les voleurs. Quant à moi, je vais continuer mon travail avec Gado. En espérant ne pas avoir envie de l'étrangler avant la fin de la journée ...

Se dirigeant vers ses deux familiers à l'ombre, elle leur adresse un dernier clin d’œil.

- Retrouvons-nous en début de soirée, ici-même !

D'un sifflement, Eden et Astora se rapprochent d'elle, permettant à la féline de grimper au dos de son noble destrier et de retourner dans les airs, suivie de près par la petite écailleuse. Laissant une traînée de poussière derrière elle, il ne faut que quelques secondes pour que l'homme-lion précédemment cité apparaisse, comme avec un wagon de retard. Il ajoute tout de même avec humour.

- Whaou, elle est motivée la minette !

Il observe Lylla et l'aveugle, se disant qu'effectivement, la deuxième personne n'était pas là ce matin. Il hausse un sourcil, tendant même une main vers le nouveau venu.

- Je ne crois pas que nous nous soyons présenté. À qui ai-je l'honneur ? Je peux vous aider ?

Après les présentations et contre toute attente, il ne prête même pas d'attention au fait du grade de Morgan. Il ajoute qu'un "enchanté", offre son aide si besoin et repart aussitôt chercher sa monture et se mettre rapidement au travail.

Sans savoir ce qu'il se passe au camp, Leiline continue son inspection aérienne. Dans un premier temps pour repérer les potentiels pièges oubliés, dans un second temps, trouver un bon endroit pour leur petite embuscade de ce soir. Plusieurs buissons et arbres leur offre une possibilité sympathique. Mais la subtilité, c'est de se mettre à un endroit où ils pourront être vu des malfaiteur pour tomber dans le panneau.

Son oreille se tourne vers l'arrière, sa tête se tourne aussi pour voir Gado sur sa monture terrestre tenter de la rattraper tant bien que mal. L'hybride ralentit la vitesse du Kasaïr et baisse en altitude pour le rejoindre. Une idée lui vient en tête. Elle n'aurait pas pensé une seule seconde devoir lui demander un coup de main pour la suite des opérations, mais ça vaut le coup de lui demander. Elle fait signe à l'homme-lion de s'arrêter, qu'elle en fasse de même et se poser en tout sécurité.

- Et bien, quand vous reprenez le travaille, vous ne plaisantez pas !

L'hybride encore juchée sur le dos de son phénix lui adresse un sourire amical et rétorque sous le ton de l'ironie.

- Et bien non ! Après tout, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme !

Les imposantes épaules du lion tressautent. Il jette un œil autour d'eux, comme pour faire attention de n'être vu de personnes et se rapproche de la femme-chat, parlant soudainement à voit basse en désignant la direction du camp d'un pouce vers l'arrière.

- Mais dites, votre ami Sanctuari là ... Les autres Commissaires vont en faire qu'une bouchée de pain, vous en êtes consciente ? Je dis ça parce que ...

Le mâle semble soudainement hésitant. La demoiselle hausse les sourcils et le fixe du regard, droit dans les yeux, attendant fermement qu'il finisse sa phrase.

- Parce que ?

- Ce n'est pas la première fois que nous faisons appel à leurs services.

Enfin il lâche le morceau, l'animal. Jusque là où elle s'était toujours posé cette question sans réponse du "pourquoi ne pas avoir contacté les autorités compétentes plus tôt", elle va peut-être enfin avoir une réponse. Du haut de sa monture, elle lui demande un simple faveur.

- Continuez Gado, vous m'intéressez.

- Nous l'avons déjà fait il y a de cela des semaines. Tout un groupe de Sanctuari nous a rejoint pour nous prêter main forte, mais ... Ils nous ont tous lâché à la dernière minutes parce qu'ils ont été appelé en urgence par la Prétorienne pour du renfort dans un événement ... Une sorte de Gala, je crois.

Retirer toute ses troupes pour aider des Commissaire à débusquer des braconniers, tout ça pour assurer le bon fonctionnement de son Gala ? Absolument pas fair-play de la part de la Prétorienne. Surtout au vu du résultat. Entre des histoires d'ennui, de tricherie et de non-assistance en personne en danger, est-ce que cela en valait vraiment la chandelle ?

- Et depuis, aucune nouvelle de la Caserne. Elle nous a totalement laissé en plan. Je ne cautionne pas la haine de mes collègues non plus mais ... comprenez qu'on en a gros.

Leiline détourne le regard vers l'horizon.

- Oui, bien sûr, c'est compréhensible. Mais comme vous l'avez sagement souligné, ce n'est pas une raison de cautionner leur comportement d'enfant en bas âge.

Elle se retourne vers lui et lui adresse un sourire sincère.

- Si vous voulez nous montrer que vous valez mieux que ça, je vous propose de venir nous rejoindre devant le camp, en fin d'après-midi.

L'homme-lion lui rend son sourire et acquiesce d'un geste de la tête. Le binôme prend alors sa chasse aux pièges, de quoi s'occuper jusqu'en début de soirée.

L'arrivée de notre Sanctuari préféré fût bientôt suivie de celle, moins agréable d'un Commissaire en furie. Je ne dis rien, mais mon regard s'était durci alors que l'homme s'en prenait verbalement à l'aveugle. La renarde grognait alors que son jeune homologue regardait la scène sans comprendre ce qu'il se passait. Quand à la dragonne, elle avait simplement levé la tête, vérifiant que sa maîtresse n'était pas en danger avant de tourner de nouveau la tête. Elle allait encore bouder longtemps ou bien !?! De mon côté, je m'étais tendue instinctivement, le regard fermé

-Rassurez-moi, ils ne sont pas tous comme ça ? Je vais me faire étriper avant la fin de la journée sinon.

La féline rétorqua, et je hochais la tête à ses propositions. Puis elle s'envola à dos de phénix :

-Et puis, on les laisserais pas faire. Viens Morgan, on va essayer de le trouver.

A vrai dire, je n'avais aucune idée d'où il était, mon intuition me soufflant qu'il ne devait pas rester outre mesure dans la cabane en compagnie de ceux qu'il semblait mépriser. Toutefois, nous n'eûmes pas le temps de bouger que le lion sortait, levant les yeux au ciel et lâchant une réflexion qui me fit une nouvelle fois lever les yeux au ciel. Je soufflais à l'aveugle mi-amusée mi-agacée :

-Lui, par contre il est tout le temps comme ça...

Puis ils se présentèrent, et, contre toute attente, il ne sembla pas plus vindicatif que cela. Une fois reparti je lâchais

-Oh bah, il m'épate pour le coup, je l'aurais cru plus fier que ça le lion. Bon, ben, allons voir si Nolhann est à l'intérieur...

Puis à la dragonne :

-Bon ! T'as prévu de faire la tronche encore longtemps ? Viens là mauvais caractère !

Je réussis finalement à la câliner, signant ainsi la trêve. J'en profitais pour faire les présentations non sans blaguer :

-C'est en train de devenir un zoo ici ma foi ! La grognon c'est Yülina et le petit renard Suta. Et vous deux, interdit d'embêter Morgan ou Sélène comprit ? Même pour jouer Suta je te vois venir !

J'entraînais finalement tout le petit monde jusqu'à l'entrée de la cabane. Je passais la tête à l'intérieur :

-Rebonjour ! Nolhann est toujours ici ?

Je fus accueillie par une flopée de récrimination à base de "pourquoi vous avez amené un Sanctuari chez nous ?" Je refermais la porte, attendant que le niveau sonore descende. Lorsqu'il ne resta que des grommellements, je rouvris complètement la porte, laissant apparaître l'aveugle à côté de moi, répondant simplement :

-Ce qui est fait est fait. Et c'était pas ma question...

Quelqu'un me répondit :

-Non il est pas à l'intérieur il reste jamais très longtemps, il est comme qui dirait un peu arrogant. C'est peut-être pour ça que vous vous entendez bien tous les deux. Parce qu'il faut quand même avoir un sacré culot pour contacter la Caserne, leur demander de venir chez nous, sans même nous prévenir avant. On demande du renfort et voilà que les renforts en question nous plantent un couteau dans le dos... On aurais mieux fait de se débrouiller tous seuls... En plus, votre Sanctuari là, on doute un peu de son potentiel si vous voyez ce que je veux dire...

D'un geste il désigna ses propres yeux et je rétorquais :

-Je ne vous permet pas de critiquer quelqu'un, quel qu'il soit, sur une simple particularité, sans rien connaître d'autre de lui. Surtout Morgan.

Il parti d'un grand rire :

-Tu crois que tu es en capacité de m'interdire de faire quelque chose gamine ? Tu fais quoi si je ne t'obéis pas ? Je fais au moins le double de ton poids et de ton âge.

Un inquiétant sourire étira mes lèvre, stoppant immédiatement son rire, tandis que je répondais calmement :

-Tire un peu trop sur la corde et tu pourrais avoir de mauvaises surprises... Sinon, merci pour l'info, on va donc chercher Nolhann dehors !

Et je refermais secouant la tête face à leur idiotie. Je regardais Morgan, me demandant comment retrouver mon binôme un peu trop discret pour ce monde.

-Autant chercher un aiguille dans une botte de foin. Ça va nous prendre 10 ans de le trouver celui-là. Ah moins que...Je vais essayer un truc tiens... Suta ! Cherche Nolhann ! Celui qui t'as donné des friandises ce matin ! Cherche-le !

Au mot friandises, le renard leva la tête, visiblement intéressé puis partit comme un boulet de canon :

-Bon, plus qu'à le suivre en espérant qu'il ait vraiment comprit...

-Je ne sais pas ce que tu as fais pour que ce gars ai peur de toi mais rappelle moi de ne pas t’énerver...

Je levais les mains en l'air, avec un grand sourire :

-Mais j'ai rien fait du tout en plus ! Promis ! Juste les gros yeux de démon méchant à la limite...

C'était peut-être l'un des seuls avantages d'être une hybride : je pouvais à la fois jouer sur les deux tableaux que je connaissais par cœur, usant des stéréotypes, plutôt fondés en ce qui concernait les ressortissants de mon monde d'origine. Je haussais les épaules lorsque Morgan me remercia. Cela me semblait normal, on ne juge pas une personne sur son physique, et je savais à quel point les commentaires de ce genre pouvaient être blessants, alors je ne les laissais pas passer pour les autres. Pour moi... Bah ! C'était devenu une sorte d'habitude. Et puis, les Anciens trouveraient un moyen de retourner ma légitime défense contre moi-même si jamais je réagissais.

Après ce petit moment, Suta se décida à mesurer notre niveau de sportivité, et par flemme je le suivis par la voie des airs, dans laquelle j'étais plus à l'aise que sur la terre ferme. En arrivant, je découvris le renard perché sur la poitrine de mon binôme, ce qui me fis éclater de rire

-Suta ! Je t'avais pas demandé de lui sauter dessus bon sang ! 'Scuse, il comprends pas encore à 100% ce que je lui demande. Et puis, si tu voulais pas qu'on ait besoin d'utiliser notre super pisteur, fallait pas disparaître comme ça...

Il haussa les épaules avant d'échanger quelques mots avec Morgan, m’adressant un petit regard, l'air de dire "c'est lui votre Sanctuari ?", auquel je ne pris même pas la peine de répondre en lui emboîtant le pas. Il n'allait pas s'y mettre lui aussi ! La voix de l'aveugle me sortis de mes pensées

-Ça serait pas mal... Qu'en pense tu Lylla ? Les herbes me semblent assez hautes pour qu'on puisse se cacher dedans.

J'observais les alentours, évaluant notre point de vue sur le troupeau et sur ce qui nous entourais.

-Ben... J'ai aucune expérience dans les embuscades, mais oui, je ne pense pas qu'on puisse être vus si on est au milieu de tout ça. Ma question, c'est surtout : comment je vais y voir quelque chose en pleine nuit moi ? Si la lumière de la lune est maquée, ça me semble compliqué.

Je haussais les épaules. Après quelques minutes d'exploration de notre cachette, nous décidâmes de nous abriter à l'ombre pour discuter, tout en gardant un œil lointain sur le troupeau désormais gardé par un autre groupe. Nolhann lâcha de but en blanc, comme si Morgan n'était pas présent :

-En fait, j'l'aime bien votre Sanctuari. Au premier abord, on se demande comment un aveugle peut-être chargé de la sécurité de l'Entre-Monde, puisque par définition il ne voit rien, mais finalement si on ne voit pas ses yeux ni sa canne, on ne se doute pas de grand-chose. Je me demande quel est son secret pour pas se cogner partout. Si jamais je tentais de fermer les yeux, je me casserais la figure au bout de quelques mètres !

Nouveau haussement d'épaules :

-T'as qu'à lui demander, il est là en fait.

-N'empêche, la tête qu'ils ont dû faire les autres idiots ! Déjà, proposer d'appeler la Caserne, pour eux, c'est comme un blasphème, mais en plus, un aveugle ! J'en rigole rien que d'imaginer leur tronche. Ils en sont à un tel point de haine que parfois, je me demande si certains ne sont pas carrément impliqués dans ce trafic abject. Vous savez, j'ai grandis à Dun, alors ces animaux je les connais, si j'ai fais en sorte d'être affecté ici, c'est pour les protéger, pas pour autre chose. Je n’ai jamais compris leur inaction. Ils se contentent d'essayer de garder le troupeau en groupe. Jamais personne n'a proposé d’attraper l'un de ces sal**ps, et lorsque j'ai émis l'idée, on m'a reproché de faire du zèle et de m'écarter de la mission qu'on nous avais donné. Quoi que vous ayez besoin pour votre opération, j'essaierais de vous le trouver. Et j'aimerais participer si possible. Nous sommes équipés pour la vision nocturne dans le cadre de notre mission et je ne suis pas de garde cette nuit officiellement...

La confidence me surprit, de toute la matinée, il n'avait quasiment pas décroché un mot, et surtout pas fait d'allusion sur lui-même, se contentant de faire son travail avec rigueur, sans être pour autant désagréable. Alors pourquoi se mettait-il à parler de ça maintenant ? Parce qu'il était sûr qu'aucun de ses collègues qu'il semblait tant mépriser n'était à même de l'entendre à cet endroit ?