Sus au braconniers ! (Mission : Le sauvetage des Tauracles)

En sortant de chez moi, je fus accueillie par un concert improvisé qui me tira un rire. Le renard stellaire, tout aussi enthousiasmé à l'idée de partir en ballade que l'oiseau le rejoint en jappant, sous les yeux des Linéores plus posées.

-A mon avis, ça va être sportif !

Quelques instants plus tard, nous nous retrouvions en plein soleil, non loin d'une étendue d'eau. Mon premier réflexe fût d'enlever mon sweat pour me retrouver en débardeur. J'attrapais également de la crème solaire pour m'en tartiner, tout en cherchant à m'orienter. Où allions nous donc trouver les Commissaires ? Tout aussi surprit par ce changement de climat que moi, mes deux familiers eurent le même réflexe : se rapprocher de l'étendue bleuté pour profiter de sa fraicheur.

-Yülina ! Suta ! Ici ! Je vous connais par cœur, ça va finir en bataille d'eau improvisée cette histoire. On a du travail non mais !

Je m'armais d'un chapeau et de lunettes de soleil pour affronter la luminosité tandis que les deux malins revenaient vers moi

-Par où on va ?

Mon instinct me disait que le troupeau de Tauracles devait être plus facile à repérer que le camp des Commissaires. Leiline sorti un objet inconnu de son sac avant d'indiquer une direction. Après quelques minutes de marche, nous tombions sur le troupeau de mastodontes pâturant tranquillement. Par sécurité, je remis mon renard en laisse, craignant que sa curiosité ne le pousse à aller embêter les taureaux. Au vu de la différence de gabarit, il pourrait se faire écraser par accident, les bovins ne s'en rendraient même pas compte

-Bon, ben maintenant faut trouver leur gardiens....

Le changement est brutal. Même en automne, la chaleur de la région reste encore ancrée dans l'air. Leiline a presque peur d'avoir trop chaud dans sa tenue. Après tout, une grande surface de sa peau reste protégée du soleil.

Elle descend de sa fidèle monture et fouille dans son sac son Cude de Rubis. Son objectif : le camp des Commissaires. En se perdant dans ses affaires, elle trouve mieux : un Feu Follet. La petite boule en verre en main, elle sourit. C'est qu'elle l'avait oublié celle-là ! Largement plus efficace que sa camarade de l’Épicerie.

Elle revient souriante auprès de Lylla qui a bien du mal à discipliner ses animaux. Même Astora prend part à la fête tandis qu'Eden reste près de sa dresseuse, sans réagir. Le paysage est magnifique. L'eau est d'un bleu azure et la végétation luxuriante en profite pour se développer autour. Des étoiles dans les yeux, la féline prend même un instant à admirer l'oasis, à s'imaginer se balader au bord de l'eau, main dans la main avec son amant. Elle ignore si en y pensant très fort, elle peut transférer sa vision par la pensée. Elle l'espère.

<< Je suis en mission près de l'oasis de Dun. J'aimerais t'y emmener, un jour.

Jonglant encore un court instant avec son Feu Follet, elle quitte ses pensées pour revenir à la mission et répondre à la question de sa partenaire. Elle lève fièrement sa petite trouvaille devant l'ailée.

- Nous allons vite le savoir !

Il ne faut que quelques secondes pour que la flamme à l'intérieur indique le chemin à prendre, la féline l'accompagnant par un doigt pointé.

- Par là !

Ce n'est qu'après quelques minutes de marche que les deux jeunes femmes rencontrent les fameux spécimens tant convoités. Des bovidés paisibles qu'Astora et Eden surveillent de très haut dans le ciel, faisant des rondes juste au dessus du troupeau par simple curiosité.

Leiline a presque envie de s'approcher d'eux, mais tout une meute, autant s'en abstenir. Ce n'est pas tous les jours qu'il est possible de cotoyer une espèce rare et menacée, mais en groupe à l'état sauvage, toujours rester méfiant, surtout face à de tels colosses. Elle jette un coup d’œil sur la petite sphère afin de vérifier leur cap.

- D'après notre Feu Follet, nous sommes dans le droit chemin. Faut juste aller tout droit. Je peux même faire mieux.

La femme-chat fouille de nouveau son sac pour récupérer le Cude précédemment cité. Alors que la flamme de la petite boule de verre dirige nos deux amies, la flamme enfermée dans le cube commence à prendre une jolie couleur verte. C'est bon signe.

- Et en plus, nous en sommes proche ! Je pense qu'il ne reste plus grand chose à parcourir avant de les rejoindre.

Alors qu'elle commençait à ranger son Cude, une voix rauque et porteuse les hèle.

- Mesdemoiselles, vous n'avez rien à faire à cet endroit !

Leiline se retourne brusquement à la direction de la voix. Un chertan à la carrure imposante, semblable aux habitants de Zosma, armé d'une arbalète braqué sur les intéressées. Par réflexe, l'hybride se place précipitamment devant Lylla, levant les mains en attendant de voir quelles sont les intentions de l'homme-lion.

- Qui êtes-vous ?

Sans faire d'histoire, n'ayant rien à se repprocher, la féline répond à sa question.

- Nous sommes envoyés pour sauver les Tauracles et arrêter des braconniers. - Elle lui adresse un sourire mutin. - J'espère juste pour vous que vous en êtes pas un.

Le monstre imposant baisse alors son arme, répondant à Leiline d'un sourire.

- Je vois ... - Il hurle dans le vide. - C'est bon les gars, calmez-vous et concentrer vous sur le troupeau !

Plusieurs hommes camouflés réagissent, faisant bouger les fourrés ou les feuillages dans lesquels il étaient cachés. De son ouïe fine, Leiline en compte quatre. Quant à l'homme-lion, il se rapproche des deux femmes et attache son arbalète dans son dos.

- Je suis l'un des commissaires envoyé par K'ouen pour protéger ces bestioles des braconniers. Mais je ne pensais pas qu'on allait m'envoyer de frêles jeunes femmes.

La Li croise les bras et prend alors une posture faussement boudeuse et suffisamment exagérée pour le noter.

- Tout ça parce que vous êtes un lion et moi un chat ? C'est d'une bassesse ! Vous feriez mieux de vous présenter à nous pour vous faire pardonner !

Face à son espièglerie, il rit de bon cœur, jouant même le jeu avec la demoiselle.

- Oh, vous m'en voyez navré. Je m'appelle Gado.

Est ce cette proximité entre félidés qui donne pareille situation ? Les Huit seuls le savent ...

Nous fûmes interrompues dans nos recherches par une voix forte. En nous retournant, nous découvrîmes un être mi-homme, mi-lion pointant vers nous une arbalète chargée. Alors que l’Épicière se précipitait devant moi, je contractais mes doigts, prête à utiliser à utiliser mon pouvoir. Il n'y avait guère de chance que je sois assez rapide pour l'empêcher de tirer, mais au moins, il ne pourrait pas recharger. Au bout de la laisse, Suta se mit à aboyer, tandis que la Linéore grognait, sentant le danger. L'homme finit néanmoins par baisser son arme, et je me détendis d'un coup. Mes familiers eux, continuaient de montrer leur méfiance. C'était à qui grognerait le mieux. Je m'accroupis, leur intimant le calme

-Ça suffit vous deux ! Il est pas méchant...

Avec quelques caresses, je parvint à les faire taire et la Linéore finit par s'envoler rejoindre ses compagnons aériens. Malgré mon peu de concentration apparente, j'avais parfaitement suivi la conversation, fronçant les sourcils au terme "frêles jeunes femmes". Pour qui se prennait-il ce lion ? Je me redressais, récupérant le renard dans mes bras, écoutant l'homme se présenter. Je hochais la tête :

-Et moi Lylla.

Je laissais l’Épicière se présenter. Puis vint l'heure de parler de la mission en elle-même. Rapidement, on nous expliqua la façon d'agir des braconniers, attendant le soir pour être plus discrets et attirer les plus jeune du troupeau à l'aide de citronnelle. Mes poings se serrèrent tous seuls à l'idée de la vie qu'allaient mener ces animaux ainsi séparés du reste de leur groupe.

-Il s'agit toujours du même groupe ? Vous avez une idée d'où est-ce-qu'ils les emmènent ? Ils ne les tuent pas tout de suite quand même....

J'osais espérer que ces horribles personnages étaient suffisamment cupides pour attendre que l'animal ait atteint sa taille adulte. Et qu'ils ne découpaient pas seulement os et corne, laissant la bête en vie en train d'agoniser... J'avais certainement trop d'espoir, mais si il y avait une chance que les animaux soient retenus quelque part, alors peut-être qu'on pourrait les retrouver en plus d'arrêter ces imbéciles trop portés sur l'argent.

Mon regard se porta ensuite sur le lieu, l'analysant pour voir comment nous pouvions profiter du terrain. Ce qui ne m'empêchait pas de continuer à écouter ce qu'il se disait

L'hybride suit de près sa camarade pour se présenter à son tour, mains sur les hanches.

- Et moi, c'est Leiline. Nous voilà présentés, je propose de passer aux choses sérieuses. Nous avons besoin d'en savoir le plus possible sur la situation actuelle.

Les indications du lion sont précieuses. Elles savent maintenant que les braconniers attaquent de nuit et ce qu'elles savent déjà, qu'ils utilisent la citronnelle pour éloigner les petits du troupeau. Il ajoute aussi qu'ils n'hésitent pas à poser des pièges un peu partout dans la réserve et que ses collègues essayent tant bien que mal à les détecter pour les mettre hors d'usage.

Lylla s'intéresse quant à elle au sort qui sont réservés aux créatures entre les griffes des chasseurs illégaux. Leiline espère secrètement que le raisonnement de l'ailée est le bon et que certains sont toujours en vie.

- Bien sûr que non, ils les gardent en captivité pour les revendre adultes. Ça se vend extrêmement cher au marché noir. Il arrive cependant de trouver des mamans Tauracles tuées en essayant de sauver leurs petits …

Faisant la moue, la féline évite de se ressasser la question du pourquoi du comment des gens horribles peuvent en arriver à de telles extrémités juste pour une corne aux effets qui ne sont même pas prouvés scientifiquement. Sa foie en l'être vivant en prendrait un sacré coup.

- Nous n'avons pas réussi à trouver leur repaire, hélas. Mais nous avons pu dénombrer quatre personnes récurrentes du groupe.

Croisant les bras, le regard baissé, Leiline cherche des idées - même les plus farfelues - pour tenter de trouver leur repère. Pas sûre qu'avec le Feu Follet, cela fonctionne, peut-être qu'un "repaire de braconnier" serait trop vague ... Peut-être les piéger ? Avec une illusion ? Voire une transformation, elle qui s'était juré d'éviter d'agir inconsciemment ...

- Je pense que nous pourrons attendre jusqu'à ce midi pour élaborer un plan contre les braconniers. En attendant, nous pouvons donner un coup de main en ce qui concerne le reste ! - Elle désigne souriante la jeune femme aux ailes d'ange. - Lylla et moi avons des familiers. Pour discipliner le troupeau et trouver les pièges, ça peut nous être très utile !

Gado, bras croisés, ne peut s'empêcher de sortir un rire dans un sorte de léger grognement.

- En même temps, c'est pour ça que nous vous recrutons, les demoiselles ! Croyez pas que vous êtes là pour faire du tourisme !

Leiline lève les yeux au ciel et ajoute une espièglerie à l'imposant félin.

- Quelle dommage ! Même pas un repas offert à Dun ? Je suis très déçue !

Elle reprend son sérieux aussi vite qu'il n'était partit il y a quelques secondes.

- Lylla, ce que je te propose, c'est que tu te charges de rassembler les petits auprès des grands. Avec l'aide de Yü, je pense que tu as moyen de diriger les plus jeunes vers leurs mères. Moi, j'utiliserais mon Kasaïr pour scruter les environs et repérer les pièges. Eden fera la surveillance aérienne.

Au geste de sa tête, l'homme-lion semble approuver l'idée et même prêt à accompagner la femme-chat et proposer l'un de ses charmants collègues pour aider l'ange. À voir si la Tchen a une autre idée en réserve.

J'écoutais les explications, un peu soulagée à l'idée que les animaux capturés n'étaient pas immédiatement tués. Leiline exposa nos forces, proposant une idée, le fameux Gado nous sortis :

-En même temps, c'est pour ça que nous vous recrutons, les demoiselles ! Croyez pas que vous êtes là pour faire du tourisme !

Je levais les yeux aux ciel, retenant un soupir. Cette façon de nous rabaisser juste au "rang" de femmes commençait à me porter sur les nerfs. Comme si, juste à cause de ce détail, nous n'étions pas apte à remplir le rôle qui nous a été confié. N'importe quoi ! J'allais me faire un plaisir de lui prouver l'inverse ! J'écoutais le plan de la femme chat, en hochant la tête et ajoutais.

-Les renards stellaires, ils ont un bon odorat il me semble non ? En tout cas monsieur trouve le placard à nourriture pour animaux bien trop facilement à mon goût ! Enfin bref, peut-être, je dis peut-être qu'il arriverait à repérer l'odeur de citronnelle et donc les pièges. Enfin si ils équipent leur pièges de ça.

J'acceptais le coup de main proposé, les Commissaires connaissaient bien mieux les Tauracles que nous, pourquoi se priver de leurs connaissances ? Je découvrais alors mon binôme - heureusement que ce n'était pas l'homme-lion – un humain bien bâti a l'air plutôt avenant. Je me présentais, et il répondit par :

-Nolhann. Bon, allons-y maintenant

Je hochais la tête de nouveau, me rapprochant prudemment du troupeau avec le gardien, ordonnant au deux chenapans de rester à côté de moi. Bientôt, nous repérâmes un premier jeune qui s'éloignait lentement mais sûrement. Nous accélérâmes le pas.

-Hep hep hep demi-tour toi !

J'envoyais la dragonne repousser le petit, qui n'était pas si petit que ça une fois qu'on s'en approchait. Avec force de gestes, nous incitions l'animal à retourner vers les siens. Et d'un ! Un sourire étira mes lèvres et je cajolais ma dragonne pour la féliciter. Nous reprîmes notre tour jusqu'à trouver un autre bovin. Pour celui-là, il fallu user d'un peu de manipulation. Mon souffle s'accéléra. Entre la chaleur et la taille du bestiau, la fatigue se faisait vite sentir. Au bout d'une heure et demie, je réclamais une pause, pour m'hydrater et faire boire mes deux compagnons assommés par la force du soleil et souffler un peu. Je m'excusais :

-On est pas tous autant habitués à un tel soleil...

Après quelques petites minutes de pause presque à l'ombre nous reprîmes notre ronde. C'était un travail fatiguant, mais moins compliqué que ce à quoi je m'attendais. Avec mon pouvoir, cela facilitais, mais je l'économisais tout de même en prévision du reste de la soirée. 15 minutes cumulées, ça partait vite tout de même... Vint finalement l'heure du midi et la pause que je commençais à attendre avec impatience

Une fois le plan approuvé de tous, ils peuvent se mettre sérieusement au travail. Mais avant même que Leiline puisse appeler Astora, l'homme-lion l'invite à se rapprocher de leur QG. Une sorte de chalet tout ce qu'il y a de plus banal, à contrario de la présence d'une écurie à l'arrière. Attendant son binôme non sans impatience, elle le voit ainsi débarquer à dos de Cyliong juste devant elle, fier comme un paon. Un comble pour un félin.

- Je vous emmène ?

Sans prêter attention à son sourire qui trahit ses arrières pensées, la féline l'observe sans rien dire, jusqu'à répondre avec un soupçon de malice.

- Désolé, mais je m'en réfère au plan.

Amenant ses doigts à sa bouche, elle siffle juste une fois pour que ses deux familiers perdent en altitude et ainsi retrouver la terre ferme. Astora commence à chanter, facilitant la montée de sa dresseuse sur son dos. Gado, hoche la tête devant l'énorme volatil.

- Très belle créature !

Une main sur la poitrine et un air exagérément noble, la Li rétorque sur le ton de l'humour.

- Merci, on le me dit souvent.

Elle n'attend pas la réponse de son collègue qu'elle décolle sans plus attendre, Eden les suivant à la trace, laissant derrière elle le pauvre homme-lion sur place comme un idiot.

Dans les airs, Leiline dessine à la Linéore la trajectoire à suivre pour son tour de garde. Cela permet à la cavalière de se donner un aperçu de l'étendue du territoire. Les spécimens sont tous regroupés en un même endroit, à se nourrir des rares herbes présentes entre les grains de sables. Quelques rares fourrées par-ci par-là ajoutent une touche de vert au décor.

L'hybride note un des spécimens s'éloigner légèrement de son groupe, presque à l'arrêt près d'un point précis. Il n'est pas dans le champs de vision de l'ange et de son binôme. Sans plus attendre, elle fait descendre l'oiseau au plumage feu, presque en piquet, de quoi effrayer le bovin et le forcer à rejoindre ses compères. Le Kasaïr atterrit en urgence, ouvrant en grand ses ailes et l'hybride doit se tenir fermement à lui pour ne pas tomber.

Le vent provoqué par le phénix dévoile les bords d'une bâche, la couleur se fondant presque à celle du sable. Curieuse, Leiline quitte sa monture pour se rapprocher. L'odeur de citronnelle lui monte aux narines. Gado la hèle avant qu'elle ne fasse une action incongrue. Sautant du dos de son Cyliong, il rejoint la féline et commence à soulever la bâche. Elle grimace face à la volé de sable et en ouvrant les yeux, découvre le trou caché depuis tout ce temps.

- Ils cachent les trous avec des bâches ou des tissus sous le sable et mettent de l'extrait de citronnelle pour les attirer dedans.

- Merci Sherlock, j'avais remarqué.

Sans même poser le moindre regard sur l'homme-lion, elle retourne vers Astora et grimpe de nouveau sur son dos.

- Maintenant, il va falloir chercher s'il y en a d'autres.

Une longue session de recherche leur permet de débusquer cinq autres pièges, se fiant à la fois à l'odorat du Cyliong et au vent des ailes du Kasaïrs. Puis vient l'heure de la pause de midi.

Midi, enfin ! Nolhann nous dirigea vers une cabane d'où sortaient d'autres commissaires. Ils se saluèrent, se donnant les dernières informations concernant les Tauracles, les uns se dirigeant vers le chalet, les autres vers le troupeau. Changement de gardiens, chacun son tour, de façon à ce que les bêtes ne soient jamais sans surveillance.

A l'intérieur, je soufflais, alors que la dragonne et le renard s'affalaient dans le coin le plus frais qu'ils purent trouver, sous l’œil mi-compatissant, mi-amusé de notre coéquipier :

-Je crois qu'ils ont chaud

-Non, sans blagues ! Et vous, vous avez pas chaud avec ce soleil ?

Mon ton était faussement agacé, mes yeux pétillants de malice. Il haussa les épaules :

-On s'habitue. Et puis, il fait bien plus frais que cet été.

J'ouvris de grands yeux qui déclenchèrent chez lui un rire immédiat. Plus chaud que ça ? J'en avais connu des étés ensoleillés à outrance, où respirer en ville devenait compliqué, plus encore dans les quartiers de Tern ou Ordae, mais là, on battait tous les records.

-Oublies pas qu'on est dans le désert quand même, pas à Entre-Monde

Je fronçais les sourcils quant au passage au tutoiement, mais haussais les épaules, faisant de même.

-Un problème contre les citadins ? T'aurais préféré que ce soit des habitants de province qui viennent aider ?

Je lui tirais la langue, allant m'asseoir autour d'une table, fouillant dans mon sac pour récupérer ce qui était comestible, tâchant de faire taire mon estomac qui commençait à crier famine.

-Du moment que les personnes en question sont motivés comme toi et Leiline, leur lieu de vie n'est pas un problème. En tout cas pour moi. La préservation des Tauracles est trop importante pour s'arrêter sur des détails comme le lieu de vie, la race ou encore le fait que vous soyez des femmes.

Je hochais la tête. Bien que peu bavard, l'homme n'était pas méchant, bien au contraire, mais passionné par son travail, ce qui me le rendait immédiatement sympathique. Dénichant enfin ce que je cherchais au moment où Leiline et Gado faisaient leur apparition, je lançais :

-Yülina ! Suta ! Vous avez faim ?

Deux gamelles d'eau et deux de nourriture furent servis, le renard rappelé à l'ordre comme toujours au moment des repas. Je rejoins la femme chat et les Commissaires qui commençaient à faire le point sur cette matinée.

Leiline entre dans l'espèce de cabane à repos, suivie de très près par Gado qui salue une dernière fois ses collègues qui prennent le relais sur la surveillance des Tauracles. Enfin la pause, midi, enfin sur la terre ferme, enfin le moment de se remplir l'estomac aussi. Ce n'est pourtant pas la chaleur qui favorise l'envie de manger pourtant. Boire, par contre ... Dès qu'elle aperçoit les deux jeunes gens déjà ensembles, elle ajoute avec espièglerie.

- Salut les jeunes ! Nous ne dérangeons pas ?

À la vue des gamelles d'eau, l'hybride fait de même en fouillant dans son sac sans fond et récupère de quoi hydrater et nourrir ses petits camarades. Partit s'occuper d'Astora resté dehors sous un préau à l'abris du soleil dû à sa taille, elle fait un passage à l'extérieur, laissant au bon soin de son binôme de faire un point avec Lylla et Nolhann.

- J'espère que ça s'est bien passé pour vous. Nous c'était au poil ! Nous avons pu débusquer cinq pièges, même si c'est contrariant de voir tout ce dont les braconniers sont capables de faire pour arriver à leurs fins ...

Le musculeux lion s'assit sur un tabouret en bois presque trop petit pour lui, à côté de son camarade, juste en face de Lylla.

- Et toi Nolhann ? Comment ça s'est passé ton tour de garde avec la demoiselle ? Elle ne t'a pas fait trop de misères ?

Au même instant, la femme-chat revient pour couper court aux questions ridicules du félin d'un coup des deux mains frappant le bois de la table. Elle en fait presque sursauter l'intéressé sur le coup. Ce n'est qu'après avoir toute leur attention qu'elle s'assit aux côtés de Gado.

- Trèves de galéjades. Nous avons une mission à mener à bien, au cas ou cela vous échapperais.

Il y a un moment pour les blagues, il y en a un autre pour reprendre son sérieux. Pour Leiline, il est évident que le deuxième cas est arrivé et ce depuis plusieurs heures. Ce n'est pas la première fois qu'elle reprend le chertan à dévier sans raison dans un autre sujet que la mission. Et ce ne sera certainement pas la dernière au vu de son caractère ...

- Nous étions censés parler de "comment trouver la cachette des braconniers ?". Lylla et moi avons besoin de connaître toutes les informations dont vous disposez à leur sujet.

L'homme-lion ne peut s'empêcher de lâcher un énième rire devant le sérieux de la demoiselle.

- Et bien ... Vous savez, à part ce que nous avons déjà dit tout à l'heure, il n'y a pas grand chose à ajouter ! Hormis ce que vous avez vu en plus avec les pièges, je veux dire ... Nous ne connaissons en rien la localisation des braconniers, nous savons qu'ils agissent à quatre en règle générale.

Ce n'est pas les informations qui les étouffent, mais c'est déjà un bon début de savoir combien sont ils. Ce que Leiline se demande, c'est pourquoi ils n'ont toujours pas réussi à les attraper d'eux-même. Ils leur sont supérieurs en nombres et ont clairement l'avantage. Ou alors, les voleurs étaient bien trop organisés pour que les Commissaires puissent faire quelque chose ...

- Ce que je veux savoir surtout, c'est leurs méthodes. Par quels directions ils arrivent, l'heure précise à laquelle ils arrivent, ont t-il des capacités déjà utilisées devant vos commissaires. Je veux savoir tout, que ce soit de l'un ... - Elle pose un regard plus soutenu sur le binôme de Lylla. - Comme de l'autre.

Elles en avait entendue assez de la part de Gado dès leur arrivée, la féline est très curieuse d'entendre le son de glas des autres membres du groupe. Elle a espoir que Nolhann soit un bavard à ce sujet et qu'il ne soit pas intimidé par son camarade à l'allure de fauve. Et peut être que les plats qui arrivent, envahissants la pièce de divers parfums agréables, donneraient une ambiance un peu plus détendue et plus enclin à la discussion.

-Salut les jeunes ! Nous ne dérangeons pas ?

Je tirais la langue à la femme-chat en m'installant à mon tour sur un siège alors qu'elle ressortait visiblement pour s'occuper de son grand ami à plumes. Je me penchais pour attraper le renard stellaire au passage alors qu'il se précipitait à son tour vers la sortie

-Toi tu restes à l'intérieur non mais !

J'écoutais sans piper mot le lion raconter sa matinée tout fier de lui. Puis, fidèle à ce qu'il nous avait déjà montré de sa personnalité :

-Et toi Nolhann ? Comment ça s'est passé ton tour de garde avec la demoiselle ? Elle ne t'a pas trop fait trop de misères ?

Mouais... Autrement dit, est-ce que je suis un boulet quoi... Je fis un semblant de grimace, échangeant un regard presque entendu avec mon binôme. Qu'y avait-il à répondre à cela ? Mais avant que l'un de nous ait trouvé une quelconque répartie, Leiline revint, visiblement plus sérieuse, et peut-être même agacée du comportement de Gado. En même temps, s'il s'était comporté ainsi toute la matinée, je pouvais la comprendre. Pendant le court échange qui suivit, je ne pus m'empêcher de lâcher à mi-voix un :

-Et bah, elles sont fameuses ces infos...

Sitôt les plats arrivés, je commençais immédiatement à manger, rapidement imitée par la plupart des personnes présentes dans la pièce. Ça creuse l'appétit d'utiliser sa magie ! Après quelques secondes où le regard de mon binôme de la matinée oscilla entre nous trois, il se décida enfin à reprendre la parole, lançant un regard qui se voulait presque être du défi à la femme-chat : qu'elle essaie de le couper, puis à Gado :

-D'abord, et ce pour clore le sujet une bonne fois pour toute, la demoiselle a un prénom : Lylla. Et la demoiselle comme tu dis a fait sa part du travail plus que correctement. Elle a un pouvoir plutôt intéressant, et je pense que tu n'aurais pas forcément fait mieux malgré tes gros muscles. Ne t'en fait pas, elle est compétente. Maintenant que cette question est traitée, passons à la suite

Le ton se voulait peu sérieux, mais le regard ne trompait pas, tout comme celui des autres Commissaires. Ces deux là ne s'appréciaient pas forcément. Et les mots qui suivirent ne firent que renforcer mon impression :

-Certes ils agissent à 4, mais d'après moi, ce ne sont pas toujours les 4 même individus. Ils sont très discrets. Ils changent systématiquement de point d'arrivée, comme d'heure, même s'ils privilégient les heures les plus sombres. Ils attirent les jeunes à l'écart du troupeau grâce à la citronnelle comme vous le savez déjà. A la nuit tombée, il devient plus difficile de voir si des petits s'éloignent, et ce malgré toute notre vigilance. Certains Commissaires à proximité du lieu choisi s'endorment de façon irrésistible. Et en général, quand il ont attrapé un petit, il est trop tard. Il disparaît littéralement. Les individus foncent alors vers un véhicule. Puis il prennent la route. Malheureusement, on a jamais réussi à les suivre, ils roulent pendant quelques kilomètres tout droit en gardant le Troupeau dans leur dos, puis les empreintes s'arrêtent. Peuvent-il voler, ou "simplement" manipuler la terre de façon à recouvrir leur traces ? Je n'en sais rien. Peut-être même se téléportent-il, ce n'est pas mon domaine, peut-être pourrez-vous nous éclairer à ce sujet. Comme sur la disparition des petits. Ils sont là, on cligne des yeux et pouf ! Ils ont disparu. C'est pour cela que nos efforts se concentrent principalement sur le fait de garder le troupeau groupé. On arrive pas vraiment à déterminer ce qui cause ces phénomènes...

Le nez dans mon assiette, je réfléchissais :

-Tout ce que je sais de la magie, je le déduis de mon propre pouvoir. En prenant l'hypothèse d'une téléportation dans les deux cas, pour moi, la quantité à déplacer est bien trop importante pour que ce soit une faculté spéciale possédée par l'un des membres du groupe. La quantité à déplacer est bien trop importante : vous imaginez ? Un Tauracle, plus 4 hommes et un véhicule ! Le gars tomberait dans les pommes avant d'avoir réussi. Si un tel effort ne le tue pas. Par contre, pour ce qui est de l'endormissement et de la discrétion surhumaine, peut-être que ce sont des compétences propres au membres du groupes. A moins que tu ne connaisses d'autres méthodes moins surnaturelles Leiline ?

L'échange entre certains protagonistes est houleux. Et lors de la toute première intervention de Nolhann - que Leiline juge honorable par ailleurs - elle ne peut s'empêcher de grimacer d'un sourire à la fois gênée et se retenant de rire, adressée à Lylla. Effectivement, les deux ne semblent pas s'apprécier pour le moins du monde. Alors pourquoi Gado avoir misé sur lui, se dit l'hybride ? Ce dernier fait d'ailleurs profile bas, tentant vainement de s'excuser en rigolant.

Mais les informations du jeune homme sont plus qu'intéressantes. Bien au delà de ce qu'a pu offrir l'homme-lion. Ces gars sont très organisés et n'hésitent pas à faire usage de produits ou de sorts narcotiques et de téléportation. Après ça reste à vérifier. Les raisons sont nombreuses comme peut le répondre la féline à la question de son amie.

- Difficile de ne pas parler de méthodes surnaturelles dans un monde comme le nôtre Lylla. Les possibilités sont infinies. Les titres offrent bon nombre d'options. Il existe au moins quatre titres pour pouvoir se téléporter à distance et s'il s'agit d'un sort, il est possible de le faire améliorer à l'Observatoire. Ensuite il y a la possibilité qu'ils aient enfermé les Tauracles et leur voiture dans un Sarkina et qu'ils utilisent le titre Caelum pour léviter, mais celui-là prend trop de préparation pour laisser le temps aux braconniers de quitter la zone rapidement. Pour ce qui est d'endormir, carreaux Hypnos de l’Alchimiste. Il y a même peut-être des objets ou des plantes qui le permettent dont j'ignore l'existence.

Elle pense très brièvement à la possibilité des objets illégaux mais pour des raisons évidentes, elle n'y connaît absolument rien … Pourtant, elle sourit avec un soupçon de malice.

- Mais il y a autant de possibilité pour nous de tenter d'attraper ces ordures. J'ai déjà quelques petites idées derrière la tête, reste à vérifier deux ou trois détails.

Laissant planer le suspense, elle décide d'entamer le plat qui vient tout juste de lui être servi. C'est dans un silence pesant que le quatuor entame et finit même le repas. Leiline ne veut pas s'éterniser plus longtemps sur les lieux et quitte le bâtiment, invitant discrètement l'ange à la suivre. La femme-chat se dirige vers ses deux familiers qui l'attendait sagement dehors, leurs gamelles désormais vides. Ce n'est que lorsqu'elles se retrouvent seules et à l'abris des regards que la féline décide de faire part de son plan.

- Comme tu le sais, notre ordre de mission nous dit ouvertement que nous sommes juste censées désactiver les pièges et protéger les plus jeunes Tauracles des braconniers. Rien de plus. Mais je ne peux pas rester les bras croisés à rien faire pendant qu'une espèce protégée est menacée d'extinction par plusieurs clampins.

Ce n'est pas dans le code de l'honneur de l'Épicière qu'elle est.

- Nous avons besoin d'aide d'un Sanctuari pour cette nuit. J'ai bien un plan pour attraper l'un de ces bandits, mais nous avons besoin d'être supervisés pour l'opération. Jamais je n'aurais cru dire ça un jour mais nous ne pouvons pas agir inconsciemment face à ce genre de personnes

Il a fallu que l'amour lui tombe dessus pour qu'elle dise un jour quelque chose d'aussi censé et qu'elle n'aille pas se jeter tête baissée dans la gueule du loup.

- Si jamais tu es d'accord avec moi, je contacte tout de suite la Caserne. Si tu as un autre plan, fais le moi savoir.