Un même objectif, deux points de vue différents

L'homme marchait dans les rues de Northrives l'air de savoir exactement où il allait. Et pour cause. Il devait absolument parler a quelqu'un. Ces derniers temps, il avait remarqué un changement dans le comportement de sa fille. Malgré le fait qu'elle leur parlait toujours aussi peu, si ce n'est pour ainsi dire pas, elle semblait plus épanouie, moins renfermée. Il s'en était réjouit. Il avait rapidement comprit que le responsable de ce changement bénéfique était une sirène habitant non loin de chez eux. Au début, il s'était un peu méfié puis, à force de le voir, il en avait conclut qu'il était quelqu'un de bien et que son enfant tenait beaucoup à lui. Il devait même avouer que l'ondin était meilleur que lui, dans sa relation avec Lylla il lui apportait plus de chose que lui. Lui n'avait jamais su comment faire et il l'enviait pour cela.

Tout allait pour le mieux et l'aide d'Elliot pour redonner confiance en sa fille combinée à ses petites mises au points discrètes avec les jeunes du quartier avaient fait baissé le taux d’agressions sur sa fille. Cela faisait des années qu'il essayait de faire cesser cela, mais la haine de l'inconnu était plus forte que les menace d'un démon qui ne pourrait de toute façon pas les mettre a exécution. Et tant que sa fille ne comprenait pas que cette situation n'était pas normale, qu'elle n'avait pas eu ce déclic lui faisant redresser la tête face à ces gens, ils ne l'auraient jamais laissée tranquille. Ce déclic elle l'avait eu grâce à Elliot et cette nouvelle confiance avait fait diminuer la nombre d'attaques. Inconsciemment, ils avaient comprit que ce n'était plus pareil et ça les amusait moins.

Puis était arrivé le bal de la BCP. Celui où sa femme avait commit l'irréparable. Elle avait détourné le regard. Maudite soit-elle ! Leurs rapports déjà tendus avec Lylla s'étaient totalement détériorés à partir de cet instant. Et elle avait commencé à replonger dans ses vieux tord. Elle s'isolait de plus en plus, ne s'ouvrant qu'au contact de l'ondin. Et encore... Elle ne lui disait pas tout. Et les jeunes l'avaient senti. Une semaine après sa mission dans les mine dont elle n'avait fait qu'un très vague résumé à la sirène, ils lui étaient tombé dessus à cause d'un accident. Une pierre avait failli tomber sur elle et Charly durant la mission. Et celui-ci voulait se venger. Il savait qu'elle n'en avait soufflé mot à son ami, préférant camoufler ses bleus sous des manche longues. C'était plus facile avec le froid qui s'installait.

Et dernièrement, Lylla s'était plantée devant lui pour lui annoncer qu'elle quittait la maison visiblement sans s'attendre à une quelconque réaction. Il avait refusé, lui avait interdit de déménager, et s'en était suivi une violente dispute chacun campant sur ses position, et personne n'étant vraiment capable d'exprimer ce qu'il ressentait. Et puis, sa femme s'en étaient mêlée, essayant de le soutenir, mais elle n'avait fait qu'empirer les choses. Résultat, tout le monde était partit s'isoler dans son coin, refusant de communiquer.

Il devait l'empêcher de faire cela ! Et c'était pour ça qu'il se dirigeait vers la coquette demeure de Northrives. Il devait faire comprendre à la sirène que c'était la pire idée possible. Elliot avait cru bien faire, mais il ne se rendait pas compte de la réalité de leur petit bout de quartier. Un déménagement ne changerait rien, il risquait même d'empirer les choses. Elliot devait dissuader Lylla de partir, car lui en était incapable.

Il sonna, et quand la sirène lui ouvrit, il lança rapidement :

-Bonjour, j'espère que vous me reconnaissez, je suis le père de Lylla. Écoutez, il faut vraiment que vous arrêtiez de fourrer des idioties dans la tête de ma fille !

Il se tût, son regard rouge sang fixé sur l'ondin, ne sachant pas comment exprimer exactement ce qu'il se passait. Il n'aimait pas étaler sa vie devant les autre, et encore moins demander de l'aide, il avait sa fierté et surtout était extrêmement réservé. A tel point qu'il n'avait jamais réussi a construire une réelle relation avec sa fille.

L'homme se rendis rapidement compte que son entrée en matière avait été quelque peu... brutale... Il n'était pas venu ici pour agresser la sirène ni pour agresser la sirène ni pour se faire tuer ! Il recula instinctivement levant légèrement les mains en signe d'apaisement. Il observa silencieusement l'ami de sa fille distribuer des marques d'affection à ses animaux en les incitant au calme

-Je ne pense pas que vous souhaitiez parler de tout ça dans la rue Monsieur Argette. Entrez.

Le démon s’exécuta, remarquant l'hostilité des animaux à son égard. Néanmoins il ne savait pas comment changer cela, alors il fit mine de ne rien voir, les mots d'excuses qu'il aurait pu et même dû adresser à l'ondin restaient bloqués dans sa gorge. Il s'assit sur le canapé indiqué et acquiesça à la proposition d'un café et se mit à analyser la pièce où il se trouvait, la décoration chaleureuse et conviviale. Il pouvait presque imaginer sa fille s'approcher du mur dans la curiosité qui la caractérisait ce qui lui arracha un sourire imperceptible. Il la connaissait mieux qu'il n'y paraissait après tout. Elliot revint avec les boissons et enchaîna sur le sujet qui les réunissait ici :

-Donc... si j'ai bien compris c'est la volonté de Lylla de quitter la maison qui vous dérange. Pourriez-vous m'expliquer en quoi ? Ah et s'il vous plait, ne criez pas. Je ne pourrais pas toujours retenir Rivière...

Pourquoi ? Pour une raison qui pouvait paraître bien égoïste surtout pour quelqu'un qui ne connaissait pas leur communauté. Pour sa tranquillité d'esprit en grande partie

-Vous ne pouvez pas comprendre...

Il savait qu'Elliot ne se contenterait pas de ça, il allait devoir approfondir, expliquer ce qui n'était pas possible sans livrer ses sentiments, chose qu'il détestait faire

-Elle... est une paria vers chez nous... c'est presque un sport de la détester et lui rendre la vie dure. Les adultes font comme si elle n'existait pas mais épient le moindre de ses gestes pour la critiquer entre eux et débattre d'à quel point elle est mal élevée et ses fréquentations sont mauvaise. Et... ils savent parfaitement ce que font leurs enfants. Je sais que vivre dans cet environnement est mauvais, mais ça fait 18 ans que j'essaie vraiment de changer ça. Malheureusement, je n'ai pas beaucoup de poids ce que je peux dire n'a pas beaucoup d'impact. Au moins, quand elle est à la maison je sais qu'elle est tranquille et en sécurité. Je sais que personne ne viendra lui chercher des ennuis. Si elle s'en va, plus jamais je n'aurais cette assurance. Et... sans vouloir remettre en cause votre raisonnement... à mon avis... déménager, changer de quartier n'améliorera rien, au contraire. J'ai bien peur qu'elle ne retrouve régulièrement son appartement saccagé... J'ai essayé de lui en parler, mais cela fait bien longtemps qu'elle nous a refusé le droit de lui dicter sa vie. Et c'est encore pire depuis le bal, et pour cause...

Tout le temps où il parlait, d'une voix posée, ses yeux rouge n'avaient pas quitté ceux de la sirène. Il était vraiment sincèrement inquiet. En détournant le regard finalement, il ajouta beaucoup plus doucement

-Elle vous aime énormément vous savez... Vous avez réussit à gagner sa confiance et sa sympathie si facilement.... Pendant un moment... j'en ai été un peu jaloux... c'est ridicule je suis son père mais je n'ai jamais réussit à communiquer avec...

Au fond de lui il se demandait vraiment où il avait échoué.

L'homme fronça les sourcils en entendant la sirène lui parler. Elliot n'avait pas tord, loin de là, mais admettre ses erreurs était dur et face à quelqu'un d'autre encore plus. Il se mordit les lèvres pour ne pas répondre plus sèchement qu'il ne le voulait. Sa colère n'était pas dirigé contre l'ondin, loin de là, il s'en voulait à lui-même, comme il s'en était toujours voulu depuis leur fuite de leur ancien monde. Les dernières paroles de l'ami de sa fille lui tirèrent un léger sourire, faisant remonter de doux souvenirs en lui, ce qui lui permit de répondre d'une voix posée, quoique un peu amère :

-Il y a parfois des choses qui arrivent sans qu'on le veuille... si j'avais eu le choix..... Malheureusement j'ai une femme particulièrement naïve et les anges ont des principes, la faire changer d'avis est compliqué : on attente pas à une vie pour ce genre de raison, et ce même si cette vie n'est à cet instant qu'un petit amas de cellules... Et pour votre dernière question, je n'en sais rien, cela doit remonter au moment où elle apprenait à se servir de son pouvoir...

Le démon s'arrêta soudainement et l'infime sourire qui étirait ses lèvres jusque là disparu tandis que son regard se faisait méfiant, se portant sur la fenêtre. Il lui avait semblé percevoir du bruit dehors... Il se leva, le moins brusquement possible et partit d'un pas décidé ouvrir la porte. Il repéra très vite le jeune démon tentant de s'éloigner discrètement :

-Tiens ! Mais mais ce cher Charly ! Que fais-tu ici ? Ça ne te suffit pas de t'en prendre à ma fille ? Je te préviens, que je n'apprenne pas un jour qu'il s'est passé quelque chose ici, sinon tu aura de mes nouvelles...

Sa voix faussement joyeuse s'était mué en un avertissement silencieux, parfaitement comprit par le jeune mineur qui préféra fanfaronner :

-Pfeu ! Comme si t'allais me faire peur Gabriel ! T'es qu'un paria de toute façon, tu n'a aucune autorité sur moi !

-Je t'aurais prévenu...

Il referma ensuite la porte, changeant de nouveau brusquement d’attitude. L'arrogance dont avait fait preuve le démon mineur en disait long sur l'image que ses congénères avaient de lui. En s'entêtant à rester avec Laeticia même si ça lui était interdit, il avait perdu l'immense majorité de sa communauté, ses amis, sa famille, très peu avaient accepté de garder contact avec lui et le suivre dans l'Entre-Monde, devenant à leur tour des parias... Il se tourna vers la sirène, dépité :

-Comme je le disais précédemment je n'ai pas beaucoup de poids... Charly cherche à se venger de la soit disant tentative d'assassinat de Lylla... Une pierre lui est tombé dessus dans la mine où elle a effectué sa première mission et il s'entête à dire que c'est de sa faute... Ils n'ont jamais comprit qu'elle ne peut pas faire bouger ce qui est inanimé mais la moindre excuse est valable pour lui et ses amis... Leur inimité de date pas de cet accident.... Mais ça n'a rien arrangé...

Après un instant de réflexion, l'homme aux yeux rouges confia également :

-Lylla... n'avait pas prévu de vous en parler alors...

Il n'avait pas l'intention que sa fille apprenne qu'il était venu ici, elle ne lui pardonnerait pas qu'il ait tenté d'influencer son ami. Même si c'était pour son bien à elle.

La réaction de l'ondin montra au démon plusieurs choses. D'une part, il était plus convaincant que lui quelques secondes plus tôt. Et d'autre part, Lylla comptait vraiment pour lui. "Ma petite Lylla"... Cela en disait long sur son attachement à sa petite hybride. Il oscillait entre le soulagement de savoir qu'elle avait quelqu'un sur qui compter et l'envie d'affirmer que c'était lui son père quitte à blesser la sirène. Mais cela ne serait pas une bonne idée, Elliot serait capable de lui rappeler ses erreurs comme il l'avait si bien fait quelques instants. A cet instant, le démon avisa les mains tremblantes de la sirène :

-Il ne fera rien sauf éventuellement tenter de faire peur : autant ses parents n'en ont rien à faire de la famille Argette, autant ils ne laisseront rien passer s'il s'agit de quelqu'un d'extérieur à la communauté.

C'était un constat, il connaissait parfaitement le fonctionnement de la communauté, calqué sur celui de leur monde. Simple, sévère cruel même, mais sans ambigüités. Il avait fauté, il avait refusé de s'amender, il avait été exclu. Point. On ne pouvait en dire autant de la communauté angélique. En tout cas s'il se passait quelque chose il donnerait l’adresse des parents aux habitants de cette maison. Indépendant ou pas, il restait sous l'autorité de ses ainés qui ne manqueraient pas de le rappeler à l'ordre.

Il sentit aussi la retenu de l'ondin face à ses révélations et pouvait imaginer sans peine sa déception :

-Elle a toujours fait ça vous savez. Elle a peur d'ennuyer les gens avec ses problèmes alors elle les minimise.

Elle lui ressemblait trop à vrai dire. Deux êtres mal à l'aise avec leurs sentiments, maladroits dans leurs relations sociales trop pudiques pour exprimer leur ressentit aussi bien bons que mauvais. Quelque part ce n'était pas vraiment étonnant qu'ils n'arrivent pas à se parler. Les mots étaient tellement dur à trouver qu'il était plus facile de se murer dans le silence. L'ondin ne semblait pas au meilleur de sa forme, mais revint néanmoins sur le sujet les préoccupant.

-Pour en revenir...à son déménagement.. Ne pourrions nous pas trouver un compromis ? Après tout je pense que s'éloigner de sa mère lui fera du bien, mais je comprend totalement vos peurs quand à la voir devenir indépendante si brutalement... Peut-être pourriez-vous la faire loger chez quelqu'un que vous connaissez, quelqu'un de confiance ?

Un rire échappa au démon. Quelqu'un de confiance ? Non décidément l'ondin n'avait rien comprit. Il était seul, ceux qui l'avaient suivit voulaient le convaincre de rentrer à la maison de redevenir celui d'avant pas pour le soutenir dans son objectif d'élever son enfant, parce que quoi qu'on en dise, c'était sa chair et son sang, et il était déjà très attaché à cet enfant qui débarquait dans leur vie.

-Malheureusement même s'il existe encore des personnes qui ont du respect pour moi, ils n'aiment pas autant ma fille. Et ils ne sont pas non plus prêts à être reniés par leurs pairs pour mes beaux yeux. Ils estiment qu'ils se sont déjà assez mit en danger pour moi, et ils n'ont pas tord. Après tout aucun d'entre eux n'a pût rentrer chez nous à cause de moi et de Laeticia...

Les mots de la sirène se firent plus durs, comme pour tenter de lui faire prendre conscience de quelque chose qu'il savait déjà. Mais il n'était pas Laeticia, lui n'était pas capable d'aller vers les autres si facilement. Mieux vaut être seul que mal accompagné non ? Il n'était pas non plus capable d'envoyer balader tout ce qu'il connaissait au risque de perdre les dernières personnes qui lui restaient, ces dernières personnes qui tenaient à lui. Comme son grand frère par exemple. Paul ne lui pardonnerait pas de cracher sur le dos de la communauté. Même s'il en avait parfaitement le droit vu ce qu'ils lui avaient fait subir. Il aimait les siens malgré leurs règles débiles qui n'avaient plus aucun sens dans ce monde.

-L'Entre-Monde regorge de personnes très différentes, de toute origine, de toute espèce. Pourquoi vouloir absolument rester avec des anges et des démons ? Vous pourriez fréquenter des humains, des hybrides, des nymphes, des dieux, des esprits.... N'importe qui. Des gens qui vous comprendraient. Mr Argette vous méritez mieux que tout ces imbéciles, alors ne restez pas avec ceux qui vous blessent.

Le démon baissa les yeux devant l'évidence. Il se sentait comme un gamin prit en faute. C'est vrai, pourquoi rester avec ceux qui ne comprenaient pas, qui ne voulaient pas comprendre. Cela relevait presque du masochisme à ce point là.

-Je ne connais que ça... Je préfère baisser la tête et subir plutôt que de perdre ceux qui comptent. Comme ma femme et mon frère par exemple. Ils pardonneraient difficilement que je transgresse nos règles en m'intéressant aux autres races, vous comprenez nous somme supérieurs à tout cela. Les autres races ne sont... Rien... Enfin, dans notre éducation, on nous les présente comme tel. Et si jamais j'avais le malheur de me mettre complètement à dos le reste de notre groupe en répondant d'une mauvaise manière à leurs critiques...

La vérité, c'était qu'il avait peur de se retrouver seul. Il s'accrochait désespérément à ceux qui lui restaient préférant souffrir en silence plutôt que de les perdre. Il avait peur du changement aussi, il fallait bien se l'avouer. Même si son quotidien était dur, il n'avait rien d'inconnu. Et l'inconnu lui semblait bien plus effrayant

-Pour en revenir à Lylla... Peut-être pourriez-vous créé un petit studio chez vous ? Il me semble me souvenir que votre maison est grande. Ça pourrait être un compromis envisageable.

Une étincelle d'espoir s'alluma dans les yeux du démon. Il n'avait pas envisagé les choses sous cet angle. Il considéra quelques instants l'idée sans rien dire, essayant de déterminer si c'était possible, et si cela conviendrait bel et bien à tout le monde.

-Ça me semble possible oui... Tout le monde devra s'habituer à ne plus pouvoir dormir à l'étage, mais si j'en parle avec Laeticia, ça ne devrait pas poser de problème. C'est encore notre maison aux dernières nouvelles. Et elle ne fera pas passer son grand sens de l'hospitalité avant sa fille. Enfin, je ne l'espère vraiment pas

Puis il ajouta, avec un soupir dans la voix

-Et puis surtout il faut que ma fille accepte de m'écouter sans m'envoyer balader. Il me semble... Enfin de ce que j'ai pu tirer des propos décousus de ma femme que vous avez eut un petit aperçu de la façon dont elle peut nous parler quand elle est en colère. Au bal de la BCP... Encore des mondanités inintéressantes à mon sens. J'aurais peut-être dû les accompagner cette année j'aurais peut-être réussit à éviter ces... évènements désagréables pour tous ceux qui y ont prit part.

Même s'il n'avait pas toute l'histoire, sa femme étant pour une fois restée presque muette, puis quelques semaines plus tard, sa langue s'était enfin déliée, mais ses propos étaient tellement décousus. Une dispute avec sa fille à propos du bal, et une inconnue qui aurait tenté de la tuer le même jour. Il n'avait pas tout comprit...