Enchantement à fleur de peau

Leiline est enfin équipée. Une armure complète en cuir, il lui fallait bien ça. Mais sa condition d’épicière lui permet d’avoir une sacré somme de côté et avec la dernière venue de Dinu, le compte en banque n’a pas plus baissé que ça.

Elle en profite alors pour rendre une visite à son partenaire de jeu favoris afin d’y faire enchanter l’armure intégrale. Elle a déjà une idée de chaque enchantement pour chaque partie de l’armure et éventuellement son carquois, à voir avec Corben si c’est possible. Logiquement, tout est possible, c’est de la technomagie.

Elle s’emmitoufle dans sa petit cape – Alibert sur son épaule – et se recouvre de sa capuche, Perçant en main, armures complète dans son sac sans fond sur le dos, direction le Vandavel.

Arrivée sur la plate-forme, elle se présente auprès de cet affectueux heurtoir qui orne la porte du zepplin qu’Alibert s’est empressé d’examiner de plus près.

- Bonjour Murray ! Ça fait longtemps dis moi. J’ai besoin de voir Corben.

Depuis le temps, il doit être habitué à l’ironie et au sarcasme de la jeune féline. Elle n’hésite pas une seconde à laisser son Precious l’embêter sans même le rappeler à l’ordre comme elle a l’habitude de le faire.

S'il fallait féliciter Murray pour quelque chose, c'est parfois le self-control qui était capable de montrer. C'est avec un air parfaitement neutre et zen qu'il subit les attaques du Precious. Il se permet même un « Dame Leiline » parfaitement poli et l'hybride put entendre le bruit de la clenche jouer pour ouvrir la porte.

J'étais assis dans le salon, dos à l'entrée, me pinçant l'arrête du nez pour essayer de faire du tri dans tous les papiers administratifs et factures de mes dernières commandes. Le Vandavel était une joie à habiter, mais un cauchemar à gérer.

J'entendis Parsec japper et sautiller dans le couloir. Je lui demandais de se calmer sans même tourner le dos, l'habitude que ce nouveau pensionnaire parte parfois soudainement en crise de folie joueuse. Le cadeau de Leiline était très sympa, mais quand il commençait à farfuter dans la cuisine à la recherche de nourriture, je ne pouvais m'empêcher de ronchonner mentalement sur l'idée d'un animal de compagnie terrestre sur un navire volant.

Parsec n'arrêtant pas ses petits cris de joie, je tournais la tête pour voir quel objet pouvait bien le passionner autant que je tombais sur l'hybride précédemment nommée.

- Leiline ? Je n'ai pas entendu Murray hurler, je soupçonne qu'il fait toujours la tronche ?

On avait changé récemment le bois de la porte d'entrée, et Murray nous avait hurler tour une journée de remettre les dernières planches qui le reliaient encore à l'ancienne Antre. On avait bien essayé de lui expliquer que les planches étaient vermoules, il n'avait rien voulu savoir et s'était emmuré dans un silence fâché depuis 2 jours.Qu'il ait réussi à garder son silence en face de l'Épicière mutine relevait de la force de caractère. J'en venais presque à regretter de lui avoir changer ses planches...

- Qu'est ce que je peux faire pour toi ? Tu as besoin de quelque chose ?

Je me levais, m'approchant pour lui faire la bise. Sa venue était toujours un plaisir, alors si elle venait pour un enchantement, ça doublait le capital bonheur de la journée.

Leiline n’en revient pas. Murray vient de l’appeler « Dame Leiline ». Corben a finit par lui apprendre la politesse ? Elle rappelle Alibert d’un claquement de doigt et commence à entrer à tâtons. Elle s’attend presque à ce que le heurtoir lui fasse une feinte, mais il n’en est rien.

Elle est accueillit en douceur avec un Parsec plus qu’heureux qui ne prend même pas compte des remontrances de son maître. L’hybride avance dans le salon et chuchote un brin amusée au renard qui slalom entre ses jambes.

- Calme toi, tu vas encore te faire enguirlander.

C’est au moment où Parsec s’assoie aux pieds de Leiline que le Technomage remarque sa présence. Elle arbore son plus joli sourire. Ce sourire radieux qu'elle porte toujours lorsqu'elle se retrouve à ses côtés.

- Bonjour Corben. Oui étrangement Murray a été très conciliant aujourd’hui.

Après lui avoir fait la bise, la féline se défait de son sac sans fond et le garde dans les mains par la lanière.

- J’ai effectivement besoin de toi pour une très grosse commande.

Leiline détourne le regarde sur la table basse où se trouvent des papiers en vrac. Elle recule d’un pas et prend soudainement un air gêné.

- Mais … tu avais l’air occupé, tu veux que je revienne plus tard peut-être ?

Je suivais le regard de Leiline et pointait du pouce mes papiers administratifs.

- Ça ? Oh non, ne t’inquiète pas, c'est plus rasoir que pressé. J'y retournerais quand on aura réglé ton affaire.

Un claquement de doigt et tous mes papiers se redressèrent et se rangèrent tous seuls dans un gros classeur-trieur que je déposais sur un coin de la table. Ses papiers enchantés étaient vraiment pratique pour le rangement.

Je sifflais mon renard qui hésita quelques instant entre Leiline et moi, avant de bondir dans mes jambes. Je lui caressais le haut du crâne avant de proposer à la femme-chat de s'installer et d'aller dans la cuisine chercher de quoi agrémenter notre future discussion – et surtout de quoi occuper Parsec.

Je revenais les mains chargées de biscuits chocolatés et d'un service à thé déjà fumant. M’enfonçant dans mon fauteuil favori, je proposais à mon amie-cliente une tasse.

- Alors, dis moi. En quoi consiste cette grosse commande ? C'est pour l'Épicerie ou c'est pour toi ?

Il n’y a pas à dire, la Technomagie, ça en jette !

Leiline s’installe jambe croisées sur le divan, sa tasse de thé à la main. Parsec commence déjà à gémir à la vue des gâteaux, c’est un plaisir pour l’hybride de voir que le renard soit si bien traité ici. Non pas qu’elle doutait des capacités de dressages de Corben, mais elle n’a pas eu l’occasion de le voir à l’œuvre et c’est attendrissant à voir.

Après une gorgé de thé, elle montre son sac sans fond d’un geste de la tête.

- J’ai récemment acheté une armure intégrale. Deux jambières, deux gants, deux bracelets de biceps et un plastron. En plus de ça j’ai un carquois de cents carreaux. Avant de rentrer dans les détails, je voudrais savoir ce qu’il est possible à faire pour chaque pièce.

Elle essaye de trouver ses mots, mais elle ne connaît pas grand-chose en matière d’enchantement et ignore tout ce qu’il est possible de faire.

- Je pensais par exemple pour mes deux jambières, ajouter un bonus d’agilité sur l’une et un de vitesse sur l’autre et en faire de même avec les gants, etc …

Elle regarde Corben un air gêné, une de ses oreilles baissée.

- Est-ce que c’est possible ?

Pas du niveau de ma timonière, mais la demoiselle aux oreilles de chat s'était vachement armée ses derniers temps, dites-donc.
Je me grattais l'arrière du crâne, une moue incertaine déformais mes lèvres.

- Heemmm... Théoriquement tout est possible : je veux dire, si tu voulais que tes carreaux chantent du Wagner pendant qu'ils sifflent dans l'air, ce serait possible. Je t'avoue que je n'ai jamais vraiment où étaient les limites de la technomagie, mais j'en découvre un peu plus chaque jour – ce qui rend ce job vraiment passionnant. Un jour, je créé des pommes de terres qui soulagent les maux de tête si elles sont frittent, et un autre jour je pars en ballade aérienne avec une paire d'A-griffe qui peuvent s'enfoncer dans l'air.

Je me rendais compte que mes inventions touchaient les deux limites du spectre. A quand les missiles balistiques qui ne faisait que faire pousser des fleurs ?

- En fait, la limite vient surtout de ce que tu désires obtenir. Il y a quelques limitations, qui viennent souvent de l'objet lui-même : Tu pourrais enchanter un torchon pour être plus léger que l'air qu'il ne te suffira pas à en en faire un bon parachute, tu vois. Mais pour l'instant, enchanter une botte pour augmenter ton agilité, pourquoi pas.

Généralement les gens ne comprenaient pas la technomagie. Je leur résumais généralement la chose comme ça : « C'est comme la poudre de fée : Si vous y croyez, tout marchera. » L'enchantement marchait même s'il n'y croyaient pas, mais ca les poussaient à ne plus poser d'autres questions. Ceux qui y réfléchissaient un peu trop sortaient avec un mal de crâne carabiné. Ceux-là repartaient avec une pomme de terre cadeau.

- Donc dans l'idée, essaye de lister ce que tu voudrais comme effets. Je te dirais ce que je serais capable de faire avec ton matériel.

C'était Le point critique de la Technomagie : enchanter l'objet en fonction de l'effet recherché. Enchanter un vêtement pour le rendre imperméable le rendait aussi presque impossible à laver. Donc, j'adaptais mes enchantements en fonction – dans un tel exemple, je rendais l'habit hydrophobe jusqu'à un certain degré – et tant pis si le porteur se prenait un geyser. On pouvait pas tout avoir.

Leiline n'a pas pu s'empêcher de sourire, un brin amusée à chaque exemple d’enchantement que ami artisan a pu citer. Il faut dire qu'il a toujours eu un humour très apprécié par l'hybride. Elle se demande ce que ça donnerai un concours de blague entre le Technomage et l'Alchimiste tiens …

Elle tente de se faire une liste mentale sur chacune de ses pièces. Elle sait grosso-modo quelle sont ses envies, reste à savoir si ça reste faisable. Elle repose sa tasse sur la table et commence à s'expliquer en levant ses bras vers l'avant.

- Pour les gants par exemple, j'ai pensé à un enchantement pour accroître ma précision dans la mesure du possible. Alors que pour les brassards, je vois une augmentation de force.

Elle désigne ses jambes d'un geste de la tête.

- Pour les jambières, j'ai songé à une qui me donne de la vitesse et l'autre de l'agilité.

Elle finit par se redresser et poser sa main sur sa poitrine.

- Et pour le plastron, voir pour un enchantement qui augmente ma défense.

Elle se souvient alors de son arbalète sagement rangée dans son Sarkina.

- Oui, j'aimerai savoir s'il est possible d'enchanter une arbalète pour qu'elle se recharge toute seule selon le nombre de carreaux que j'ai sur moi.

La féline regarde Corben, toujours son sourire gêné, l'autre oreille baissée.

- S'il y a un soucis dans ma demande, n'hésite pas à me le dire.

Les solutions commençaient déjà à se former dans ma tête.Pas de demande particulièrement difficile, mais il fallait tout de même éclairer un point.

- D'après ce que j'entends, rien de très complexe. Par contre, comme tu as beaucoup de choses à enchanter différemment, ça risque de faire une facture assez salée.

Je me pinçais la lèvre inférieure entre le pouce et l'index, réfléchissant à une solution potentiellement moins onéreuse. Malheureusement, beaucoup de ces effets n'avaient pas de ressemblance...Et comme l'effet devrait s'appliquer au corps entier et non juste au membre, je ne pouvais même pas enchanter en masse. Trop d'enchantements différents finiraient par rendre les équipement de la Commerçante instables.

- Comme les différents effets que tu recherches s'appliqueront entièrement à ton corps, je ne peux pas enchanter chaque pièces d'équipement avec les 5 enchantements en même temps. Tes objets se désintégreraient sous la pression magique.

Je pouvais faire un enchantement de masse quand les gens réclamaient tout un set d'armure plus résistant ou absorbant les coups. Là, c'était une modification du corps lui même, pas de l'équipement à proprement parler...

- Augmenter ta vitesse, défense et force ne seront pas les plus complexes. Ton agilité et ta précision demanderont un peu plus de travail.

J'agitais les doigts devant moi, comptant mentalement les coûts théoriques de tout ce petit monde.

- 20Pims par pièce pour la force et la vitesse, 22 pour la défense et 28 par pièces pour l'agilité et la précision. Concernant ton arbalète, je peux la relier à ton carquois.Par contre, c'est une simple arbalète. Ce sera à toi de vérifier combien de carreaux il te reste avant de tirer en rafale.

Plusieurs chasseurs m'avaient souvent demandé des armes à chargement automatique. Malheureusement pour eux, ils oubliaient que chargement automatique ne signifiait en aucun cas « munitions illimitées ». D'où l'ajout des petits astérisques sur mon catalogue officiel.
La technomagie est formidable, c'est vrai, mais il ne fallait pas oublier qu'elle dépendait aussi des possessions...

- Du coup, je rajoutte 45 Pims pour l'enchantement de l’arbalète – et il va me falloir ton carquois, ou ton sac sans fond selon l'objet dans lequel tu veux les ranger – soit un total de 40 + 22 + 56 + 45 = 163pims, disons 160. Est-ce que le prix te va ?

Une fois l'accord de la demoiselle obtenu, je la laissais dans le salon pour aller bosser dans mon atelier. Le travail n'était pas particulièrement dur, mais il demandait de la précision. Je préférais prendre mon temps et ne pas décevoir ma cliente.
Une petite demi-heure plus tard, je remontais au salon, tout le matos désormais préparé.

- Si tu désires tester tes objets, je t'en prie.

Je lui tendais une poignée de carreaux si elle désirait tester son enchantement de chargement automatique.

Malgré son cruel manque de connaissances en la matière, les explications de Corben semblent logiques à l'hybride. Et puis pour ce qui est de la facture salée, elle s'y attendait ...

Pendant que le Technomage effectue son minutieux travail, Parsec est venu rejoindre Leiline sur le divan.  Elle prend un bon moment à le cajoler et à lui poser des questions pour savoir si Corben s'occupe bien de lui et s'il n'est pas trop ronchon avec lui.

Elle s'étonne surtout de revoir débarquer l'artisan seulement une demie heure après. Elle qui pensait en avoir pour plus d'une heure. Elle déplace délicatement le renard qui s'est endormi tête posée sur sa cuisse et accepte volontiers la proposition à tester son arme enchantée.

Elle récupère les carreaux. Dix, qu'elle range dans son carquois. Elle vise le sol à défaut de savoir où elle peut viser sans toucher au mobilier. Un tir, neuf. Deux tirs, huit. Elle sourit tel une enfant qui vient de recevoir son cadeau d'anniversaire tout en admirant son arbalète.

- Exceptionnel.

Leiline range son arme dans son Sarkina. Elle sourit à Corben et se rapproche de lui pour lui déposer une douce bise sur la joue gauche, en profitant pour lui faufiler dans sa main sa carte Pims et lui murmurer à l'oreille.

- Tu es génial Corben.

Sans même faire attention à sa réaction, elle retourne au divan pour rassembler ses affaires, observant son carquois avec le plus grand sourire qu'elle puisse offrir.

Une cliente souriante était forcément une cliente satisfaite. Surtout quand celle-ci avait l'autorisation silencieuse de faire des trous dans le parquet.
Rappel à moi même : Enchanter le parquet avec de la reconstruction progressive.
Si tout le monde se mettait à tester ses inventions sur le parquet, je finirai pas créer une cible indestructible ou quelque chose du genre.

Leiline faisant encore preuve d'une sensualité douce mais efficace. Cette fille s'amusait beaucoup trop à faire monter ma tension.
Un sourire sur les lèvres – c'était quand même sympa de subir ses taquineries – je levais deux doigts et repoussait les mèches de cheveux qui lui couvrait une de ses oreilles félines, prenant une voix douce pour lui susurrer moi aussi quelque chose– Pourquoi ce serait toujours moi à avoir la chair de poule, après tout ?

- Je m'y emploie, chère demoiselle. Reviens quand tu veux, tu es toujours la bienvenue.

Je m'éloignais d'elle, un grand sourire sur le visage.
Parsec nous regardait avec la langue pendante, totalement inconscient du petit manège qui se déroulait devant ses yeux. Lui voulait encore des grattouilles.

J'accompagnais Leiline jusqu'à la sortie, où Murray m'accueillit avec un « humrph » boudeur. Je levais les yeux aux ciel et saluait ma collègue. Ce n'ets qu'une fois la porte fermée et sur que l'hybride s'était suffisamment éloignée que j'inspirais profondément. Heureusement que Sash ne nous avait pas vu. J'aurais eu le droit à des centaines de questions -et surtout des moqueries- pour le reste de la semaine...