Le Dé-mon du jeu

Je joignais mes mains et me les frottais. La véritable partie commencerait donc bientôt. J'ai en plus un début d'idée pour ces Dés à malices qu'étaient nos cadeaux respectifs.
A voir si l'idée formée serait parfaitement réalisable, mais connaissant l’environnement qui régnait dans cet Eu-topos, tout était franchement possible

Je versais dans ma choppe un Blue Hawaiien et en sirotait une très légère dose. C'était frais, sucré et légèrement alcoolisé. Très dangereux mélange pour la concentration, mais je préférais ça que tourner à l'eau.

Je récupérais les cartes, mélangeais d'un coup de main habitué et en distribuait une à chacun. Mon sourire s'effaça une petite seconde et mon esprit vagabonda dans ses souvenirs alors que je regardais la carte de Leiline.

La dame de cœur.

Le destin ou un quelconque esprit tordu aimait décidément retourner le couteau dans la plaie. Ou alors, il avait un très TRES mauvais sens de l'humour. Relevant les yeux de ladite carte, je clignais des yeux et sortais de mes rêveries alors que Leiline semblait attendre la prochain carte.

- Ah ! Oui, hum, désolé.

Devant moi, une carte face cachée et un 9 de trèfle. Et face à elle, SA carte.
Je préférais baisser les yeux et me concentrer sur mon jeu actuel. Repenser à elle ne me serait d'aucune utilité...
Mais il m'était désormais difficile de me concentrer sur autre chose que des souvenirs doux-amers. Je reprenais une bonne gorgée de mon cocktail. La chaleur de l'alcool me fit rougir et je passais une main sur mon visage, mon pouce et index serrant l'arrête de mon nez comme pour extirper les souvenirs de mon crâne.

Je me redressais et offrais un sourire sincère, mais imperceptiblement peiné.
J'aurais du utiliser chance, et zou, elle aurait pioché un 7 et rien de tout ceci ne serait arrivé.
Fichus probabilités.

- Je crois que j'ai trouvé une idée pour le Dé-raison. J'espère que tu aimes autant les défis que tu le prétends. En attendant, je suis curieux de savoir qu'est ce qui t'a poussé à devenir Commerçante. Une fibre commerciale dans la famille ?

Sous des airs de discussion parfaitement banale, j'avais deux buts. La déconcentrer, et me reconcenter sur le jeu en cours. Quitte a en perdre une et lui donner un surplus de confiance qui lui serait fatal.

Le sourire de Leiline est vite effacé à la vue du comportement de son partenaire. Elle analyse un instant la situation, regarde la carte qu'elle possède et visualise de nouveau la réaction du Technomage. Il faut croire que la carte qu'elle possède l'interpelle, le blesse plutôt au vu de sa consommation soudaine d'alcool. Une relation qui a mal tournée ? Peut-être.

Dans tous les cas, l'hybride ne veut pas rentrer dans les détails. Elle préfère laisser les autres s'ouvrir à elle plutôt que l'inverse. Elle répond à son sourire – un peu gênée – et continue le jeu laissant Corben reprendre ses esprits.

- Avant tout je vais d'abord te prendre une carte s'il te plaît.

La carte est désormais distribuée. ♠ 4 de pique. Elle connaît d'avance ce qu'elle va faire mais prend un instant pour répondre aux questions de son hôte.

- Oui, j'aime les défis. J'espère que tu seras de la partie aussi d'ailleurs ! Je te reprend une carte s'il te plaît.

La troisième carte est distribuée. ♦ Roi de carreau. Elle baisse ses oreilles, serre son poing droit, pose son front dessus et sourit de sa malchance.

- Ça m'apprendra à vouloir être joueuse tiens !

Notre hybride finit le fond de sa chope et adresse un sourire amusée à Corben.

- Maintenant, pour ce qui est de la fibre commerciale, pas du tout. Mon père était chasseur et ma mère … politicienne on va dire ?

Grossièrement parlant, c'était plutôt ça. Elle préfère oublier définitivement le futur qui lui était destiné dans son ancien monde, tout en évitant d'en parler à Corben pour le moment.

- Je suis devenue Epicière pour ma passion pour les animaux et les créatures fantastiques. Je voulais suivre la voie de mon père et devenir chasseuse au départ. M'enfin …

Elle détache le regard du Technomage et son sourire s'estompe pendant l'espace de quelques secondes avant de revenir aussitôt lorsqu'elle s'adresse à son partenaire.

- Et toi, comment es-tu devenu Technomage ?

Nos conversations et parties semblaient nous rappeler mutuellement des souvenirs soit douloureux, soit désagréables. De la même manière qu'elle avait poliment éviter de remarquer mon changement d'attitude, je gardais mes lèvres fermés quand à son « m'enfin » révélateur.

Je retournais ma carte après ma victoire par défaut – 8 de trèfle.

- A dire vrai, je ne sais pas si j'étais dans les bonnes stats pour battre. 17 est un score assez difficile à gérer – surtout juste contre une seule personne.

Je levais mon verre, un sourire naturel mais néanmoins narquois redessiné sur mes lèvres.

- Et de une pour moi. Pour l'instant, mon plan pour te battre marche du tonerre

Une gorgée de ma choppe et je regroupais les cartes avant de répondre aux questions précédentes de ma partenaire. Ma nomination en temps que Technomage remontait à quelques années, il fallait que je fasse un petit tour en arrière.

– Quand je suis arrivé ici, ma passion pour le jeu m'a valu quelques soucis en Magna. Du coup, j'ai cherché un boulot plus respectable et je suis devenu canonnier sur le Fenrir. Puis quand celui-ci à été racheté par les Res Publica, j'ai cherché à m'installer plus officiellement – et à gagner ma vie. L'ancien Technomage avait disparu, l’époque et Kouen cherchait un remplaçant, donc... Voila.

J'écartais les bras, désignant le salon du Vandavel. Si l'Antre faisait elle aussi partie du passé, mon navire volant faisait désormais partie de ma vie. Maison, lieu de travail et salle de jeu, je ne pouvais désormais plus vraiment vire autrement – Habiter ailleurs me semblerait bien terne...
Je tirais une nouvelle série de cartes pour une nouvelle donne – 3 de pique pour moi, 4 de cœur pour elle.

- C'est amusant de se dire qu'il y a 3 ans, je ne connaissais pas un seul truc sur la Technomagie. Il s'avère que c'est moins compliqué à apprendre quand on a une bibliothèque vivante pour aider à trouver le bon livre ou la bonne formule au bon moment...

Je posais mon menton contre ma main, doigts posés sur ma joue.

- Passionnée par les bestioles exotiques, hein ? Tu as déjà participé aux missions de reconnaissance des formes de vie ? Certaines demandes postulées à la Tour du Savoir demandent parfois à des aventuriers de répertorier des nouvelles espèces.

La Tour du Savoir. Ça faisait longtemps que je n'y avait plus mis les pieds. Mes dernières missions dataient de mon ennui dans l'Antre. Depuis, le Vandavel me fournissait suffisamment d'occupation pour ne plus mettre le nez dans le royaume d'Eva. Mais cela n'empêchait pas Sash' d'aller s'y promener depuis quelques temps.

Elle perd - certes - mais c'est bien plus plaisant de voir le Technomage avec le sourire au lèvre - narquois peut-être, mais bien présent. Elle croise les jambes et arbore son joli sourire.

- Mon cher Corben, il reste encore deux manches ... bon, une si tu as de la chance. En attendant rien n'est joué.

Elle se sert un verre tout en écoutant son récit sur ses escapades à Magna et sa condition de Technomage. Elle n'aurait jamais pensé un tel passé d'un homme comme lui. Un passe-temps à la rigueur mais de là  jusqu'à gagner sa vie sur les jeux de hasard, elle ne s'y attendait pas. Elle ne se souvient plus du nombre de fois ou sa nourrice lui a défendu de se rendre à Magna.

En ce qui concerne la technomagie, Leiline n'a pas pu s'empêcher d'hausser les sourcils quand il lui fait comprendre qu'il a apprit cette magie en l'espace de trois ans. C'est peut être beaucoup en réalité, elle a une idée beaucoup trop vague de ce domaine.

- C'est impressionnant tout ce que tu as accompli jusqu'à maintenant. Et je ne dis pas ça juste parce que tu fais des dé enchantés !

Elle dit cette phrase d'un air amusé. Il faut croire que la petite dose d'alcool l'aide à se sentir un peu plus à l'aise avec son hôte.

Elle regarde ses cartes et lui en demande une deuxième. ◇ Roi de Carreau. Elle est désormais à 14 points. Mais Leiline prend malin plaisir à faire attendre un homme.

- Oui, j'en ai entendu parler. Je compte bien y participer un jour mais pour le moment je préfère profiter de mon temps libre pour le détendre. Avec l'épicerie c'est pas toujours facile !

Elle boit une gorgé de sa chope et reprend.

- En réalité, je voulais t'inviter au départ. Depuis que tu m'as offert ces cadeaux à Noël, j'ai acheté une petite boîte de dés simples espérant avoir l'occasion d'y jouer avec toi.

Elle n'osait pas regarder Corben en disant cela. Elle ignore elle même pourquoi. Elle finit par montrer ses cartes de sa main droite.

- Je m'arrête là.

Je retournais mes cartes après en avoir choisi une.
3 de pique, 8 de trèfle, Valet de carreau. Boom. Banque 2 – Leiline 0.
Je ne peux m'empêcher de me frotter les mains en souriant de toutes mes dents. Ce jeu m'amusait beaucoup trop. Et j'adorais ça.

- Tu n'auras qu'a m'inviter pour prendre une revanche quand j'aurai fini de te battre à cette partie là.

Vantardise et trop plein de confiance. Les meilleures armes pour les adversaires. Mais ça faisait aussi parti du jeu. Je m'assurais tout de même de contrôler mes paroles. Une moquerie de trop pouvait ruiner cette ambiance sympa et transformer la table en zone de guerre.
Même si l’adversaire était très charmant, je restais sur mes gardes. Pendant un moment, je me demandais même si Leiline n'allait pas user de ses charmes pour brouiller ma concentration... Et je baissais les yeux presque machinalement. Je fis mine de rediriger mon regard vers les cartes après que mes yeux butèrent sur de la peau et des courbes.

Bon sang ! Je me mettais moi même les bâtons dans les roues. Arrête de boire et reprends toi mon grand, tu n'as pas encore officiellement gagné.


- Alors, dis moi. A part une passion pour les jeux et les animaux, tu as une histoire d'avant l'Entre-Monde ? Ou tu es née ici ?

Rediriger la discussion et l'attention ailleurs.

- Perso, je viens d'un monde où les Dieux passaient leur temps à se foutre dessus pour une question de tapisserie dans la Maison de la Vie – notre grande collocation divine. Mais bon, ayant du sang humain, on était entassés à la table des enfants. Mes cousins et moi, on regardait d'un œil amusé les « grandes personnes » s'engueuler à longueur de temps pour des questions triviales.

Je mélangeais et distribuais de nouvelles cartes. 2 de trèfle pour moi, 2 de cœur pour elle. Ouh, départ difficile. Nous allions tous les deux tirer beaucoup de cartes.

- Et puis comme de toute façon, nous étions vus par nos parents comme des problèmes de plus, on préférait largement rester entre nous. On mangeait, on buvait, on partageait nos histoires glorieuses... C'était marrant mais j'ai jamais accroché à la politique de « Inspirez les hommes ». Avec mon pouvoir, j'allais vite être remplacé quand les humains de notre monde découvriraient la poudre à canon, donc..

Je préférais grandement l'aventure à l'attente d'être remplacé par une technologie.
Une gorgé de mon verre et je plongeais mon regard dans celui de Leiline. Tentative de déconcentration, niveau supérieur. En espérant que je réussisse à soutenir son regard sans moi même être perturbé par ces yeux bleus clairs.

Un demi-dieu, rien que ça. Leiline n’a pas pensé à lui poser de questions sur ses origines. Elle le voyait pourtant comme un K’ouen. Après, ayant vécu pendant dix-huit ans dans l’Entre-Monde, elle devrait savoir qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Une simple petite créature peut s’avérer être un Dieu destructeur. Une chose est sûr, Corben avait l’air de s’amuser dans son ancien monde, mais cette phrase …

« C'était marrant mais j'ai jamais accroché à la politique de « Inspirez les hommes ». »

Cette phrase a eu l’effet d’un électrochoc dans l’esprit de l’hybride lui remémorant des souvenirs amers. Elle aussi était destinée à « inspirer les hybrides », mais elle se refuse d’en parler. Pas maintenant, c’est trop tôt …

Puis la féline note quelque chose de bien plus déroutant. Le regard intense de Corben posé sur elle.

Ce regard aux reflets violets qui la fascine tant et ce depuis sa première rencontre avec lui. Il provoque chez elle quelque chose d’inexplicable. Avec n’importe quel homme, elle apparenterai ça à du désir, rien de plus. Mais Corben n’est pas n’importe qui et c’est ça qui cloche. Son charme est loin de laisser notre hybride indifférente, à son plus grand dam. Elle prend une petite inspiration afin de reprendre son calme et adresse un sourire enjôleur au demi-dieu et le tout sans le lâcher du regard.

- Une revanche oui, mais pas au Black Jack.

Elle continue de le fixer du regard et prend alors une voix bien plus douce.

- Quitte à ce que je t’invite pour que l’on joue à des jeux tous les deux, varions les plaisirs.

Cette phrase pouvait sonner tendancieuse et c’est entièrement voulu par la femme-chat.Tout en maintenant son regard dans celui de Corben, elle se penche vers lui.

- J’aimerai une autre carte, s’il te plaît.

Elle se redresse alors, croise les jambes et finit le fond de sa choppe. Un 4 de pique, ce n’est pas comme ça qu’elle va gagner ne serai-ce une partie … Et pourtant, la situation l’amuse beaucoup. Ce sentiment de jouer un jeu dans un autre lui plaît et lui fait oublier le côté triste de l’histoire qu’elle va conter à son partenaire.

- J’ai eu une vie très courte avant l’Entre-Monde. Je suis arrivée ici à l’âge de huit ans. Avant ça je vivais presque dans l’inconscience qui caractérise les enfants de cet âge. Mon père m’initiait à la chasse et aux jeux de rôles. C’est là que mon père m’a offert mon dé de vingt d’ailleurs.

Elle désigne le sachet de dés sur la table dans lequel il est précieusement rangé. Elle réussi à éviter tout sujet qui pourrai évoquer sa mère.

- Après tout ça, mes parents ont eu la bonne idée de me déposer ici, chez la nourrice. Comble de malchance, c’est peu après ça que les miroirs ont cessé de fonctionner.

Nous pourrions croire que Leiline est dépitée à raconter une telle histoire, il n’en est rien. Elle continue de sourire tout en regardant Corben.

- Mais c’est comme ça ! Maintenant j’ai un travail qui me plaît, je vis des superbes aventures et je rencontre des gens formidables. Que demander de plus ? Une autre carte par exemple ?

Elle reçoit sa troisième carte et en voyant le 8 de trèfle, elle fait vite fait le calcule et s’interroge.

- Je dois avoir un problème avec le numéro quatorze … Je m’arrête là.

Mais elle n’en a pas finit pour autant avec ce Technomage. Elle s’appuie sur la table et le regarde droit dans les yeux, arborant toujours son joli sourire.

- De la poudre à canon tu dis ? Quel est ton pouvoir pour le comparer ainsi à des explosions ?

Ahaha - Wait, what ?
Alors d'une, je ne pouvais prétendre à comprendre les femmes et leurs façons détournées, voir tordues de faire passer des messages.
De deux, je voulais bien croire que l'alcool désinhibait mes capacités d'analyse et/ou de réflexion.
De trois, ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas entraîné à l'art délicat du charme et de la cour.

MAIS.

CETTE PHRASE !

Tous les neurones de mon cerveau hurlaient à tue tête des message d'alarme, de demande de rembobinage, d'intervention cardiaque ou de suppression d'afflux sanguins dans la totalité de mon corps. Si j'avais pu les entendre, ç’aurait été comme ouvrir une dimension sur un concert de métal pendant une fraction de seconde. Mon esprit se repassait la phrase mot par mot, contexte par contexte et autres urgence analytique.
Extérieurement, ça se traduisit par un trèèèèès haut haussement de sourcil.

Je passais la carte demandée un peu plus lentement qu'avant, essayent de comprendre si Leiline venait explicitement de proposer ce que je pensais ou si c'était une simple invitation pour d'autres parties de cartes, dés ou autres jeux parfaitement innocents.

Son histoire quand à elle semble un peu plus tragique que la mienne. Je sentais qu'elle ne racontait pas tout – et c'était parfaitement compréhensible. Nous n'avions pas encore les liens nécessaires pour se raconter nos vies complètes, un verre à la main, allongés sur le bar à gueuler sur le monde.

La discussion bifurquait vers des sujets moins sérieux, ce qui permit à mon esprit torturé de souffler un peu.

- Beaucoup de monde a perdu des choses importantes lors de la Fermeture. J'ai tendance à croire que je suis un des rares à être content de ne pas pouvoir faire machine arrière. Quand à mon pouvoir...

J'otais un de mes gants, faisant attention de ne pas toucher les cartes. Une moue se dessina sur mes lèvres alors que les volutes violacées ne se formaient pas sur la ponte de mes doigts.

- Ha, c'est un jour sans. Ce genre de problème arrive à un homme sur 4, dit la science, ajoutais-je avec un brin d'espièglerie. - Plus sérieusement, je suis capable – quand ma magie veut bien marcher- de pouvoir charger des objets en magie afin de faire exploser ceux-ci. Explosion est un grand mot : En général, ça ne produit ni fumée ni chaleur, mais l'objet – j'agitais les mains devant moi- explose, quoi. Boom. Après, plus c'est gros plus, ça me demande d’énergie.

Je plaquais ma main contre mon torse, sans crainte que mon pouvoir décide de faire des siennes.

- Par contre, la physique du truc, j'avoue que je ne la comprend pas. Je crois que c'est parce que ma mère était une teinturière convaincue de la supériorité du pourpre ou du lila, mais mon pouvoir ne marche pas sur les nuances de violet. Donc, voila la raison de mon étrange garde-robe – Et de la couleur de ceux-ci.

Je pointais mes pupilles magenta de ma main tendue. Même mon anatomie semblait avoir été influencé par les nombreuses cuves de teinture de ma mortelle de mère. Pas que ça me dérangeait, mais ça donnait souvent lieu à des haussements de sourcils quand je demandais une doublure violette à l'intérieur de chacune de mes fringues.

Je récupérais une nouvelle carte – 7 de cœur. Allez, je peux encore piocher une – Et flûte.

Devant moi s'étalaient un 2, un 3 et un 7 de cœur, ainsi qu'un 10 de pique. Total de 22, la banque est cramée.
Le Karma, ce fieffé faquin – pour rester poli.

- Bon... Et bien Corben 2 – Leiline 1. Ça m'apprendra à croire la victoire assurée tiens.

Je finissais mon verre d'une bonne gorgée et rassemblait mes cartes avant de les tendre à Leiline.

- Changement de rôle ? A moins que tu n'aies une bonne idée pour ton dé et que tu ne puisses plus attendre de tester ça avec moi ?

J'avais un sourire et un regard parfaitement innocent, mais tous mes neurones se firent un facepalm tous en même temps, et je pense que quelques uns lancèrent une enquête officielle pour savoir qui avait accès aux cordes vocales dans ce corps, et surtout qui faisait n'importe quoi avec.

Dans la tête de Leiline, c’est l’hilarité totale. Entre la réaction de Corben sur sa phrase tendancieuse qui – ayant pour but de le déstabiliser à la base – à trop bien marché il faut croire et la dernière phrase que le demi-dieu vient de sortir dans le plus grand des calmes, elle n’as pas pu se retenir de lâcher un rire au bout d’un moment.

Elle ne sait pas ce qui est le plus drôle entre le sous entendu à soulever dans cette dernière phrase ou l’air parfaitement innocent de son partenaire au moment de la dire. Elle répond finalement de sa voix douce, taquine comme elle est.

- Oh Corben, je n’attend que ça de tester ce dé avec toi.

Elle prend le paquet de carte de la main du Technomage avec entrain.

- Mais avant j’aimerai essayer une manche en jouant le rôle de la banque, il faut bien que j’essaye au moins une fois.

Elle commence à mélanger – pas avec la même aisance que Corben – et distribue les cartes en se fiant à leurs précédentes parties. Une carte visible pour chacun et une carte face caché pour la banque. Ce qui donne 9 de pique pour Corben et 10 de carreau pour Leiline. Avec un peu de chance, elle peut faire un Black Jack.

- Donc, temps que tu portes ces gants, aucun problème. Effectivement, ça explique pourquoi tu portes toujours ces gants sur toi. Le principal c’est que ça ne te gêne pas au quotidien.

Leiline prend un instant pour imaginer tous les problèmes qu’il peut rencontrer avec un tel pouvoir et s’arrête vite d’y penser lorsqu’elle commence à imaginer ça dans l’intimité. Ses oreilles se sont baissées sur le coup.

Elle pose le paquet de carte devant elle et se rappelle soudainement d’une question qu’elle voulait lui poser pour se changer les idées.

- Au fait, tu es déjà allé à Ysilwyg ? J’ai eu l’occasion d’y aller récemment et arrivée sur place j’ai pensé à toi. Il y a de sacrés casinos là bas !

Malheureusement pour notre hybride, c’était pour une mission qui n’avait rien à voir avec du tourisme. Mais elle se jure de trouver une autre occasion de retourner là bas dès que l’occasion se présente.

Bon.

Il m'avait fallut plusieurs messages probablement envoyé avec la délicatesse d'un lance-missile sol-air, mais avec un tel regard, une voix si sucrée - et probablement que la tenue n'était pas entièrement innocente non plus, il y avait un truc.
A moins que c'était une très efficace tactique de déconcentration pour me faire perdre mes moyens, la demoiselle semblait fait bien trop de sous-entendu pour être parfaitement innocente.

Si c'était ça, ça soulevait un autre point. Les Huits, les forces de l'univers ou les lois du Karma -barrer les mentions inutiles selon les croyances- semblaient avoir décidé de caser le Technomage avec la Commerçante dans ce monde.

J'avais les yeux dans le vague, réfléchissant plusieurs fois a tout ce qui s'était déroulé durant cette partie, essayant de démêler le vrai du faux, voir si je ne montais pas des plans sur la comète. Après tout, l'attitude de Leiline avait toujours été un peu provocante. Je pouvais aisément me tromper. Je devais sûrement me tromper même. Nous ne nous connaissions pas tant que ça, et pour l'instant, seul notre passion pour le jeu semblait nous avoir rapprocher.
Sauf que voilà : pour être un tant soit peu poétique, la graine du doute et de la curiosité avait été planté. Me connaissant j'allais finir par m’interroger sur le sens de très nombreuses phrases que la charmante hybride allait prononcer.

« Charmante »... J'étais déjà foutu, n'est-ce pas ?


Clignant des yeux pour revenir dans le vrai monde réel de la réalité véritable, je vis que mon compagne de jeu m'avait distribué une carte. J'en réclamais une autre tout en essayant d'oublier les nombreuses pensées et questions qui commençaient à s'entasser à l'arrière de mon crâne.

- Ysilwyg ? J'ai du y faire un tour deux ou trois fois. Je ne suis plus très bien accuilli dans quelques établissements. Dès que vous commencez à aligner 3 victoires à la suite, les gens se méfient. Et à tord : je ne peux même pas tricher quand je n'utilise pas mon jeu ! Soit les cartes explosent, soit on voit bien que j'utilise des dos différents...

Je levais un doigt devant moi, voulant clarifier un point.

- Pas que je triche là maintenant hein, attention.

J'avais désormais un 9 de pique et un 3 de carreau. Les chances étant très hautes en ma faveur – même si je craignais le Black-Jack de la banque, je demandais une nouvelle carte. 6 de cœur.

-Meh. Je m'arrête là. Pas sur que cela suffise, par contre.

J'attendais le jeu de Leiline tout en l'observant de la façon la plus neutre possible. J'arrivais à soutenir son regard profond, mais dû détourner le regard quand les questions dans mon crânes commencèrent à aborder des sujets bien plus gênant quand on regardait quelqu'un dans les yeux.

Spoiler:

Leiline continue la partie sans se douter de l'incommensurable mic-mac qu'elle a provoqué dans la tête de son partenaire de jeu faute à ses taquineries.

Le pire dans tout ça, c'est qu'elle est bien capable de se faire piéger dans l'ambiguïté qu'elle a mise en place avec le Technomage à coup de remarque tendancieuses. Elle est consciente que le charme de Corben a un étrange effet sur elle mais pas facile pour la féline de ne pas s'attacher à quelqu'un d'amusant et de réceptif à se taquinerie.

Elle quitte ses pensées pour revenir sur la partie et prend un ton de fausse moralisatrice, un brin amusée le tout en retournant sa carte.

- Et ça triche en plus, et bien bravo. Moi qui voulait te proposer qu'un y aille ensemble un jour.

Huit de trèfle. Une égalité. Elle baisse les oreilles et prend un air gêné.

- Bon je crois que tu es bien partit pour gagner là.

Elle attrape d'un geste calme les cartes de Corben et les siennes pour les mélanger pour la deuxième manche. Elle ose un regard et un sourire tendre à son partenaire qui au bout d'un moment - par gêne sans doute - finit par détourner le regard.

La féline laisse un rire lui échapper. Ne voulant pas paraître malpolie auprès de son hôte, elle s'explique.

- Désolé mais ...

Leiline se demande si c'est une bonne idée de lui dire ... bon, après tout.

- Tu es très mignon quand tu es gêné.

Elle distribue les cartes pour elle-même se reconcentrer, ce qui donne un 5 de trèfle pour Corben et un Roi de carreau pour elle. Encore une chance de Black Jack mais le pire, c'est qu'il serai capable de gagner ...

- Sinon, plus sérieusement.  Parmi tous les jeux que tu as testé, il y en a bien un qui te plaît plus que les autres non ?