La leçon d'alchimie

Alors que nous installions les différents éléments nécessaires à la distillation, un jeune homme débarque dans le labo, et clame que je "profite" de Lilou. Je le dévisage pendant deux ou trois secondes, puis je me tourne vers Lilou, avec une voix bienveillante :

- C'est un de tes camarades Lilou ? Tu aurais pu me prévenir. J'aurais préparé plus de génoises et de cookies.

Je me tourne alors vers le jeune homme :

- Comment t'appelles tu, mon garçon ? Désolé, nous sommes au milieu d'une expérimentation. Pourrais-tu attendre quelques minutes dans la salle du comptoir, ou le vestibule, ou une place ici, en pointant une chaise de ma seule main valide poir le moment, en ne touchant à rien ? Certains produits ici sont potentiellement dangereux. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose.

Tandis que Lilou s’apprêtait à faire sa toute première expérience chimique, elle entendit du grabuge dans la serre elle pensa à Higor en premier lieux, peut être que les effets de la lavande c’était dissipé ? Puis elle entendit une voix famillière derrière elle, une voix haute perchée qui récriminait son professeur. Elle se retourna et vit Kaïl en train de se disputer avec Higor.
Il afficha un très beau sourire avant de la saluer.

- Kaïiil !

Elle se jeta dans ses bras, pour vérifier qu’elle ne rêvait pas, Higor faisant légèrement rempart entre eux. Sa réaction était des plus spontané et irréfléchi.

- Tu m’as manqué… dit elle a voix basse

Elle resta comme ça quelques seconde avant de desserrer son étreinte, et elle entendis enfin la voix de Richye qui lui posait une question.

- C’est lui qui à créé Higor, c’est mon ami.

Lilou était sur son petit nuage pas sur qu’elle ais imprimé quoique ce soit de la leçon d’aujourd’hui, après son arrivé.

Se tournant à nouveau vers Kaïl, elle dit : Je prends des cours l’alchimie avec Richye tu veux voir ?

Lilou dans mes bras et Higor coincé entre nous -il semblait tout à fait apprécier de renifler les cheveux de la petite- je me trouvais bloqué par une fillette de onze ans devant les ordres de l'alchimiste. Je ne sais pas ce qui m'amuse le plus, qu'il ignore qui je suis -et donc il va l'apprendre très bientôt- ou bien qu'il ignore qui je suis -et je vais réparer cet affront...
Je tapotais la tête de Lilou pendant qu'elle me proposait d'observer son cours d'Alchimie. Sauf que j'étais déjà barbé rien qu'à l'entendre dire "cours d'alchimie".

-oui oui, tout à fait.

Ce n'est pas exacement ce que je voulais dire au départ, mais la petite guérisseuse des rues de Northrives provoquait toujours des réponses étranges et incohérentes sortant de ma bouche... Souvent en contradictions avec ma tête.

Tout sourire, j'approchais des matériaux disposés ça et là dans le laboratoire. Plus rapide que l'éclair, j'entrais dans une phase terrible : le Kaïlnator.

- C'est quoi ça ? Je sentais. Mais ça pue, c'est plus criminel que Higor dans un chant de roses.

Mes mains jetaient les objets juste après les avoir examinés. Je ponctuais toute mon inspection de commentaires tous plus insultants les uns que les autres.

-Alchimiste c'est le petit nom d'usine de recyclage des déchets c'est ça ? Lilou, lave toi les mains quand tu as fini, ce job va te rendre malade.

Pourquoi travailler d'ailleurs. A onze ans, elle est libre comme l'air, capable de tous les méfaits les plus fun sans que rien ne puisse lui arriver... Rien de pire qu'une visite de quelques heures à l'orphelinat. Et lorsqu'on atteint des sommets d'ingéniosité on est même invité à aller se foutre de la poire de Maitre Souen en personne.

Je manipulais sans prudence des appareils fragiles et manquait très souvent de les laisser tomber au sol.
Je ne suis pas maladroit d'ordinaire mais Higor est toujours sous mon bras...

Kaïl manipulait nombre d'instruments et d'ingrédients sans aucun soin.

- S'il te plaît, fais attention en manipulant cela. C'est fragile.

Puis je regardais attentivement Higor, et la curiosité me piqua :

- C'est toi qui a créé Higor ? Serait-ce ton don ? Comment t'y prends-tu ? Tu peux créer des animaux, tu peux aussi créer des plantes ?

Il était rare de voir des entremondiens exposer leur pouvoirs, et encore plus d'en admirer à l'oeuvre. De plus, il pouvait créer des créatures. Fascinant ! Un être capable de créer la vie !

Kail ne l’avait pas repoussé lorsqu’elle l’avait étreint, mieux encore il eut un geste qu’elle qualifierait d’affectif en lui tapotant la tête.
Il sembla apprécier sa proposition de suivre le cours et commença à farfouiller dans le labo, et avec curiosité, il sentit des substances, et jeta par dessus son épaule certains outils.

- oh tu veux participer ? tu vas voir l’alchimie c’est amusant, j'ai appris plein de chose aujourd'hui

Elle retroussa ses manches plus haut pour se mettre au travail, n’ayant pas conscience de la réalité de la scène elle pensait que le cours se poursuivait. Elle commença une distillation en suivant les recommandations que Richye avait données plus tôt, regroupant un peu de lavande comme matière première, elle alluma la flamme pour chauffer le ballon. L’animation que Kaïl créait tandis qu’elle s’affairait l’amusait beaucoup.

- me laver les mains, ah oui tu as raison j’ai oublié de mettre les gants…

Après quelques supplications, Richye demanda des précisions sur le don de Kaïl.

- oh tu pourrais lui faire une petite démonstration Kaël, non ?

puis s’adressant à Richye : Il peut tout créer il est très fort !

Kaïl, Kaïïïïïïl, j'ai tout de même pas un nom si difficile ! Elle l'écorche juste pour paraitre mignonne et le pire, c'est que la technique marche très bien. Je lève le nez d'un becher rempli de moitié que je sniffais allègrement avant de grimacer de dégoût, et je lui dis, avec toute la volonté du monde :

- Ouais, je suis le meilleur !

Mais non bougre d'andouillette, ce n'était pas ça qu'il fallait lui dire. Le but est qu'elle apprenne à prononcer correctement mon nom. C'est un beau prénom en plus, digne de mon incommensurable réputation du gamin le plus insupportable de l'Univers. Le meilleur, c'est vrai, se nomme : Ka-ïl.

Suite à quoi je lance un regard qui en dit long sur mes intentions finales à l'alchimiste. J'ai déposé le pot-puant au bord de la table et Higor se trémousse sous mon bras comme un beau diable tandis que je me rapproche de Lilou.

Je récupère Higor, que je laisse tomber sur la table de travail. L'animal est si fou de joie -entre les odeurs et le fait d'être à une altitude lui permettant de faire des âneries- qu'il entreprend de saccager méthodiquement le matériel tout en le reniflant par tous les côtés et les trous à disposition.
Il finit par s'approcher un peu trop de la boule sous laquelle brille une flamme bleue. Du gaz, me dis-je, que l'animal n'ose pas approcher mais dont l'odeur dans la combustion lui parle. Elle lui dit des mots doux et il l'approche tout doucement comme un chat s'apprête à se jeter sur une souris.

-Oh, oh...

Je pointais Higor du doigt.

Il allait certainement casser du matériel et surtout il risquerait de se brûler. C'était une diversion parfaite pour préparer en secret un dessin de mon cru : un blob. Un mètre cube de gelée prune qui se déploira amoureusement vers le premier être vivant à recouvrir de viscosité. J'allais devoir bien viser histoire qu'il s'élance vers l'alchimiste-exploiteur-d'enfants.

Aller Higor, encore deux pas et j'aurais ma diversion. Courage petit !

Le petit margoulin a déposé Higor sur le plan sur lequel Lilou faisait l'expérience. J'attrapais le sniffleur par son appendice caudal, et le tirant en arrière pour le faire redescendre, et accessoirement, éviter une brûlure, voire un incendie. D'un ton sévère :

- Pas d'animal sur le plan de travail ! Si le ballon se brise, le liquide volatile risque de s'enflammer et tu pourrais causer un incendie qui pourrait ravager la tour !

Higor se débattait furieusement pour continuer à profiter de l'odeur de la combustion du bec bunzen. Et j'avais bien du mal à maîtriser la bête avec mon seul bras valide.
Je m'adresse alors à Lilou :

- S'il te plaît Lilou, peux-tu m'aider à faire descendre Higor ? J'ai peur que sa participation à l'expérimentation ne rende le résultat quelque peu chaotique

Je sentais un début de douleur me reprendre dans l'épaule gauche. Je ne savais pas si je pourrais le retenir longtemps.

Tandis que Lilou plongeais un liquide dans le ballon pour le porter à ébullition, Kaïl posait Higor sur son plan de travail. Elle ne le vit que tardivement, après qu’il eut fait tomber quelques ustensiles, reniflant plus ou moins le méthane qui s’échappait de la flamme. Elle s’apprêtait à réagir, quand elle vit Higor se faire soulever dans les airs par son professeur.
Richye accompagna se geste d’une remontrance qu’elle prit à son compte. Son cœur se serra.

- Pardon Richye, dit elle en baissant légèrement la tête, la mine déconfite.

C’était son animal, elle en était donc responsable. Higor se débattait, et Richye eut une légère grimace de douleur.

- Je m’en occupe.

Elle éteignit la flamme, et abandonnant son expérience, pris Higor dans ses bras. Elle quitta la pièce pour trouver un endroit où il ne risquerait pas de causer des dégâts. Lui faisant renifler un peu de lavande pour l’apaiser, elle commença à explorer la bâtisse, à la recherche d’un lieu propice.

Titou qui jusque là c’était contenté de se poser en observateur depuis un coin de la pièce, (il était aller repéré les lieux entre temps) choisit ce moment pour semer la zizanie lui aussi. Passant entre les jambes de Richye, et le bousculant légèrement, il entreprit de s’attaquer à Kaïl – qu’il n’appréciait guère – remontant le long de sa jambe en décrivant une spiral, il s’arrêta sur son épaule en grondant….

Mais je rêve ! Lilou est triste et je regarde du coin de l'oeil l'alchimiste que je viens de classer dans la catégorie spéciale de ma liste d'ennemis : ceux que je vais rendre chèvre. Je le hanterai éternellement, même en enfer on aura peur de lui car je serais toujours là pour faire de sa vie et de sa mort un chemin de croix...

Le temps que Lilou s'en aille, Titou est venu sur mon épaule, il me fait trembler et mon crayon glisse bizarrement sur le papier du carnet. Aucun problème, il me reste la touche finale : une bouche et des yeux. Titou gronde et les yeux prennent une drôle de forme, la bouche est un peu trop grande mais en situation difficile c'est le mieux que je puisse faire.

La seconde d'après un blob couleur marais apparait sur le sol et son corps gélatineux commence déjà à tapisser le carrelage de sa matière visqueuse.

- Cadeau papy !

J'attrape Titou par la peau du cou et je file à la suite de Lilou pour la retrouver. Je n'allais quand même pas rester dans la même pièce que cet horrible blob... Il a même la couleur du vomis. C'est la faute de Titou, je n'ai rien dessiné d'aussi affreux de toute mon existence.

-C'est ta faute Titou, maugréais-je au petit animal, sans toi, ce blob n'aurait pas une bouche aussi grande. Il va sûrement avaler le matériel de l'alchimiste au complet...

Et je vais encore être pourchassé par des sanctuaris peu endurants. Cette idée me met de bonne humeur et même plus lorsque je trouve Lilou.

-Il est un peu psycho-rigide ton prof, dis-je nonchalamment.

Je parlais assez fort pour que cela s'entende dans tout l'étage.

Ce petit mal élevé me le paiera ! Un énorme blob difforme se répand sur le sol de mon labo. Je me précipite sur l'armoire proche de l'entrée qui mene au comptoir. Je fouille les tiroirs frénétiquement, il devait bien y en avoir ici...

En voilà ! Des balles hiver ! Normalement, une balle suffit à geler légèrement les plaies pour contenir les saignements et engourdir la douleur. Je pris la boîte, renversant une partie du contenu au passage, et lançais la boîte complète à la gueule béante du monstre :

- Tiens ! Fais-toi les dents là dessus !

Les balles se dissolvèrent dans le monstre, sans effets particuliers. Pris de panique, je reculais et trebuchais en arrière....

*ccccrrrrrr......*

Le monstre ralentit, et s'opacifia, pour ensuite s'immobiliser. Le réfrigérant a mis son temps à agir !!! J'en profitais pour en appliquer une qui était tombée par terre sur mon épaule douloureuse.
Ma peur fit place à un profond soulagement, puis à une colère noire. Je sors une formule de mutation de ma poche, et attrape un tabouret haut en alu pour le transformer en masse de démolition. Tout en fracassant le blob devenu statue de glace, j'hurlais la rage de voir mon labo ainsi souillé :

- ESPÈCE DE MORVEUX ! JE VAIS METTRE TA TÊTE DANS UN BOCAL DE FORMOL !! ET CE QU'IL RESTERA DE TOI FERA DE L'ENGRAIS POUR LA SERRE !!!