Equipement pour la guerre... et pour le reste

Il était grand temps de m’équiper. Les quelques gadgets d’Azurée sont utiles un temps, qui vient de se terminer.
Je cherche quelques temps la forge d’Ordae. Il faut dire que je refusais de parler aux autochtones pour obtenir un renseignement.
Une fois devant, je passais la porte.

Personne… La première salle de la forge était remplie d’armes en tout genre. Avec curiosité, je bandais un arc au bois torsadé pour en tester la puissance puis une dague sur laquelle la lumière tranchait.

Dès le premier coup d’œil je voyais autant de fatras que de choses intéressantes. Ca allait du sac aux hallebardes en passant par divers fourreaux ornementés ou non.
Qui utilise un fourreau ornementé ?

Je m’ennuyais à attendre le forgeron ou son remplaçant, je hélais l’inconnu.

-Il y a quelqu’un ?

J'arrive, une seconde.
C'est vrai que cette voix me semblait familière. Je ne savais pas pourquoi mais elle me rappelait quelque chose. Je passais le pas de la porte séparant l'arrière-boutique pour deviner ce que cette voix me rappelait. Bon ou mauvais, je marchais vers Syel pour la prendre dans mes bras.

-Soeurette, j'ai vu Atlas revenir hier, il était en piteuse état...

Loin d'être un reproche, je libérais Syel de mon étreinte une fois sûr qu'elle était en bonne santé.

-Mais t'as l'air de te porter comme un charme.

Vite-fait, je m'éloignais d'elle avant que la proximité ne provoque un réflexe malencontreux. C'est qu'elle a du caractère cette Silnà là.

-Que peut faire pour toi le remplaçant du forgeron ?

Je suis toute déboussolée… Personne ne m’a étreinte comme ça depuis longtemps. C’est bon de sentir sa famille si proche. Il m’a redonné bonne humeur. Si ce ne pouvait être mal interpréter, surtout par lui, j’aurais refusé qu’il s’éloigne.

Maintenant, j’ai juste envie de lui en mettre une…

-Ok… Fais marcher ta tête plutôt que ta langue, j’ai besoin d’un bracelet de cuir pour mon bras droit, il faut qu’il soit renforcé pour servir de bouclier léger au besoin. Je veux aussi un bras armé avec la lame, là.

J’allais et venais entre les étalages. Tout ça allait coûter une fortune.

-Tout en noir. Je veux aussi un plastron de cuir, mais attend, je ne veux pas être gênée aux épaules, je veux qu’il soit en deux parties, le contour d’épaule avec un col souple – pour tirer, tu comprends – et le plastron pour la poitrine et le ventre, en bustier. Faut qu’il soit cintré, je dois rester souple.

Ensuite je lui montrais les jambières.

-Faut couvrir les genoux et le haut des cuisses. Je veux qu’elles soient renforcées aux tibias.

Je posais ensuite l’arbalète sur la table.

-Echange-la contre un arc, bois et acier, j’ai vu ce modèle…

Je sortais de ma poche latérale un icône d’un arc dont la structure ingénieuse lui offrait une puissance et une précision rare. Tern inventait de ces choses… Cet arc était entièrement en acier léger.

-Noir aussi. Les cuirs et les lanières doivent être mâtes, je ne veux pas briller dans le noir.

Puis je relevais les yeux sur lui… L’impression qu’il n’avait pas tout mémorisé ni même tout compris…

-Tu veux que je te le note ?

Un bracelet de cuir, un bras armé…

-Que vas-tu faire d’un bras armé ? Je veux dire, t’es plutôt arc et flèches…

Bustier, cintré, souple, chaque mot enchainé me fit monter une légère rougeur au visage. Se rendait-elle compte de l’effet que cela va donner sur elle ? Elle n’a jamais vu catwoman alors, non, elle ne doit pas se rendre de l’augmentation cruelle de son potentiel d’attirance.

Sa liste ne s’arrêtait pas là. Des jambières hautes renforcées et un arc de haute précision. C’est qu’elle ne blaguait pas avec son équipement.
Je récupérais une partie de ce qui était livrable de suite dans le magasin pour le reste, j’allais devoir noter et attendre que le forgeron accomplisse son œuvre.

-T’as l’intention de reprendre la chasse ?

L’arc qu’elle demandait, nous n’en avions pas en stock. Il faudrait quelques jours au forgeron pour créer les pièces et les assembler.

-C’est lourd… Pas besoin, j'ai tout en tête.

Je noterai plus tard.
Je laissais tomber ce que j’avais trouvé de plus proche et dégainais un mètre de ma poche.

-Viens-là, je dois te mesurer pour l’armure.

C’est le meilleur moment ! J’adore faire de l’intérim à la forge.
Tout en m'affairant, je relançais sur un autre sujet. Je savais qu'elle se porterait volontaire pour la guerre à un moment. Je n'étais pas pressé qu'elle le fasse voilà tout.

-Je ferais de l'intérim dans quelques jours à l'épicerie. Ce serait bien que tu passes à ce moment là, tu sais, pour finir de t'équiper. T'es sûre de vouloir te battre ?

Je levais sur elle un regard un peu triste et un peu inquiet.

-Ils ne sont pas des nôtres, s'ils meurent qu'est-ce que c'est censé nous faire...

Depuis quand Azurée est-il un expert en armes et en combat ? Je le regarde comme s’il venait de poser une question idiote.

-Un bras armé c’est pratique pour embrocher le furtif dans ton dos, terminer une cible que tu as auparavant déconcentrée avec un tir à bout portant, ou pour faire menaçant…

Je suis un petit peu fière de lui faire la leçon, pour une fois c’est moi qui sait plus que lui sur quelque chose. Ce n’est pas évident d’être plus incollable qu’un errant… surtout plus vieux.
En même temps qu’il me mesure, je surveille ses mains et je surveille qu’il enregistre toutes mes exigences. Je ne rigole pas avec mes équipements, ni avec ma vie.
Non plus avec ma pudeur…

-Je veux que les lames soient teintes en noire. Précise bien que l’équipement doit être sombre, mon truc c’est la chasse nocturne. Je ne veux pas ressembler à un cheptel de lucioles. … Et puis, je veux une dague là-bas. Lame de 32cm, sans garde, ce ne sera pas utile, je ne plante pas avec ces trucs.

Est-ce qu’il sait quelle force il faut pour planter un couteau dans le corps d’un autre ? La plupart du temps on rencontre des cartilages et des os, rien de pire pour s’entailler la paume.
Je ne suis pas assez musclée pour ce genre d’exercice, la dague sera seulement un cas de dernier recours pour viser des parties souples de mes adversaire, ou menacer.
La peur est une arme…

-Noire aussi…

Je lui souris. C’est comme expliquer à un enfant ce c’est d’être donjion.

-Azurée, ces gens tombent sur le champ de bataille pour nous aussi, pas seulement pour eux. Mon honneur veut que je me batte à leurs côtés. J’aime notre famille, mais ces entre-mondiens qui meurent, je les aime un peu aussi. Ils ne sont pas de la Silnà, mais pour le sang qu’ils versent ils méritent bien un peu du nôtre, aussi précieux qu’il soit.

C’est ça être une donjion comme mon père me l’a enseigné, comme mon maitre d’arme m’a appris à l’être.

-Je ne peux pas regarder les autres se battre sans le faire aussi. S’ils échouent à défendre ce territoire, c’est aussi les miens, toi et nos autres frères et sœurs, qui pourraient être danger. Pas seulement leurs villes et leurs familles…

Azurée est tellement détaché de tout. Insouciant, c’est le mot. Je me demande même s’il a prévu de se caser un jour avec une sœur. Je suis sûre qu’il adorerait avoir des enfants. Il saurait alors comment fonctionne un donjion... Comme un père, comme une mère, qui protège ses ouailles.

Tout en noire, toute en cuir, toute en arme et en souplesse. Cette donjion n’a pas conscience de sa beauté.

Je peux sentir son regard lourd sur mes épaules tandis que je la mesure, je note minutieusement les valeurs sur un livre, les colonnes rehaussées de son nom donnent un aperçu de ce qu’elle est.
Une femme rodée au combat, musclée du dos, des épaules et des bras.

-Ils se battent surtout pour eux…

Je n’étais pas dupe et surtout je ne voulais pas entrer dans ce débat avec elle. Je posais les mains sur ses épaules avec un vague sourire.

-Passe à l’épicerie, j’aurais tes équipements et tu pourras voir à prendre d’autres trucs utiles… Je ne peux pas t’empêcher d’aller te battre mais je peux t’aider à revenir en vie.

Je m’en retournais vers les livres de la forge, pour y lister l’armure de la donjion.

-Pour ton arc, je pense qu’il sera tout en acier, à cause des poulies. Sinon, ça te fera 95 pims.

Durant l’encaissement, je lui signifiais tout de même mon aversion pour l’Entre-Monde.

-Ils n’auront aucune reconnaissance pour toi, pour le sacrifice des nôtres ou pour tout le sang que tu verseras… Quand viendra l’hiver, ce sera toujours eux en premier. Souviens-toi que la Silnà est notre seule famille. C’est plus qu’ils ne comprendront jamais.

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