Table n°5

Témari contait fleurette et c’était une chance, le barman put faire retentir sa clochette sans qu’aucun élément perturbateur ne vint l’en empêcher.
Il savoura ce moment où les visages reprennent vie, les convives qui restaient encore redécouvraient leur environnement.

Le râclement des chaises sur le pont.
Une pause de quelques minutes était donné à ceux qui souhaitaient manger un morceau ou simplement se dégourdir les jambes. C’était aussi un petit répit pour ceux qui souhaitaient partir tranquillement.
Y compris pour ceux qui partaient précipitamment...

Au bout du compte, le présenteur tapota son micro et annonça le 4ème tour, non sans un brin d’humour…

-Si un désaccord survenait autour d’une convive, merci de régler ce différent en dehors du bâteau, pour le confort de tous. Une vue d’en haut depuis le pont serait bien plus appréciable en cas d’affrontement.

Dit avec un calme olympien… Même le barman blêmit ne sachant s’il devait rire ou pleurer.
Quoiqu’il en soit, la liste des tables fut annoncée :

Spoiler:

- Ouais j'comprend bien, en même temps ouais bah voilà faut changer de table. Bon écoute c'était cool hein j'suis content de t'avoir rencontré Eva la biblio-machin. J'passerai te voir ouais à l'occasion histoire que tu m'envoie chasser le bidule, héhé. Allez à la prochaine et merci pour la discussion.

Meliel se leva lentement, gardant toujours un grand sourire aux lèvres en s'inclinant à nouveau devant la demoiselle avant de récupérer son chapeau et de disparaître dans la foule pour passer par le buffet afin de déguster quelques petits fours, attendant tranquillement un petit moment histoire de se dégourdir les jambes avant de retourner s'asseoir, ce qui ne l'enchantait pas vraiment.
Le dieu jeta un oeil aux couples formés qui partaient de cet endroit, étant légèrement envieux mais surtout très heureux pour eux. Il observa en suite les personnes restantes, se demandant qui il allait rencontrer et remarquant assez rapidement qu'il ne lui restait plus que deux personnes à aller voir, deux femmes encore et assez charmante en plus. Meliel s'arma de son plus beau sourire avant de s'avancer finalement vers celle qu'on lui avait annoncé.

Si j’en crois cette allure, cette odeur et cette voix, Augure est à ma table. Ce costume sur mesure n’est pas dans ses habitudes et son ton semble s’adapter aux circonstances. Il est courtois et il obtient en récompense un sourire lumineux. Jusque-là je n’étais pas certaine qu’il me fasse un compliment.

-Un don que tu possèdes toi aussi, ce costume te change. Tu es aussi très élégant.

Heureusement que nous portons des masques, je n'aime pas que mes joues révèlent mon embarras.

De quoi puis-je parler avec Augure ? Une conversation sur sa sœur serait peut-être malvenue, mais en l’absence de nouvelles fraîches, je me rendis compte que je voulais savoir où il en était. J’étais aussi inquiète pour lui que pour sa sœur.
Ils partageaient un sort commun et puisque je m’étais surprise à trouver Augure de bonne compagnie, il me venait l’envie d’être un peu plus que la « bibliothécaire ». Ce qui incluait de s’inquiéter pour lui et pour les siens.

-Comment vas-tu ? As-tu réussi à…

La question avait un peu de mal à sortir.

-Où en sont tes recherches ?

Le regard de Carine se focalisait sur Augure. Une curiosité primitive l’obligeait à suivre cette conversation. Je pouvais presque voir l’animal, tête basse entre les ombres, les yeux braqués sur Tchen en quête d’informations sur ses forces et faiblesses.
Une colère montait en moi pour faire face à Carine. Il commençait à me pomper l’air l’animal.

Enfin un terrain sur lequel Augure n'est pas d'office avantagé. Il ne semble pas à l'aise... Je me sens d'un coup moins désavantagée. Nous partons sur un pied d'égalité.
Mon sourire ne pouvait pas s'élargir sans se confondre avec mes oreilles, je n'en pensais pas moins à la mention du sauvetage de sa soeur. Tandis que j'allais l'inviter à me l'envoyer à la bibliothèque dès qu'elle s'en sentira prête, Augure passa à un autre sujet. Plus... Epineux et à la fois plus réjouissant.

-J'ai du mal à imaginer qu'on puisse t'obliger à venir dans ce genre d'endroit.

Si sa soeur arrive à accomplir ce genre de miracle, je veux connaître son secret ! En quelques mots, Augure m'a donné de bonnes raisons d'être d'excellente humeur.

-Mais j'apprécie aussi cette rencontre imprévue. Je n'ai pas eu besoin de mon assistant pour me trouver une raison de venir. J'ai l'occasion de porter une robe, je désignais ladite robe non sans une once de fiereté, j'avais mis un temps fou à l'enfiler et à l'ajuster. et peut-être de rencontrer quelqu'un d'assez résistant pour supporter moi et Carine réunis.

Je me sentais obligée d'ajouter :

-Si Kip avait le pouvoir de m'obliger à quoique ce soit, je l'aurais déjà transformé en presse-papier.

Un énorme presse-papier.

J'avais donc répondu à toutes ses questions.

-Au moins tu sembles aller bien.

Carine soudain ennuyé m'annonça ouvertement que cette discussion l'ennuyait au plus haut point. Il voudrait que j'aille lui chercher de quoi s'occuper au buffet.
Ma réponse ne se fit pas attendre : Il attendra que j'ai faim ! Pour le moment ce n'était pas le cas.

Il semble tellement peu habitué à faire des compliments que j'accueille ceux qu'il me lance comme de petits miracles. Ce n'est pas ce soir, alors que je suis venue chercher un coup-de-foudre arrangé sur un navire volant, que je vais avoir l'indécence de garder prisonnier mes instincts féminins. Les compliments j'aime ça, je prends.

Carine ? Facile à vivre... Mais il fait de l'humour sur mon compte ou je me trompe ?! Un petit rire bref salue le trait d'esprit.
Heureusement, si Augure n'avait pas laisser un peu d'humeur sombre ternir son expression j'aurais pu m'imaginer que ce n'était pas vraiment Augure face à moi... Je me réjouissais de sa réussite bien que je tentais de ne rien laisser paraître. Il parait que je devais faire comme si l'échec lui était impossible. Exprimer ma joie aurait été malvenue au vue de son assombrissement.
Il faudra que je demande, un jour, ce qu'il s'est vraiment passé depuis qu'il est parti.

-Personne... Ca dépend. Tu te sens capable de me survivre ?

Je n'avais peut-être pas le droit de parler de sa soeur, de son père et tous ses ancêtres pour éviter d'écourter la soirée. Je n'étais pas non plus obligée de rester sérieuse ! Il m'a tendu la perche, j'avais le droit de la prendre.
Suis-je vraiment en train de justifier mon humour ?

-Quelles tables as-tu vu depuis le début ? Tu n'étais pas avec Corben juste avant ?

Je l'ai déjà dit, le flaire de Carine peut reconnaitre n'importe quel aventurier passé par la bibliothèque. Quant à moi, je peux reconnaître leur allure les yeux fermés.
Peut-être pas les yeux fermés. Mais l'idée y est : Le haut de forme de Corben était inimittable. Sa timonière aussi...

Jacquiesçais et lui offrais un sourire appréciatieur. Ce défi ouvert était très bien reçu dans le camp opposé. Je jouais du bout de l'index avec l'eau condensée sur mon verre vide.

-Siothrùn ! Non ! Il devait être tout intimidé...

c'était drôle, un éclat de rire s'échappant de lui-même. Je portais une main à mes lèvres de peur que ce rire ne soit mal interprété.
L'artiste devait être dans ses petits souliers durant les 15 minutes passées avec Augure. J'étais, un petit peu, désolée pour lui.

N'est pas donné à tout le monde de pouvoir tenir la distance dans une discussion avec le nephilim. Je le soupçonnais même de me ménager. Une marque d'attention qu'il ne devait pas offrir à quiconque encore moins à ce petit bout d'homme plus gentil qu'un ange.
Heureusement, j'avais noté le départ de mon habitué avec Karan. Son partenaire était très bien choisi. Le caractère très doux du prêtre pourrait compenser... Ou bien Siothrùn aura du mal à se convaincre de sortir de son atelier à nouveau !

-Je crois que c'est un mal pour un un bien, il aurait pu rencontrer Saressinashira...

Corben devait donc sa survie à la nouvelle politique de Tchen qui est de ne pas lui casser les dents en public ?
Une jambe ramenée par dessus l'autre, je j'étais un regard au technomage et confirma qu'il était en vie...

Alors Augure invita. Je poussais mon verre du doigt et annonçais ma commande : une autre vodka.
Carine ne pourra plus espérer se faire entendre avant plusieurs heures. J'ai besoin de temps libre, ma commande n'était pas même en cours de préparation qu'il se mettait en colère. Ses changements d'humeur détérioraient trop souvent la mienne. Je tâchais de ne pas lui donner plus d'importance qu'il n'en méritait. L'animal était contre tout et tout le monde : faire la fête, les robes, l'alcool, les masques et surtout les hommes. Rien de plus frustrant pour la bête que de m'entendre lui dire qu'il n'arrivait pas à la cheville d'Augure...
L'idiot ne l'était pas assez pour relever le défi. Il aboyait et ne mordait pas. Un clebs attaché à sa niche.

Il ne se privait pas pour lacerer mon esprit de la pointe de ses griffes. Ses dents pénètrent profondément mes souvenirs. Il rejetait tout ce qu'il trouvait pour embrouiller mes sens.
L'alcool anesthesierait les douleurs avant qu'elles n'apparaissent. Il ne faisait qu'empirer une future gueule de bois... Ma joie était complète. Le monstre essuya sa première défaite.

-Je ne sais pas comment tu t'y prends, mais le chien est plus facile à dresser en ta présence. Il faudrait se voir plus souvent. J'ai presque l'impression d'être en vacances.