Table n°5

La chasseuse qui s'était éprise d'Azurée venait donc à ma table... Carine trouvait cela très amusant, il m'indiqua aussi qu'il n'avait rien contre le serpent au dîner. Tant qu'il ne se fait pas mordre, tout va bien.

-Si je veux..., lâché après un premier bout de phrase de la Naga.

Je déteste les menaces, quand bien même elles sont seulement sous-entendues. Une autre chose me laissait croire que nous seront incapables de devenir amies : je déteste qu'on m'interdise de faire quelque chose.

En souriant, je dévoilais mes canines, une mauvaise habitude laissée par un Carine des mauvais jours.

-... Aucun risque, lâché en conclusion à sa remarque.

Je posais mes mains à plat sur la table.

Pour une fois, Carine n'alla pas proposé ses services si jamais la situation dégénérait, il avait pour règle fondamentale de ne jamais s'interposer entre deux femelles énervées.

-Je prendrais une vodka.

Carine ne commenta même pas mon choix. D'habitude, il déteste l'alcool et les effets qu'il induit.
Mon choix fait je reportais mon attention sur Saressinashira, avec un petit sentiment de fierté. Si elle pensait que j'allais boire du jus de pomme, elle se fourrait les sonnettes dans l'oeil jusqu'au coude !

-Je te conseille de bien surveiller ton mâle il a l'air plus disposé à te fuir qu'à te tomber dans les bras !

Je l'avoue, je n'ai aucune intention envers Azurée. L'acolyte est, à l'instar d'Uriel, mignon mais trop éloigné de ce que je recherche. Ou pour faire simple : beau mais pas assez endurant à mon goût.

Je m'amusais à essayer de contredire la Naga. Puéril mais divertissant...

Trop puéril pour que cela dure. Nos verres arrivaient après une minute de silence tendu.

-Rho, ça va... J'en veux pas de ton Azurée, garde-le et tiens lui chaud si ça peut te faire plaisir.

Avec un sourire taquin :

-Attends la fin de la soirée pour le kidnapper. Je reconnais rien qu'à la démarche au moins si personnes capables de te barrer la route.

Je lui tendis une main à serrer :

-Je suis Eva Carine.

Cette conclusion était censée lui expliquer pourquoi j'en savais autant sur les convives. A ce rythme, je pourrais ôter mon masque dans dix minutes et tout le monde m'aura reconnue avant.

Un petit éclat de rire étouffé, oui un gloussement comme me le fait si bien remarquer Carine, sonne dans l’air.

-Corben dit du bien de moi justement parce qu’il sait que j’ai du caractère !

Quelle descente ! La Naga n’allait pas avoir chaud longtemps si elle buvait aussi vite. Un bon point pour Azurée qui aura peut-être une chance de sauver sa peau avant qu’elle ne l’enlace pour une dernière balade.

Sssss… Carine tourne en rond, il n’aime pas voir l’autre femelle s’approcher trop de près de la « sienne ». A moi de lui répondre qu’il n’est pas mon type d’homme, il manque beaucoup trop de jugeote.

Voilà qu’il gronde et s’en va bouder. La brave bête…

-Personne en particulier… Vois-tu, je ne suis pas désespérée au point de sauter sur le premier venu. La plupart des hommes ici sont passés au moins une fois par ma bibliothèque, je ne vais quand même pas repartir au bras de l’un de mes missionnaires !

Je paye leur prime, je donne le travail… La relation serait biaisée.

Avouons-le franchement, je n’ai aucune idée de qui ferait l’affaire. Je ne sais même pas si j’ai vraiment envie d’avoir une personne dans ma vie.
Carine n’étant qu’un clébard malélevé, rester seule avait ses avantages.

Je remarque aussi que je suis très exigeante sur la carrure de ce « quelqu’un » potentiel. Il me faut un homme assez endurant pour survivre à moi et Carine réunis, assez fort pour me retirer l’impression de porter la culotte et…

Tu rêves Eva !

Témari observa durant plusieurs minutes le barman. Il était l'instigateur de sa précédente défaite et le détenteur d'une clochette maléfique... celle-ci avait le pouvoir d'obliger toutes les tables à changer ! Mais comment ses invités pouvait trouver quelqu'un à l'heure goût si on ne leur laisse pas assez de temps faire connaissance ?
Témari était assez futée pour avoir remarqué que près de la moitié des convives perdait beaucoup de temps à trouver leur table...

Le barman essayait depuis quelques minutes de ne pas faire attention à la jeune femme habillée en pirate. exercice difficile... même lorsqu'il servit un verre à un client il senti le regard perçant de l'arcturienne sur sa nuque.
Il regarda sa montre et s'aperçut que le nouveau tour devait être annoncé... Il fouilla sa poche et dénicha la fameuse clochette.

Avant qu'il n'ait eu le temps d'en jouer Témari se jeta sur lui et arracha de sa main l'instrument.

La dragonne victorieuse voltigait de mat en mat avec son précieux butin dans la main, le barman bousculait quelques danseurs dans ses tentatives de suivre la demoiselle.

Sur scène, comme si tout ceci était parfaitement normal le présentateur annonça :

-Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, je vous prie de changer de table.

Eva, ce tour-ci tu rencontres Meliel

Meliel avançait tout sourire au milieu de la foule, se servant encore une petite bouchée au buffet avant de s'approcher des tables, cherchant son nom pour ce troisième tour. Il effectuait de grands gestes amples et harmonieux, tel un danseur, afin de passer entre les personnes pour finalement tomber sur l'emplacement portant son nom. Il resta un moment devant la table en observant la demoiselle installée, lui offrant son plus beau sourire avant de s'octroyer le droit de lui faire sa plus belle révérence, ôtant son chapeau par la même occasion pour enfin venir s'installer sur la chaise, le dieu tendant délicatement sa main vers la jeune femme.

- Salut! Moi c'est Meliel! Dieu du miroir de K'ien. Enchanté. Bon je serai pas venu pour rien ici au moins, t'es la première demoiselle que je rencontre jusqu'à maintenant. Bon les deux autres étaient sympa hein, surtout celui juste avant là avec ses cartes, Cor... Corbeau... Non... Corben, ouais voilà. Gentil ce mec, j'espère qu'il trouvera quelqu'un. Alors et sinon toi c'est quoi ton petit nom? Ah j'oubliais, tu veux un truc à boire peut-être? Ou a manger? C'est moi qui offre. Ca te dis un thé? Moi j'adore le thé.

Le dieu était encore reparti dans ses dialogues à rallonge qui partent dans tous les sens, à la fois tout excité de pouvoir enfin discuter avec une charmante demoiselle mais aussi assez nerveux, sachant au fond de lui qu'il devrai se comporter du mieux qu'il peut afin de faire bonne impression. Il observait longuement la jeune femme face à lui, laissant ses yeux dorés détailler chaque recoin de son visage, gardant toujours un doux sourire sur les lèvres.

Première impression, il est grand et élégant.
Deuxième impression : Carine, arrête de grogner !

Une avalanche de mot, de questions et d'informations me tombèrent dessus. La bouche ouverte, je restais une seconde silencieuse : choquée.
C'était un phénomène comme je n'en ai encore jamais vu. Il parle plus qu'il ne respire !

Sous une migraine nouvellement née, ma cervelle enchaîna les réponses que je débitais aussi vite qu'elles me venaient.
Il a même ôté son chapeau pour moi.

-Eva Carine, je suis sûre que Corben finira par trouver quelqu’un, espérons seulement qu’il trouve une personne qui puisse survivre à sa timonière aussi.

Il offre le thé ? Après une vodka, ça va la diluer et je serais de mauvaise humeur juste après ça. Car la migraine est encore un peu contenue par le léger engourdissement qui prend Carine.
Le loup ne tient pas l’alcool !

-Offre-moi quelque chose de plus fort, le thé n’est pas digne d’un navire comme le Fenrir. Que fais-tu dans la vie, Meliel ? En dehors de jouer aux cartes avec l’un des joueurs-arnaqueurs le plus fameux de Magna ?

Anciennement.
C’est un détail.

-D’ailleurs, il va falloir m’expliquer comment vous vous êtes retrouvé-ici.

Pour une fois que je ne connais pas d’avance ceux qui s’assoient face à moi…