Rendez-vous aux bougies (d'allumage)

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Voilà quelques temps qu'il n'était pas venu, mais le circuit de courses motorisées de Tern-Ouest n'avait pas changé. Le lieu faisait comme une vallée entre les chaînes montagneuses des gratte-ciels qui l'encadraient de tous côtés, leurs innombrables fenêtres reflétant comme autant d'étoiles les rayons de soleil qui parvenaient à se glisser entre leurs hautes silhouettes. En comparaison, les gradins disposés à trois points stratégiques de la piste semblaient tous petits. Pourtant, des centaines de personnes se pressaient à leurs pieds.

"C'est mon circuit préféré," avoua Xénon alors qu'il s'approchait avec Wergeld. "Ils font pas mal de courses ouvertes aux amateurs éclairés comme moi."

Il repéra l'un des employés du circuit qui ne lui étaient pas inconnus, un gnome affublé de la casquette rouge criard qui constituait son uniforme. Juché sur une caisse pour atteindre la taille moyenne des spectateurs, il distribuait le programme de la course à la foule qui passait près de lui. Comme Xénon arrivait à sa hauteur, il darda sur lui un œil jaunâtre.

"Salut champion. Ça fait un bail," dit-il d'une voix rocailleuse.

Il ne fit pas d'autres commentaires, même quand son regard perçant tomba sur le Maître de K'ouen et l'examina de la tête aux pieds. Il se contenta de tendre d'un geste brusque un prospectus à Xénon, qui s'en saisit avec un sourire poli et un salut tout aussi bref. Depuis qu'il était devenu Maître, ses vieilles connaissances l'abordaient avec plus de distance.

"On a encore un moment avant que la course ne commence," annonça-t-il à Wergeld. "Tu as faim ? La buvette n'est pas loin."

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-Si c'est si grave que ça, fais-moi découvrir !

Et depuis l'ascenseur jusqu'au terrain de course je réprimais difficilement mon impatience. Aussi brutal et irréfléchi qu'on peut me croire, j'étais très curieux de voir ce que donnait ce genre d'évènement.

Tern ne manquait pas de me faire sentir bien maigre. Ce circuit sorti de nulle-part entre les tours valait le coup d'oeil.
Mon premier réflexe fut de constater quelque chose que j'avais assez peu expérimenté : la foule.

-Y a du monde !

Une vrai foule qui se marche dessus et qui s'évite de justesse. Déjà Xénon partait prendre des nouvelles.
Je le suivais sans mot dire, au moins pour ne pas le laisser me distancer.
Ce genre de terrain inconnu n'est pas dans mes habitudes. Dans les miennes, il n'y a souvent personne, pas beaucoup plus de lumière et rarement aussi peu de créatures hostiles.

-Tu viens souvent ?

Encore une question qui trouva une réponse là où on ne l'attendait pas. Je saluais le gobelin sans réussir à lâcher un sourire.
Jusqu'à ce qu'on me parle de la buvette.

-Bonne idée, j'ai soif !

Au moins une activité qui me semblait familière. Et puis, à courir d'un bout à l'autre de la ville, ça déshydrate.

Devant la table qui me séparait du tenancier, je récupérais un gobelet de la hauteur de ma tête remplie de jus d'orange (et le gars avait l'air bête quand j'ai signifié que je voulais juste un jus d'orange, sans rien d'alcoolisé dedans).
Quelques minutes plus tard, mon verre, vraiment trop grand, à la main, je regardais Xénon l'air d'attendre la suite.

-Alors, quel est le programme ?

Je prendrai bien un truc à manger aussi...
Mais en ville ce n'est jamais bon de manger autant. Je prends du poids trop vite à rester au palais.

Il aurait cru ce format de gobelet réservé aux géants et autres Personnes de Grande Taille. Apparemment, il avait eu tort. Il cacha un sourire en voyant Wergeld manipuler son énorme boisson. Si quelqu'un le percutait, il allait y avoir une sacrée flaque de jus d'orange par terre. Ou sur les vêtements de son compagnon, ce qui serait... Il s'arrêta avant que son processeur ne tente de se représenter Wergeld dans des vêtements humides et rendus collants par le sucre.

"Je te fais visiter ?"

Joignant le geste à la parole, il ouvrit le chemin vers les gradins les plus proches. Des tunnels béaient dans la façade arrière du bâtiment. Les spectateurs s'y engageaient par grappes puis, une fois à l'intérieur, se dispersaient parmi les escaliers qui en bifurquaient.

"Ne t'en fais pas," dit Xénon alors qu'ils se mêlaient à la foule, ayant réalisé que le Maître de la Zone Extérieure n'était pas nécessairement à l'aise en territoire urbain. "Les entrées donnent l'impression qu'il y a beaucoup de monde, mais il y a assez d'espace à l'intérieur pour qu'au moins la moitié des places restent libres. En tout cas pour des courses de l'envergure de celle-ci."

Il n'en restait pas moins que la foule était plus compacte encore dans les tunnels qu'à l'extérieur. Xénon prit le bras de Wergeld et marcha si près de lui qu'il pouvait sentir sa chaleur contre sa peau synthétique, autant pour qu'ils ne soient pas séparés que pour le guider. Et aussi un peu parce qu'il en avait envie. Plutôt que de prendre les escaliers, il l'entraîna tout droit. Ils émergèrent au bas des gradins, à quelques mètres à peine de la piste. Il y avait beaucoup moins de monde, ici, mais Xénon retarda un peu le moment de lâcher son compagnon.

Il désigna un portail qui s'ouvrait, plus loin sur leur gauche, dans la grille les séparant de la piste. De l'autre côté, un cyborg en chemise hawaïenne tenait un bureau sur lequel se penchait un humanoïde aux cheveux violets tressés de perles en forme de roues crantées.

"C'est le bureau d'enregistrement. Normalement, les concurrents viennent avec leur moto, mais on peut aussi concourir avec des machines prêtées par le circuit. Ce ne sont pas les meilleures du marché, mais elles se défendent. Le long bâtiment bas de plafond là-bas, ce sont les écuries."

Il haussa un sourcil à l'intention de Wergeld. De l'humour et une pointe d'esprit de compétition pointaient dans son regard.

"Qu'est-ce que tu en dis, tu veux tenter ta chance contre moi ? Ou on se trouve un coin tranquille dans les gradins ?"

Comme il l'avait prédit, il y avait bien assez de places libres derrière eux pour ne rendre personne claustrophobe.

C'est qu'il fait chaud dans ces tunnels ! L'étroitesse des couloirs donnaient des idées. Je choisis celle de boire mon jus d'orange et de regarder devant moi sans trop penser.
Surtout, sans penser.
J'étais peut-être très loin d'être un as de la séduction, je n'en restais pas moins très heureux de remarquer le changement dans notre façon de nous comporter. Le message était passé, quand bien même, ni lui, ni moi, n'étions très à l'aise avec ça.

Il mis du temps mais il vint assez rapidement à la question. Tant mieux, plus il prenait son temps et moins j'avais de chance de montrer à quel point ce nouvel environnement me rendait nerveux.
Une vieille habitude m'obligea à me situer par rapport aux sorties les plus proches.

-La dernière fois que j'ai conduis une moto, j'ai manqué de me faire manger par un arcturien. Je ne pense pas être un adversaire digne de ton talent.

Ou bien un coin tranquille dans les gradins.
Pour le coup je n'étais pas certain d'avoir la même idée que lui d'un "coin tranquille" pour deux adultes. Mais... ça se défend. Je me retournais pour observer les gradins se remplir progressivement de quelques groupes armés de provisions ou de banderoles.

-Il parait qu'il ne faut pas conduire quand on boit alors je vais opter pour jouer les spectateurs, ou on peut profiter de la vue à deux. Si tu veux tenter ta chance, je serais un bruyant supporter.

Je fermais la bouche plus vite que prévu en m'apercevant de ma propre bourde. Le gobelet trop grand eu pour utilité nouvelle de dissimuler mon visage rouge de honte. C'est ça quand on se rend compte qu'on a eu beaucoup de courage sans le vouloir.
J'en connais un qui aurait ri à plein poumons en m'entendant. Ensuite, il aurait fait d'autres commentaires encore plus vaseux que ça...

-Trouvons des places !

On dirait une fille à son premier bal. Mon gobelet à moitié plein fila droit dans une poubelle. Ce n'était pas lui le coupable mais ça m'occupa une brève seconde.
Je commençais à grimper quelques marches pour trouver une place qui me permette de garder au moins deux mètres d'espace entre moi et les autres groupes. Minimum de sécurité et d'intimité.

Je me laissais aller sur un siège et soupirais de soulagement.

-Ça faisait longtemps que je n'étais pas sorti comme ça.

Est-ce que j'ai passé tout mon temps ces dernières années à chasser-me faire soigner-chasser-et rebelote ? Oui. A quelques détails près.
Je pense pouvoir troquer les anti-douleurs et les bouteilles d'Ayame contre un androïde. Ça ne peut être que mieux pour ma santé.

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Les sourcils de Xénon grimpèrent sur son front. Il n'était pas sûr d'avoir capté toutes les nuances qui s'étaient faufilées dans les mots de Wergeld à son insu et teintaient soudain ses joues d'un beau rouge soutenu - les humains pouvaient vraiment rendre le langage très compliqué. Il sourit quand même, amusé puisque Wergeld était gêné pour deux.

"C'est gentil, mais je peux venir ici n'importe quand. Les occasions de profiter de ta compagnie sont bien plus rares. Bien que je sois plutôt surpris de te voir préférer une activité calme, pour une fois."

Il l'en voyait ravi, cependant. Puisque Wergeld paraissait connaître ses limites, il ne pouvait que s'incliner de bon cœur. Son envie de vitesse pourrait attendre un autre jour.

Il colla aux talons de son compagnon et se glissa dans le siège voisin.

"Encore un peu et je vais t'appeler l'Ermite de la Zone Extérieure ! J'espère quand même que toutes tes sorties habituelles n'incluent pas des monstres ou des catastrophes naturelles."

Les haut-parleurs des tribunes s'allumèrent et on entendit les techniciens lancer des "un, deux, test". Les derniers concurrents terminaient leurs inscriptions et se dirigeaient vers les écuries. Xénon lissa contre sa cuisse le programme qu'il avait déjà appris par cœur, et commença machinalement à le plier en origami.

"Ils devraient bientôt lancer la rétrospecti..."

Juste à temps pour lui couper la parole, l'écran de retransmission suspendu devant les gradins s'alluma à son tour. Une vidéo se lança, détaillant l'histoire du circuit et les courses les plus marquantes qui s'y étaient déroulées sur fond de musique entraînante. Xénon vit passer une ou deux des compétitions auxquelles il avait participées au cours des années.

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-Calme, calme... Je fais aussi des trucs moins drôles que de titiller de méchantes bestioles de temps à autre. Et je nie toute responsabilité dans les catastrophes naturelles. Je suis fort, mais pas à ce point là.

Rétrospective ? Je suivais son regard vers les écrans aménagés. Les baffles saturaient sous un son rock et les démonstrations m'en mirent plein la vue. Après quelques plans hauts en couleurs, je ne pouvais plus m'empêcher de sourire !
Il ne peut pas nier que ce monde là est à peine plus sûr que le miens.

-Vu les images, je n'ai pas l'impression d'être mal tombé de ton côté non plus !

Absorbé par l'écran, les courses montraient beaucoup d'engins aux couleurs de l'arc-en-ciel, quelques acrobaties ponctuaient les cinématiques et des effets pyrotechniques toutes les dix secondes servaient d'entracte et de hors-d’œuvre aux amateurs de sensations fortes. Quelques débris d'engins en piteux état apparaissaient régulièrement après quelques collisions spectaculaires...

-En plus, je suis trop bronzé pour me faire appeler l'Ermite !

Il marquait un point là dessus, le temps qui m'est impartis s'écoule inexorablement et je n'ai toujours pas d'idée précise de ce que j'aimerai faire avant de partir. J'ai bien quelques pistes, souvent écourtées par des missions de dernière minute.
Maintenant que j'y pense, le comble serait de trouver des excuses bidons pour revenir régulièrement à la capitale... Je vais quand même devoir barrer de la liste celle qui suggère des rendez-vous à l'hôpital.

En bas, les coureurs se préparaient. Ils suivaient un rituel assez particulier dont je n'y comprenais pas grand chose. Je regardai tout ce petit monde effectuer les dernières vérifications, pneu, rétro, direction, carburant...
Avec les effluves de la piste, je pouvais sentir un brin d'excitation et de tension gagner la foule. La course ne tarderait plus beaucoup.

L'écran s'éteignit. La foule dans les gradins attendait en silence la suite. Dans un format indécent le visage du maitre d’œuvre explosait en millier de pixels lumineuses. Un micro griffé devant la bouche et suspendu à un large casque, il énuméra la liste des participants. Certains noms eurent leur petit effet dans la foule.

-Ce doit être quelque chose... D'entendre la foule saluer à l'appelle de ton nom.

Chacun son starter, les conducteurs faisaient ronfler les moteurs, les délicates mécaniques chauffaient lentement pendant que tous s'impatientait au départ. Moi-même je m'étais penché sur mon siège.

Le présentateur terminait ses déclarations, cette fois toute la piste vibrait de la tension qui animait les concurrents.
Un coup feu et les machines s'ébranlèrent, accélérant à toute vitesse sur la première ligne droite qui s'offrait devant elles.

Maintenant qu'ils étaient lancés, je regardais d'un oeil critique les motos se frôler dans les virages. Revenu dans mon siège, je croisais les bras.

-Tu sais, je prends plus de repos qu'il n'y parait. Je m'arrange seulement pour le faire hors de la capitale.

Ma maison aux singes est l'un des rares havres de paix que je connaisse, ça et un restaurant à Aberlaas...

-J'ai un endroit à moi en bord de mer. C'est tellement éloigné de tout qu'il n'y a pas grand monde qui vient m'y déranger. Et pas un seul monstre ne subsiste sur l'île, j'y veille.

Cela étant, je scrutais toujours la piste. Un peu déçu que ça ne soit pas aussi spectaculaire que les vidéos savamment mélangées de l'introduction télévisée du show.

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Touché. Xénon haussa les épaules, embarrassé. Était-il vraiment bien placé pour critiquer l'emploi du temps de Wergeld ?

"Certes. Je n'ai jamais prétendu que je passais mon temps libre à pratiquer le macramé ou la méditation... Mais la vidéo exagère un peu, il n'y a quand même pas d'accidents à chaque course..."

Plutôt une course sur deux... Enfin, en moyenne.

La vidéo se termina. Xénon ne put s'empêcher de remuer sur son siège lorsque le public réagit avec enthousiasme à la liste des concurrents. Il adressa un regard brillant à Wergeld. Les courses avaient toujours eu une grande importance dans sa vie. Au contraire de ses responsabilités de Maître, elles étaient un symbole de liberté et un motif de fierté qui lui appartenait à lui et à lui seul. Pouvoir aujourd'hui partager sa passion avec Wergeld faisait naître une étrange allégresse dans sa poitrine.

"C'est vrai, c'est une sensation unique," avoua-t-il sans fausse modestie.

La course démarra et il examina d'un œil perçant les départs des concurrents. Il avait reconnu plusieurs noms, dont les deux grands favoris du jour qu'il avait tous deux affrontés à plusieurs reprises par le passé. Il était si absorbé qu'il mit quelques secondes à réaliser que Wergeld attendait une réponse à la suite de la conversation qu'ils avaient entamée plus tôt. Il se tourna vers lui à retardement.

"Oh, vraiment ? J'aurais dû m'en douter. Tu es de toute évidence plus à l'aise hors des villes."

Auraient-ils pu être plus différents l'un de l'autre ? Xénon n'avait rien contre la campagne, mais il préférait tout de même le confort d'une ville technologiquement évoluée, avec un bon réseau électrique, une connexion au net toujours à portée de main et des moyens de transport bien conçus et rapides.

Mais ce qui se passait sur la piste lui fit à nouveau perdre le fil de la discussion (il ne manquerait d'ailleurs pas de se reprocher copieusement son manque d'attention plus tard ; c'était très impoli d'ignorer quelqu'un, surtout quelqu'un qu'il avait lui-même invité à lui tenir compagnie).

"Ah, regarde ça," s'exclama-t-il comme la moto rouge d'un des deux favoris faisait une jolie queue de poisson à un concurrent un peu trop téméraire. "C'est typique de Vanee. Il a vraiment sale caractère sur la piste. Ses bêtises m'ont déjà coûté un ou deux remplacements de servo-moteurs, sans parler des greffes de peau."

Il plissa le nez, agacé. Un instant plus tard, un sourire éclaira son visage. Une moto violette venait de profiter de l'inattention de Vanee pour le dépasser sur son autre flanc. L'écran des gradins montra Vanee secouant un poing menaçant vers sa concurrente, laquelle répondit d'un pied de nez puéril. L'échange provoqua des rires et des jurons parmi la foule.

"Drynne. L'autre favorite. Ça va être une course agitée avec ces deux-là sur le circuit."

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C'est comme la chasse, il n'y a pas d'accident à chaque sortie...
Je haussais les épaules :

-Tu devrais essayer de sortir un peu de cette ville. La sensation de liberté que cela procure est inimitable.

Je réalisais sur le coup que je demandais à un robot de se déconnecter quelques jours. Il pourrait me demander d'arrêter de respirer en retour ! Ou de revendre mes armes... Je me sentirais tout nu sans elles.

Dans le même temps, la course prenait un nouveau tournant. J'admirais l'aisance des concurrents sur leurs machines, mais ma bouche lâcha un commentaire qui trahissait mon exaspération :

-Ils sont inconscients !

Exaspération copiée sur celle de tout ceux qui me connaissent et désapprouvent mes choix de vie.
Mais mon sourire suffisait à marquer ma préférence. Ceux là avaient l'air de bien s'amuser, même si leurs âneries manquait de leur faire rater un virage serré.
Je jetais quelques regards à Xénon, il parlait de blessures de guerre comme je parlerai de ma dernière chasse réussie. Avec un sentiment de fierté et de vouloir participer.

Chacun son truc, n'est-ce pas ?
Penché sur mon siège, je partageais l'adrénaline et la crainte qui s'abattait sur les gradins. Je voulais voir comment allaient se terminer cette course.

Mais la course s'arrêta net. Quelques coureurs ralentirent, la visière de leur casque rabattue, tournées vers l'une des entrées de piste. Quelque se passait là bas. En me penchant je ne voyais rien de plus.
Quelques secondes plus tard, un groupe fit irruption sur le bitume et les derniers concurrents finirent par s'arrêter de force.

Je ne compris qu'avec une seconde de retard que l'homme qui semblait porter un enfant dans ses bras, portait en réalité un lance-grenade compacte serré contre sa poitrine.
Qui a dit que vivre en ville était sans danger déjà ?!

La désapprobation dans la voix de Wergeld lui fit relever la tête, surpris et, il fallait bien l'admettre, un peu blessé. Mais il lui suffit d'un coup d’œil à son visage pour être rassuré : son ami n'en pensait pas un mot. Xénon lui adressa un large sourire. A cet instant, il lui semblait que Wergeld et lui étaient sur la même longueur d'onde, parfaitement unis dans leur appréciation de ce que l'adrénaline pouvait offrir à un homme... ou à une machine.

Mais le temps qu'il reporte son attention sur la course, cette agréable sortie sans histoire s'était déjà transformée en nœud à problèmes. Xénon écarquilla les yeux et bondit sur ses pieds.

"Il faut évacuer le public !"

Heureusement, quand les écrans des tribunes firent un gros plan sur les intrus armés qui se répandaient sur la piste, le public réalisa très vite qu'il ne s'agissait pas d'un spectacle surprise et que les seuls feux d'artifice qu'il risquait d'y avoir seraient potentiellement mortels. Malheureusement, la panique se propagea dans la foule et on se bouscula bientôt dans les couloirs, comme si cela les aiderait à atteindre plus vite les issues.

Xénon échangea un regard avec Wergeld. C'était bien la première fois qu'il rencontrait une scène pareille sur le circuit. Était-ce une coïncidence que cela arrive lors de sa première sortie avec Wergeld ?

"J'imagine que tu te serais ennuyé si je t'avais emmené au cinéma," conclut-il avec un certain fatalisme.

Puis il se mit à enjamber les rangées de sièges pour se rapprocher de la piste où coureurs et intrus s'agitaient.

-ç'aurait été trop beau qu'une de mes sorties se passent bien...

Je regardai une seconde Xénon s'approcher de la piste. J'étais partagé, assis j'observais son dos durant cette fraction d'hésitation.
Je sentais qu'il valait mieux rester grouper et s'épauler. Malgré tout, mon instinct me hurlait de m'éloigner, de partir vers une sortie et de trouver un chemin détourné pour prendre ces intrus à revers.

C'est ce que m'a inculqué Fafnir. Attaquer de front n'est pas la meilleure des stratégies face à des voyous. Ils s'y attendent, ils l'espèrent même ! Il faut les bousculer par le côté et les surprendre là où ils n'ont pas pied.

-Attend !

Debout, je le retins par le bras.

-On descend avec les autres.

D'un regard entendu j'espérai qu'il comprendrait. En bas, les escaliers donnaient sur le bord de la piste, nous pourrons nous cacher derrière les murets jusqu'à trouver une entrée plus éloignée.

Comme je regrettai d'avoir laissé mon épée dans son bureau ! Je savais que j'aurai dû la prendre, quand elle n'est pas sur mon dos il m'arrive toujours, toujours, des bricoles.

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