Du travail, encore du travail... [PV Caliope]

[suite de Les murs ont des oreilles]

[suite de Les murs ont des oreilles, Res Publica de Souen]

- Ben quoi ?! C'est un placard, pas une cabine téléphonique.

Lâchai-je d'un ton plus susceptible de sortir de la bouche ourlée de ferraille d'une adolescente lambda que de celle de la Maîtresse de Li. La mine sombre, j'écoutais attentivement tout ce que voulait bien me dire la pierre. Et il fallait faire le tri dans toutes ses digressions. Qu'est-ce que j'en ai à cirer, franchement, de savoir qu'un beau brun vient de passer devant la porte et que la naine vient de passer pour une ahurie totalement siphonnée du mou ? Elle a déjà une image pas nette, la renarde, alors un peu plus ou peu moins, bref.

Comme je songeais à tout ça, la pierre me transmis cette histoire de garde et là, l'horreur se peignit sur mon visage. J'imaginais sans mal la garde de Souen débarquer pour indiquer à ma garde -qui devait surement se demander où j'avais encore bien pu passer- que leur maîtresse se planquait de Dieu sait quel danger dans un placard...Le danger serait forcément mis au courant et là, malheur...

- Non, non, surtout ne préviens personne.

Je transmis ma panique autant que mes mots, espérant que la négation serait assez appuyée de la sorte. D'ailleurs, je m'étais presque mise à chuchoter, redoutant que mes frayeurs fantasques ne se matérialisent si je haussais trop la voix. Voix qui d'ailleurs partit en un larmoiement pitoyable quand je me mis à expliquer.

- C'est Grizbo, il va me rendre chèvre (et j'ai assez d'animaux en moi comme ça). Je dois à tout prix sortir de Li. Tu connaîtrais pas un truc ou deux sur le coin toi ? Parce que, c'est pas tout ça mais le placard, c'est pas la panacée.

Le regard dans le trouble, je rehaussais machinalement mes lunettes sur mon nez comme la pierre me retranscrivait avec force détail ce qui se passait chez ma consœur.

- Tu passes déjà pour une folle auprès de toute ta Res publica, tu risques plus grand chose.

Rajoutant par dessus mes mots un pensée blasée.

- Mais bon, dans ce cas on est deux parce que je te rappelle que je suis accroupie dans un placard à parler à un mur. Oui, bon, ça va toi, te vexes pas.

Faudrait sérieusement que je revois la nature des murs de ma Res Publica, ils prennent de la graine. Enfin, du gravier. J'écoutais la suite, essayant de ne pas interrompre le pavé dans ses descriptions grandiloquentes de Caliope, gentiment avachie sur sa chaise adossée à un mur à plusieurs dizaines de kilomètres d'ici.

- J'peux rien faire de ce côté, Grizbo contrôle tous mes rendez-vous, tous les appels, tout sans exception. Bientôt il va minuter le temps que je passe aux toilettes...

Et reflexion faite, je lâchais totalement désespérée.

- Quoi qu'en fait, il le fait déjà...

Un soupir las quitta mes lèvres, comme le message d'un sentiment qui envahissait de plus en plus mon corps. J'avais besoin d'air libre, de quitter cette forme sous le soleil, détirer mes jambes engourdies par une position inconfortable (on a beau savoir bien se plier, ça n'est pas l'extase pour autant). J'essayais de transmettre tout ça à Caliope, sans un mot, juste des images, lui évitant soigneusement celle de ma vraie forme capable d'effrayer les petits nenfants renards dans leur lit le soir.

-Et en plus, ça te fait rire....

Décidément, je suis vraiment très mal entourée. Entre l'autre fou qui me pompe l'oxygène, une garde qui n'est même pas fichue de me débarrasser de quelqu'un quand je lui ordonne (soit disant que ça risquerait de faire des affaires avec le maître de Ken...) et la renarde qui ne trouve rien de mieux à faire que de rire de moi... Décidément la vie est vraiment trop *sbaf!* La claque retentit sèchement dans l'espace restreint, comme je chassais de moi une part poussin noire non contenue dans mes gènes. Pas besoin d'abriter tout un zoo non plus, non mais oh!

-La métamorphose ? T'es folle ou bien ? J'ai déjà assez de mal à me cacher sous ma forme humaine. T'imagines un peu ce que c'est que de cacher une bestiole de ma taille ??? Puis franchement, voir ta garde me faire un peeling au plomb, j'repasserai pour le coup, t'es gentille.

Je suis désespérée, pas suicidaire. Et comme cette pensée envahissait mon esprit, une voix métallique s'éleva depuis l'extérieur. Assourdie par la porte, elle n'en était pas moins reconnaissable. Ces accents secs et cette condescendance cuisante, c'est du Grizbo tout craché.

-Maitresse Immacolata, vous seriez grée de bien vouloir sortir de votre placard à balais pour revenir vers votre bureau. La garde se dirige en ce moment sur vous, veuillez obtempérer ou ces pauvres hommes auront à en souffrir.

-Fichtre bidouille, comment il m'a repérée ce sale cornichon ??? Caliope, ma planque est grillée, j'te rappelle quand j'en trouve une autre. En attendant, réfléchis s'il te plait sinon je vais y passer.

Sortant discrètement la tête de mon placard, j'avisais les environs. Exempts de quelque garde que ce soit, j'avais encore du temps pour me trouver une autre planque. Mais dans quelle direction partir ? Les cuisines toutes proches bourdonnent continuellement d'activité mais je suis pas franchement super discrète, même en humaine. Tout le monde me reconnaîtrait à coup sûr. Les jardins, un peu plus loin mais, hormis le patio et ses treilles, pas grand chose pour me dissimuler. Et aucun moyen d'en sortir à part par les airs. Les garages ? Le cellier ?

-Raaah...

La tête dans les mains, je partais en courant vers le dernier endroit où la garde ne saurait venir me chercher...

Les Toilettes pour Femmes.