Une innocente livraison

Morok regarde d’un air blasé l’échange des cartes. Ceux qui lisent leur avenir dans les cartes ne sont vraiment pas faits pour partir à la guerre. Qu’ils restent dans leur tente de marabout et qu’ils laissent les pros faire le travail.
Le Charan esquisse quand même un simili-sourire à la remarque d’Azurée. Cet humain aime jouer avec le feu, il a ça pour lui. Qu’il fasse tout de même attention à ne pas se brûler les doigts.

°Garde-le, au cas où t’en ai besoin de te protéger. De moi.°

Le crocodile laisse son regard suivre le choix de ses alliés. Il s’arrête volontairement sur la mission des Acturus dont les derniers spécimens restent en liberté depuis un petit moment. Le nombre d’échecs des différents groupes de chasses a considérablement réduit la volonté des chasseurs.
Et, après réflexion, même si son marteau le démange, il n’est pas concevable de partir massacrer une bestiole géante avec seulement deux fils de fer en guise de compagnons d’armes. Sans armes, qui plus est.

Celui aux yeux différents semble s’être arrêté sur une mission de recherche. Une race de chimères ayant disparu. Il y a des tas d’autres missions intéressantes… Et la paye n’est pas terrible… Ils ne veulent pas plutôt aller chasser les Trollhounds ? Remarque une mission d’escorte sera tranquille. Un peu monotone, mais ça changera. Qu’ils ne s’attendent pas à ce qu’il fasse la conversation, par contre.
Le Charan répond sans quitter le tableau des yeux et en pointant d’une griffe un large bureau dans le hall.

°La louve est généralement accrochée à son téléphone. Au pire, y’a sa machine à café qui peut peut-être t’aider.°

Le robot Kip est le cafetier officiel de la grande tour de verre et d’ivoire. Mais est-il capable de remplir des papiers administratifs ? Ce n’est pas le problème de Morok. Lui, il veut déjà se mettre en route.

°Au fait, t’as un nom, le vairon ?°

Spoiler:

Je fis comme si je n'avais pas entendu l'humour noir du crocodile.
Nij'Aku avait été sa cible favorite la dernière fois et il me semble que nous nous sommes tous quittés en vie.
J'ai peut-être oublié de vérifier si le coéquipier grippe-sous de la bande tenait encore sur ses jambes...

-On peut commencer par remplir la fiche d'inscription en l'attendant. Alors, Valraven, ça vous va ?

Ce n'était pas comme l'Eutopos où la quête avait d'abord été fixée et ce n'est que par la suite qu'un groupe est venue s'y coller.
J'observais surtout Morok, de peur qu'il ne décide pour nous trois de prendre une mission suicide. Dans ce cas, mon rôle sera de rester en retrait et de me faire le plus discret possible. S'il aime les bleus je les lui laisse volontiers.

Je me dirigeais vers le bureau désert. En passant le bras par dessus de le comptoir de réception, je me saisis d'un formulaire vierge.

Eva est une femme très organisée. C'est bien sa seule qualité.
Je suis toujours sous le choc d'avoir appris qu'elle venait de Varvandel. Ceux qui côtoient de si près les dieux sont les premiers sur la liste des personnes à ne pas approcher. Les maladies ça s'attrape.

Je trouvais un stylos et commençais à noter mon nom et celui de la mission.
Je leur cédais la place pour y écrire les leurs.

-Vous voulez vous équiper avant de partir ?

L'un d'eux possède-t-il un perçant ? Le voyage sera long pour traverser Ing, il doit bien y avoir cinq cent kilomètres de forêt à traverser. Jusqu'à Lazareth au moins, ou on pousse jusqu'à Loreli.

- Je m’appelle Nouvan Sodak, et vous ?

Mon regard s’était tourné vers monsieur Mata Hari qui commençait à remplir une fiche d’inscription. J’avais décidé de faire de même et me dirigea vers le bureau, vidé de tout fonctionnaire.

- Je suis pour la mission de Valraven, répondis-je en espérant que l’autre lourdaud ne se mette pas en travers de ma décision, avec de la chance, on pourra ramener un spécimen et le revendre à un zoologiste.

C’était à partir de ce moment que j’ai pu lire le nom du mystérieux jeune homme : Azurée du Trèfle. Une fois qu’il avait fini de remplir la fiche, je m’empressai de faire de même.

- Il faut que je retourne à Northrives, je dois récupérer mes affaires là-bas. On peut toujours se donner un point de rendez-vous quelque part ?

Je devais en fait ramener le service à thé à mon salon de thé, et puis il fallait aussi que j’essaye de voir si je pouvais m’acheter une arme pour me défendre.
Je commençais à déballer le contenu du sac : il contenait plusieurs kit de thé, du café moulu et des biscuits secs fait maison. Ils sortaient tous de mon bon vieux four d’Hémisphère Coffee. Je sortais une carte de visite et inscrivait « Merci d’avoir acheté chez nous, nous espérons vous revoir très bientôt. La commande a déjà été payé ». Je posais le tout sur le bureau, en espérant que quelqu’un réponde à mon message …

- Bon je vous laisse, on se rejoint plus tard.

-KIP !

On entendit d'abord mon rugissement puis une explosion se propagea depuis les étages supérieures jusqu'au rez-de-chaussée.
Deux minutes plus tard j'étais recouverte de poussière et de suie, Kip n'était pas dans un meilleur état. Et tous les deux nous avançions dans le hall.

-Kip ! Vraiment désolé Madame Eva !
-La ferme...
-Kip ! Kip va tout réparer Madame Eva !

Je saisie un pot à crayon vide sur le comptoir et je le jetais vers la sortie de la bibliothèque !

-Kip, va chercher !

Le robot s'élança tel un lévrier -en flottant dans l'air, ses bras articulés baillant aux extrémités de son cube- et fila chercher la ba-balle.

Avec toute la noblesse dont j'étais encore capable, je lançais un regard sans humeur aux trois gaillards devant mon comptoir. Je me saisis de leur fiche et d'un oeil expert vérifiait que tout y était inscrit.

-Interdit de toucher aux valraven lorsque vous les aurez retrouvé. Signalez leur position à un commissaire de K'ouen ou à un poste de sanctuaris pour qu'ils se chargent de ça.

Je ne précisais pas que les retrouver serait le plus facile de l'histoire. Tout ça pouvait cacher des problèmes à eux de les anticiper.
Kip revint à ce moment précis me rapportant mon pot à crayons :

-Kip ! Vous avez perdu ça Madame Eva !

A ce moment, je défiais du regard l'un d'eux de faire le moindre commentaire sur tout ce qui venait de se passer.

-Soyez prudents dans la forêt.

Avec tout ça, moi je n'avais pas remarqué les douceurs sur le comptoir mais Carine, lui, enfermé dans ma tête les avait vu. C'était même la seule et unique chose qu'il avait repéré. Je pouvais sentir ses griffes mentales devenir folle devant la porte de mon esprit dans l'espoir que je le laisse sortir pour y goûter.

*Même pas en rêve sale bête, j'ai rien prévu pour toi... T'as grossi, tu dois faire attention à ta ligne et la mienne*

Un couinement triste accusa le choc.
Il essaya de m'amadouer pour que je cède. Hélas pour lui, je n'étais pas d'humeur.