Communication d'enfer de l'autre côté du bouclier

A l'annonce du prix, les commissaires firent non de la tête.

-Pas d'enchantement de métal. Vous l'avez dit vous-même, la toile continuera de s'étendre quoiqu'il arrive, alors même si elle est déchirée, tant qu'un bout de la toile initiale persistera, elle reprendra l'expansion.

Ils pensaient ainsi : si la toile est collée au dos du monstre, ses mouvements ne pourront pas la déchirer si facilement. Celle-ci s'étendra et recouvrira rapidement les ailes. Avec ça, K'ouen et son équipe ont prévu des fusils d'Arcturus pour paralyser la bête quand les ailles commenceront à devenir inutilisables à cause de la toile.
Ne manquera qu'un truc pour détruire la toile quand le monstre sera dans les vapes.

L'un des commissaires se leva.

-On va vous trouver cette toile d'araignée.

Après tout, ça entrait précisément dans leur travail. Ils saluèrent le technomage et se préparèrent sous ses yeux. Vérification du matériel, repositionnement de chacun en fonction de son habileté à chasser dans un marais et surtout ils lui soutirèrent la description de la bête qu'ils devaient trouver et de comment récupérer la toile d'araignée.

Spoiler:

‘Grosse, poilue, hargneuse, a tendance à cracher son venin par les mandibules, et préfère les endroits sombres et secs’. Cette description, je le leur donnais mot pour mot telle qu’elle était inscrite dans mon bestiaire rudimentaire des créatures du marais.
La toile d’Arachnea canaculis était connue pour son pouvoir collant très efficace, et je leur confiais ce que j’appelais pour l’occasion un « sac’von de Trost », un carré de tissu dont une face était entièrement -et constamment- recouvert d’une matière glissante. Il fallait juste récupérer la toile avec le coté savonneux et le pouvoir collant serait supprimé. Du moins tant que la toile restait sur le coté glissant. Je leur confiais aussi mon titre « Hôtel » pour les éviter de retraverser la forêt –je n’avais de toute façon pas de voyages de prévu- et les raccompagnais à la porte. Murray marmonna un vague « et bon vent » en guise de salut.
Pour ma part, je soufflais, et tapotais des mains pour remettre tout le petit monde qui s’amassait à la fenêtre du salon (coffres, feuilles, soldats, balai…) dans le droit chemin. Du boulot m’attendait pour mon autre gros projet et tout le monde devait y jouer un rôle.

La toile arriva quelques temps plus tard, amenée par l’un des quatre soldats. Heureusement pour lui, les matières pour l’enchantement étaient prêtes depuis leur départ, et les formules aussi. L’enchantement en lui-même allait pouvoir être fait relativement rapidement –un massif, tout de même.
Après quelques mots, je montais dans le grenier et commençait mon œuvre. Après deux bonnes heures, durant lesquelles mon balai avait tenu à vouloir présenter le rez-de-chaussée à mon invité, je redescendais, tenant d’une main le sac’von et dans une autre un verre d’eau dans laquelle finissait de se désagréger une grosse pastille d’aspirine.
Je le confiais au militaire et donnait quelques explications d’une voix un peu plus lente que tout à l’heure.

– Trois choses. Un : L’enchantement a bien marché. Presque trop, donc faites attention à ne pas l’ouvrir n’importe où. Elle se développerait sans trop de limites. Deux : pour la détruire, je vous conseille une source de haute chaleur en de nombreux points. Elle aura du mal à régénérer des parties calcinées et sera plus lente à s’étendre. Ça reste de la soie. Trois : Le sac s’appelle reviens, et ça vous coutera 55 pims – le prix de la toile était de 15…

Je buvais d’une traite le contenu de mon verre avant de faire une grimace et de me redresser un peu. J’éviterais de mélanger à nouveau vitamine C et aspirine, la prochaine fois.

Le soldat attendit, moins longtemps qu'il ne se l'imaginait en réalité, mais après cette chasse à l'araignée dans les marais il se sentait revigoré. Ses muscles se plaignaient de ce soudain manque d'activité, et quand son corps se plaint le cerveau du chasseur se pliait généralement à cette demande.
Sauf cette fois. Car il devait attendre la livraison du colis.

-55 pims ! Le patron sera content !

Il se saisi du sachet et le plaça avec précaution dans un autre sac en toile épaisse. Le tout fila sous son blouson dont il referma la fermeture jusqu'au col.

-Merci pour votre aide.

L'annonce du prix lui fit oublier le détail sur la destruction par la chaleur. Il faut vraiment qu'il s'efforce de tout écouter la prochaine fois qu'on lui donnerait un objet aussi dangereux entre les mains...
Il serra vivement la main du technomage et s'enfuit à toute jambe rejoindre ses collègues déjà près à s'en aller depuis le perron.

Un "pop!" plus tard ils avaient disparu.

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