Chose promise...

Quel dommage, j’aime tellement les animaux…
Des sourires comme s’il en pleuvait, l’atmosphère se détendait à vue d’œil, et aussi, au nombre d’effleurement bien pensés qui se déroulaient sous la table. J’avais clairement compris que je lui plaisais.
Elle sait exactement ce qu’elle veut.
Et ce que je veux c’est une chambre pour deux, avec un lit double. Cette femme dans mes bras pour les trois prochaines nuits, au minimum. Que les dieux m’entendent !
Même si je crois qu’ils n’auront pas beaucoup à faire pour que ces instants arrivent.

-Et si nous prenions une fondue ?

Quelque chose de consistant qui nous aidera à nous prélasser longtemps. C’est bien connu, les bons repas facilitent toutes les entreprises. Un repas à deux qui nous rapprochera encore un peu. Avec ça, nous aurions de quoi rire pour la soirée.
Comme quoi, j’ai vraiment tout prévu.

Je rendais ma carte au serveur qui attendait patiemment que les tourtereaux de la table du fond se décident à commander. Celui là avait déjà compris que nous ne passerions pas la nuit chacun de notre côté…

Je sais ce que je veux, que cette soirée passe plus vite. Je veux voir cette femme incroyablement désirable au réveil.

-Désirez-vous un vin pour le repas ?

Je ne bois pas. Pas une goutte. Et elle, la questionnais-je du regard me disant que si elle finissait pas accepter cela me rendrait la tache encore plus évidente. Ce serait presque dommage.
Elle est belle quand elle rougit.

Spoiler:

Un franc sourire, je pensais très fort que si elle se mettait à dire n'importe quoi, je serais sûrement le plus heureux des hommes.
L'histoire s'annonçait belle, elle commençait mieux que je ne l'aurais espéré. Un nouveau travail et une femme extraordinaire ... Qui aimait la fondue. Et bien oui, une compagne qui sait se nourrir ça m'a toujours donné une raison de plus de me sentir attirer. Combien de belles plantes parcouraient Sierra et refusaient de manger la moindre datte de la journée. On les retrouvait à l'hôpital trois fois par mois pour une déshydratation sévère ou des malaises à répétition.

-Il n'y a rien à craindre de ce côté là, personne ne m'a suivit jusqu'en ville. Cela fait un moment que je suis seul.

J'ai suffisamment écoper les coups de chaleurs du désert. Moi aussi je voudrais une vie stable aujourd'hui. Un équilibre où je saurais profiter de mon métier, le plus beau du monde, et d'une personne à mes côtés qui ne chercherait pas chez moi qu'une allure mais aussi un petit plus.

Le serveur apportait déjà la fondue, je piquais un bout de pain et le plongeais dans le fromage.

-Va pour un gage !

C'est comme au Casino. Il faut tenter sa chance et voir ce qu'on peut gagner en perdant. J'imagine que si c'était elle qui perdait ce serait tout aussi amusant.
Et en pensant à tout ce fromage, étrangement, je me demandais si une eau nettoyante suffirait à remplacer une brosse à dent. Il faut croire que mes pensées restaient très terre à terre alors que j'admirais la sculpturale guérisseuse qui partageais cette table.
Il fallait prévoir l'après... Surtout l'après qui s'annonçait tout aussi impressionnant que cette soirée !

Distrait par toutes ces pensées, je retirais ma broche du plat à fondue sans y trouver le bout de pain qui aurait dû y être accroché :

-Oups...

Et comme pour me narguer, un pianiste en fond de salle s'amusait à jouer la musique du "parrain"... Un peu et je croirais que toute l'auberge avait déjà décidé de nous caser dans la même chambre avant même que je ne sois entré dans ce restaurant.

Si elle n'avait pas précisé qu'elle cherchait plus qu'une nuit à la belle étoile, ses regards et ses façons m'auraient clairement fait comprendre que tout ce qu'elle désirait c'était un homme pour l'étreindre. Mais elle voulait plus. Elle voulait ce que d'autres lui avaient refusé, elle l'exigeait avec assez de force et de franchise pour me clouer sur place.

L'embrasser.

Je me levais.
Me donner bonne contenance.
J'approchais d'elle, posais un genoux à terre. J'étais assez grand pour n'avoir pas à me hisser pour atteindre son visage.
Aucune peur du ridicule.
Sa main dans la mienne, j'embrassais sa paume. En levant les yeux vers elle, j'étirais mon corps jusqu'à atteindre ses lèvres, déposant un baiser furtif à la commissure de son sourire.

-Tout ce que tu voudras.

Et plus encore.
J'étais sous le charme d'une guérisseuse armé de violettes de cristal dans le regard et d'une avalanche couleur de craie sur les épaules.

Une demande en mariage... Un moment fut nécessaire pour me souvenir des traditions humaines : le genoux à terre, le restaurant. Archétype du romantisme chez K'ouen. Les octants aiment différemment, ils se caressent d'eau et de perles glacées. L'image furtive d'une seule amourette parmi mon peuple se superposa à cette femme toute en cristal. Je sus instinctivement ce qui plaisait chez elle. Elle rayonnait comme un lac sous le soleil.

Je me relevais et époussetais mes genoux. Mes lèvres gardaient le souvenir vivace du contacte des siennes. De nouveau assit sur mon siège, je regrettais de n'avoir aucun alcool pour m'enivrer et faire cesser les battements furieux dans ma poitrine.

-Un pic perdu !

Armé du miens, je cherchais aussitôt dans le plat le pic noyé. Avec concentration, tel un chirurgien faisant une suture sur un organe improbable, je fouillais le fond du plat en aveugle... Trouvant l'objet avec un air victorieux ! Celui-ci en ressorti totalement enrobé de fromage. Totalement inutilisable à moins d'apprécier d'en avoir plein les doigts.

Des idées pour un gage j'en avais des dizaines, aucunes n'étaient réalisables discrètement dans ce restaurant.

-Si tu me le permet, je garde ce gage pour plus tard !

Un sourire malicieux, je lui tendis un pic propre pioché dans petit service disposé à côté du pain.

-Je suis affamé !

Je fixais solidement un crouton au pic. Encore un gage et il ne lui sera plus possible de me refuser ses faveurs...

Immobile sur ma chaise, rejeté sur le dossier, mes longues jambes dépassant du dessous de la table. Je l’observe faire rouler la lumière à la surface du vin clair.
Si c’était possible de jeter aux orties les convenances pour la séduire non plus à un mètre de table mais à un centimètre de souffle. Partager un parfum et la faire chavirer sans nul besoin d’y ajouter une parole ou un sourire.
Mon expression était loin d’être neutre. Je ne détachais pas mon regard d’elle, le regard débordant d’envie.

-Pour tout te dire, tu ne devrais pas craindre qu’on ne te reconnaisse qu’à ton nom.

Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
C’est un code d’honneur pour tout médecin, tout guérisseur. Nous ne cherchons ni le profit ni la gloire. Nous sauvons des vies, elles sont notre seule richesse. Un nom ne permet pas de bien diriger un hôpital, une guérisseuse sait le faire.

La conversation changea de bord. Je manquais de faire déborder mon verre d’eau. Le fromage salé avait satisfait ma faim mais corrompu mes réserves internes. Je ne cessais de remplir mon verre à mesure qu’il se vidait.

-Et bien…

Par où commencer ? Je n’en avais aucune idée.
Lui parler de mon peuple c’était comme commencer une thèse sur un thème compliqué.

-Mon peuple est lié à l’eau. Cela implique souvent que nous soyons des guérisseurs. Dans le désert, la plupart viennent de Sierra ou de petites oasis plus profondément enfoncées dans l’erg… Enfin, quand on peut créer de l’eau, au beau milieu de Munghor c’est comme savoir faire tomber la pluie.

Mourir de soif à côté d’un octant n’est possible qu’à condition de refuser ses talents.
Je poursuivais, rougissant légèrement d'embarras. Ce n'est jamais simple de parler de soi et des siens.

-J’ai surtout vécu à Sierra. Il n’y a que quelques membres de la famille qui souhaitent rester dans le désert. C’est une jolie ville, tu es déjà allée dans le désert ?

Le sable et le soleil brûlant, le ciel bleu bordant une mer ocre qui s’étend à perte de vue… J’aurais du mal à me faire à Entre-Monde. Il me faudra du temps.