Chose promise...

Chemise noire. Jean clair.
Bijou ou pas ?
Parfum ? Non. Pas trop. C'est un dîner.
J'apporte un cadeau ?
Incapable de me décider j'optais à la dernière minute pour une eau de parfum fraîche et une rose au couleur d'un abricot mûre.

Toute ces questions étaient un peu étranges, je n'arrivais pas à savoir si c'était un rendez-vous galant ou si c'était purement professionnel. Une jolie femme vous propose un dîner c'est toujours flatteur, mais quand cette même femme est votre patronne, et quelques années plus âgées en plus...
Dans le doute, je me suis dit qu'être prévenant et agréable ne me tuerait pas : la rose.
Inutile de lui taper dans l'oeil, pas de bijoux. L'or pourtant s’accommode de ma peau cuivrée et de mes yeux clairs.
Cravate ?
Non. Je l'enlevais à la dernière minute. J'aurais besoin d'être à l'aise et une vue maligne sur mon buste ne saurait manquer d'effet.
Cette hésitation entre séduction ou bienséance m'empêchait de réfléchir convenable. Si bien que j'oubliais de trouver le plan devant me guider jusqu'à Magna, dans cette auberge dont elle m'a assuré la qualité... Trouver le chemin par mes propres moyens fut une toute autre aventure. Et Magna n'était pas un endroit sain pour vivre des aventures édulcorées.

Arrivée au restaurant avec un peu de retard, je trouvais le serveur et lui décrivis une jeune femme aux cheveux blancs, j'ajoutais un "très jolie" qui le fit sourire. Il me désigna la table au fond et cette même femme en tenue du soir et délicatement maquillée.
Un rayon de lune.

J'ai gagné la table et pour tout salue, je lui tendis la rose.

-Elle me semble bien terne à côté de vous.

Ringard.
Séducteur.
Beau parleur.
Abruti !
On ne sort pas des phrases toutes faites à sa patronne. Mais cela dit, ce n'est pas tout à fait faux, n'est-ce pas ? Mes pommettes se tintèrent de rouge et j'allais m'assoir tout retourné. Je ne sais toujours pas si je dois être courtois ou romantique. Et sa jupe me murmure que la seconde solution serait vraiment une bonne idée.

La voix un peu rauque de m'être pressé :

-Mes excuses pour le retard, j'ai perdu mon plan de la ville.

Mon chien l'a mangé madame l'institutrice.
Penaud comme un enfant pris en faute, je manquais de renverser un verre quand le serveur s'approcha.

-Puis-je vous servir un apéritif ?

Il nous offrit les cartes dans la foulée.
Aucun alcool pour moi, il s'évapore avec l'eau, je manquerai de m'étouffer avec.

-Un thé glacé, merci.

Je tressaille.
Premier contact avec la lune.
Romantique. Sans aucun doute possible.

Je me détends. Les dîners romantiques sont de mon genre. La jolie personne qui me fait face suffit à faire œuvrer mon imagination dans tous les sens possibles. Je la vois déjà rire à la fin du repas, une main sur le cœur ou devant les lèvres. Elle hausserait les épaules comme si tout était parfaitement normal.
L’histoire ne raconte pas ce qui se passera après. Dommage, n’est-ce pas ?

-La journée s’est bien finie, Lawaren m’a aidé à me repérer un peu aussi, et puis après le rush de ce matin le sanctuaire à été assez calme… Du moins, normal pour les urgences.

Si on oublie que je suis un guérisseur fraichement embauché et qu’elle est, certainement, la directrice l’a plus sexy que j’ai jamais vu à ce jour, cela signifie-t-il que je peux la tutoyer ?
Quoiqu’il en soit, je suis plus qu’heureux d’avoir le droit à un dîner si tôt. Je sens que je vais me plaire à travailler aux fumeroles.
Avant de venir ici, je n’aurais pas pensé être apprécié si tôt. La flatterie me va droit au cœur, plus vive qu’une flèche de cupidon.

-Votre migraine est passée ?

Les risques de sortir avec un guérisseur c’est qu’il s’inquiète d’abord de votre santé avant d’envisager comme s’est passée la journée…
A l’inverse, un psychiatre aurait d’abord posé des questions sur la journée. Voilà pourquoi je ne m’approche pas trop de ce service. Nous n’avons pas les mêmes priorités.

Tchin !
Nos verres s'entrechoquèrent.
Signe de ralliement à nos sourires. Peu à peu plus à l'aise, la salle réchauffait mon assurance, assez pour lui indiquer de choisir sur la carte tout ce qui lui ferait plaisir.

-C'est une bonne chose que je sois venu dans ce cas, je *te* préparerais de quoi soigner tes migraines d'avance. Il doit me rester des flacons libres dans mes bagages.

Ceux là même que je n'ai pas encore déballé.
L'emménagement n'était pas entamé alors que je commençais déjà ce nouveau travail. Première matinée, première catastrophe. Le sanctuaire avait ce fonctionnement particulier : quelqu'un mal en point de n'importe où dans le monde, soi il recevait la visite de guérisseurs qui se téléportaient d'un lieu à un autre pour ramener les éclopés, ou sinon, eux-même se téléportaient dans la salle d'atterrissage des urgences. Il arrivait parfois que plusieurs se téléportaient les uns sur les autres. Et il devenait difficile de savoir qui vient d'où et comment est survenue la blessure.

La tutoyer n'était pas si difficile. Nous avions pas une si grande différence d'âge et une attirance clairement affichée l'un pour l'autre.
Je voudrais en être déjà au dessert.

Elle ressent la douleur. Elle devait aussi amplifier ses propres douleurs.
Comment soigner quelqu'un objectivement quand on sent sa douleur. Cela perturbait obligatoirement son jugement. Lawaren m'avait prévenu qu'elle était du genre à enchaîner les gardes sans prendre la peine de dormir convenablement. Elle empirait son cas.
Qu'en était-il des êtres qui ressentent moins la douleur ? Ferait-elle l'erreur de soigner un enfant sensible dont la blessure est superficielle alors qu'à coté il pourrait y avoir un être insensible dont les plaies sont plus importantes ?
J'y songe car une migraine affecte l’intellect. C'est ce que j'ai appris à Sierra. Le désert ne pardonne pas. Il fallait être logique et raisonné à chaque seconde. Un grain de sable pouvait s'avérer fatal. Une seconde d'inattention, une minuscule erreur...
Les médecins du sanctuaires s'inquiètent pour elle. Kathias s'était montré très clair à mon sujet, je n'avais pas intérêt à exagérer avec elle ou je serais jeté par la fenêtre sans ménagement.

-C'est migraines... Est-ce pour elles qu'on t'a confié le poste de directrice ?


Bien plus de paperasse, bien moins de patients à soigner.
Incapable de m'empêcher de parler travail. C'était encore notre seul point commun. Et j'ai besoin de savoir. Connaitre l'équipe avant de faire front avec elle.

-Je n’ai pas tant de questions que ça, à part…

Accoudé sur la table, je repoussais la carte. La faim ne me tenait pas autant que ses beaux yeux.

-Tu m’as dis être mariée à ton travail mais est-ce que cela signifie que tu n’as personne dans ta vie ?

J’ai encore en tête la missive de l’association des guérisseuses, et bien entendu, entre deux aller et retour à la machine à café, j’avais pu glaner quelques informations.
Un sourire à une sage femme et celle-ci me révéla, non sans un cynisme certain, que leur directrice était très proche de leur mascotte, un certain K’ouen, qu’elle avait aussi pu voir le rapprochement de cette dernière avec d’autres beaux spécimens passés par le sanctuaire.
Mais il devait y avoir quelque chose avec cette femme car, quand l’infirmière poursuivie, elle m’assura que nul n’était resté bien longtemps avec la belle guérisseuse.

Cette sage-femme enviait certainement Aliénor d’être si proche des hommes que désiraient les 51% féminin du personnel du sanctuaire, mais elle avait été assez bavarde pour me faire comprendre correctement cette allusion dans l’article de l’association.
Aliénor, seule et difficile avec les hommes ?
J’ai toutes mes chances.

Autant le dire tout de suite elle m’a plu dès que je suis entré dans son bureau le matin même. On a rarement l’occasion de croiser une aussi belle femme à un poste aussi important.
Je ne suis qu’un homme attiré par les femmes de pouvoir…

Un effleurement trop franc pour être un accident et je plantais mon regard sur chacun de ses gestes, le collier attirant le regard vers ses premières courbes élégantes. Le cristal de ses iris violettes à la lumière tamisée du restaurant. Une ambiance feutrée.
Le désir débordant du regard, je déboutonnais le haut de ma chemise. C’est qu’il commençait à faire chaud ici.

-On commande ?

-Parce qu’un maitre a réussi à te résister ?

Un franc sourire, je me penchais plus en avant sur la table. Une vieille femme m’a un jour conseillé de me détendre au restaurant. Cette position devait me faire paraitre plus confiant.
Jamais de bras devant soi. Si l’affaire est dans le sac il ne faut pas se montrer distant.
J’ai fais grand cas de tous ces conseils. Il faut dire que cette femme là en savait long sur ses consœurs… Et de toute manière, mes propres chagrins d’amour avaient tôt fait de rendre un beau garçon dans mon genre, trop triste et trop seul pour mon bien.

-Dix-huit fois… Elles ont été plus clémentes quand même au sanctuaire.

Ce n’était peut-être pas une bonne idée de rire des rumeurs. Mais il faut dire qu’elle avait raison. J’avais tout entendu sur son compte. Il y avait ceux qui l’adulaient, ceux qui l’appréciaient et ceux qui voudraient la voir finir en vieille fille aigrie… La gentillesse agace parfois.

Un léger rire. Je ne savais si je devais me sentir flatté ou embarrassé. Elle savait exactement ce qu’elle voulait et actuellement je crois bien que ma personne lui convenait parfaitement.
J’avouerai volontiers que le dos droit, j’étais bien fier d’être si bien vu.

Elle avait l’allure d’une perle fraichement sortie de l’eau. Scintillante et douce à regarder.
J’aimais tout autant le contacte de ses mains. Incapable de me souvenir si j’avais choisi un dîner pour ce soir ou non.

Délassant nos mains, je récupérais la carte pour dissimuler l’embarras qui se peignait sur mon visage. Mon esprit, typiquement masculin, avait choisi ce moment précis pour envisager l’allure de cette perle avec moins de tissus pour dissimuler ses hanches, et moins de façon pour maitriser ses expressions…
Mes pensées eurent bien du mal à retrouver le bon sens de la marche.

-Et si nous dînions ?