Aride Augure [PV : Nini & Wu]

Magna... ses ruelles étroites, bondées, bruyantes. Mon univers depuis dix années. Ici j'ai entendu toutes sorte de rumeurs, de ragots et de murmures. C'est mon foyer, mon refuge et ma prison. Il est temps que je m'échappe. La voix hurle trop fort dans ma tête et je risque bien de briser la première règle de Magna : ne pas faire de vagues. J'ai besoin d'air nouveau, de visages nouveaux, d'adversaires nouveaux. Je suis l'Augure et je me mets en marche.

On me dit cruel parfois et parfois je le suis. Mais plus encore que moi l'est le monde. Il n'accorde aucune pitié à ceux qui visent plus haut qu'il ne le peuvent, à ceux qui ne sont pas prêt à passer les cols. Je voyage désormais vers les sommets sans argent, ni équipement digne de ce nom. Mes poings sont mes seuls outils et ma volonté ma seule arme. Il est temps de les mettre à l'épreuve et, surplombant les hauts murs de Cerclon, je connais une tour qui m'indiquera par où commencer.

Cerclon... L'atmosphère qui y règne est... différente, presque dérangeante pour quelqu'un habitué au tumulte de Magna. Le quartier est trop... clinique en quelque sorte. La technologie rend toujours les choses trop propres. Ce n'est pas toujours un mal mais ici c'est... trop. Je n'ai pas d'autres arguments, et je ne m'étendrai pas sur un sujet qui au final me laisse froid. Je reprends ma route. Mes pas me conduisent devant cette tour immense qui se prétend être celle du savoir. Je ne doute pas qu'elle contient nombre de chose, mais le savoir ne s'acquière pas que dans les livres. Je passe la porte et me voilà dans une bibliothèque dont seules les dimensions sont impressionnantes. L'endroit y est impersonnel, sans charme et profondément silencieux. Bref, un trou à binoclards. Je n'ai jamais été très friand de ces lieux où la vie et le temps semble être mis entre parenthèses.

Je me pose devant le tableau des quêtes. L'argent et la promesse d'un peu d'action voilà ce qui me motive à entrer dans un tel lieu car c'est plus gai dans un cimetière. Le dos droit, les jambes un peu écartés, les mains dans les poches de mon jean. J'arbore la tête des mauvais jours. Celle qui fait fuir les filles et attire les ennuis. Ma voix intérieure me hurle de tuer et en scrutant le grand hall parsemé de lecteurs à moitié endormis, je me demande pourquoi je lui résiste encore.

Les portes de la bibliothèques s'ouvrirent. Un bon bougre s'éloigna pour laisser passer un Cyliong cendré et son passager. Sur le dos de cette monture, j'en arrivais à devoir baisser la tête pour éviter de me cogner au chambranle de la porte d'entrée ; je voyais le hall depuis l'étage intermédiaire, entre la mezzanine et le sol de l'entrée, encadré par la crinière impressionnante de la bête.
En glissant de la selle, je poussais le lion à se tasser dans un coin en m'attendant. Cela me rappelait de vieux souvenirs de venir ici chercher mes missions en personne. Habituellement, on les reçoit en premier, on prend les meilleurs et on renvoi à la bibliothèque pour le reste. Mais cette fois, j'espérais ne pas croiser un elfe inquiet à s'en ronger les ongles qui peuplait le palais depuis des semaines, ni les secrétaires armés de montagnes de dossiers à examiner pour me clouer à mon siège.

Je me dirigeais vers le panneau d'affichage, ne croisant pas les regards des commissaires présents, ni des autres qui auraient pu reconnaitre ma tête sous la couche de bleus et de saletés qui refusaient de quitter mes vêtements.
Trop de chasses en trop peu de temps. Tout irait à la poubelle quand j'aurais atteint ma limite, ou une boite en sapin. D'ici là, je me trainais dans mon pantalon usé aux genoux et de grosses bottes de cuirs couvertes de boue des marais.

Devant les quêtes... Amnésie totale. Du choix, et aucune idée d'où je pourrais aller noyer mon chagrin. Ou plus précisément, quelle créature assez coriace subira mes accès de rage ? Pour le moment, aucune, je cherchais. Aux côtés d'un autre amnésique. Un visage similaire : expression fermée, les mâchoires serrées. Faire fuir les curieux et se décider. Vite.

Une première page. Une deuxième. Un dessin de princesse coincée dans un cucurbitacée. Un autre qui tisse de la laine encore mieux qu'un petit être de couleur jaune avec à la place des yeux deux feintes noirs et un espèce de cône aplati enfoncé sur le crâne. Et encore une page avec quelques mots en gras, en grand et écrit en une police de style gothique. Nini avait depuis peu découvert les joies de la lecture et celle de découvrir les histoires les plus débiles les unes que les autres relatant la vie de princesse. non mais sérieusement, elles étaient toute un peu débiles ces filles avec leurs petites couronnes sur leur tête et leur longue boucle. En voilà une avec des troubles du comportement à tel point qu'elle décide de repasser derrière ses servantes pour refaire le ménage et s'amuser à récolter des poids dans la cendre, une autre tellement feignante qu'elle termine par dormir durant plus d'années qu'elle peut le compter et épouse un prince qui pourrait être sons petit fils (espèce de princesse couguars), une autre qui se fait un harem avec sept petits gars avant de choisir un mec à la taille normal pour époux officiel.... Bref, l'androïde découvrait les comptes de fée et elle trouvait ça pour le moins bizarre, mais passionnant tout de même avec leurs fins heureuses et plein de gamins et plein de bonheur et tout le tintouin.

En tout cas, le petit robot humanoïde passait beaucoup de temps ces derniers jours à trainer et rêvasser dans le bibliothèque. Elle se demandait à quoi pouvait bien ressembler un prince, un dragon, une marraine fée, une sorcière, une méchante fée. En regardant les autres visiteurs déambuler entre les étagères de livre elle les imaginait délivrée des demoiselles en détresse, maudire des princesses, se faire manger par des dragons, frapper des petites vieilles pour trouver des indices... Bref, Nini découvrait les joies de l'imagination. Après avoir lu un épais livre plein de jolies images et de caractères écrits assez gros, la petite androïde décida qu'il était peut-être temps de faire semblant d'être productive en allant se planter devant le tableau des quêtes, l'air faussement concentré tout en faisant semblant de lire. Et c'est ce qu'elle fit. Jusqu'à ce qu'elle aperçoive son voisin : un brun tout cracra qui aurait bien besoin d'un bain mais qui lui rappelait vaguement quelque chose. Et oh, miracle, la lumière se fit dans sa caboche et elle pointa le peut-être jeune homme du doigt.

-Mais! Mais tu es le prince!

Et elle s'approcha de lui. N4hésitant pas une seule seconde, elle tourna autours du "prince", l'examinant sous toutes les coutures. Avant d'apercevoir quelqu’un d'autre. Un gars trop jeunes pour avoir des cheveux ayant naturellement perdus leur pigmentation et avec un air pas très marrant.

-Et toi tu dois être le vilaine fée qui n'a pas été invitée au baptême de la princesse, non?

Mon regard passe de fiches en fiches pour prendre note de chaque mission. Je garde le silence, mais ce n'est pas en signe de respect ou d'humilité envers cet endroit. Non, je ne suis pas d'humeur c'est tout. Un rapide coup d’œil à ma gauche m'apprend que je ne suis plus seul à chercher de quoi m'occuper. Un possible allié pour les quelques heures à venir ? Rien n'est moins sûr. Je préfère travailler seul et ne me fier à personne. Seulement je pense que pour cette fois je n'aurais pas le choix. L'homme est petit, couvert de boue et de bleus mais il a l'attitude d'un homme capable. Il est taillé pour le combat et n'est pas ici pour les livres, c'est une certitude. Sa tête me dit quelque chose mais je n'arrive pas à me rappeler où j'aurai pu le rencontrer.

Et je n'ai pas le loisir de chercher longtemps car une fillette fais irruption. Elle est ridiculement petite mais je me méfie de ce qui est petit. Je la regarde sans éprouver le moindre intérêt lorsqu'elle s'adresse à moi. Elle raconte des inepties et va se lasser. Les enfants se lassent toujours, ce n'est qu'une question de temps. C'est peut-être cela qui les rend inutiles et peu fiable.

Mon choix est fait. Je décroche du tableau le papier de la mission sur laquelle j'ai jeté mon dévolu et me tourne vers l'homme à côté de moi. Il a un regard que je ne connais que trop bien et en ce moment nous avons le même. Quelque chose, quelque part va souffrir. Je lui tant le papier pour qu'il puisse le lire.

Spoiler:

Sans attendre son approbation je me retourne et me dirige vers le comptoir d'un pas décidé. Par dessus l'épaule je lui lance :

- Si tu as une quelconque utilité amène-toi.

Il était assez grand pour se décider lui-même. Je n'allais pas quémander de l'aide. Qu'il vienne ou non je ferai cette quête. Quand à l'enfant qu'elle suive son prince si cela lui chante mais qu'elle n'attende pas que je la protège. Face au danger, chacun participe ou en paie le prix. Il ne me reste plus qu'à trouver cette bibliothécaire. Je verrais bien une fois arrivé au comptoir...

!De surprise, mon visage s'éclairait. Comme une nouvelle personne, j'émergeais de sous la crasse, le regard grand ouvert. Mon humeur prenait le soleil, un bref et tout petit instant.

Un regard derrière moi, le type fit mine d'ignorer la jeune femme. Alors, ce devait bien être moi qu'elle appelait "prince". En observant la pointe de mes chaussures, j'ai très sérieusement pensé :

*Un prince ?*

Avec l'habit d'apparat de K'ouen, je suppose qu'on pourrait s'imaginer que...
Je n'ai jamais parlé de cet apparat ? C'est bien normal, les vêtements de cérémonies encombrent les placards et n'en sortent jamais. Ils sont importables. Dangereux pour la santé oculaire. Il y a deux cent ans, ils auraient donné fière allure à n'importe quelle créature, mais aujourd'hui... Je n'ai porté le miens qu'une seule fois, le temps que le tailleur l'ajuste à ma taille. Depuis, il est bien repassé dans sa housse et n'en sort jamais sinon lorsqu'on vérifie qu'aucune mite ne l'a abîmé. Une antiquité pareille... ce serait triste.

En cet instant ma réaction fut typique. Prévisible.
J'ai soupiré en fermant les yeux. Et je me suis rabattu sur l'autre voisin qui me tendais l'affiche d'une mission.
Alors le choix était fait.
L'ombre gagnait à nouveau mon expression. J'ai tourné les talons.

Et j'ai regardé derrière moi, de la main j'indiquais à la jeune femme de nous suivre. Si j'étais un prince, je ne la laisserai pas toute seule...

*Abruti.*

L'heure vint de juger "mes" coéquipiers.
Lui. Il était grand, les cheveux et les yeux clairs. Le Cyliong le supportera. Il pouvait tout supporter, ou presque.
Elle. Elle était... fragile ? Elle me renvoyait l'impression d'une porcelaine délicate.

J'imagine que le choix était restreint.
La jeune femme aux yeux de Tourmaline ou le grand gaillard arrogant ? L'un ou l'autre, la quête me convenait. La décision importait peu, la question essentielle pourrait-être : lequel des deux supportera le désert ?

Je détestais le désert. Les images qu'il a encré sous mes paupières me hantent...
Le désert prend et ne rend pas. Il se sert sans demander permission. Qui paiera le prix de ce voyage cette fois ci ?

Au comptoir, je m'accoudais. Eva arriverait bien assez tôt. Le temps que l'un de nous se décide à poser les bonnes questions...

Spoiler:

Ah ouais. Lui, il doit vraiment être la vilaine fée bossue et frustrée pour un rien vue comme il est. Pas un bonjour, pas un sourire... Ok, Nini non plus n'avait pas pensé à dire bonjour, mais elle avait au moins souri. Et non, elle n'a pas souri à cause d'une léger trouble du comportement la faisant sourire de manière compulsif, non! C'était juste une habitude, un réflexe peut-être bien, qui lui venait de son éducation. Enfin de sa programmation. Enfin, elle souriait souvent quoi. Mais la fée aux cheveux blancs n'avait décidément pas l'air commode. Il devait pas rigoler tout les jours. Il était peut-être pas bossu, mais en tout cas, il devait être frustré, ça c'est clair! Il décrocha une annonce qu'il tendit au prince crasseux avant de tourner les talons en l'invitant d'une manière pas très courtoise. Et Nini, qui ne put lire l'annonce parce que même si elle pas si petite que ça, un mètre soixante-huit c'est pas petit, on ne lui avait pas fait passer le petit bout de papier, vit le royal tas de boue et de bleues suivre les pas de la fée sans clochette.

L'androïde eu une petite moue. Certes, elle ne les connaissait pas et elle avait mieux à faire que de réaliser un reportage sur un faux prince et un gars un peu trop grand pour passer pour une petite madame ailée avec de la poudre pour faire voler et une baguette magique cachée dans son manteau. Elle devait, par exemple, trouver un job à sa portée histoire de gagner quelques pims. Mais continuer à les observer tout en s'imaginant ce qu'ils auraient bien pu donner dans un conte de fée avait l'air tellement plus intéressant et amusant que lorgner sur les petits papiers accrochés sur le tableau des quêtes. Un grand sourire illumina le visage de Nini lorsque le plus petit des deux hommes lui fit signe. C'était peut-être bien un prince, avec son geste magnanime. La machine humanoïde rejoint les deux zinzins en trottinant, toute contente, et s'appuya sur le comptoir de la bibliothèque. Elle s'imaginait déjà qu'ils allaient partir tous les trois délivrer une princesse d'un dragon cracheur de feu et dévoreur de petits enfants. Enfin, ceux qui allaient se battre contre le lézard seraient Prince et Fée Frustrée. Nini, elle, ne les accompagnerait que pour mieux les observer et réaliser un documentaire sur les faux personnages de conte de fée lors d'une de leurs épopées. Et n'oublions pas que la fonction première de cette androïde était de s'occuper de petits vieux en voie pour atterrir au service des soins palliatifs d'une clinique privée X ou Y, pas de jouer les héroïnes...

-Ah! La vieille fille aigrie mais qui s'inquiète quand même pour les pas doués! ...donc ce serait la nourrice de la princesse? Bonjour!

Voilà, Eva Carine la charmante bibliothécaire venait de les repérer et arrivait vers eux. Et Nini avait sauté sur l'occasion pour la saluer à sa façon.

-Vieille fille aigrie...

Mes sourcils se retrouvèrent au dessus d'un pli au sommet de mon nez, signe d'un colère soudaine et d'une forte activité intérieure pour me calmer. Et calmer l'animal en cage.
Carine avait couiné d'indignation en entendant qu'on le traitait de nourrice. C'était un male ! Pas une poule pondeuse. Pour traduire littéralement ses grognements vulgaires, je crois qu'il disait qu'il n'en a que "deux"... En référence aux mamelles des chiennes, je supposais.

-Ma grande, tu as deux secondes pour me dire ce que tu fiches encore devant mon comptoir après ça je lâche les chiens...

Je laissais choir sur la surface boisée une pile de livres qui claquèrent sur le vernis.
Que ce soit K'ouen en personne et couvert de boue dégueulassant mon hall ou un grand baraqué décoloré, je m'en fichais. C'était une affaire entre l'insolente demoiselle et Eva Carine.
D'ailleurs, têtue comme j'étais, ces messieurs devront se satisfaire de laisser l'androïde les inscrire. Je les avais occulté, mon regard ne déviant pas de la jeune femme.

Je dégainais la fiche d'inscription et lui donnais sans ménagement :

-Nom, prénom et nom de la mission !

Comme s'il n'y avait pas assez de grands malades dans cette bibliothèque... Après les dragueurs, les indécis et les fous furieux, je dois supporter les mal polis.
La prochaine... Oui, au prochain écart de conduite je laisse Carine s'aiguiser les canines sur leurs carcasses...

La gamine est vive. Il faut lui reconnaitre ça et elle a une innocence désarmante. J'ai abordé nombre de femmes de nombre d'espèces différentes et je n'ai pas le souvenir qu'une seule eut put apprécier un compliment tel que vieille fille aigrie. Je sais pas dans quelle monde vie la petite aux yeux rouges, mais elle pourrait s'avérer utile après tout. Un don de prendre les gens à contrepieds si prononcé ne pouvait être inutile. La preuve étant qu'en une seule phrase, elle avait provoqué la colère de la bibliothécaire.

- Lâche-les, ça mettrait un peu de vie dans ce couvent.

Je prononce ces mots à mi-voix avec un sourire amusé. Je ne suis peut-être pas le type le plus drôle et le plus amusant au monde, mais des chiens courant après une gamine dans une bibliothèque, ça... ça c'est un spectacle qui me ferait rire. Surtout que la gamine serait bien capable de trouver aux chien une place dans le comte de fée qu'elle s'inventait au fur et à mesure.

Je m'adosse au comptoir et observe plus en détails l'homme couvert de boue. Il ne m'intrigue pas. Non, d'ailleurs quelque chose me dit que nous sommes fait du même bois à quelques détails près. Non, ce qui me travaille c'est que je connais son visage. je ne crois pas l'avoir jamais rencontré, mais son visage... son visage m'est connu j'en suis certain. Tel un cadenas, ma mémoire refuse pourtant de ma laisser accéder à cette information. Mais je ne me formalise pas, je finis toujours par me rappeler... enfin presque.

Je jette un coup d’œil à l'enfant. Mon regard est dur et froid et je suis pensif malgré moi. Je crains que la gamine soit un poids mort, un boulet à trainer en plein désert. Or le désert offre suffisamment de dangers en lui-même. je suis quelqu'un de pragmatique. Je ne vis pas de "peut-être" et de "si", or amener la fillette avec nous soulevait quelques peut-être et beaucoup de si. Bref l'idée ne me plais pas. Cependant c'est elle qui a le crayon et le papier et même si je n'ai pas fais attention à la bibliothécaire, j'ai saisi qu'il ne fallait mieux pas intervenir.

- Augure Nevarrann.

A titre indicatif, cela peut toujours servir. Je ne mets pas plus de formes inutiles à cette présentation. Dans l'absolu nous n'avons pas besoin de connaitre nos noms pour travailler ensembles. Il est d'ailleurs grand temps de se mettre au travail car je sens un mal de crâne monter en puissance. C'est toujours comme cela quand mon démon intérieur, cette voix lancinante, se manifeste. Bientôt elle s'insinuera dans toutes les fibres de mon être avec pour seul objectif de tuer. La combattre est chose ardue et la plupart du temps je la contient du mieux que je peux. Mais à chaque défaite qu'elle subit, elle revient plus forte et plus assoiffée de sang.

Sang et larmes...

C'est pour toutes ces raisons que je chasse seul.
Je me contente de marcher droit devant, jusqu'à ce que le temps se présente envahit de problème. Alors, j'interviens. Je chasse. Et je marche.
La tête haute, la tête vide surtout. L'horizon comme objectif jusqu'à ce qu'il soit impossible d'aller plus.
Et je retourne sur mes pas. Disciplinant un sentier invisible, dessiné pour moi seul.

Je suivais Augure et me présentait à l'androïde commise à l'inscription, plus de force que de gré.

-Wergeld Ulsarys.

Inutile. Peut-être pas. La jeune femme vivait sur autre planète, avec des princes et de vilaines fées décolorées derrière les yeux.

-La mission se nomme : Bouillabaisse du désert.

En parlant de déjeuner...

-Je vous laisse m'inscrire, j'ai une course à faire. On se retrouve à la porte sud. Disons dans deux heures.

Aussitôt dit, aussitôt parti. Le Cyliong sentant l'heure prochaine du repos, s'avançait déjà dans le hall pour venir me chercher. Sa masse imposante se courba pour me laisser grimper sur son dos. J'empoignais les rennes inutiles avec lui, le laissant m'emporter vers une assiette bien remplie. Même les gens tristes ont besoin de se nourrir.
Un salut pour Eva, pour Augure et l'inconnue un peu déphasée, je filais déjà hors de Cerclon sur ma monture fatiguée et affamée, elle aussi.

Spoiler:

-Hé?

Un sourire aux lèvres, les paupières qui papillonnent, la tête légèrement penchée sur le coté. Nini regarde la bibliothécaire, toute surprise. Elle se demandait pourquoi Eva Carine était aussi hostile avec elle. Que lui avait-elle donc fait? En tout cas, elle avait dû voir juste : avec ce caractère de cochon, la dame à lunette devait belle et bien être une vieille fille acariâtre. Une fée frustrée, une nourrice acariâtre et un prince qui a décidé de faire la grève de la salle de bain... ça commençait à prendre forme tout ça. Mais avant d'aller plus loin, Nini devait répondre à l'énigme de la nounou. Qu'est-ce qu'elle faisait là? Elle avait suivi le royal monsieur recouvert de boue? Elle faisait semblant de faire quelque chose de productif? M'ouais, pas très convainquant tout ça... Ah, finalement, la gardienne de la bibliothèque n'attendit pas que l'androïde donne sa réponse. A la place, elle lui colla sous le nez une drôle de fiche qu'elle était censée remplir. Bon, si c'est le premier pas pour commencer l'histoire, pourquoi pas. Tout de même, les livres de compte de fée avaient fait de sacrés ravages dans sa petite caboche en ferraille. Heureusement qu'elle n'avait pas encore pu se payer le luxe de s'acheter une télévision...

-Nom et prénom? Je dois mettre mon vrai prénom?

Le robot inscrivit dans la case nom et prénom : Nini (Xéo MP 359), le Prince Crotté (Wergeld Ulsarys) et la Vilaine Fée Frustrée (Augurre Nevarrann). Sous l'intitulé "Mission", elle écrivit sagement ce que le princier crasseux lui dicta : bouillabaisse du désert. Elle fait un geste de la main en lançant à "Bye-bye" enjoué à l'intention du brun alors qu'il s'éloignait déjà. Elle regarda le papier quelques secondes avant de le tendre à la nounou aigrie, l'air pour tout-à-fait convaincue.

-Quand même, c'est pas un peu bizarre? On va manger une bouillabaisse, pourquoi il faut l'inscrire dans une case "mission"? Et, c'est un plat si rare qu'il faut s'inscrire avant d'aller le manger?

Brusquement, elle se tourna vers Vilaine Fée Frustrée. En voyant son visage, il était clair qu'elle ne disait pas ça pour plaisanter. Elle y croyait vraiment à ce qu'elle disait. Elle était sincère. D'un autre coté, elle n'avait toujours pas compris qu'elle s'inscrivait à une partie de chasse dans le désert...

-D'ailleurs, je pourrai commander autre chose? J'aime pas trop la bouillabaisse. Je préfère les poissons cuits à la plancha.