Finale : Voiz contre Ez

La foule a regagné ses gradins, Alice a déjà quitté l'arène et déjà chacun retient son souffle. Il faut l'avouer, les combats jusque là tenaient du splendide, et c'est l'extraordinaire que l'on attend tous. Et pour cause, Voiz, Esprit de la terre est une force de la nature, si ce n'est quelques lenteurs, sa force en a déjà impressionné plus d'un autour de l'aire de combat. Quant à Ez, qui aurait cru le Prétorien capable d'une telle vivacité dans la bataille ? On comprend un peu mieux pourquoi il mérite son titre, il ne fait pas bon lui chercher des problèmes.
Pourtant, malgré leurs forces, chacun aura un défi de taille à relever, l'un devra réussir à passer une véritable armure de roche, quant à l'autre, s'il veut réussir il sera certainement bien en peine de tenir son adversaire assez longtemps pour le mettre hors d'état de combattre.

Autour de la scène les tambours résonnent au rythme d'une imposante cadence, un cor fait trembler les murs et les portes s'ouvrent sur nos deux combattants...

Troisième fois en... Peu de temps?
Il aurait été incapable de compter les heures qui passaient entre chaque épisode.
Contre Wergeld, puis contre le blondinet, l'être de terre et le tigre?
Maintenant ici...
Qu'est-ce que je ne contrôle pas?

Il avait l'impression de se réveiller, encore. Et encore de ne rien comprendre.
Et il avait beau essayer d'y penser, de cogiter... Rien n'aller, rien ne fonctionnait.
Il se souvenait de la blessure dans son dos, y passa sa main. N'en restait que des cicatrices, gênantes sans être douloureuses. Il avait été soigné. Comme la fois d'avant.

Un grognement furieux lui échappa. C'était rageant!
Autour de lui, il chercha son prochain adversaire. Peu important quand ça prendrait fin: il allait se faire cet ennemi de plus, et après... Après, cette fois-ci, il ne se laisserait pas chuter dans ce sommeil trop profond.

Alentours, il trouva rapidement Voiz.
Non loin.

Fléchissant les jambes, il se lança vers elle, tendu comme un jaguar. A deux mètres d'elle, il bondit en avant, se jetant tout entier sur l'être, sa masse entièrement dirigée vers la base du coup de la créature.

Avec son talent peu prometteur en matière de relations sociales, Voiz s'autorisait rarement ce genre de pensée. Mais à son humble avis, quiconque prétendait que combattre était la meilleure manière de connaître une autre personne était un parfait imbécile. Ou simplement quelqu'un d'un peu trop belliqueux.

Voiz n'avait pas spécialement l'esprit combattif, et comprenait de moins en moins l'enthousiasme grandissant du public. Ez et elle allaient à présent se battre en duel, ce qui avait peu de chance d'être plus impressionnant qu'une mêlée avec un tigre géant, et pourtant le public trépignait d'autant plus. Allez comprendre. Une logique de compétition, sans doute. Voiz n'avait pas l'habitude.

Au moins, ses blessures avaient été miraculeusement guéries. Un regard vers Ez confirma que c'était aussi son cas.

Il chargea sans crier gare. Bien trop vite pour que les trois tonnes de Voiz aient le temps de réagir. Le choc projeta la tête du golem en arrière, et il s'en fallu de peu qu'il ne fût décapité. La terre qui composait ses articulations était la plus tendre, et le poids du Prétorien envoyait des décharges de douleur droit au coeur du golem.

Etourdie, Voiz focalisa son attention sur la transformation de ses bras. Impossible de durcir son cou tant qu'Ez aurait un pied à moitié enfoncé dedans, et il n'offrait pas une quantité suffisante d'argile pour immobiliser son adversaire; tout au plus, Ez aurait un peu de mal à se dépêtrer. Avec de la chance, suffisamment longtemps pour une contre-offensive.

Les griffes du golem se liquéfièrent, devinrent tentacules, rampèrent le long du poitrail de pierre dans le dos du Prétorien.

Il sentit un de ses pieds s'enfoncer dans la créature, devina qu'il avait touché plus qu'un peu.
Il n'avait pas espéré autant... Il aurait voulu connaître mieux son adversaire pour savoir quels types de dégâts il venait de lui occasionner.
Crétin!
Il n'aurait pas du tant se concentrer sur Alice...

Bref. Ceci dit, il se servit de sa jambe libre comme d'un ressort pour se dégager. Sans chercher à atterrir en beauté, il tomba sur le dos et glissa sur le sable sur quelques centimètres.
Intégra l'image qui s'imprima sur ses rétines: tentacules.
Bon, plan b?
Le prétorien se racla la gorge, se releva lentement sans quitter des yeux la créature.

" Nous n'avons pas pris la peine de nous présenter. C'est un tord... "

Ils auraient prendre une pause café au passage non? Enfin contre Alice, ils n'avaient pas échangé un mot. L'occasion de le faire, c'était ce combat-ci. Debout, il débarrassa sa chemise du sable.

" On me nomme Ez."

Comment t'appelles-tu?
Alors ce sera...
Aël.

"Et moi Voiz," répondit posément l'esprit en ramenant les tentacules de son bras droit devant sa poitrine pour dissuader Ez de repasser à l'offensive. Voiz leva alors son bras gauche et entreprit de le solidifier. "Vous avez raison, ce tournoi fait peu de cas des civilités. J'aurais préféré vous rencontrer en d'autres circonstances."

A vrai dire, au vu de l'acharnement presque mécanique que son adversaire mettait au combat, Voiz ne se serait pas attendue à échanger des politesses avec lui de sitôt. Encore une preuve que les tournois étaient le pire des terrains pour faire connaissance... Si ça se trouvait, Ez regrettait autant qu'elle d'être là.

"Mais ces gens sont venus de loin pour voir ces combats," ajouta-t-elle en guise d'excuse. "Je m'en voudrais de les décevoir."

Devenu pierre, son bras gauche fut entrainé par la gravité et descendit droit sur Ez.

Tentacules sur la poitrine. Un bras en défense donc. Pas bête...
L'autre bras levé. Ca, c'était sans doute quelque chose d'assez mauvais.

Exa! Ils n'étaient pas dans un salon de thé, d'après ce qu'il avait compris, mais en plein tournois. Ce qui impliquait de se battre ou... Ou perdre? Assez médiocre comme motivation. S'il n'était question que de perdre, alors c'était sans importance. Cependant...
Et si c'était la dernière chose qu'il t'était donnée de faire?

Une ombre de sourire passa sur son visage.
La conversation s'arrêtait donc là.

Méfiant, planté sur ses deux jambes, il s'attendait à un sale coup de ce bras levé.
Il se jeta en avant, ventre à terre, exécuta un roulé-boulé.
Se redressa accroupit sur sa jambe droite, en appui sur ses deux mains pour s'équilibrer.
Son pied libre destiné à aller percuter la cheville gauche de l'être de pierre.

Songeant que, pour ce combat, c'était effectivement une de ses dernières attaques, vu l'énergie qu'il dépensait dans chacune d'entre elles.