De retour chez les vivants !

Des chambres à Providence ? J'aurais du me douter qu'elle ne voulait plus de moi... Je regardais amusé son petit manège avec Pan et explosais franchement de rire quand il finit par m’atterrir dessus. J'avais un air de déjà vu. Mon rire s'étrangla presque dans ma gorge quand Virgile me proposa de venir habiter chez elle. Et mon air de Gobi frit se changea rapidement en un grand sourire heureux.

- Tu serais prête à supporter un ours tel que moi chez toi ?

Tu serais prête à me laisser une seconde chance dans ta vie ? Mais cette question là ne sortit pas, je me contentais de lui sourire. Récupérant le bout de tarte qui avait échappé à Pan est qu'elle tenait toujours à la main.

- Merci. Pour la tarte... et pour tout le reste.

Une façon discrète d'accepter sa proposition.
Je tendis la main vers son visage pour récupérer un peu de crème oubliée sur le coin de ses lèvres et d'un geste presque machinal portais mon doigt à ma bouche. J'espérais juste qu'elle me réacceptait dans sa vie, sinon la collocation allait être TRES difficile. Mais elle avait gardé mes affaires, je pouvais peut-être espérer un peu. Je cachais ma gêne dans mon verre. J'avais envie de prendre sa main dans la mienne, mais c'était peut-être encore un peu tôt après avoir disparu pendant si longtemps. Même si je me rendais compte que j'en mourrais vraiment d'envie.

Regard noir pour Peter Pan qui gobe littéralement son bout de tarte. Déjà le papier se colore à raison des fruits et du sucre... je devrais le faire en papier imperméable, ça lui éviterait ce genre de mésaventure et je cesserai de m'abimer les doigts à lui plier un corps après chaque repas.
En soupirant sur l'animal, j'acquiesce sans m'en rendre compte et ajoute :

-Je t'ai attendu pendant un an, ce n'est pas pour te laisser dormir à l'hôtel...

Je l'ai regardé lécher son doigt sans pouvoir me détacher de cette vision sinon incroyable, inespérée. C'était comme avant. Nous avions une année de plus et cela ne changeait pas grand chose, sinon que douze mois nous avait séparé.

Pan s'étouffant avec un bout trop gros (il ne respire pas mais il a les mêmes mimiques qu'un singe organique), je sautais sur l'occasion pour dissimuler mes joues rosies. Pan me servant de distraction, je le soulevais par le papier du cou et fit passer de force la croûte restée coincée.

-Mange doucement au moins... Stupide animal.

Protestant vaillamment contre l'envahisseur insolent que j'étais, il mimait de vouloir m'attraper, seulement, il réussi seulement à s'accrocher comme un paresseux à mon poignet. Quand je posais le coude sur la table, il glissa du poignet à la nappe et se jeta sur les miettes qui lui restait à ingurgiter.
Je l'abandonnais à son manège. Le regard embué et un sourire heureux illuminant mes traits, je portais moi aussi ma main à sa joue. Une caresse censée me rappeler de vieux souvenirs que j'ai chéri et haïs pendant des mois.

-J'ai du mal à croire que tu sois enfin revenu.

Beaucoup n'ont pas sa chance. Certain disparaissent et ne redonnent plus jamais signe de vie.

Un an avait passé mais pourtant c'est comme si je n'avais disparu qu'hier, mais je savais qu'il faudrait sans doute un moment avant que tout redevienne comme avant. Avant que notre relation soit comme elle était avant. Avant que je retrouve mes repères dans ce monde qui avait tant changé depuis mon départ. Avant que je ne retrouve ma forge, ou une autre et ce qui fait que j'étais ce que j'avais toujours été dès le jour ou j'avais quitté ma famille bien des années auparavant, un forgeron.
Je poussais un soupir et attrapais sa main, puisque Virgile m'y autorisait enfin.

- Merci. Désolé, la barde ne doit pas être très agréable...

Etrangement malgré la joie que je pouvais ressentir, je restais très terre à terre, je rêvais d'un rasoir depuis que j'étais enfin revenu. J'embrassais doucement sa paume et profitais de la chaleur de sa main et de son parfum qui m'avait tant rendu fou lors de notre rencontre plus d'un an avant. Je ramenais sa main si fine sur la table et la fis disparaitre dans la largeur de la mienne. Comme autrefois.

- Je resterais chez toi, le temps de voir si je peux récupérer ma forge, puisque ça te dérange pas, on aura qu'à trouver un joli panier pour Pan, ça fera de la place !

J'eus un sourire.

- Alors ? Tu es devenue une grande actrice ou un grand acteur ? Est-ce que je vais devoir faire peur à tous tes prétendants pour qu'ils te fichent la paix ?

Mon sourire s'agrandit en repensant à notre première rencontre. J'avais du frapper un homme pour qu'il lui fiche la paix. C'était tellement rare chez moi que je riais toujours à cette pensée. Comme si c'était hier.

Et tu resteras chez moi aussi longtemps qu'il le faudra, promis. Si tu disparais, je disparais avec toi. Et ce ne sera pas négociable.
Par contre, un "panier" pour Pan... Cela fait bien longtemps qu'il n'a pas dormi dans un panier à lui. La plupart du temps il se fourre dans mes bottes ou dans mes vêtements. Puisque je ne dis plus rien à ce sujet. En même temps, vivre seule m'a apprit à oublier le singe et à oublier de faire le ménage ! Mon appartement ne doit plus ressembler à grand chose, tant pis. On nettoiera à deux... De toute manière le gros du bordel ce sont ses affaires qui n'ont pas trouvé d'endroit convenable pour se ranger. Alors elles trainent par ci par là.

Mon sourire disparait. Acteur ? J'ai passé un an à m'occuper de la forge, dès qu'Eva a reprit la bibliothèque. Il était évidemment hors de question que je quitte la ville et surtout Ordae. Qui sait, il aurait pu revenir un beau matin par le plus simple des hasards ?
La vrai coïncidence c'est qu'au moment où je songeais de nouveau reprendre la route et retourner à mon métier, le voilà en chair et en os sous mes yeux. J'ai attendu un an pour ça. Trinity m'attend dans une semaine, et je n'ai plus envie de partir.

-Je ne suis pas remontée sur les planches depuis des lustres. J'ai peur d'avoir oublié comment on fait.

Je goûtais cette tarte à la mangue, et comme pour changer de sujet je m'extasiais dessus.

-Bon sang ! Cette tarte est incroyable !

Comme pour justifier mes dires, je tendis la part à Caël sans même vérifier s'il avait mangé l'autre. On s'en fiche, j'invite. Revenu de nulle part il a bien le droit de se refaire quelques grammes de graisse. Non, parce que le muscle sec c'est beau à regarder mais pour s'y blottir, c'est autre chose...Hophop mange donc beau brun, tu ne verras pas la différence sur la balance... Et ceci n'est pas une promesse. Encore que j'ai idée qu'on peut consommer tout ce sucre assez rapidement.

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Je haussais un sourcil, elle n'était pas remontée sur des planches depuis un bail ? Je lui fis un grand sourire que je voulais rassurant.

- Je suis sûr que tu as toujours autant de présence qu'autrefois sur des planches !

Et je le pensais sincèrement. Que ce soit sous forme féminine ou masculine, je suis sûr qu'elle devait encore faire chavirer un bon nombre de coeurs. Je pris le morceau de tarte qu'elle me tendait avec un hochement de tête de remerciement, et croquais dedans.

- Hum, c'est vrai qu'elle est excellente !

Je lui jetais un coup d'oeil.

- Et si on finissait ces tartes en vitesse et qu'on allait discuter plus tranquillement chez toi ?

Moi, intéressé ? Non. J'avais juste envie de me raser... Bon, d'accord. Et aussi beaucoup de la serrer dans mes bras. Si elle m'en donnait l'autorisation...

Le célèbre Caël ne pourra pas bénéficier d'un retour parmi les vivants sans quelques groupies autour de lui. Dur la vie d'artiste.
Un large sourire fend mon visage à la si charmante proposition du patron. J'acquiesce vivement en me levant pour emporter ce grand gaillard un peu en vrac là où il ne voudra pas repartir de si tôt.

Oublié le fait que je vive juste à côté ! Il n'y a que Pan qui a comprit pourquoi nous nous levons si vite alors que le repas n'est pas vraiment fini (pour lui). Il bondit sur le tablier de l'aubergiste, bien décidé à s'en faire un ami pour la vie... Du moins, aussi longtemps que moi et Caël règlerons nos petites affaires.
Ce qui pourrait prendre du temps.

-Finalement tu dormiras à l'hôtel... Faut-il encore que je te laisse te reposer !

Calculons : 365 jours par an, à raison d'une nuit agitée au moins tous les deux jours (quoi, mieux vaut trop que pas assez, non?), en comptant deux, voire trois heures minimum... Ce qui nous fait environ, cent cinquante fois deux (ou fois trois) on divise par 24 pour savoir combien de jours sans dormir, ni boire, ni manger on va devoir occuper pour rattraper tout ça.
Rien de bien méchant, environ deux semaines à tenir. Je me souviens de lui comme d'un homme endurant, mais là, il devra se surpasser.

*J'espère que les chambres sont insonorisées...*

-Conduisez-nous, s'il vous plait.

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