Ramener le Loup à la Bergerie

Le loup se dégage de ma prise, pas forcément très ferme non plus. En me retournant, je constate qu’il m’a presque laissé son kimono dans la main. Je devait le tenir plus fermement que voulu. Je lui laisse le temps de se rhabiller correctement avant d'enchaîner.

En effet, Leiline est à la Caserne. Là, elle doit être en train de boire un café avec les sanctuaris. Pour elle, je fais une petite entorse à la procédure actuellement.

Petite… Grosse entorse plutôt… Me porter caution que ses intentions semblent louables, sauter les étapes de convocation et autres documents à remplir… Il n’y a bien que pour Leiline que je ferai cela. Elle avait vraiment l’air bouleversée toute à l’heure. Je lui sourit lorsqu’il reprend la parole après avoir digérer mes paroles et demande à poser une condition.

Si cela peut te faire plaisir…

Mon sourire s’efface à l'énonciation de sa condition. Prête à exploser telle une bombe à retardement, je fulmine intérieurement. Pour qui il me prend sérieusement… Je soupire, je commence à me demander si les dossiers d’Hazuki n’étaient pas une meilleure occupation. Il va falloir mettre deux, trois choses au clair avec ce loup. Prenant une expression neutre, j’explique la suite des événements d’une voix neutre et posée.

A votre guise monsieur Van Derel. Vous recevrez d’ici quelques jours une convocation de la Caserne pour un entretien avec nos équipes spécialisées en psychologie afin d’établir votre profil. De ce profil, les spécialistes émetteront un avis concernant la possibilité d’accéder à votre demande d’information. Si la réponse est positive, nous organiserons une rencontre dans nos locaux en présence des sanctuaris Sunny et Roben. Nous assurerons la sécurité des deux parties.

Beaucoup de paperasse en prévision et certainement un bon mois de délai. Il faudra certainement compter deux ou trois rendez-vous avec les psychologues avant qu’ils ne se décident. Leiline n’a pas fini de se poser des questions à ce rythme…

La durée moyenne de cette procédure est d’approximativement un mois.

Un léger sourire se dessine sur mon visage. S’il ne souhaite pas me faire un minimum confiance, on passera par la procédure.

Ou alors, tu peux venir avec moi et on en parle plus dans deux heures. Cela ne m’amuse pas de savoir que mon amie va souffrir pendant un bon mois pour des broutilles.

Je me dirige vers la porte et me retourne main sur la poignée.

Je descend. Si tu veux venir, j’attendrai cinq minutes. Sinon, j’appliquerai la procédure.

Je m’adosse au mur profitant que le soleil pointe le bout de son nez pour emmagasiner un maximum de chaleur. Jamais, au grand jamais, je n’aurai envisager qu’il puisse me faire cet affront. Me réclamer un autre sanctuari pour l’amener à la caserne… Est-ce que je peux l’embarquer pour outrage ? Hazuki aurait su me le dire si je l'avais emmené avec moi. Lune, dois-je comprendre qu’il n’a aucune confiance en moi ? Je lui ai bien confirmé que j’était en couple avec Kaname et heureuse de l’être pourtant… Est-ce qu’il croit que j’essaye de le piéger ? Faudrait vraiment être tordu quand même pour avoir ce raisonnement. Lune, faites qu’il ne me fasse pas d’histoire, je n’ai pas envie de devoir annoncer à Leiline que son loup préfère attendre un mois pour qu’elle se torture l’esprit pendant ce temps. J’entends des bruits de pas dans l’escalier. Je me retourne pour faire face au loup qui s’immobilise à l’étage. Je soupire, le message est clair, il ne viendra pas.

Je l’écoute sortir son discours visiblement minutieusement préparé. Être prêt à attendre un mois de plus est out à son honneur mais un chouilla égoïste, il laisse complètement Leiline face à ses émotions.... Mon visage se ferme lorsqu’il se permet de justifier son choix comme si c’était pour me protéger de moi-même. Je n’ai pas besoin qu’on veille sur moi et encore moins que l’on se montre protecteur. Extérieurement impassible, je bouillonne comme jamais à l’intérieur. Lune, je t’en supplie, pardonne-moi mes dix prochaines minutes… Après m’avoir salué, il se retourne et prend la poudre d’escampette. Et je n’ai même pas le droit de te répondre ? Malpoli ! Je monte tranquillement les marches à sa suite prenant le temps de calmer la tempête émotionnelle qui prend place en moi.

Presque calme, j’essaye d’ouvrir en douceur sa porte d’entrée. Bien sûr, il l’a fermé à clé… A nouveau excédée, je tambourine sur le bois à grand coup.

Gabu, ouvres cette fichu porte !

J’en conviens, il m’arrive de me comporter comme une gamine mais là, il a besoin qu’on lui secoue les puces !

Cesses de faire l’égoïste ! Il n’y a pas que toi dans cette histoire, tu as peut-être attendu 18 ans mais pas elle ! Que crois-tu qu’elle ressente en ce moment ?

Je tambourine encore deux fois à la porte pour la forme et abandonne. Je n’ai plus qu’à aller annoncer à Leiline déjà à moitié catatonique que Gabu préfère attendre un mois. Je ne sais pas pourquoi, je sens qu’on va la ramasser à la petite cuillère. En faisant demi-tour, je murmure pour moi-même.

Je ne te pensais pas comme ça…

Je commence à descendre les escaliers, j’ai besoin de marcher un peu et de réfléchir à comment annoncer ça à mon amie sans trop insulter le loup. Si j'avais su, j’aurai demander à Morok de le ramener… Je ferai certainement ça la prochaine fois, personne ne dit non à Morok.