Rencontre du troisième type.

Au cas où il en aurait douté, il était bel et bien en compagnie d’un handicapé du social.
Suite à un soupire, Fredric leva les yeux au ciel.

Avec un demi-sourire.
Calmement, il observa le type se téléporter…
Une, deux, trois fois. C’était un tel gâchis d’énergie qu’il supposa que l’inconnu n’avait d’autre choix que celui-là.
Limite de distance ? Un peu embêtant…

Peu importait, dans l’immédiat il y avait mieux à faire que de méditer sur ce type.
Entre autre…

Se redressant tant bien que mal, il s’approcha du groupe de cinq qui bloquait toujours le passage vers la ruelle. Taille moyenne poids moyen, le club des cinq avait l’air de savoir se défendre. A deux mètres d’eux, très exactement, le maître de Touen s’arrêta. Fit porter son poids sur sa jambe valide. Aucun os, à l’évidence, n’avait été touché. Sans ça il aurait été bien incapable de marcher… En dehors de la flèche dont la pointe chatouillait délicieusement son omoplate, ses blessures étaient superficielles.
Une chance pour lui…
Presque.

Il avait beau ré-apprivoiser son épée tous les soirs, pendant de longues heures, sa souplesse d’antan manquait un peu. Il avait trop pris l’habitude d’armes lourdes, d’armes à feu… De toutes sortes d’armes différentes de sa légère et fine épée. Voilà qui promettait…

Tu devrais te laisser tuer, étranger.

Un énorme point d’interrogation illumina l’esprit du Sire, alors qu’il jetait un regard surpris à celui qui semblait être le chef de la bande. Mais oui bien sûr, tous les jours on agressait les gens en leur demandant de se laisser faire… Ce type avait le goût du grandiloquent.
Sarcastique, Fred se pencha bien bas pour saluer le blond, sa jambe blessée passant derrière l’autre. Son épée tenue à l’envers, la lame contre son bras, ses doigts enrouler autour de la garde quasi-inexistante.

Votre sagesse égale votre intelligence.

L’ironie n’était pas voilée, au contraire : elle était si aiguë que l’on aurait presque pu la sentir physiquement. Le blond fronça les sourcils. Une longue lance, dite pertuisane, se matérialisa dans sa main. Une hampe de facilement deux mètres : ses compagnons s’écartèrent, bien conscients de l’espace nécessité par une telle arme. Fredric ne prit pas la peine d’hésiter : s’il restait loin, l’autre avait l’avantage. A moins d’un mètre, c’était lui qui l’avait. Calcul simple, cependant ils étaient toujours cinq.
Profonde inspiration, courir n’était pas envisageable : pas sur une jambe.
Impossible de faire dans l’artistique…
Rapidement, il balança son poids sur sa jambe blessée. Le temps d’une seconde.
Reprit appui sur la jambe valide qui fléchi. L’autre était en garde, ses deux mains sur la lance, la hampe de celle-ci contre sa hanche. Comme pour effectuer un flip avant, le frère de la Silnà bondit en avant, assez haut pour s’empaler sur la lame de la lance. Pas encore totalement suicidaire, d’un déhanché il pivota pour que ce soit sa propre lame qui touche la lance, et non lui. Sa main libre se posa sur l’épaule du blond, le temps d’achever de lui passer par-dessus la tête. Si la douleur lui déchira violemment l’épaule, il ravala son cri plutôt deux fois qu’une et se reçut sur une jambe. Dos à dos avec l’ange blond, son épée dessina un arc de cercle alors qu’il se fendait en avait.

Des cinq, un tomba à genoux pour retenir ses organes digestifs.
La lame de Fred tourna à nouveau, revint contre son bras.
Le blond avait fait volte-face, le bout de sa lance atteignit le maître de Touen au coté.
Sans laisser la hampe s’y enfoncer, il la bloqua de son bras armé, d’un coup sec qui fit glisser le bâton de bois jusqu’au creux de son bras. Le blonde tira de son côté pour dégager son arme, Fred accompagna le geste, mieux : l’encouragea.

Derrière le blond, un des types esquiva la lame de la lance.
Celui d’à côté n’ayant pas prévu l’arc de cercle qu’elle ferait.
De tout son poids sur la lance, Fred fit pivoter cette dernière avec le blond comme centre de rotation.
Un deuxième type tomba en hurlant, la cage thoracique largement entaillée, jusqu’au poumon.

Le maître de Touen avait lâché la lance.
L’effet de surprise marchait assez bien.
Sans perdre de sa vitesse, il tomba sur un troisième type.
Sa lame fit un tour dans sa main, revint contre son bras.
L’autre ouverte de l’haine jusqu’à la gorge.

Fred s’arrêta là, fit volte-face sur un pied, sa jambe blessée ne lui servant qu’à conserver son équilibre.
Il souffla doucement. Régulièrement. Le moins d’effort possible, et pas une goutte de sueur. Il n’était pas un expert en tout, mais il savait se battre.

Vous devriez vous laisser tuer.

Le blond plaça la hampe de sa lance dans son dos.
Comme une image trouble, l’arme se fondit en un sabre court.
Du coup c’était moins évident…

Crois-tu vraiment être de taille ?

Par acquis de conscience, le Sire prit la peine de faire semblant de réfléchir à la question.
Il répondit dans un rire sincèrement amusé.

Juge par toi-même.

Les deux anges attaquèrent en même temps. Du coup c’était moins facile…
Tous deux armés d’un sabre semblable.
L’un visa la gorge, l’autre se fendit vers le flanc.
Fred se plia en deux, esquiva l’un.
Sur une jambe, esquissa un tour sur lui-même sans se redresser. Avec plaisir, il sentit ses articulations rouler sans aucune difficulté. Sous son dos, la lame de l’autre, puis son bras.

Le Sire para le sabre du premier, au-dessus de lui.
Sa main libre saisit l’autre au coude, cala celui-ci entre son bras et ses côtes.
Un coup sec, un craquement. Un cri.

Rapidement, Fred se redressa en repoussant le blond, lui qui l’avait attaqué à la gorge.
Blond qui revint à l’assaut.

Libérant l’autre, sa main armée, lame toujours contre le bras, s’enroula dans le col du blessé.
Un tour de moitié : le sabre du blond acheva son camarade, et pas qu’un peu.
La force de la lame coupa le blessé en deux, de l’épaule gauche au côté droit.
Au passage entailla l’avant bras du Sire.

Qui jeta l’autre dans les bras du blond.
S’inclina bien bas.

Avoue, pour un vieillard je m’en sors bien.

Et son regard électrique posé sur le blond…

L’entrée en scène de l’autre interrompit son début de conversation avec le blond.
Si celui-ci eut l’intention de lui répondre, il n’en eut pas l’occasion.

N’importe qui se faisant frapper dans le dos avait du mal à encaisser.
Surtout que le coup de l’autre n’avait rien d’une bonne claque amicale.
Au tapi, dans les vapes, avec un nez et des phalanges cassées…

Sans cesser d’observer la scène, Fred s’agenouilla près d’un de ses cadavres. Profitant d’un pan de veste, il nettoya la lame de son épée. Ca n’était pas très intéressant… Et puis il n’aimait pas tellement se faire interrompre dans un combat vaguement intéressant.

Et…
C’était un ordre ?
Oui c’était un ordre.
Pas de doute permis.

Son épée n’avait pas regagné son fourreau.
Il ne s’était pas battu depuis longtemps, se faire couper dans son élan ne lui plaisait pas tellement.
Non pas que ça avait été amusant… Tout au plus distrayant.
Mais ça n’était pas une raison.
Surtout pas pour lui donne un ordre.

La marque découverte dans le dos du blond ressemblait aux cicatrices qu’aurait laissé une amputation des ailes chez un ange. L’autre y impose les mains comme… Comme rien de particulier.

Le Sire n’hésita pas même pas une seconde.
A peine les mains de l’inconnu sur le dos du blond que son épée tourna dans sa main.

Bien aiguisée, elle tomba à la verticale de la nuque de l’ange et sépara la tête du reste du corps.
Naturellement, le sang gicla.
A nouveau, Fred essuya sa lame.
Contre sa cuisse, indifférent à la trace de sang qu’elle y laissa.

Il a bougé.

C’était un mensonge bien sûr, mais ça, c’était du travail bien fini.