Ez vs Wergeld

Retour au départ.
A nouveau debout, Ez observa un instant son adversaire, laissa à son organisme une brève pause. Digérer des efforts à fournir sans un battement supplémentaire... La douleur l'affaiblissait, à défaut de le déconcentrer. Son épaule ne pouvait plus que le faire souffrir, et encaisser les coups à venir.
Alors qu'en face, Wergeld était toujours debout. Pas forcément très frais, mais à vue d'oeil il tenait sur ses jambes. Résistant, un vrai cafard... En même temps après deux pauvres coups qui tout au plus l'empêcheraient de se plier en deux pendant quelques jours, et une ruade dans le sable du sol...

- Je sais pas de quoi il s'agit, mais franchement, tu veux pas te battre sérieusement?

Impossible de ne pas l'avouer: il avait fermé les yeux à la caserne, il les avait rouvert ici. Entre les deux, quoiqu'il se soit passer, il n'en gardait aucun souvenir. Et pour l'instant, ça n'était pas une priorité.
Un soupire ennuyé lui échappa. Un trait bref de douleur lui traversa l'épaule.

- Considère que je puisse te tuer.
Et qu'en plus de pouvoir, c'est mon intention.

C'était enivrant d'épicer un peu ce drôle de jeu auquel il participait sans en avoir l'intention.
Seulement pour être pris au sérieux, il fallait bien avoir un argument...
Avalant une bouffée d'air, il posa un poing sur sa bouche.
Recracha l'air, d'un coup sec et bref. Recracha quelques langues de flammes qui se reflétèrent dans le bleu pâle de ses yeux. Avec un sourire sûr plein de provocations.

A nouveau il se lança contre Wergeld, son épaule blessée légèrement en devant. Comme il ne s'agissait que d'engager l'assaut, il ne chercha pas à viser un point faible. En appui sur une de ses jambes fléchie, il tenta une simple attaque du genou au niveau du flan. Sa main valide semblant prête à aller se coller à ses lèvres, et cracher encore quelques unes de ces flammes...

Semblant seulement.

-Tu me facilites le travail.

Alors quoi, il sait se battre, assez pour qu'une approche traditionnelle ne fonctionne pas. (traduction : foncer dans le tas, cogner à tout va et voir le résultat à la fin) C'est dommage j'avais prévu de lui montrer mes tours favoris. Il se contentera d'un spectacle de moindre qualité.

Genoux sur le flanc.
Principe simple, ma force ne peut me blesser. Donner un coup de boule à un mur ? Même pas peur. Enfin, si un peu. Cela reste tout bonnement très douloureux, mes os supportent bien les chocs dans ces moments là.
En conclusion, ma meilleur tactique est de cogner au même moment.

Je joins mes bras, à défaut de faire mieux et je cherche à repousser son genou avant qu'il ne me plis le fémur comme une cocotte en papier.

Un, l'impact est inévitable.
On ne peut pas dire que je sois un physicien confirmé. Loin de là. Tout ce que je sais, c'est la douleur qui me remonte les avants bras. D'un oeil expert je dirais double fracture, minimum. C'est le prix à payer lorsqu'on est incapable de prévoir ce que donnera deux forces qui se rentrent dedans au même moment.

Deux, je me penche en rejetant son genoux. L'épaule perpendiculaire à son corps. Et je force sur mes jambes. Poussé, mon épaule doit entrer en contacte avec son corps. L'empêcher d'avancer est la première étape.
La seconde serait normalement de tomber ensemble. Mais le but est de lui couper le souffle. Des flammes... Comme si j'allais le laisser respirer après avoir vu ça.

C'était bien ce qu'il avait toujours constaté avec Wergeld, et qu'il pouvait à nouveau déplorer aujourd'hui: aucune répartie. Ce type était fort, physiquement parlant. Bien materné, il pouvait aller jusqu'à administrer un quartier.
Bien materné.
Mais tout seul, il ne valait en définitif pas grand chose...
Un type de plus qui avait eu de la chance. Tombé sur les bonnes personnes, au bon endroit au bon moment. Comme quoi n'importe qui pouvait devenir maître. Comme Eönwë, maître d'un quartier, incapable d'être maître de lui-même.
Tanyth' avait l'étoffe d'un chef.

Un léger sursaut, le prétorien chercha son adversaire du regard.
Ca n'était qu'un rêve, qu'une hallucination. Comme tous les autres.
Tanyth' n'existait que dans des souvenirs dépourvus de réalité. Pour boucher les trous vides de sa mémoire.

Sentant son genou heurter une parade, il relâcha tous les muscles de sa jambe, permettant à l'articulation de se détendre sous l'impact, sans aucune résistance. De la hanche aux bouts des orteils, sa jambe repartie en arrière, l'obligeant à pivoter le bassin pour s'éviter une douloureuse rotation au niveau de la hanche.

Attaque de Wergeld. Une opportunité d'esquiver plutôt que d'encaisser à nouveau. Esquiver, attaquer.
Ou pas.

A peine s'appuya-t-il de nouveau sur sa jambe et bascula-t-il son poids dessus qu'il sentit la douleur lui remonter le mollet, la cuisse. Il entrouvrit les lèvres sur un cri de douleur qui ne vint pas. La demi-seconde perdue, il n'esquiva pas. Déjà déséquilibré, il accusa le coup. Ses côtes plièrent, cédèrent. S'enfoncèrent dans les chairs les plus proches, dans l'un de ses lobes de poumons. Quatre sur cinq, c'était encore suffisant pour respirer. En tout cas il faudrait que ça suffisent.
Partant en arrière, Ez agrippa l'épaule de Wergeld. Ou pas. Son bras blessé refusa de bouger, et il termina en roulé boulé dans le sable, quelques mètres plus loin. La chute encouragea ses côtes à se promener. L'air qu'il souffla avait le goût du sang noir qu'il cracha. La douleur incita son cerveau à s'arrêter, plusieurs décharges l'en empêchèrent. Il se redressa sur un coude, ramena sa jambe valide contre lui. En dépit du voile de sueur qui perlait à ses cils, il chercha K'ouen.

Considère que je puisse te tuer.

Je n'étais pas un bon appui, ni pour lui, ni pour moi. Nous basculions dans le vide au même instant, à la différence que nos points de chutes s'éloignaient inexorablement l'un de l'autre. Sur le ventre, je me relevais plus facilement qu'il ne le pouvait. A en croire son état, il encaissait plus de dégâts que je ne l'imaginais.
Cette force qui ne me lâche pas. Incontrôlable.

En voulant serrer le poing je me rends compte que je peux plier le coude, mais pas bouger le poignet sans ressentir une vive douleur. Mon épaule a semble-t-il bien mieux pris les choses. Je n'ai qu'un bras de cassé, mon adversaire n'a pas cette chance.

-C'est le mieux que tu puisses faire ?

Sérieusement ? Il se moque de moi. Beaucoup d’esbroufe et quelques parades, c'est ça le grand Prétorien... On le bouscule et il fini en morceaux ?
Soupir. Trois notes, spectateur, arbitre, le vent. Silence. Bientôt la note de fin. J'attends qu'il soit debout. Reprenons là où nous avons commencé.

Calmant sa respiration, trop rapide et tâchée de sang, le prétorien jura contre ce manque d'oxygène qui crispait ses muscles, sa jambe paralysée de crampes. Ils n'avait pourtant échangé que quelques coups... Quelques coups!

Un cri furieux passa ses lèvres, il cracha sur le sable un mélange de sang et de salive. Surtout de sang.
Provocation de Wergeld.

Handicapé d'un bras et d'une jambe...
Tu l'as déjà fait!
Oui, mais c'était des années et des années plus tôt, dans un autre endroit, un autre monde.
Serais-tu lâche?

Bouillant de rage, il s'accroupit sur une seule jambe, s'équilibrant de son bras valide. Puis se leva... Un instant vacilla. En fléchissant légèrement le genou, il parvint à se stabiliser. C'était peut-être téméraire, mais il porta une partie de son poids sur sa jambe transite de crampes. Comme appui, c'était valable. Marcher cependant... Impossible. Il n'essaya même pas.
Trois notes.

Inutile d'être instruit pour en deviner le sens.
La douleur pulsa douloureusement à travers ses membres.
Un voile noir passa devant ses yeux, il eut l'impression de s'endormir.

Un jour, je te montrerais ce que je peux.

Du revers de la main, il essuya le sang qui tâchait ses lèvres.
Ce qu'il pouvait n'avait aucune importance.
Seuls ses devoirs à "son" égard comptaient.

Encore un dernier match à départager... La dernière enveloppe dans les mains, l'homme au micro fait patienter le public.

-Qui du Prétorien ou du Maitre de K'ouen a su se qualifier pour les demi-finales ?

Il ouvre l'enveloppe et en sort la petite carte. Théoriquement, moins il y a de lettres et plus le sort penchera vers le premier concurrent... Peut-être un petit malin a-t-il eu la bonne idée de peser l'enveloppe ? C'est logique, plus il y a d'encre et plus K'ouen a de chance de l'emporter, non ?
Cette étrange réflexion le présentateur la garde pour lui, encore heureux, il y risquerait sa carrière...

-Et le dernier concurrent qualifié est...

Roulement de tambour. On entend un "Aïe!" en fond sonore, il faut croire que l'un des percussionnistes n'aura plus la chance de jouer de son tambour avant un moment... On leur avait pourtant dit que les tambours ça va une fois...

-Et ce sera... Ez !

Un mouvement dans la foule révèle sans aucun doute possible où se sont tous assis les sanctuaris venus soutenir leur patron. Bien entendu, le reste du public n'est pas en reste et les concerts de voix finissent d'accueillir la fin de la première étape et certainement le début de la suivante.