Ez vs Wergeld

Prenant le micro, l'arbitre annonce les combats :

-Et voilà peut-être le match le plus médiatique du moment, la caserne affronte K'ouen. Cela explique sûrement le nombre de sanctuaris dans les gradins... Quoiqu'il en soit, Ez affrontera Wergeld, ne vous fiez pas aux apparences, ils n'ont rien d'humain !

Un concert d'applaudissement. Inutile d'attendre que le public se calme, les paris vont bon train et la foule ne cesse de s'extasier à autour de l'aire de combat.

-Souvenez-vous messieurs, ni armes ni armures !

On se demande si le public l'écoute, tant il est absorbé par les concurrents sur le sable.

Cette fois j'ai pris pli ! Pour cette deuxième année et seconde participation j'ai choisi l'option sans chaussures, et si j'écoute Ayame sans pantalon (?). Un short, un t-shirt et toute ma force incontrôlable en guise de seul tout.
J'ai de la chance, Ez est mon premier adversaire, je ne peux m'empêche de lui dire :

-Tiens, ça fait des années que j'ai envie de t'en coller une... Le ciel m'a entendu on dirait.

Pour ma part j'ai le sourire. Ce n'est pas Ez qui me tuera d'un coup de poing, et de l'autre côté comme je l'aime bien j'éviterai de lui casser une jambe. Toute la question étant : serais-je en mesure de le faire ?
Qui peut se vanter d'avoir déjà vu Ez se battre... Je serais bien avisé de ne pas le sous-estimer, ou c'est moi qui perdrait des dents !

Me voilà lancé, les poings levés, prêt à lui asséner mon premier coup.

Ouvrir les yeux se révéla être un exploit, comprendre fût tout bonnement impossible.
Où, quand, pourquoi?
Le sol était de sable, sans être celui de l'arène.
Quand et pourquoi, il n'y avait qu'un tournoi pour lui coller K'ouen sous le nez.
Il écarta légèrement les jambes, juste pour assurer ses appuis.

L'impression d'avoir longuement dormi, de se réveiller sans être engourdi.

- Et à part faire de l'esprit, tu sais te battre?

Le ton acide, l'air de reprocher à Wergeld de l'avoir ouverte alors qu'il n'en était encore qu'à se faire vaguement à l'idée qu'il allait devoir se frotter à lui... Pétard, quelle mauvaise blague! Un coup de ce rigolo post-pubère, et il disjoncterait. K'ouen avait peut-être l'intelligence d'un troll, il en avait également la force. Et lui face à cet espèce de monstre de puissance...
Que ses yeux pour pleurer.

Ou pas.
Si David avait pu survivre à Goliath...

Je fronce le nez. C'est pour ce genre de répliques que j'ai envie de lui botter le derrière, toujours en supposant que ce soit possible, restons modeste.

Interdit de toucher la tête, l'extrémité des côtes. Je frappe sur les côtés, les épaules, les tibias. Je ne touche pas aux fémurs. Mes cibles sont à hauteur de mes bras. Ne rien frapper qui manquerait de le tuer en cas de succès.
Je dois apprendre à contrôler ma force.

-Je sais. On verra si toi aussi.

Mon poids bascule, des hanches aux épaules je pivote cherchant une ouverture autre que la tête. Dur de regarder ailleurs. Il pourrait se teindre en brun, le rouge attire mon regard, j'en oublie de vérifier le reste. Pour cette première offensive je me contente d'user de mes poings. J'ai besoin de juger sa résistance et sa vitesse.
Si je suis fort, j'admets que je suis lent... Le tout est de savoir si sa force rapporté à sa vitesse fera mal ou très mal.

Lui?
A condition d'être armé oui, il savait se battre.
Nu comme un vers - un vers en chemise et pantalon - il était bien incapable de s'affirmer capable de quoique ce soit. Enfin si, il savait tuer quelqu'un en un coup. En approchant discrètement par derrière et à l'insu de la victime.
En bref, chose impossible...
Mais tu te battais à mains nues avant.

Oui, avant! Avant de...

Il s'interrompit là: K'ouen parlait peu pour frapper juste. Il s'y était un peu attendu, au fond: Wergeld n'était pas un philosophe.

L'attaque? Peu rapide, peu recherchée. Pivoter dissimulait son torse derrière ses poings, le bonhomme savait se battre. Assez pour avoir un jeu de jambes adéquat: aucune ouverture de ce côté là. Aucune ouverture tout court.
Esquiver? Aucun intérêt. Chercher le contact avec Wergeld ça revenait à finir en puzzle. Mais dans un corps à corps... On se retrouvait forcément au contact. Tant pis.

Un, accompagné le geste. Le prétorien avala une grande bouffée d'air, déplaça un de ses pieds en arrière. Comme Wergeld, il pivota les épaules. Deux, amortir. Il sentit sa colonne vertébrale craquer, son bassin pivota à son tour. Le dos détendu, la moitié supérieure de son corps suivant sans résister. Son pied le plus en arrière glissa sur le sol, l'épaule sortit de son articulation: normal.
De l'autre côté, son bras valide ramené contre son flan, poing serré, poignet tourné vers le ciel.
Le coup de Wergeld faisait mal, mais avait le mérite de donner de l'élan.

Son poing quitta son côté. Le majeur pousser par le pouce, donnant à la boule que formait son poing une excroissance aux effets peu dévastateurs, mais douloureux.

J'aurais aimé avoir l'ascendant dès le premier coup. M'assurer le moins de contusions possible en déséquilibrant la rencontre dès le départ. La stratégie aurait été bonne, si elle avait pu fonctionner.
A ma décharge on m'a appris à foncer et à improviser. Mais comme on dit : les premiers servent à juger les qualités et les défauts de son adversaire. Je suis défavorisé, Ez me connait assez pour savoir que je réfléchi peu dans le feu de l'action. Et je ne sais rien de lui. Atténuons un peu le mélo', un coup réussi et je peux mettre fin au match. Disons que nous avons tous les deux nos chances. Esprit ou force brute ? C'est un peu ça...

Le creux, en dessous des côtes, au dessus du foie. Pointu, enfonce les nerfs et fait office d'électrochoc pour le reste des organes en présence. Je perds mon souffle.
Il frappe fort.
Comme l'autre Eö... Ne jamais sous-estimer les gens de l'Entre-Monde.

Mon point faible, le ventre. Mes défenses sont nulles, c'est le prix à payer quand on a une force phénoménale... et j'ai subi plus de dégâts dans cette zone du corps que sur tout le reste.
Un peu de sang tapisse mon palais. Cette saveur de fer résonne comme une alarme, l'air qui s'engouffre dans ma gorge est plein de poussière. Réagir.
De l'avant bras je repousse le poing, je dois gagner le temps de contrôler une autre position. Anticiper avant de voir ma force devenir mon point faible.

Ma main valide en poing fermé trace un arc pour frapper : crochet.

Assez proche de son adversaire pour l'entendre, Ez entendit le souffle de Wergeld se couper alors qu'il le sentait sous son poing. Heureusement que ces combats se faisaient sans arme, K'ouen serait déjà mort. Ou lui-même serait déjà mort, au choix...

Au choix il aurait préféré que ce soit lui.

Son esprit réintégra l'instant présent: la douleur tiraillait son épaule avec une vivacité qu'il attendait un peu. Paye ta parade... Il n'avait pas espérer s'en tirer indemne. Contre K'ouen, impossible. Par contre éviter d'aller au sanctuaire... Encore mieux se faire amocher le moins possible.

Son poing balayé, le réflexe aurait voulu qu'il baisse les yeux dessus.
Mais le mieux en combat, c'était encore de ne rien fixer pour tout voir. La vue périphérique rendait parfois bien des services...

Alors si un des bras de Wergeld servait de parade, l'autre avait clairement la fonction de contre-attaquant. Crochet, 'vin dieu.
Un, encaisser. Elle est pour qui celle-là? Quitte à prendre, il préférait encore ne se ruiner qu'un seul bras. Son pied glissa en arrière, son corps pivota, offrant une épaule déjà démise au poing de Wergeld. Un vilain craquement, il supposa que l'articulation s'était remboîtée. La douleur aiguë lui signala que la clavicule n'avait pas résister à toutes ces sollicitations brutales. Une pointe électrique lui traversa le cerveau: le plus futé aurait été de laisser tomber ici.

L'élan de son propre déplacement conjugué à celui du coup de son adversaire, il continua donc son mouvement de rotation, fléchit les genoux en faisant ce tour sur lui-même. Exactement à la même vitesse que son attaque précédente. Et son coude avisa l'aine de K'ouen, avec la ferme intention d'aller s'y loger.

J'hésite, le craquement vient de mon poing ou de son épaule. Si on part du principe que lorsque je suis l'instigateur du mouvement ma propre force ne peut me blesser, je peux en conclure qu'il n'a pas aimé deux coups sur une même zone.
Soit, ça fait toujours un bras de moins à surveiller.

Sauf que un bras de moins ne signifie pas un point fort de plus pour moi. Je m'attendais à un tacle magistral, et bien que j'ai essayé de parer le coup, j'ai les bras trop hauts pour l'éviter.
Un coup dans l'aine. Pointue comme son coude. Douloureux comme tout ce qui touche les parties molles. Bref, un sale coup.

Effet immédiat : je me plis en deux dans une grimace peu glorieuse et je recule. Par instinct de conservation.
Je suis hors course pour le prochain round. La douleur a le mérite de faire danser des cloches sous mes paupières. C'est aussi efficace qu'une injection illégale bien que plus difficile à supporter. On ne devient pas accroc de ce genre de bassesses... Sans mauvais jeu de mot.

La douleur, désireuse de l’abasourdir, s'époumona à travers son bras, jusqu'au coude. Serra son épaule. Respirer à fond lui sembla soudainement secondaire. A nouveau, la question se posa: qu'est-ce qu'il foutait là?
Sans qu'il ne s'attarde dessus.
Il s'appliqua à ne respirer plus qu'avec le ventre. Ça semblait suffisant.

Baissé qu'il était pour porter son coup, Ez s'était redressé. La logique l'aurait poussé à s'accroupir, éviter une contre-attaque. Mais il avait touché là où ça faisait mal, et du coup s'évitait toute parade douloureuse. K'ouen reculait pour digérer. Il ne supposa pas qu'il fallait épargner un minimum son adversaire.
Un type doté d'une force de troll on ne lui laissait pas le temps de souffler, de se remettre de ses émotions. Lui-même aurait été dans une toute autre forme, il aurait peut-être joué le jeu de l'avoir à l'usure... Mais là, non. Sur le temps, il lâcherait en premier. S'il ne voulait pas se prendre une raclée...

Alors le prétorien n'hésita pas à attaquer, prenant l'offensive. Ne faisant face que de trois quart à Wergeld, son épaule déjà blessée en avant. Visé la tête, la nuque, le dos, les épaules... Ou pas.
D'un bon, de vitesse égal, il se rapprocha de K'ouen. Au lieu d'atterrir debout se reçut à moitié accroupit. Il bascula son poids sur l'arrière, jetant un pied vers les genoux de l'autre.

Surtout, aucun répit. Parce que d'ici une paire de minutes, il ne serait peut-être même plus capable de tenir debout lui.

Bon sang. Ça fait un mal de chien.
C'est bien la première fois qu'un homme cogne dans ces parties là...
J'ai les lèvres qui brûlent sous un raz de marée de jurons bien sentis. RIen ne sort. Je sers les dents et j'attends que la douleur passe. (tiens, je vois des étoiles, une lumière au bout d'un tunnel...) J'en connais un qui sera mécontent des conséquences de ce tournois pour les prochaines nuits. Le pauvre...

Il a le temps de me cogner dans les genoux. Déjà courbé, mes genoux supportent le choc bien que je sois projeté en avant. Je tends les bras vers le sol et me réceptionne en roulade maladroite.
Il m'a bien eu avec son enchainement.

Assez lucide pour me remettre debout, je viens de perdre un temps précieux à me faire taper dessus. Hey, c'est moi qui suis censé cogner !

Nos positions ? Ma chute m'a positionné dans son dos.
Chute et remise sur pieds, un temps de trop, assez pour que théoriquement nous soyons de nouveau face à face. Nos positions initiales inversées.