Re: Petit bonjour pour une guérisseuse

Si ce devait être une journée comme les autres au Sanctuaire des Braves, ce n'était pas le cas. J'avais fait ma ronde habituelle, un jeune gars de Magna avait voulu s'introduire dans l'une des salles où on stocke les médicaments et autres potions en réussissant à se faufiler sous l'objectif des caméras, mais pas sous mon œil avisé. Au moins, ça prouverait au Maître Eönwe qu'il avait eu raison de me confier ce poste.

Je faisais de temps en temps un tour dans les chambres des personnes les plus fragiles, celles qui ne pourraient rien faire si quelqu'un venait à s'introduire dans la salle afin de m'assurer que tout allait bien, ces chambres étaient généralement hautement sécurisée et il ne s'y était jamais rien passé, mais je préférais quand même faire un tour, et certains patients commençaient même à me connaître et me demander de passer les voir pour taper la discute. Pas évident de rester cloué au lit plusieurs jours, un peu de compagnie autre que les médecins leur fait pas de mal parfois.

D'un pas hésitant, je m'approche de la chambre d'Aliénor, frappant doucement, j'ouvre délicatement, pas envie de la réveiller au cas où, je passe juste la tête pour vérifier qu'elle est présentable, mais le lit est vide, soigneusement plié, elle s'est donc levée. Il me semble que son congé maladie est terminé, aussi peut être s'est-elle déjà mis au travail?. Ce n'est pas très raisonnable, mais qui suis-je pour la juger? Je hausse les épaules et continue mon petit tour jusqu'à revenir dans le hall... je croisais alors Coraline, la nouvelle, il me semble qu'elle est formée directement par la jeune femme

«Hum... excuse moi, Coraline, c'est ça?»
- «Oui, tu es Dolhan, le garde de la sécurité?»
- «C'est ça... tu n'aurais pas vu Dame Mireamwen par hasard?»
- «Euh, je sais pas, toute à l'heure elle allait vers l'espace vert là bas...»
- «Ok merci! À plus tard!»
- «À plus tard!»

Je hoche la tête pour la saluer et je me rends à l'espace vert, c'est que ça fait un moment que je ne l'ai pas vue quand même. J'essaie de ne pas y aller trop souvent, la pauvre a déjà bien eu assez de ragots comme ça sur son dos, pas envie que l'autre fouine invente n'importe quoi sous prétexte qu'un vigile du Sanctuaire la suit d'un peu trop près. Les mains dans les poches, j'arrive donc au petit jardin où elle aime tant marcher, et je la cherche des yeux.

Elle n'est nulle part.

Je reste quelques minutes ici, comme si j'espérais qu'elle reviendrait rapidement, un frisson me parcourt la colonne vertébrale, mais je ne vois rien d'anormal. Je vois qu'il y a quand même quelques personnes ici, je vais essayer de voir s'ils l'ont vue, on ne sait jamais.. elle a peut être décidé de rentrer chez elle à Northrives? On va bien voir...

Apparemment son petit numéro avait fais son effet et il était même étonnant que la guérisseuse se soit attaché aussi vite alors qu'elle tremblait comme une feuille. Par contre, elle avait toujours la témérité de lui répondre et l'assassin n'appréciait pas vraiment qu'elle fasse encore la maligne au vu de la situation actuelle.

« Lâche vous dites ..? »

Un sourire amusé et invisible naquit sous son masque. Il aimait beaucoup le caractère de cette femme qui même tétanisée par la preuve osait encore lui répondre. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi ce dénommé Lawrence lui en voulait, mais ce n'était de toute façon pas son problème.

Le problème en ce moment était surtout que le message n'était pas encore assez bien passé, vu qu'elle était encore capable d'émettre d'autres sons que des plaintes et des gémissements de peur.

Ainsi, armant son arme à feu en visant son épaule, Ryner appuya sur la détente. La déflagration résonnant dans tout le bâtiment abandonné, la balle vint blesser la jeune femme dans une gerbe de sang et à voir le résultat, il ne fallait pas être devin pour deviner que c'était douloureux.

« Il n'y a pas d'histoire de courage ou de lâcheté pour le métier que je fais .. »

Maintenant qu'il avait fais ce qui devait être fais, l'assassin rangea son arme avant de se diriger vers la sortie arrière de l'infrastructure. Il n'y avait pas beaucoup de monde dans le coin mais il ne valait mieux pas prendre de risque avec le raffut qu'il venait de faire. Le message avait été transmis après tout ..

La vitesse de l'action ne lui permit pas de faire grand chose et quand le coup de feu partit, elle n'eut le temps de rien faire...
Ce fut comme si un mauvais film était en train de se jouer, c'était comme si elle revoyait aussi les images les plus marquantes de sa courte existence... Et cet impact qui la vit brutalement chuter en arrière alors qu'elle était déjà assise. Sa tête heurta le sol et ces cheveux s'éparpillèrent autour d'elle alors que son haut se teintait de sang.
La douleur était cuisante, lancinante, elle avait la sensation de ne sentir plus que cela. Elle ne pouvait même pas porter une de ces mains à la plaie, vu qu'elle était attachée...
Et les larmes lui montèrent aux yeux... Personne n'était là, personne ne savait, probablement que personne n'avait entendu, vu que le bâtiment et ces alentours étaient à l'abandon...
Et elle pensa à tout ce qu'elle n'avait pas pu faire, comme s'excuser auprès de Ez, mais aussi dire à Wergeld qu'elle tenait à lui en tant qu'ami véritable, de passer du temps avec Eö mais aussi avec Dolhan...

Là, sur ce sol poussiéreux, une tâche de sang se formant sur le sol où elle était étendu, elle tourna légèrement la tête pour le voir partir et elle enregistra tout ce qu'elle pouvait... Même si... Même si la douleur prenait le pas sur tout, réveillant ainsi totalement sa faculté qui doubla sa propre douleur...
Un gémissement s'échappa de ces lèvres, en plus des larmes qui coulait sur ces joues...

Bordel... Qu'avait-elle fait et à qui pour mériter de finir comme ça?

Elle voulut fermer les yeux, essayer de se réfugier ailleurs qu'ici, là où on ne pouvait plus l'atteindre...

J'avais demandé à quelques passants s'ils avaient vu Aliénor, et effectivement, un couple se souvint d'elle, elle était visiblement partie avec un homme. Je trouvais cela étrange, car ses connaissances étaient généralement des gens connus, j'essayais de décrire Maître Eönwe, ou encore le Maître de K'ouen ou de Ken, mais non, l'individu ne semblait pas correspondre. Impossible de savoir de quelle manière elle avait suivi l'homme, s'il semblait être son ami ou autre. Tant pis, je prenais déjà la direction prise.

À plusieurs reprises, j'avais du demander si on ne l'avait pas vue, et c'est ainsi que j'avais remonté la «piste» jusqu'à un vieil immeuble, mais plus je m'avançais et plus je commençais à m'inquiéter... qu'est-ce que Dame Mireamwen serait venue faire ici? Je posais ma main sur le bâtiment, c'était un vieil immeuble aux structures en cuivre, mais j'entendis alors un coup de feu et sursautais violemment.

«Qu'est-ce que...»

J'écarquillais les yeux et contournais rapidement les lieux pour chercher la porte. Lorsqu'enfin je trouvais une entrée, je distinguais une forme sombre au sol et une autre qui partait par une autre porte, je m'approchais jusqu'à entendre un gémissement, je reconnus alors les cheveux blancs éparpillés dans la poussière et... une substance sombre

«DAME MIREAMWEN!»

Non! C'était impossible, je courrais jusqu'à me retrouver à sa hauteur, me mettant à genoux pour voir qu'elle pleurait, mais surtout que la substance sous son épaule était du sang

«Dame Mireamwen, Aliénor... tenez bon!»

Pas le temps de lui demander ce qu'il s'est passé. Je sens mon cœur battre à toute vitesse dans ma poitrine, mais c'est pas la première fois que je dois porter quelqu'un en urgence à l'hôpital, je retire rapidement ma veste pour la mettre sur ses épaules après l'avoir redressée, elle est ligotée... je dénoue rapidement ses liens aux chevilles et aux poignets avant de passer un bras sous ses genoux

«Essayez de vous accrocher à moi, je vous amène à l'hôpital»

Je la soulevais alors, comme la première fois que je l'avais rencontrée, ramenant son front contre mon cou de manière à la blottir le plus possible contre moi

«Essayez de comprimer la plaie, je vous en prie... restez avec moi... parlez moi, je veux entendre votre voix... s'il vous plait... Aliénor...»

C'était important qu'elle reste consciente, il ne s'est pas passé plus d'une ou deux minutes entre le coups de feu et le moment où je l'ai trouvée, elle n'a pas perdu trop de sang, mais elle sort de convalescence et je ne veux pas prendre d'avantages de risques! Je me mets rapidement à courir, retraçant le trajet en sens inverse pour rejoindre le Sanctuaire... je crois n'avoir jamais couru aussi vite de ma vie, je sens mon souffle déchirer mes poumons alors que je serre les dents, mon pouls atteint une vitesse folle et mes jambes hurlent d'être ainsi malmenées, sans parler de mes bras qui doivent gérer et mon équilibre, et soutenir la belle. Mais rien à faire, je continue jusqu'à rejoindre le hall des urgences

«Un médecin! Vite! On lui a tiré dessus!»

Rien à foutre de la panique, de la finesse ou de la délicatesse, on verra plus tard!

Des liens qu'on désserre et cette voix... Elle l'avait reconnu sans savoir d'où elle venait. Rouvrant les yeux, ce fut pour croiser le regard de Dolhan...
Dolhan?!... Était-elle en train de rêver pour qu'il soit là, prêt d'elle, la couvrant et la soulevant?
Tenir bon... Comprimer sa plaie... Sauf que... Elle n'en était pas capable, la douleur était trop forte, trop dure à supporter et ça...
Elle se sentit soulever alors que de nouveau des larmes s'échappaient de ces yeux, elle essaya de soulever sa main, mais ne réussit pas et elle retomba mollement, pendant dans le vide alors qu'elle était dans ces bras, qu'elle sentait cette odeur qui l'avait déjà marqué la dernière fois.
Bon sans, s'était encore pire que la dernière fois avec Ez... Pire que les douleurs de Wu... Pire que tout... Un gémissement s'échappa de nouveau de ces lèvres, elle était incapable de dire quoi que ce soit... Parler, entendre sa voix... Elle ne put juste que cligner des yeux essayant de rester consciente alors qu'il partait en l'emportant...

Il courrait et chacun de ces pas augmentait la douleur, elle était à deux doigts de sombrer quand elle sentit qu'on lui tapotait la joue.

"Aliénor, tu restes avec moi aller bichette, tu gardes les yeux ouvert!"

Elle sentit qu'on la déposait sur quelque chose de confortable, enfin du moins elle le pensa, elle tourna la tête pour voir le visage inquiet de Katias et d'autres membres du personnel soignant. C'est à peine si elle comprit les ordres qui fusèrent:

"... Culot de O neg..."

Elle bougea une de ces mains, celle de l'épaule encore valide et elle tâtonna, malgré les bruits, malgré la douleurs qui déformaient son visage...

"... 100mg de morphine et prévenez Lu..."

Elle tâtonnait et finit par la trouver cette main, elle ne savait pas pourquoi, elle sentait juste que s'était la sienne et elle ne voulait pas être toute seule, non... Pas seule... Et de nouveaux ces voix, plusieurs qui disaient:

"La balle est pas ressortie..."

On la bougea, un gémissement plus prononcé que les autres s'échappa et de nouvelle larmes de douleurs, de peur s'échappèrent involontairement, elle rouvrit les yeux qu'elle avait clos et chercha du regard cette silhouette familière parmis les autres et serra le plus fort possible cette main qu'elle tenait comme si elle s'y accrochait de toute ces forces.

"... La chirurgie a été appelé, la morphine vite, allez bichette, tu tiens le coup hein, c'est rien tout ira bien."

Mélange de voix, de personnes, d'odeur... Et cette douleur... Et elle ferma les yeux, pour sombrer, n'y tenant plus...

(... A suivre au Sanctu)