Petit bonjour pour une guérisseuse

Aliénor, la directrice du Sanctuaire Des Braves ... Il y avait de quoi se poser des questions quand ce genre de personne était votre cible. En effet, pourquoi ce dénommé Lawrence lui avait donné pour mission d'effrayer une guérisseuse? A moins qu'elle ne soit liée à des activités louches, ce qu'il ne trouverait pas si surprenant que cela, il devait avouer avoir été un peu surpris en apprenant son objectif. Bon juste l'effrayer, d'accord, mais quel intérêt pour tester un assassin? S'il ne voulait pas vraiment la tuer, une autre épreuve aurait été bien plus utile pour juger de ses capacités.

Enfin, il y avait un bon côté au moins dans cette histoire. Les fumerolles était un endroit rêvé pour se dissimuler et surprendre une jeune femme comme Aliénor. Le lieu, un véritable dédale de galeries, était immense, bondé de monde et regorgeait d'endroits obscurs, que demander de mieux pour s'acquitter de sa tâche? Par contre, il était juste décevant d'avoir à faire à un endroit fermé où l'usage d'un fusil de précision aurait été décelé trop rapidement avec l'écho. Dommage, ici il n'y avait pas le moindre vent, un endroit rêvé pour les tireurs d'élites qui auraient pu aisément faire un tir portant sur un km.

Mais le plus embêtant à vrai dire dans ce genre de mission avait été de repérer patiemment les lieux que visitait la jeune femme pour en apprendre plus sur ses habitudes. Une fois la configuration des lieux en tête avec la position des sorties de secours, des endroits dangereux ou bien ceux où il était aisé d'attaquer sans se faire repérer, le reste n'était qu'une affaire de détails. Et c'est donc pour cela qu'assis nonchalamment sur un banc qui menait à un petit coin de verdure non loin du Sanctuaire, Ryner attendait la venue de sa cible. Pour l'avoir assez observé ces derniers jours en veillant à ne pas se faire voir, l'assassin avait conclu que la directrice passait souvent par ce lieu.

Maintenant il ne manquait plus qu'à la surprendre et l'amener dans un endroit qu'il avait préparé pour l'occasion, une petite maison abandonnée dont il avait pris soin de vérifier qu'elle n'était pas le repaire de clochards ou de gamins de rue. Un endroit parfait pour garder quelque temps cette dénommé Aliénor et lui faire la plus grande peur de sa vie. Bien sûr tout cela ne suffisait pas et Ryner avait bien prit soin de changer son accoutrement habituel optant pour des vêtements moins voyant. Mais ce n'était pas tout, pour parfaire le déguisement il avait aussi opté pour des lentilles de couleurs vertes ainsi que changé la couleur de ses cheveux pour un brun auburn. Pour le visage, il s'arrangerait pour que la jeune femme n'ait pas le temps de le voir.

* Maintenant que tout est prêt, il ne manque plus que la venue de la jolie jeune femme. J'espère qu'elle n'a pas oublié sa ballade habituelle. *

Ses armes à feu habillement dissimulées sous une veste en cuir brun, l'assassin faisant semblant de passer pour un simple passant se reposant sur un banc. Ce dernier était un peu en retrait du chemin habituel que prenait la guérisseuse et légèrement dissimulé derrière la végétation ambiante du parc. Suffisamment pour pouvoir voir venir la femme et qu'elle ne puisse pas le remarquer involontairement avant qu'il ne passe à l'action...

Impatient, Ryner restait pourtant de marbre en paraissant lire tranquillement le journal sur un des bancs de ce petit parc des Fumerolles. La guérisseuse était en retard aujourd'hui, enfin si on pouvait parler de retard au vu de son emploi du temps chaotique. Repérer ses habitudes avait déjà été un calvaire, si en plus elle ne venait pas lorsqu'il le prévoyait, il allait devoir recommencer le manège encore demain. Puis il fallait avouer que lire le journal toute la journée était assez déplaisant et pas vraiment discret si on recommençait cette astuce tous les jours. En effet, réfléchir à un autre moyen d'observer discrètement les allés et venus des promeneurs s'avérerait gênant, mais heureusement, après plusieurs minutes de doutes la directrice du Sanctuaire pointa enfin le bout de son nez.

*Pas trop tôt ...*

Regardant la jeune femme passer devant lui sans le voir, il nota que celle-ci déposa ses chaussures près d'un banc avant de commencer sa promenade dans la verdure du parc. Question sécurité il avait vu mieux, n'importe qui aurait pu lui voler ses chaussures sans qu'elle ne s'en rende compte. De plus s'il devait s'acquitter de cette mission, il allait sûrement devoir retirer en même temps cette preuve évidente que la guérisseuse était passée par le parc. Il ne croyait pas vraiment pouvoir kidnapper la directrice sans que ses employés ne remarquent son absence au bout de plusieurs heures. Mais s'ils étaient sûr de son enlèvement en retrouvant ses chaussures perdu au beau milieu du parc le temps qui lui était alloué raccourcirait grandement.

*Ca me complique un peu les choses.*

La jeune femme s'occupant en ce moment même d'un jeune garçon blessé, l'assassin resta assis sur son banc. Il fallait qu'il attende qu'elle s'éloigne de ces gens car moins il y avait de monde et mieux c'était.

Alors qu'elle s'éloignait enfin de l'enfant, Ryner jugea le moment opportun et se leva du banc, son journal sous le bras l'autre main dans sa poche. Une fois aux abords du banc où la jeune femme avait délaissé sa paire de chaussure, l'assassin s'empara discrètement de celle-ci avant de la cacher habilement sous sa veste. Personne ne saurait alors si Aliénor avait été vraiment enlevée ou si elle s'était permise une plus grande ballade.

Ainsi arrivant à quelques mètres de la dénommé Aliénor dans son dos, Ryner interpella discrètement la guérisseuse de telle manière qu'elle soit la seule personne à pouvoir l'entendre tout en prenant bien soin de modifier sa voix. Il ne s'était pas exercé au théâtre pour rien après tout.

« Ne vous retournez surtout pas. J'ai une arme braquée sur vous. » Une voix froide qui se voulait un ordre et un avertissement.

Il n'hésiterait pas, si la directrice tentait de se retourner malgré tout, alors Ryner serait obligé d'approcher encore plus prêt la jeune femme pour l'empêcher de voir son visage. Dans un parc à une heure où peu de monde passait, il était assez aisé de se faire passer pour un couple tout en menaçant sa victime.

« J'ai besoin de discuter un peu avec vous comme qui dirait, je suppose que vous connaissez les bâtisses délabrées non loin d'ici. C'est notre destination, je vous guiderais une fois sur place et pas une seule question, un geste ou mot de travers. Faite juste ce que je dis. »

La dernière phrase ne se voulait pas négociable et le demi-démon n'attendait pas une réaction de la part de sa victime signifiant un acquiescement. Elle devait juste se rendre là où il lui avait dit.

Pourquoi devait-elle compliquer les choses? Elle avait déjà de la chance qu'on ne lui ait pas demandé de la tuer et bien qu'il n'appréciait pas s'en prendre aux femmes en général, ça ne le gênait pas le moins du monde de faire jouer le plomb lorsque la situation l'exigeait.

Puis quelle était cette réponse? Quelqu'un la menace avec une arme à feu et tout ce qu'elle trouve à faire c'est de jouer les fortes têtes en voulant discuter au beau milieu d'un parc. Elle n'avait pas vraiment tout compris, il ne lui laissait pas le choix car si elle lui compliquait la situation, il serait sûrement obligé d'agir en conséquence.

« Je déteste me répéter, vous savez très bien pourquoi ce lieu est inadapté et je ne vous demande pas votre aval au cas où vous ne l'auriez pas compris ... »

Dit sur un ton impassible et toujours aussi glacial, l'assassin s'était rapproché discrètement de la guérisseuse pour lui enfoncer le canon de son arme dans le dos, un déclic caractéristique d'un Glock qu'on armait se faisant entendre. Il ne savait pas si avec ses habits elle pouvait ressentir l'acier froid et mordant de l'arme, mais elle n'aurait probablement aucune difficulté pour devenir la forme du canon qu'il pointait sur elle. Bien sûr, il avait veillé à ce que ce geste se fasse de manière naturelle et qu'on ne puisse voir l'arme pour un éventuel passant.

« Ce serait dommage d'abîmer une jolie demoiselle comme vous, vous ne pensez pas? Donc dernier avertissement, rendez vous là où je vous l'ai dit. »

Prononcé sur un ton étrangement plus doux, la réponse de Ryner pouvait sembler étrangement apaisante. Mais dans la situation présente, il ne doutait pas un seul instant qu'elle devait apporter au contraire plus de peur à la demoiselle. Il n'avait pas un seul instant la volonté de lui faire du mal, mais ça elle n'était pas censée le savoir et de toute manière il fallait qu'elle bouge de ce parc.

Finalement, elle avait obtempéré comme s'y attendait Ryner. Lorsqu'on avait un canon planté entre les côtes on faisait souvent moins le difficile. Il n'avait pas de temps à perdre et il se moquait éperdument que la guérisseuse soit une forte tête. Si elle croyait pouvoir lui fausser compagnie ou se défendre elle surestimait beaucoup ses capacités. Il ne doutait pas qu'on lui ait apprit quelques tours de passe passe, mais il était presque évident que la directrice du Sanctuaire n'était pas une femme versée dans la violence, alors de là à pouvoir être une menace ...

« Vous êtes toujours aussi bavarde? Je ne croyais pas vous avoir permis de parler pourtant ...»

Prêtant attention de ne pas baisser sa garde tout en s'emparant de la paire de chaussure d'Aliénor de sa main de libre, l'assassin jeta ensuite négligemment celle-ci devant la jeune femme.

« Vous aviez peut être cru que nous ferions demi-tour pour aller les chercher, non? Maintenant dépêchez vous! Je ne suis pas là pour m'amuser, alors entrez dans ce bâtiment! »

Le canon de son arme s'enfonçant un peu plus profondément dans le dos de la guérisseuse, Ryner prévenait ainsi silencieusement sa victime qu'il commençait à perdre patience. Elle ne devait parler que lorsqu'il le voudrait, alors les sursauts de bravoure elle allait devoir les mettre de côté si elle voulait que tout se passe bien.

Avisant qu'ils n'étaient plus loin du bâtiment vide, Ryner sortit un masque de l'intérieur de sa veste avant de l'enfiler d'une main, veillant toujours à la bonne tenue de sa prisonnière. Maintenant plus personne ne pourrait les voir, mais s'il voulait discuter un peu avec elle, il valait mieux que cela se fasse face à face et à visage caché.

Enfin la directrice obtempéra. .. Comme quoi donner une paire de chaussure à une femme était parfois le début d'une solution. Maintenant qu'elle n'était plus pieds nus, elle paraissait plus à même d'obéir et se dirigea finalement vers le bâtiment délabré sans rechigner pour une fois. A voir comme elle tremblait, la scène commençait à faire son petit effet et elle n'avait plus la force de jouer les fortes têtes. Après tout, il était ici pour lui faire peur et la menacer et non pas pour jouer au bon samaritain.

Une fois en face du bâtiment, l'assassin enfonça un peu plus le canon de son arme entre les côtes de la guérisseuse pour lui sommer silencieusement d'entrer. La main tremblante, Aliénor tourna la poignée pour laisser entrevoir un hall d'entrée vide et poussiéreux à souhait. Ce lieu était l'endroit idéal pour sa mission depuis que les anciens résidents avaient été expulsé il y a quelques semaines. Maintenant qu'il avait réussi à attirer la jeune femme ici, il fallait qu'il continue encore un peu à l'effrayer.

« Maintenant? On va discuter un peu .. »

Un sourire invisible se dessinant sous son masque, Ryner désigna à Aliénor un endroit où s'asseoir de sa main de libre, tandis qu'il allait chercher un morceau de corde abandonné dans un coin de la pièce.

« Attaches toi les jambes et les mains avec ça comme tu peux. Ne cherches pas à me berner, c'est juste un moyen pour te ralentir dans le cas où tu chercherais à fuir, mais je t'assure que je n'ai absolument pas besoin de ça pour t'attraper si tu tentais de t'éclipser ... »

Le ton était froid et l'assassin lui jeta négligemment la vieille corde qu'il venait de trouver.

« Bon le but premier de tout ceci est ... Une petite discussion. Visiblement tu as embêté quelqu'un, je ne sais pas vraiment qui il est, mais peu m'importe. Je suis juste là pour faire passer un message qu'il serait dommage que tu n'enregistres pas. Après tout, une jolie jeune femme comme toi, il ne faudrait pas qu'il t'arrive malheur, non? »

Son arme toujours pointée sur la guérisseuse, l'assassin attendant une quelconque réaction de sa part pour lui montrer qu'elle avait bien enregistrer ses paroles.