Re: ô Capitaine ! Mon Capitaine !

Des monstres. Si encore c'était ça le pire. Je trouvais bizarre qu'un pirate aussi connu et aussi craint que Victoire Seier se soit laissé aller à dissimuler son fabuleux trésor juste dans un bout de montagne ou dans un trou sur une plage au croisement de deux palmiers... J'acquiesçais. Les monstres c'est son affaire, j'en prends bonne note. Mon boulot consistera à couvrir ses arrières.

-S'il faut réactiver les miroirs pour atteindre le trésor on est mal barré.

Soupir. J'ai relu le poème. Mot par mot.

-Dieu. S'il connaissait A'vogenlhil pourquoi ne pas directement écrire son nom ? Il s'est pas soucié des alexandrins jusque là. Il aurait pu parler des dieux au pluriel aussi. Et...

Je l'ai regardé bondir vers le hublo. Une telle masse de muscle tout émoustillé par un décollage dans les règles... À se demander ce que ça donnera quand on croisera un banc d'îloméduses. Les créatures flottant au gré des vents les plus élevés agissent comme une multitudes de prismes sous le soleil. Le pont ? C'est pas une bonne idée pour la renarde. Mais j'étais d'accord, on sera toujours mieux occupés là haut qu'à tourner en rond ici.
Ma surprise se mua en un fragile sourire. La louve était donc télépathe, le rossignol aussi a le mal de l'air ?

-Un cratère de volcan ? C'est plausible. J'ai déjà entendu parler de volcans à la roche rouge, peut-être un lac intérieur, un lac asséché ou un lac avec des algues rouges.

Ma tête allant contre le bois qui en silence vibrait du frottement des masses d'airs de l'autre côté. J'ai levé les yeux au ciel observant le plafonnier ambré.

-Et si la caverne était un tunnel et pas une grotte dans une montagne ? imaginons un instant que c'est le cas, si on ouvre le puit d'accès, le soleil de midi frappera directement le fond. C'est peut-être ça la solution. Des miroirs au fond, le soleil passe dessus et les miroirs formeraient un chemin dans les tunnels. On a déjà vu des tunnels cachés sous le désert, rien ne dit que les ancêtres de l'Entre-Monde n'y ont pas aussi creusé des trous.

La porte grinça. Le capitaine se glissa par l'entrebâillement. Il s'approcha et s'assit, maitre à bord. Allumant une pipe mal odorante, il expira quelques boules de fumée blanchâtre avant de se mettre à parler dans le silence général.

-Alors, z'êtes qui au juste ? Sa pipe le faisant zozoter malencontreusement.

Je n'avais pas fais les présentations déjà ? Il faut croire que non.

Spoiler:

Les remparts végétaux s'éloignaient et les arbres devinrent de plus en plus petits. Mêmes les gens sur les quais faits de bois et de mousse ne furent bientôt plus que de minuscules petites fourmis. Sous les coussinets du chaton, le bois vibrait légèrement et son cœur se souleva sous la pression du décollage. Il adorait ça ! Comme un jouet fourré d'herbe à chat qui le rendait fou et le déconnectait d'avec la réalité. D'un seul coup, monsieur Seier, son trésor, sa prose, son île pleine de monstres et son champ de coquelicot ne l'intéressaient plus du tout. Malgré tout, il se retourna sur Nozomi lorsqu'il se mit à parler de volcans comme si c'était le sujet de la conversation... sauf que lui n'y avait pas fait allusion. Il lança un regard suspicieux vers Cixi pour constater que l'oiseau n'était plus sur sa tête et hocha la tête. Il lui aurait volontiers prêté Têk si ça avait pu l'aider, mais à part piailler pour rien et manger les puces, la calopsitte n'était pas très utile.

ô Capitaine ! Mon Capitaine ! - Page 3 Kallistratdial

« Il y aura un volcan ? Je n'en ai jamais vu ! » s'exclama alors le grand chaton de plus en plus enthousiaste.

Lorsqu'il fut question d'un puits et de galeries souterraines, il ne put s'empêcher de se remémorer les sous-sols de Main'l et leurs déboire pour en faire sortir un Olipanda mal luné. Ses pensées furent interrompue par l'entrée du capitaine qui prit plaisir à asphyxier l'assemblée, faisant tousser et grimacer Kallistrat dont les yeux commençaient à s'embuer.

« Kallistrat Rusia. Cixi, la désigna-t-elle d'un hochement de tête, et Nozomi. Nous sommes en mission pour Cerclon. Vous pouvez éteindre, ça pique ? »

Décidément, la renarde se demandait de plus en plus ce qu'elle faisait là. Certes Nozomi était plutôt gentil puisqu'il n'avait pas ri à son idée, la prenant même en compte parmi les possibilité de cette mer rouge, même si elle ne comprenait pas trop l'idée du lac et des algues rouges. Ça existe les algues rouges?

Le navire bougea légèrement et elle dut retenir un haut le cœur, prête à rendre tripes et boyaux à nouveau lorsque le capitaine entra et qu'une étrange odeur se répandit dans la pièce en même temps.

Elle leva le nez, d'un air intrigué. Elle trouvait l'odeur agréable, aussi étrange que cela puisse paraître, et elle avait dressé les oreilles d'un air curieux, et plus elle reniflait l'étrange fumée, et moins elle était malade, c'était assez impressionnant en soit comme truc! Lorsqu'il baissa les yeux vers elle alors que Kallistrat venait de faire les présentations, elle se dépêcha de lui transmettre ses pensées avant qu'il ne regarde ailleurs

Dites, Monsieur, votre fumée là, c'est pour ne pas être malade dans les airs? Ça sent bon!

En revanche, le chertan ne semblait pas apprécier puisqu'il lui demanda d'éteindre. Elle coucha alors les oreilles, ne voulant pas contrarier le chaton elle alla se réfugier à nouveau sous la table. Non, elle n'était pas vraiment en mission pour Cerclon, elle. Elle s'était juste retrouvée embarquée dans cette histoire, voulant seulement aider le lion gris qu'elle considérait comme un ami. Probablement le premier véritable ami qu'elle avait eu dans Entre-Monde après Mouna, alors si elle pouvait être utile pour la chasse aux monstres, elle estimait quand même ne pas servir à grand chose avec sa petite cervelle de moineau...

Si seulement elle était plus intelligente...

J'aurais parié qu'elle lui avait parlé par pensée et ce devait être drôle à entendre car le marin parti d'un rire tonitruant.

-Avec le temps ça te rendra encore plus malade que ça ne fait du bien aujourd'hui !

Il lui tapota la tête et se laisser tomber sur un siège. Les bras ramené sur la table il observa la poème sans se soucier de mon regard sur lui.

-C'est pour ça que vous voulez aller sur l'île sauvage au sud ! Y fait pas bon d'aller par là bas ces derniers temps v'savez ! Les tempêtes c'est monnaie courante à s't'époque ! Et pis, vous y croyez pas vraiment à ces histoires de trésors, hein ?

J'ai vu à son regard qu'il attendait une réponse de ma part. Avait-il plus peur du chertan que de l'humanoïde ? Etait-il à ce point sûr que la louve ne savait rien ? Je suis vite venu à la conclusion que l'affaire l'intéressait beaucoup. Après tout, un capitaine de bâteau ne doit pas apprécier autant que ça de diriger un navire qui appartient à l'administration. L'argent est toujours une motivation suffisante pour attiser l'intérêt des autres. À part peut-être pour Kallistrat et Cixi, ces deux là ont l'air de préférer la mission à la récompense.

-Nous y serons quand ?

Il appliqua son éteignoir sur sa pipe et continua machinalement de tirer dessus. Comme un gamin continuerait de tirer sur un biberon vide.

-Demain en début d'après midi, les vents vous sont favorables !

Un court silence. J'ai replié le papier et le rangeais dans une poche de mon sac.

-Vous avez pas l'air très armé tous les trois. Vous avez pas peur de vous faire dévorer !

Je suis presque sûr qu'il évalue nos chances d'une bataille rangée entre lui, ses matelots et nous. Kaze me répète de cesser d'être paranoïaque. Jusque là je n'ai pas fais beaucoup d'erreurs.

Les pupilles fendues de Kallistrat se fixèrent sur le capitaine, plissant les yeux pour se prémunir de la fumée... ce qui ne donnait pas grand chose pour être tout à fait honnête. Le capitaine avait éteint sa pipe depuis un petit moment, mais ça sentait toujours aussi mauvais et ça piquait les yeux.

« On n'a pas peur du danger ! » dixit la fierté presque aussi grande que le chaton lui-même.

Lui, il avait surtout retenu qu'il y avait des choses à découvrir, des monstres, des paysages, des mystères. Ing sans être Ing. S'il avait peur ? Évidemment ! Il n'y avait que les inconscients pour ne pas redouter le danger. Sauf que lorsque l'on est Chertan, on ne se vante pas d'avoir peur. L'intéressement ? En y réfléchissant le poème parlait effectivement de richesses... mais Kallistrat n'en voulait pas. Le trésor, il le donnerai à Nozomi s'il en voulait. Ou à Cixi. Il avait cru remarquer que les femelles de ce monde aimaient bien tout ce qui brillait. Les Chertannes elles, préféraient qu'on leur chasse un gros gibier. Ça les impressionnait. Bref, les pims n'intéressaient pas vraiment notre félin. Lui ce qu'il chassait, c'était la reconnaissance. S'il y avait un rang plus honorifique au-dessus de héros, il le voulait. Qu'on parle de lui dans tout l'Entre-Monde comme le Chertan qui n'avait peur d'aucune créature et pour qui aucune contrée n'avait de secret. Comme Drake avait parlé de lui. Le plus fort, le plus beau (il n'avait pas dit le plus beau ?), le plus courageux. Un battement de cils plus tard, il se risqua à déplier les ailes de son nez avec précaution.

Il se tourna vers Cixi, intrigué par son comportement. Elle avait déjà été comme ça dans la Montgolfière et sur Drake, et lui n'arrivait pas bien à comprendre pourquoi.

« Cixi, viens sur le pont. On va chasser des oiseaux, j'ai faim. »

Aussitôt proposé, aussitôt en route. Les matelots virent passer sous leur nez un homme-lion tout gris qui serrait contre lui une louve-renarde toute rose... on aurait dit qu'il se promenait avec son doudou entre les bras ! Il la posa sur le pont afin de mieux se précipiter sur les bastingages et regarder en bas le paysage minuscule. Sa queue fouettait l'air derrière lui. Il n'aimait pas se sentir épié, et depuis quelques minutes, c'était le cas. L'équipage semblait s'intéresser à eux d'un peu trop près. Les humanoïdes avaient parfois un comportement étrange.

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La renarde restait totalement aplatie sous la table, les oreilles couchées et essayant de contenir le peu de chose qui se trouvait dans son estomac. Ses entrailles se tortillaient et elle se demandait si elle n'allait pas créer un nouveau tapis... mais elle n'eut pas vraiment le temps de se rendre compte de quoi que ce soit car elle fut rapidement attrapée par le chertan qui la mit sous son bras pour la trimballer jusqu'au pont

* Non! Non! Non! Pose moi par terre!!!*

Malheureusement, la louve rose ne pouvait pas hurler, ni même communiquer avec Kallistrat puisque ses yeux ne lui étaient pas accessibles, elle n'osait pas se débattre de peur de le blesser mais il devait bien sentir au niveau de son bras que son petit cœur battait plus vite que les ailes d'un colibri. Lorsqu'enfin il la posa au sol et elle ne bougea pas, ses pattes tremblaient de toute part et finalement elle rendit enfin le contenu de son estomac. Ses yeux se firent vitreux alors qu'un bipède mécontent avec une serpillère s'approcha pour nettoyer ses dégâts en grommelant, elle recula de quelques pas pour ne pas le gêner, les oreilles couchées tellement elle était confuse.

* Je suis désolée...*

Mais une fois de plus, elle ne pouvait pas communiquer avec lui. Elle repéra un bipède avec les oreilles pointues et s'approcha en titubant un peu jusqu'à lever le museau vers lui. Elle paraissait terriblement fatiguée, mais elle réussit à plonger son regard dans le sien

Excusez moi...

Comme d'habitude, l'elfe sursauta, mais pas beaucoup, il devait être d'une nature assez calme

«Oui?»

Elle soupira presque de soulagement et leva la tête pour lui montrer son petit sac

Dans ce sac, vous trouverez un petit collier gris... vous pouvez me le mettre autour du cou s'il vous plait?

Il sembla un peu étonné mais ouvrit délicatement le sac, il semblait rester sur ses gardes, soit qu'il craignait qu'elle le morde, soit qu'elle lui vomisse dessus. Il trouva facilement le bijou et le mit autour de son cou. La renarde sentit enfin le pouvoir du collier réchauffer un peu sa gorge

«Merci Monsieur!»

L'elfe sursauta, ne comprenant pas comment elle était passée d'une voix dans sa tête à une voix tout court, mais il n'était pas stupide et comprit que le collier devait y être pour quelque chose. Elle le salua et retourna voir Kallistrat pour lever la tête vers lui tout en se couchant, au moins elle était plus stable ainsi

«Dis donc... tu es drôlement fort pour me trimballer comme ça partout. Par contre, essaie de marcher moins vite la prochaine fois... je ne supporte vraiment pas de ne pas être sur le sol.. le vrai sol!»

Elle déglutit avec difficulté, contenant un nouveau relent avant de poser sa tête sur ses pattes. Elle préférait rester avec le chertan de toute manière, elle ne connaissait pas l'autre bipède et elle le trouvait assez froid. Elle avait cru comprendre qu'ils allaient devoir dormir sur le bateau? Quelle galère...

«Tu crois que comme on n'est pas humains, ils vont nous demander de dormir sur le pont?

Elle avait remarqué que les bipèdes avaient tendance à la traiter comme un chien, et donc lui disait systématiquement de dormir à l'extérieur... en soit ça ne la dérangeait pas, mais sur un bateau volant, elle devait reconnaître qu'elle avait la trouille. Et si le bateau se retourne et qu'elle passe par-dessus bord? Elle ne savait pas voler, elle...

Spoiler:

Le capitaine rit d'un rire de fond de gorge obstruée par autre chose que de la fumée. Il m'a regardé sans rien dire, tirant sur sa pipe éteinte jusqu'à ce que je me lève en fourrant mon sac sur mon dos. Je n'avais soudain pas du tout confiance en ce type.
Arrivé dehors à temps pour voir Cixi renvoyer son déjeuner.

-On a nos cabines en bas, répondis-je comme si de rien n'était.

Le regard de ces types sur nous, impossible de dire s'ils nous évaluaient ou s'ils étaient seulement mûs par la curiosité. Le second du capitaine arriva sur le pont en s'extirpant d'une trappe et balança un rond de corde au premier qu'il croisa en jetant des "retournez au boulot" "vous reluquez quoi là !" .
L'homme nous croisa en souriant et disparu presque aussitôt par une énième porte dissimulée on ne sait où.

-Je vais dormir, réveillez-moi quand on sera arrivés.

Sans un mot supplémentaire, je leur tournais le dos, mains dans les poches avec la ferme intention de m'accrocher à ma couchette et de n'en démordre qu'après avoir largement récupéré le sommeil manquant des derniers jours.
Par sécurité, mon sac me servit de coussin, et avant de m'endormir, je parcouru les différents clan de prédateurs de la côte et des fonds marins. Il y avait de petites chances pour qu'ils aient réussi à polluer l'île vierge.
Le sommeil vint avec un champs de coquelicots et de volcans en éruption...

Spoiler:

Pour toute réponse à Cixi qui le complimentait sur sa force, Kallistrat bomba un peu le torse. Oh oui, il était « vachement » fort ! Pourquoi « vachement » d'ailleurs ? Avait-ce un rapport avec Lulu la vache-garou ? Chaton se souvenait à quel point elle était devenue forte une fois transformée et estima que l'expression devait sûrement venir de là ! Et sur ces réflexions philosophiques intenses, Nozomi apparu sur le pont et leur indiqua l'emplacement des cabines. Puis il déclara aller dormir, laissant le Chertan et la Louve-Renarde seuls avec l'équipage. Alors, profitant de leur relative solitude, chaton s'accroupit pour parler à Cixi à voix basse.

« C'est bizarre les humains, tu ne trouve pas ? Ça s'enferme pour dormir. Bon, je dois reconnaître que les lits, c'est très moelleux. Et ça mange avec des outils en métal aussi... et puis pourquoi ils se rasent les poils et mettent du tissu à la place ? »

Il pencha un peu la tête pour mieux la regarder.

« Tu peux parler sans ton oiseau ? »

En parlant d'oiseau, à présent que le Fenrir était arrivé à bonne altitude et avait pris sa vitesse de croisière, quelques uns traversaient parfois le pont. Kallistrat les observa en claquant des dents, ses moustaches remuant nerveusement.

« Je suis sûr que je peux en attraper plus que toi ! » déclara-t-il finalement en se levant.

Et sans autre sommation, il se lança à la poursuite de l'un deux en bondissant comme un cabri, espérant que Cixi en ferait autant. Ça la détendrait, de jouer un peu, non ?

Cixi avait été surprise lorsque Nozomi les rejoignit, elle ne l'avait pas entendu arriver, trop perturbée par son estomac qui continuait de danser la conga. Elle avait même sursauté, et pencha la tête sur le côté lorsqu'il mentionna qu'ils avaient des cabines en bas. Cependant, elle n'eut pas le temps de répondre car les marins devaient se remettre au travail et elle avait de nouveau sursauté en entendant le second les rappeler à l'ordre.

Le jeune homme semblait fatigué et annonça qu'il allait dormir un peu, pour sa part, si elle se sentait nauséeuse d'être ainsi à bord d'un vaisseau, elle ne se sentait pas fatiguée pour autant et préféra rester avec Kallistrat. Celui-ci lui posa des questions sur les humains, et elle ne put qu'acquiescer.

«Je les trouve bizarre aussi. Et comme tu dis, je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse se raser les poils! Surtout pour mettre des vêtements à la place! Et ils ont, apparemment quelque chose à cacher, euh... quelque chose d'intime je crois, j'ai pas tout compris... mais bon»

Elle trottina vers lui pour le rejoindre, et force était de constater qu'elle pouvait désormais parler sans son oiseau

«Oui, petit achat bien utile chez le technomage! Ce collier me permet de transmettre mes pensées à voix haute! Je me suis rendue compte que lorsque je partais avec plusieurs personnes, le fait de ne pouvoir m'adresser qu'à un seul individu à la fois, ben c'était pénible. Alors je lui ai demandé de me fabriquer ça! C'est chouette non?»

Elle n'eut pas vraiment le temps de s'extasier, car Kallistrat partait déjà à la chasse aux pigeons, quoi qu'il ne s'agissait pas vraiment de pigeons, mais ça volait! De la même manière, elle se plaça en position, les pattes avant légèrement fléchies alors que son arrière train restait bien dressé, et elle dandina un peu du popotin avant de bondir à son tour sur un volatile ayant le malheur de ne pas être assez rapide pour la petite flèche rose. Un craquement sonore se fit entendre, mais elle n'aimait pas manger des oiseaux comme ça, les plumes ça se coince entre les crocs! Elle cracha le plus possible et un marin se précipita pour récupérer la bête, après tout, c'était déjà ça de pris non? D'autant qu'elle avait choppé le cou, le reste du corps était intact

«Vous pouvez continuer à jouer si vous gagnez ainsi votre pitance les enfants!»

Cixi remua la queue et repartit à la chasse! Sautant sur ses pattes arrière, ses crocs claquant dans le vide maintenant que les volatiles avaient compris qu'ils étaient la cible du jeu. Ils semblaient parfois les narguer, fonçant à toute vitesse au-dessus de leur tête, mais la renarde était spécialisée dans la vitesse, et elle prenait son temps pour faire de jolis bonds fulgurants! Elle faillit d'ailleurs passer par-dessus bord, glissant et se rattrapant du mieux qu'elle put alors que les marins se précipitaient pour la faire remonter

«Hey! On n'est pas payé pour jouer les babysitteurs! Fait' gaffe!»

Elle coucha alors les oreilles, un peu honteuse avant de voir un autre oiseau foncer au-dessus d'eux, elle bondit, prenant cette fois-ci garde à bien rester au milieu du pont.. le temps défila à toute vitesse, et déjà le ciel semblait s'assombrir, la langue pendante, les flancs s'agitant à bonne vitesse sous la fatigue, la renarde revint vers Kallistrat

«J'ai un peu soif... »

Elle n'avait eu que trois oiseaux... elle se demandait combien en avait eu le chertan?

Kallistrat n'était pas en reste, même s'il n'adoptait pas la même technique que Cixi pour sa petite chasse au volatile. En fait, il n'adoptait aucune technique et faisait plutôt n'importe quoi. Dans un premier temps, il couru après tout ce qui lui passait sous les moustaches, se laissant aller à attaquer la serpillère d'un matelot qui se dandinaient un peu trop au bout de son balai à son goût. De grands éclats de voix plus tard, il repartait en bondissant derrière une corneille, son attention attirée la seconde suivante par un passereau qui piaillait sur un fût à quelques mètres. Il failli même sauter sur Cixi, excité par la traînée rose sous son nez, avant qu'un vague résidu de conscience ne lui rappelle qu'elle ne se mangeait pas. De nouveaux grognements de la part des matelots se firent entendre lorsque chaton se retrouva accroché à une voile en ayant tenté d'attraper une pie plus rapide que lui, et on le vit grimper l'un des mâts à l'aide de ses seules griffes, comme un énorme chat qui court se réfugier en haut d'un arbre. Bref, autant dire que notre grand chaton ne fut rapidement plus en mesure de se contrôler et sauta littéralement sur tout ce qui volait, rampait, sifflait ou remuait, y compris les aigrettes de Pissenlit Sanguinaire. Mieux valait pour Têk qu'elle ne rejoigne pas son garde-manger tout de suite...

Puis, après quelques heures à dépenser son trop plein d'énergie – comme si réfléchir lui avait grillé les neurones – il préféra se tenir immobile et ne bondir qu'au moment où ses proies passaient à portée de griffes. Les oreilles attentives, les moustaches frémissantes, plaqué au sol comme un sournois prédateur, il fixait de ses pupilles réduites à deux minces fentes tout ce qui bougeait... et même sur ce qui ne bougeait pas, et battait la queue tellement vite que les hommes d'équipage n'auraient pas besoin de passer le balai derrière lui ! Malheureusement, il fallait bien dire ce qui était : les Chertans étaient mi-homme, mi-lion. Et les lions ne chassaient pas très bien l'oiseau. Ce n'étaient pas des chats !

Finalement, lorsque Cixi revint vers lui, il s'ébroua vivement, éraflant de ses griffes le beau parquet du pont. Lui aussi était épuisé. Mais les chats ne se rabaissaient pas à exprimer aussi ouvertement leur fatigue. Haleter et baver, ils laissaient ça aux représentants de l'espèce canine... Il pencha donc la tête comme pour réfléchir avant d'avouer le plus simplement du monde :

« Je ne sais pas, je ne sais pas compter. Et comme je les ai tous mangés... »

Il battit des paupières avant de bailler si largement que tout l'équipage dut bien voir jusqu'au fin fond de sa queue. Un mousse plus téméraire que les autres se risqua à leur apporter un seau d'eau fraîche, jetant sur eux un regard aussi méfiant qu'amusé. Deux timbrés chassant la mouette, ça le changeait de son quotidien.

« Vous devriez vous reposer un peu, on sera sur votre île dans une heure. Nous survolons déjà la mer est. » leur confia-t-il avant de s'éclipser comme s'il craignait d'être mangé.

Kallistrat jeta un œil sur l'horizon teinté de couleurs surréalistes. C'était la première fois qu'il assistait à un coucher de soleil depuis les hauteurs ! En bas, des groupes de sternes jouaient dans les courants ascendants du vent. Il se précipita alors de l'autre côté du pont pour voir l'île, mais elle n'était pas encore perceptible. Il se tourna alors vers Cixi.

« Tu vois, tu n'es plus malade. Tu devrais chasser les oiseaux à chaque fois... enfin sur Drake, ça aurait été un peu dangereux quand-même... »