ô Capitaine ! Mon Capitaine !

Avant que je ne parte, Riku m'a dit ceci "L'eau est omniprésente en toute chose, dans l'air, la pierre et nécessaire à la vie". Il a sourit, en relevant les yeux d'un livre plus épais que lui, il me salua quand je passais le pas de la porte, conscient que je l'avais entendu lire à haute voix. Kaze travaillait depuis des jours dans Northrives, il veillait à la sécurité des plongeurs qui cherchaient un éventuellement nid de kelpies agressifs. Et moi, je n'avais rien à faire.

Les journées s’égrenaient dans le calme depuis des semaines, entre le piano qui trônait au milieu du salon et la chaine Hi-fi qui battait la mesure nuit et jour. On avait bazardé la table et les chaises pour faire de la place au piano. Riku occupait une table basse et le canapé avec ses livres et ses montagnes de feuille, alors Kaze avait pris ses quartiers dans la cuisine. On ouvrait le frigo pour tomber nez à nez avec des munitions en train de refroidir. Le grille pain avait été bazardé lui aussi, pour faire de la place à son matériel...

Aujourd'hui l'appartement était silencieux comme jamais. Le plus jeune en profitait pour travailler et j'en profitais pour fuir la ville. Kaze n'aurait pas l'occasion de protester sur mes escapades.
L'ainé n'avait pas beaucoup d'autorité.

À la bibliothèque une jeune blonde détachait les ordres de missions occupées et elle s'affaira sur le papier que je lisais avant que je n'eus terminé. En guise d'excuse elle m'indiqua un grand lion gris pour cette aventure.

Suivre un lion gris, ou un chertan gris c'était assez simple, il ne passait pas inaperçu. Et il ne tentait pas non plus d'être discret.
Adossé à un mur, écoutant distraitement une conversation de deux miliciens de cerclon, je l'ai observé avec sa carte entre les pattes jusqu'à l'arrivée d'un grand canidé rose. Machinalement, de l'index je vérifiais que l'étuis de ma flûte était toujours bien accroché à ma ceinture. Le contact du cuir me rassura, le poids de mon sac rejeté par dessus mon épaule et le léger soleil qui pointait derrière un nuage me redonna vie.

Je me décollais du mur avec la patience d'un chat qui s'éveille. J'ai rejoins le chertan et la louve.

-Je peux la lire, cette carte.

De la main je la désignais sans quitter l'imposant faciès du lion, des yeux

Spoiler:

La carte est simple, par habitude je sais où se situe le nord, il suffit de la mettre dans le sens où le nom des villes apparait à l'endroit. Le constat est facile. Il ne sait pas lire.
J'ai baissé les yeux sur la louve.

-Tu sais lire ?

Je lui mets la carte à l'endroit avant de la lui rendre.
J'ai levé le bras et ramené mon sac sur mon flanc, de là je fouillais dedans un instant. Tirant dessus, je la décollait du fond, une carte digne de ce nom. Quand je l'activais, le rempart se dessina à l'aide d'un hologramme en trois dimension, la vue était si réduite qu'on voyait les pierres et les énormes visses qui fixaient le métal sur les murs. Riku s'était forcément amusé avec... J'élargis l'image. L'index posé sur le point qui représentait la ville.
Même sur une vue aussi large la carte continuait de dessiner les aléas du terrain, des collines aux plateaux, des montagnes et des dunes dans le déserts qui semblaient avancer comme les vagues sur l'océan.

-On est ici. Vous vous rendez où toi et la louve ?

J'ai regardé la louve. Ils se rendraient compte rapidement que je venais exprès pour les épauler dans leur mission.

-Au fait, je ne tendis pas la main, Nozomi, je fais cette quête avec toi.

Kallistrat et Cixi.
Vu la taille des deux créatures elles devaient en effet faire de beaux dégâts. Mon pouvoir nécessitait du temps de préparation, je les soutiendrai...

Je mémorisais le poème. Âpre à réciter comme à écouter. Il n'était vraiment pas très beau, plutôt lubrique et mal agencé. Son auteur n'avait pas la plume de Baudelaire, mais le texte était divisible. Les vers mal découpés suggéraient une prose plus qu'un poème. Des phrases jamais terminées et qui commençaient à la suite de la suivante. On aurait pu mélanger tous les vers pour donner quelque chose de tout à fait différent. Surtout que le poème se suivait sans aucune forme, pas de strophe, rien. Donc...

-La dernière demeure suggère plutôt un tombeau qu'une res publica. On y trouvera peut-être des miroirs, qui sait.

Une île en orient. L'est ce n'était que des terres, des terres à perte de vue et surtout les montagnes. Je fis défiler la carte en longeant les littoraux, ouest, sud, le seul littoral "à l'est" ne présentait qu'une île sans nom. Sûrement encore vierge.

-L'orient c'est l'Est. Une île à l'Est. La seule probable c'est cette île sauvage, là. encore faut-il qu'il ne mentionne pas Main'l ou une oasis. Il semble qu'il était nul en poésie, donc je penche pour une véritable île.

Je laissais la carte au lion. Remontait mon sac sur mon épaule, je les invitais à commencer la route.

-On peut en discuter en marchant.