Grillades de durites à la Vodka [PV Alieönwë]

Un détail venait de le frapper. En fait ça aurai dû faire tilt plus tôt, mais boire ou réagir, il faut choisir... Il haussa un sourcil.

« Ah bon, on s'tutoie ? »

Si elle voulait, peu lui importait pour tout dire. Mais il n'avait pas été tutoyé depuis longtemps et sur le coup, ça lui fit tout drôle. Il avait l'impression d'être un gosse devant la maîtresse. Même ses supérieurs ne l'avaient jamais tutoyé. Et ses collègues, n'en parlons pas. On ne tutoyait pas un Mechanima, manquerait plus qu'on pense qu'on était pote avec. Il laissa échapper un soupir las et baissa les yeux. Des fois, cette vie le gavait vraiment. Souvent même. L'alcool aidant, il se laissait aller. Vous ne vous rendez pas compte du record absolu, vous, mais il était quand-même en train de soutenir une conversation sans s'énerver, sans haïr son interlocuteur, sans éprouver cette furieuse envie qui lui traversait l'esprit en temps normal, de lui faire avaler la banquette et la table avec. Pour rien, juste par habitude. Une nanoparticule avait dû s'égarer quelque part dans un de ses lobes cérébraux et prenait plaisir à y mettre un joyeux merdier, comme par exemple lui causer d'Éoraptor dont il n'avait jamais entendu parler. La voix basse, il murmura à peine.

« J'en sais foutre rien, ça m'est v'nu comme ça. »

La seconde suivante, il remplissait son verre d'un geste incertain et faisait descendre le tout dans son gosier ravagé. Qu'elle se noie dedans, sa bestiole. Ça lui ferai des vacances.

« Les armes à feu, c'est pratique pour tuer et garder la conscience tranquille. La distance, tout ça. Genre, c'pas moi, c'est le coup qu'est partit tout seul. Perso j'préfère le couteau. On sait c'qu'on fait quand on sent la vie s'agiter au bout d'sa lame, et on l'paye. »

Y'avait pas à dire, plus il buvait, moins il avait envie de s'arrêter de boire. Ses paupières s'échauffaient au point de lui filer un mal de crâne pas possible et en même temps, le poids colossal de ses emmerdes s'évanouissaient aussi sûrement que la Vodka dans les verres. Tiens d'ailleurs, en parlant de ça, soit il était complètement bourré et il voyait trouble, soit le serveur avait fini par lui apporter les deux bouteilles qu'il avait demandé. Sans doute un mélange des deux. Il ferma les yeux et les rouvrit lentement. Il n'avait jamais remarqué à quel point ce monde tournait vite... et lui avec toute cette ivresse, il commençait à ressentir les effets de l'apesanteur dans tout son corps, mais à retardement, façon l'Entre-Monde tourne avec lui dessus, mais lui il avait du mal à rester en selle.

« Née à Ing hein. Du bol... et v'foutez quoi en ville ? C'est pas plus calme qu'Ing mais les gens sont plus cons... »

Vous cherchez la cohérence, ne quittez pas. Ben dites, on ne peut pas être bourré et tenir une conversation qui tienne la route hein.

Et question dosage de machins dans le sang, en tant que guérisseuse elle devait en connaître un rayon. Pour ça, Neythen lui faisait confiance. Même lui qui n'avait aucune notion de soins magiques s'était rendu compte qu'elle avait effectivement un sérieux problème de dosage, comme elle disait. Et puis alors lui hein, pour lui faire plaisir, il allait l'aider à pas être toute seule sur ce coup là... et il se resservit. Et puis voilà, elle était vide cette foutue bouteille. Il savait bien que ça finirait comme ça pour elle ! Il la posa par terre et se pencha au dessus de la table façon « au prochain verre, j'm'écrase dessus », puis poussa l'une des bouteilles intactes vers Aliénor tandis qu'il embarquait la seconde pour lui.

« Chacun la sienne et advienne que pourra... »

Il eut un hoquet avant de se rasseoir (se ré affaler serait plus approprié) et de planter ses iris bleus sur son interlocutrice. Il intercepta au vol les mots sur lesquels elle commençait à trébucher sérieusement. De toute façon, étant donné le temps qu'il mettait à les traduire, ce n'était pas bien grave. Tout juste s'il y faisait gaffe. Et vous le croirez ou non, mais tout à coup notre « Haine » international fut pris d'un fou rire incontrôlable. Quelques clients se retournèrent l'air scandalisé, mais le paravent faisait son boulot à merveille et ils ne furent pas en mesure d'identifier l'imbécile heureux qui riait si fort et perturbait leur repas. Et lui, il ne s'arrêtait plus de rire aux éclats, tant et si bien qu'il finit pas se tenir les côtes et dû reposer son verre sous peine de le voir finir par terre. L'alcool était en train de faire bouillir son cerveau au point que ça ne l'aurait même ps étonné de voir de la vapeur surgir de ses oreilles et lui, il se marrait comme une baleine. S'il y avait bien un truc qu'il n'avait jamais expérimenter, c'était bien ça : rire. Rire vraiment, sans retenue. Bordel mais personne n'avait songé à lui dire que ça faisait un bien fou ? Lorsqu'il parvint à feindre un semblant de sérieux, il hoqueta sévèrement.

« Ça s'fuit pas, ça... Tu peux essayer r'marque... »

Et les traits de son visage s'affaissèrent soudain. Elle au moins, savait ce qu'elle fuyait. Lui...

« Raconte. »

Il pianotait de ses doigts de charpentier sur les bords de son verre, et haussa les épaules d'un air résigné, comme si elle lui avait posé la question.

« Tu m'raconte, j'te raconte... »

Il hocha la tête comme un défaitiste résigné à aller se pendre. Après tout, c'est lui qui avait voulu qu'elle lui raconte. Elle aurait pu refuser remarquez. Peut-être même que ça lui aurait plu. Une rébellion, comme ça, histoire de lui changer les idées. C'était chiant d'être obéis sous prétexte qu'on était maître d'un miroir. Miroir, mon beau Miroir, dis-moi qui est le plus bourré... C'était pas juste, Aliénor avait pour elle une maigre expérience... lui, c'était la première fois... et pas la dernière. À part ça il ne bougeait pas, se contentant de fixer la guérisseuse d'un air grave. Le temps d'absorber la portée de ses mots – notez qu'il absorbait plus vite la Vodka – qu'il retourna dans sa tête plusieurs fois. Village détruit, ok. Il visualisait vaguement les dégâts. La destruction faisait partie de son vocabulaire courant. Ensuite ça se compliquait. Père et frères disparus. Pour le coup, c'était carrément les notions de liens familiaux qui avaient disparues chez lui. Ça faisait quoi de perdre un père et deux frères ? La même chose que perdre Briarée ? Ouai, ben il en trouverait une autre si ça lui arrivait. Même Janus il pouvait s'en passer. Quoi que d'un point de vue pratique, ça devait quand-même être bien chiant de ne plus les avoir sous la main pour exécuter toutes les tâches harassantes. Mais un robot, ça se reprogrammait. On en trouvait d'autres. Un père et deux frères, c'était peut-être pas comme des robots... Dix ans... il failli penser qu'en dix ans elle aurait pu passer à autre chose. Il failli. La suite s'il vous plaît. Plus rien, plus personne. Concept vécu. Dernière volontés... dernières instructions ? Derniers ordres ? Ils n'étaient plus là, alors bon, qu'elle y obéisse ou pas, quelle différence ? Se donner bonne conscience ? Hum...

Il vida son verre d'une traite et étrenna la nouvelle bouteille qui n'attendait que lui.

« Y risque de s'passer quoi si deux coma éthyliques se pointent au sanctuaire au milieu d'la nuit... et qu'l'un d'eux est la guérisseuse ? »

Question purement rhétorique. Déjà, il se resservait inconsciemment. Au début, il disait pas, c'est lui qui avait voulu boire. Maintenant il commençait à soupçonner son liquide de lui faire faire un peu ce qu'il voulait. Parce que bon, il ne se rappelait pas avoir vidé son verre précédent et pourtant, sa gorge était en feu. Voilà qu'il perdait la boule. Et en plus, Aliénor lui posait des questions bizarres.

« Moi ? » fit-il en se désignant du pouce comme s'il ne comprenait pas.

Et pour le coup, il ne comprenait pas. Il cligna des yeux comme s'il battait les cartes de sa mémoire. Il avait promis un truc peut-être ? Euh... mais quoi ? Attendez, ils parlaient de quoi là déjà, histoire que ça l'aide un peu à remettre les pièces dans le bon ordre ? Un truc de destruction et de bonne conscience non ? Ah oui, ce machin de raconter. Note pour la prochaine fois : fermer sa gueule. Il posa un coude sur la table et enfonça sa joue dans la paume de sa main. Dans dix secondes il dormait. Hein ? Pas là pour ça ? Ah oui, raconter. Et dans raconter il y avait « conter », et lui, il aimait pas causer longtemps. Il devrait commencer par « il était une fois » aussi ? Nouveaux battements de cils. Bon ben il était un mec ou quoi ? Il allait pas flipper pour trois mots échangés en état d'ébriété avancée non-plus.

« J'en sais foutre rien... »

Il tenta de se remémorer tout ce qu'il avait vécu avant Entre-Monde. C'est sûr, son départ avait été vachement joyeux... même que de son avis, ils devaient encore se rappeler de lui à l'heure qu'il était.

« J'me rappelle seul'ment m'êt' réveillé comme ça. »

Il tendit sa main libre... en fait il la fit glisser mollement sur la table, l'alcool rendant ses gestes incertains – sauf quand il s'agissait de se resservir à boire – puis il écarta les doigts qu'il regarda comme s'il les comptait. Elle était guérisseuse, hein ? Ça risquait donc pas d'être trop bizarre son discours là ?

« La moitié des os en métal, p'têt plus. Si j'passe chez vous un jour évitez l'IRM, hein. Et les yeux... »

Il pointa ses yeux du doigt, et s'amusa à passer en mode infrarouges. Les iris scintillèrent comme si une pluie de paillettes s'y révoltait et de bleus, passèrent au vert. Et histoire d'épater la galerie, il bascula en vision thermique. Hop, iris rouges. Il nota au passage que le corps d'Aliénor battait des records de température, sa silhouette rougeoyante flottant devant lui comme un nuage en forme de femme, les contours orangés se dispersant dans l'atmosphère de l'auberge. En fait, elle était plus agréable à regarder en vision normale... et les iris redevinrent bleus, ramenant avec eux leur copine migraine. Ça lui apprendrait à vouloir faire le malin quand il était à 2% de ses capacités... et encore il était sympa. Sa main retomba sur la table.

« J'me rappelle de rien. Juste que j'ai mal. On m'a rien dit. Juste de fermer ma gueule. J'ai pas compris. Sauf qu'un mec comme moi ça f'sait tâche dans leur p'tite vie bien rangée. On m'a juste appris à obéir. À tuer. Corps d'armée. Endetté après l'opération que j'me rappelle pas avoir d'mandé. J'sais pas c'que j'leur avait fait dans une vie antérieure mais ils m'le f'saient payer. J'ai rien d'mandé. Sauf qu'on m'foute la paix... mais z'ont pas voulu. Alors j'suis parti... »

Bien résumé. Le détail des tables du mess à qui il avait appris à voler n'était pas utile. D'ailleurs à y repenser, il y avait eu quelques officiers pour passer leur baptême de l'air ce jour là. Mais allez savoir pourquoi, ils n'avaient pas apprécié le contact avec le mur...

« Cerclon c'est un peu mon Sanctuaire des Braves, et les Ken mes patients... »

Fini ? Fini ! Il se redressa et alla s'enfoncer dans le cuir de sa banquette en soupirant. C'est que ça donnait soif en plus. Les yeux fixés sur le plafond, il eut la flemme d'aller récupérer son verre.

« Sérieux vous r'sentez vraiment la douleur des aut' ? C'est un #'@x&: ! d'talion ça... »

Il émit quelque chose entre le grognement et la perplexité. Douloureux pour elle, intrusif pour les autres. Une belle saloperie en somme. À ce stade, il appelait plus ça un don. Il la regarda mimer la disparition de sa sorte d'empathie, comme une magicienne qui fait disparaître une colombe sous votre nez, et pour le coup, il en fut quitte pour un nouveau fou-rire. Rien de drôle, mais c'était incontrôlable. Nerveux. Stupide. Faudrait penser à mettre un avertissement sur les bouteilles de Vodka, du genre « Boire provoque des fou-rires » ou « Boire rend très con ». Qu'on soit prévenu avant quoi. Lorsqu'il eut trop mal aux côtes pour rire encore, Neythen se calma et avala son verre cul sec... et il sut que c'était le verre de trop. Il regarda Aliénor comme s'il ne l'avait jamais vue et resta là à la contempler, immobile comme une statue, l'air d'hésiter sur la suite à donner à la conversation. Finalement il se leva brusquement, bousculant la table qui failli écraser la guérisseuse.

« Faut qu'j'aille pisser... »

Hum... Un homme charmant, romantique et glamour comme on n'en faisait plus. Les épaules secouées d'un hoquet, il chancela sur place comme s'il attendait qu'elle lui montre le chemin. En fait, il se demandait avec un sérieux tout relatif s'il parviendrait à se traîner jusqu'aux toilettes pour hommes sans tomber raide mort bourré en chemin. Parce que c'était pas pour dire, mais une fois debout c'était encore pire. C'était comme si les éthers de Vodka remontait d'un coup jusqu'à son cerveau. Il aurait marché les pieds au plafond et la tête en bas que ça aurait donné la même chose. Il avait un de ces coups de barre tout à coup.

« Si j'reviens pas, tu déconnes pas hein. Tu m'laisse pas m'noyer dans l'urinoir ? »

Et puis demande-lui de te tenir la main aussi. Prenant son courage à deux mains (tremblantes), il fit volte-face. Un peu trop rapidement de l'avis de son sens de l'équilibre qui l'obligea à se rattraper de justesse au paravent. Sauf qu'il rata sa prise et que le panneau de bois alla se fracasser sur une table voisine. Et là, tous les regards de l'Auberge Providence se tournèrent vers eux : les serveurs, les clients, leurs chiens, et même les cafards sous les tables... Mais royalement indifférent à ce subit intérêt, notre vaillant maître fila tout droit en direction des toilettes... Oui enfin... tout droit un peu en diagonale... Il renversa deux chaises avant d'arrêter sa course, réalisant qu'il avait oublié le paramètre « os en métal plus nombreux du côté gauche » qui le déséquilibrait. Pour une différence de cinq phalanges et quelques côtes, c'était pas un peu exagéré ? Il se redressa et fixa la porte tant convoitée du regard, un air déterminé comme s'il s'apprêtait à affronter une Wiverne déchaînée. Le petit bonhomme peint sur la porte se foutait ouvertement de sa gueule en se tenant bien droit, les bras le long du corps. En même temps, Neythen préférait être bourré et chancelant que ressembler à ce truc sans sex-appeal. Et il s'élança une seconde fois, courageux dans l'effort... et s'écrasa sur la porte qui resta fermée à son approche.

À sa décharge, sur sa Res Publica les portes étaient automatiques. Il grogna en essayant de démêler l'intense complexité de l'ouverture de cette foutue porte. Ça lui résistait. Ça l'énervait. Et en plus, il allait vraiment se faire dessus là. Allez quoi, ça allait bien finir par s'ouvrir... Il jeta un œil à la poignée. Bon, comment ça fonctionnait cette technologie infâme ? Tourner... pousser... Pour ce qui était de pousser, étant donné qu'il s'appuyait sur la porte pour s'assurer un équilibre précaire, il n'eut pas trop de mal. En revanche lorsqu'il tourna la poignée il ne fut pas en mesure de contrôler la suite. La porte s'ouvrit subitement, son support se rétractant du même coup, et il chancela sur quelques pas avant de se vautrer comme une baleine. Le mécanisme d'entrainement referma la porte derrière lui. Il battit des cils, un peu étonné de se retrouver si près du sol. Mais le carrelage glacial sur son visage écrasé lui faisait du bien. Pour un peu, il aurait bien dormit là. Il mâchonna le sang dans sa bouche. Ah. Apparemment il s'était mordu la langue... Bof. Il verrait bien ça demain. Là tout de suite, il avait vraiment sommeil...

Il faisait un rêve génial, du genre de ceux qu'il ne faisait pas souvent. Un rêve dont vous n'aurez pas connaissance, parce que les conditions d'utilisation de ForumActif ne me permettent pas de l'évoquer ici... et parce que ce ne sont pas vos affaires ! Et dans son rêve, il était bien, et une vague de chaleur lui effleurait la peau... en fait, il s'était juste pissé dessus... Il ouvrit un œil et se demanda depuis quand il dormait dans des draps blancs, avant de réaliser que ce n'étaient pas des draps mais du carrelage. Depuis quand il y avait du carrelage blanc dans son appartement ? Depuis jamais. Et c'était qui cet âne bâté qui le regardait comme s'il était bourré ? Probablement le même qui l'avait sortit de son rêve génial... Alors lui, il méritait la prison à vie rien que pour ça... mais en attendant, il allait falloir se mettre debout pour lui en coller une. Et ça... c'était pas gagné. Neythen battit des cils comme s'il actionnait une pompe à courage, ou un truc susceptible de le regonfler. Un bras tordu sous lui, l'autre coincé le long du mur, il remua un peu. Il bavait mieux qu'une limace.

« Mmm... »

Traduction : « mais certainement, je suis à vous dans une seconde ». À moins que ce ne soit plutôt : « tu vois pas que j'suis à fond là ? ». On ne saurait dire. Et je crois qu'on s'en fout un peu. Lui en tous cas, il s'en foutait comme de sa première chaussette. D'ailleurs il ne se rappelait pas de sa première chaussette. Et puis en plus les chaussettes ça va par paires, alors gardez vos expressions débiles pour vous, hein. Un hoquet plus tard, monsieur le maître se redressa un peu, jusqu'à basculer sur le côté et se retrouver dos au mur. Heureusement qu'il y avait un mur pour le rattraper. Sympa. Merci le mur. Au moins il était utile. Plus utile que l'abrutit qui l'avait réveillé. Il s'assit – disons plutôt qu'il s'avachit – et se massa les tempes. D'une seule main, parce que l'autre lui assurait un contact nécessaire avec le sol. Foutu sol qui tournait trop vite. Et lui il avait mal au crâne comme c'était pas permis. Il savait bien qu'il aurait dû prendre une Potion de Paix... La porte s'ouvrit à la volée et il ne sursauta même pas, se contentant de grimacer au bruit qui se répercuta entre ses neurones.

« Hein, quoi...? »

Et d'abord c'était qui celle-là ? Cheveux clairs. Yeux mauves. Teint rose. Peur des lézards. Ah oui, Aliénor Mireamwen. Ouah. Il en revenait pas. Ça lui faisait l'effet d'une bulle qui remontait d'un coup jusqu'au cerveau et qui éclatait pour libérer un souvenir d'une précision un peu flippante. Une demi-seconde plus tard, il eut envie de bousiller l'auberge en croyant que la guérisseuse avait été victime d'un client indélicat. Ben elle venait pas de dire qu'elle avait eu peur ? Et une autre demi-seconde plus tard, il se raidit avec une vivacité telle qu'il se fracassa la tête sur le mur. Ça lui prit comme ça, comme si on lui avait planté les dards d'un taser dans la gorge. Comme le coup du raptor, mais en plus violent. L'histoire de la bulle, mais en plus acide. Les yeux exorbités, il se débattit comme un noyé, cherchant de quoi s'agripper et trouvant finalement du réconfort auprès d'un rouleau d'essuie mains automatique auquel il se cramponna pour se relever. Un bruit de craquement éloquent indiqua à l'aubergiste que son client bourré venait de lui ruiner son matériel... mais peu importait à Neythen, tant qu'il se mettait debout... ou quelque chose d'approchant de la station debout. Ah ben si, debout. Ouai ben, l'homo habilis aussi avait mis le temps pour se mettre debout hein. Là il honorait ses ancêtres, cherchez pas la petite bête non plus. Il repoussa Aliénor comme si elle était en train de le violer, suffoquant à moitié.

« DÉGAGE !!! »

Réflexe défensif de mâle trop fier. Et son regard se reporta sur le plafond blanc – c'était d'un goût répugnant – cherchant un support où se fixer. Mais merde, il n'était pas sensé oublier ou ne plus avoir mal ? C'était un truc par là, il venait d'en causer avec la guérisseuse. Un machin à propos de « Pouuffffff plus rien ! ». À noter pour la prochaine fois, ne plus approcher le sexe opposé à moins d'un mètre. Ça faisait un mal de chien. Et autant les fou-rires ça ne l'avait pas dérangé plus que ça, autant chialer à gorge déployée ça lui mettait vraiment les boules. Devant témoins qui plus était. Le premier qui causait, il lui envoyait un chasseur de prime au cul. Au pire, il s'en occuperai lui-même. Désemparé face à sa propre douleur qu'il n'avait même pas vu venir, il n'arrivait même pas à s'arrêter. Le visage déformé par ses pleurs lamentables et le corps secoués de hoquets. Et en même temps, ça aussi ça faisait un bien fou. Autant que se poiler, mais de façon différente. Un peu plus humiliante sans aucun doute, mais tellement plus efficace. C'était pas comme s'il n'avait jamais vu des ivrognes larmoyer sur leur sort mais pour le coup, c'était autre chose quand c'était lui. Et puis bref, lorsque ses sanglots arides se décidèrent enfin à lui lâcher la grappe il se calma et baissa le menton pour regarder droit devant lui... et pour le coup, il eut les yeux comme des soucoupes en voyant Aliénor plantée face à lui. Ben qu'est-ce qu'elle foutait là elle ?

« Eh... »

Il laissa tomber l'une de ses grosses paluches sur l'épaule toute frêle de la guérisseuse, dans un objectif qui se voulait amical mais qui lui servit aussi d'appui pour éviter les lois cruelles de l'apesanteur. Il aurait deux mots à dire à Newton et sa pomme d'ailleurs. Il sourit. Ne demandez pas pourquoi.

« O... on va prend'l'air ? »

Ben ouai parce que là, il en avait un peu besoin. Et pas sûr que l'aubergiste le laisse se rassoir sur sa banquette étant donné l'état dans lequel il avait mis son jean... et en passant, son carrelage... Voilà monsieur Mikaïl, vous êtes bon pour un coup de serpillère et un pchit désodorisant. Pi le maître, à part une cellule de dégrisement... et encore... il était même pas gris...