Quand le passé nous rattrape

Un portail plus tard, me voilà devant l'Epicerie de mon amie. Vraiment, quelle mission à la noix j'ai gagné... Apparemment, un homme nommé Gabu Van Derel cherche à la retrouver suite à une promesse faite à ses parents, 18 ans plus tôt soit au moment de la fermeture des portails. Cette histoire restait louche à mes yeux... Mais Leiline avait le droit de savoir ce qu'il se passait. J'étais cependant curieux de savoir si elle connaissait vraiment cette personne.

J'entrais après avoir pris une inspiration. Puisque j'étais là, je pense que je vais en profiter pour prendre une monture. L'opération de ma poitrine était pour très bientôt et j'aurai vraiment besoin d'une aide d'un nouveau familier.

L'ambiance chaleureuse de l'Epicerie m'entoura aussitôt et je sentais Selene toute excitée de retrouver cet endroit. Je me tournais par réflexe vers le gardien de ses lieux et le saluais d'une légère courbette.

- Bonjour Zephyris. Comment vas-tu ?

Me rappelant de ce que j'avais prévu pour m'excuser auprès du noble Mangoustan, je fouillais une des poches intérieurs de mon poncho et en sortis un sachet de biscuit au jasmin fait maison.

- Je profite de ma venue pour te présenter mes plus humbles excuses. La première fois que je suis venu ici, tu m'a appelé "Madame" et j'ai démenti face à Leiline. En réalité... Je suis bien née femme mais pour certaines raisons je préfère que l'on me prenne pour un homme. Leiline est maintenant au courant je m'excuse donc de t'avoir fait passer pour un menteur, et je t'offre en excuse ces biscuits fait maison.

L'Épicerie est bien calme aujourd’hui. Le calme avant la tempête que va être les périodes de fin d’année. L’hybride est toujours enjouée en cette saison de préparatifs de Noël entre les décorations et cadeaux à faire. Celui pour son bien-aimé est déjà commandé et elle ne manque pas d'idées pour tous les autres. Mais en tant qu’Épicière, c’est aussi les montures à préparer pour le Marché de Noël.

Alors qu’en ce moment même, elle s’occupe de son nouveau locataire personnel, la future coqueluche de son stand à venir à Rivetiel, Zéphyris attend sagement le prochain client à se présenter au magasin avec Floyd faisant la sieste à proximité de son perchoir sur le comptoir.

Et qu’elle n’est pas la surprise du Mangoustan lorsqu’il remarque une des nombreuses connaissances de la gérante des lieux à passer le pas de la porte de l'Épicerie ? Alors que le malvoyant fait preuve d’une politesse exemplaire à son égard, l’oiseau en fait de même, toujours son aile sur le torse.

- Bonjour Monsieur Morgan ! Et bienvenue à l’Épicerie, que …

Il n’a pas le temps de finir sa phrase que le Sanctuari se fond en excuse devant lui. Contrairement à l’hybride, il avait de suite repéré le genre de Morgan à ce moment là, même s’il soutenait mordicus qu’il était un homme. Après, Zéphyris ne connaissait pas forcément les sentiments des êtres “non-animaux” à ce moment là. Leiline dû lui expliquer ce qu’il en était d’ailleurs.

- Oh vous êtes bien aimable, mais ne vous en faites pas. C’est moi-même qui ai manqué de tact à ce moment et qui ne possédait pas certaines notions de respect des genres que vous avez, vous, les humains. Je vous considérerais comme un homme malgré tout, si cela est votre désir.

Le Mangoustan prend le sachet cadeau par le bec et le dépose sur le comptoir. Il est toujours malpoli de refuser une offrande et il pu ainsi débarrasser les mains de Morgan.

- Je vous remercie chaudement pour se présent en tout cas ! Je ferais part de mon avis à Dame Leiline dès qu’elle …

Sa phrase à peine finie, l’intéressée plus souriante que jamais débarque devant eux, les bras ouverts.

- Salut Morgan ! Comment vas-tu depuis la dernière fois ?

Elle est de bonne humeur aujourd’hui et compte bien en faire quelque chose de contagieux pour tout son entourage.

Zephyris accepta mes excuses, en même temps que mes biscuits. Je lui souris en retour, j'avoue que j'étais curieux de son avis ! Je savais mes amis friands dees biscuits aux goûts floraux et ma renarde aussi, mais j'étais curieux d'avoir l'avis d'un animal.

Leiline arriva rapidement. Elle semblait en pleine forme et sa bonne humeur aurait pu être contagieuse, si je ne venais pas pour ces circonstances particulières. Selene courut se frotter dans ses jambes en jappant de joie et je m'approchais pour lui faire la bise.

- Bonjour Lei. Je vais bien et toi ? Comment avancent tes préparatifs de Noël ?

J'attendais sa réponse avec curiosité. Mais quand nous arrivions au bout de la conversation, je pris un visage plus sérieux.

- Leiline, en fait je suis là en tant que Sanctuari. Il y a quelques jours, un homme est venu nous demander de l'aider à retrouver quelqu'un qu'il cherche depuis plusieurs années. Il te cherchait toi...

Je sortis le dossier de mon sac en bandoulière et l'ouvrit sur son comptoir pour qu'elle puisse voir la photo de l'homme.

- Il se nomme Gabu Van Derel. Est-ce que tu le connais ?

Les préparations de Noël, voilà un sujet qui la passionne.

- D’après toi ? Qu’est ce qui me rend aussi joyeuse ? C’est vrai que c’est un travail dingue avec tous les nouveaux familiers mais c’est super enrichissant. Et j’ai tellement hâte de gérer mon stand !

L’hybride a la tête dans les étoiles. Elle imagine déjà la place de Rivetiel briller aux couleurs de Noël, les échanges de cadeaux avec ses proches et voir leurs sourires heureux.

Mais quelque chose ne tourne pas rond. Elle le sent. Ce visage sérieux que prend alors son ami. Elle garde pourtant son sourire et s'ose à poser la question.

- Ça va Morgan ?

Sa venu en tant que Sanctuari dit t-il ? Ça ne dit rien qui vaille. Encore moins si un homme lui cours après. Bon, c'est une vedette dans l'Entre-Monde, un fan un peu zinzin pourrait être allé jusqu'à demander aux Sanctuaris pour la rencontrer.

C'est dès lors qu'il lui montre la photo que les choses empirent. Le premier électrochoc.

Leiline perd définitivement son sourire pourtant difficile à effacer. Son coeur fait un saut dans sa cage thoracique. Des souvenirs défilent dans sa tête avec ce visage qui y apparaît si souvent, actuellement imprimé sur une photo des chargés de justice de son présent monde.

¤ Impossible. ¤

Le deuxième électrochoc survient lorsque l'aveugle prononce son nom complet. Gabu Van Derel.

¤ Non, impossible. ¤

Son visage radieux disparaît pour laisser place à une commissure aux lèvres et beaucoup d'incompréhension. Un homme qu'elle n'a pas vu depuis dix-huit ans et qui apparaît aussi soudainement qu'une claque en plein visage, il y a clairement quelque chose qui cloche.

¤ Si c'est bien lui, comment ? Et surtout pourquoi ? ¤

Leiline prend une grande bouffée d'air pour transparaître un semblant de ressaisi face au Sanctuari. Perdue dans ses sentiments, son coeur balance entre se réjouir d’avoir retrouvé un membre à part entière de sa famille où de se méfier, n’étant pas encore sûr de si tout cela est bien vrai, si ce n’est pas un usurpateur. Elle tente une question de bon sens pour se donner l'illusion que son esprit ne perd pas les pédales et en savoir plus sur celui qui la recherche.

- Qu'est ce que cet homme vous a dit de plus ?

Leiline ne laisse même pas à son ami le temps de répondre à sa précédente question. Elle tremble et inspire fortement, ses sourcils affaissés par cette situation qui la dépasse.

- Morgan. - Des larmes se coincent dans ses yeux. - Si c'est une blague, sache qu'elle n'est pas drôle.

Le silence après mon explication s'éternisa. Leiline semblait perdue dans ses pensées et je commençais à m'inquiéter. Leiline qui était si enjouée... Je n'arrivais pas à comprendre ce qui pouvait se passer dans sa tête. Était-elle heureuse ? Avait-elle envie de le revoir ? Je n'étais sûr de rien...

Elle parla enfin et je sentais un peu de tension dans sa voix. Je ne l'avais jamais connu comme ça... Inquiet, je n'étais pas certain de quoi répondre.

- Pas beaucoup plus. Il a parlé d'une promesse qu'il aurait fait à ta famille mais je n'ai pas de détails...

J'hésitais mais finit par poser ma main avec douceur sur son épaule, essayant de comprendre ce qu'il se passait. Elle me demandait si c'était une blague... Je n'aimais pas ça !

- Leiline.... Qui est cet homme ? Tu es dans un tel état... Est-ce qu'il est dangereux ? Est-ce qu'il en veut à ta vie ?

Leiline se pince les lèvres, le regard baissé. Une promesse. C'est tout ce qu'a dit de plus cet homme. La petite enfant-chat qu'elle était a pourtant espionné cette conversation qu'il a eu avec son père.

Mais pour l'hybride adulte qu'elle est désormais, tout cela n'a aucun sens. Il n'y a qu'une seule raison pour laquelle cet homme a pu revenir et le timing entre sa propre arrivée dans l'Entre-Monde et la fermeture des portails n'était que de quelques heures.

Mais avant tout il faut rassurer Morgan. Difficile pour une personne déjà complètement déboussolée d'en rassurer une autre. Une des larmes finit par sortir et perler le long de sa joue et sa voix prend un semblant de retenue.

- C'était le meilleur ami de mon père. Il était comme un oncle pour moi. Il n'est pas dangereux et n'a certainement pas d'intentions belliqueuses. Mais …

Elle se retient tellement de tout extérioriser, prenant une grande bouffée d'autre frais. Et pourtant l'incompréhension prend le dessus, haussant inconsciemment le ton.

- C'est impossible qu'il ai pu intégrer l'Entre-Monde ! La dernière fois que je l'ai vu il était encore à Islaya, devant le portail à me dire au revoir il y a dix-huit ans de cela !

La féline se frotte le visage à pleines mains. Zéphyris ne comprend plus ce qu'il se passe. Lui-même n'a jamais vu l’Épicière dans un état pareil. Il regarde, sans piper mot.

Toujours en phase de dénie, notre femme-chat prend soudainement un air mauvais, les yeux rivés sur le comptoir.

- Si c'est un usurpateur, crois moi qu'il va se prendre mon poing dans la gu**le.

J'étais perturbé je l'avoue par l'état de mon amie. Elle semblait si mal mais je ne connaissais pas cette personne et je n'avais aucune idée de ce qui pouvait lui traverser la tête.

Leiline finit par se confier. Je sentais la tension dans sa voix alors qu'elle me décrivait Gabu comme le meilleur ami de son père. Elle ne comprenait cependant pas comment il avait atteri en Entre-Monde... Je pris le temps de réfléchir avant de lui émettre une hypothèse.

- Peut-être qu'il s'est passé quelque chose dans ton monde qui l'a poussé à venir ici...

L'Epicière s'énerva ensuite, prête à s'en prendre à cet imposteur. Je la sentais vraiment remonter ! Doucement, comme pour ne pas l'effrayer, je posais ma main sur son bras. Est-ce qu'elle pleurait ? J'en avais vaguement l'impression mais évidemment ce genre de chose étaient invisible pour moi. Je tentais de la rassurer de ma présence, de trouver les bons mots pour la soutenir.

- Je comprend un peu mieux... Ecoute je te propose une chose: je peux voir avec la Prétorienne pour organiser une rencontre. Si tu veux ,je serais avec toi, si ça peut te rassurer... Et s'il s'agit d'un imposteur, on lui cassera les dents ensemble !

Je souriais, espérant soulager un peu son coeur par ce petit trait d'humour maladroit.

La seule raison pour laquelle cet homme a rejoint Leiline lui fait imaginer les pires scénarios possibles. Mais la main de l'aveugle sur son bras la fait sursauter, la sortant de ses pensées morbides. Une rencontre ?

Désormais les mains en prière devant son visage, l'hybride tente de démêler ce que le coeur et la raison lui dicte. Et si c'était lui, comment réagirait t-elle ? Comment peut-il prouver qu'il est réellement l'homme qu'il prétend ? Elle souffle, lâchant un soupir, s'apparentant presque à un rire.

Elle ignore complètement dans quoi elle s'embarque.

- Ça me va.

Une idée lui traverser l'esprit dans ses réflexions pour éventuellement démasquer cet imposteur. L'avantage à être Épicière, c'est qu'elle a un accès illimité à tout un tas de gadget. Elle récupère son sac sans fond et s'empare d'un Lorgnon au passage. Ça peut être utile.

- Zéphyris, je ferme boutique. Ça ira pour toi ?

Elle lui adresse un vague sourire. Du moins, le peu qu'elle puisse sortir vu son état mental.

- Ne vous tracassez pas avec l’Épicerie, Dame Leiline. Vous avez plus important à faire. Je me charge de tout.

Le sourire de la Li s'élargit et elle fait une légère caresse sur la tête du Mangoustan.

- Je savais que je pouvais compter sur toi.

Ils leur arrivent souvent de se chamailler, ça ne leur empêche en rien d'avoir un profond respect pour l'un et l'autre.

<< Corben, je vais à la caserne pour une affaire importante. >>

Est-ce une bonne idée de le prévenir ? Les sentiments de la féline s'entremêlent entre la colère, la tristesse et l'incompréhension.

<< Ne t'inquiète pas pour moi, tout ira bien. >>

Les portes du commerce sont fermées à clés. Leiline est fin prête.

- Allons-y Morgan.

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