S'entraider et se soutenir ! [PV Lylla]

Les coups pleuvaient sur moi sans que je puisse les arrêter. Des anges, des démons, qui s'étaient entendus pour venir me lyncher. C'est presque le plus ironique. Ils se détestent, mais ils arrivent quand même à se trouver un terrain d'entente juste pour pouvoir être plus nombreux face à moi. En plus des coups, je me prenais un flot d'insulte continues depuis quelques minutes. J'avais fini par reculer dos à un mur, n'arrivant pas à prendre assez de distance pour m'envoler et prendre la poudre d'escampette. Je me protégeais du mieux que je pouvais, presque roulée en boule, espérant vaguement que quelqu'un allait ma sortir de là. Bon, en fait je croyais un peu beaucoup au miracle là. Personne ne l'avait jamais fait, je voyais pas pourquoi ça commencerait aujourd'hui...

-Hey ! Fichez lui la paix ou j’appelle un Commissaire !

Je profitais de leur distraction momentanée pour me redresser en position assise. J'étais un peu bloquée là, entre le fleuve, la façade à laquelle j'étais adossée, et ceux qui voulaient ma peau.

-C'est rien m'sieur, on rigole, c'est juste pour jouer !

Un môme de 12 ans à peu près venait de répondre à celui qui venait de prendre ma défense d'un ton insolent. Ils riaient tous, et je levais rapidement les yeux au ciel. Je lançais mon pouvoir pendant que la dizaine de jeunes jaugeait le nouveau venu, tentant de déterminer si il pouvait être dangereux. La mention de Commissaire n'avait eu absolument aucun effet sur eux. Allez continuez de le regarder, encore quelques secondes, s'il-vous-plaît.... Mes fils s'enroulèrent autour des membres du môme insolent, et je m'autorisais un petit sourire de soulagement, en le faisant marcher vers moi et se placer en bouclier, juste devant moi, face aux autres, les bras en croix. Ennemis ou pas, "On touche pas aux petits !", je venais donc de m'assurer le fait que personne ne viendrait frapper le môme pour l'écarter, et avant qu'ils s'en prennent à moi, et bah il fallait qu'ils le fassent bouger. J'avais un petit moment de répit.

-Appelez-le débile tant que vous y êtes...

J'espérais qu'ils allaient pas s'en prendre à celui qui avait voulu m'aider. Je décidais de faire ce que je faisais de mieux, et prenant une voix faussement légère j'ajoutais :

-A votre avis, il a appris à nager depuis la dernière fois le petit... J'aurais bien envie de voir ça !

Mes yeux eux étaient sérieux. Non, je n'allais pas jeter ce gamin à la flotte alors qu'il s'y noierait ! Mais ça ils ne le savaient pas, et je voulais qu'ils me croient. Allez, allez vous en, fichez moi la paix...

Elliot sentait bien que ces imbéciles de gamins ailés ne le prenaient pas au sérieux. Il savait que son apparence juvénile, contraste fort avec son âge réel, n’aidait en rien. Mais il ne comptait pas se laisser faire pour autant.

Il allait tenter de chanter pour les endormir mais, d’un coup, l’un des plus jeunes de la bande se mit aussitôt à bouger tout seul. En regardant plus attentivement, le jeune garçon était manipulé par des fils rouges très fins, eux-mêmes dirigés par la petite ange. L’ondin écarquilla les yeux devant ce numéro de marionnettiste, il n’avait jamais vu un tel pouvoir ! Ça avait quelque chose d’effrayant...
Elle menaça le groupe de jeter le garçon à l’eau et cette menace sembla suffire à les faire changer d’avis.

- C’est bon on se tire ! Décida le plus âgé.
Le jeune garçon, terrifié de ne plus maitriser son propre corps, fut libéré et le groupe partit. Elliot attendit quelques secondes qu’ils soient loin puis accourut près de la demoiselle.

- Quelle bande d’idiots… Tu es blessée ? Où t’ont-ils frappé ?

L’ondin l’aida à se lever et vérifia la petite fille. Elle était habillée chaudement, il ne voyait donc pas ses blessures mais elle avait déjà une joue boursoufflée.

Ils commencèrent tous à partir, et lorsque je fus sûre qu'ils n'allaient pas refaire demi-tour pour revenir je laissais le môme partir avec une mine désolé. Je n'étais pas un monstre, mais je n'avais pas vraiment d'autres choix que de le faire croire

- Quelle bande d’idiots… Tu es blessée ? Où t’ont-ils frappé ?

Le jeune homme aux cheveux bleus était rendu près de moi. Je ne l'avais même pas vu arriver, plus occuper à chercher par où la bande d'idiots allait revenir à la charge. A bien y réfléchir, enfin, surtout à constater tous les endroits où je ressentais des élancements, ils devaient en avoir eu assez pour aujourd'hui.

-Ça va aller... Je crois...

Il m'aidait à me relever, et au fur et à mesure, je me rendais compte à quel point ils avaient frappé fort. Mon ventre me faisait souffrir plus que le reste, mais je savais que j'allais découvrir une multitude de bleus de toutes les nuances possibles un peu partout. Je compris avec son regard que mon visage avait été également touché. Je l'effleurais du bout des doigts et retins difficilement une grimace.

-A ton avis, si je dis que je suis tombée et que je me suis cognée, ça passe ?

Celui là, il serait difficile à cacher, surtout que ma mère voulait m'emmener à une fête ou un truc comme ça ce soir pour me "faire rencontrer des gens". Ce qui expliquait ma tenue d'ailleurs. Je me voyais mal lui expliquer que presque tout les jeunes de notre miroir s'étaient ligués contre moi, avec pour seule raison le fait que j'existais. De toute façon, qu'est-ce-que ça changerait ?

-Et... Merci d'avoir voulu m'aider...

Je commençais par refuser de suivre le jeune homme, arguant que ce n'était rien, mais je finis par céder face à son insistance. J'avais envie d'aller m'isoler, mais il ne fallait pas se mentir, dans l'état actuel des choses, c'était impossible.

-Lylla... Je m’appelle Lylla Argette.

Je m'assis à l'endroit indiqué, pas vraiment à l'aise de me retrouver dans un lieu totalement inconnu. Je l'observais en train de ranger ses courses, apparemment pas le moins du monde embêté d’accueillir une inconnue chez lui :

-Un peu d'eau suffira... Je ne veux pas déranger...

Je remerciais Elliot d'une petite voix, puis il disparut à l'étage. J'en profitais pour détailler la pièce où je me trouvais, appréciant la décoration. Je me relevais même pour observer certains objets de plus près. Pendant quelques instant, j'avais hésité à ressortir silencieusement, mais m'étais dite que ce n'était pas très poli envers mon sauveur. Je sursautais lorsque le jeune homme redescendit, prise en flagrant délit de curiosité, m'écartant précipitamment du mur où étaient disposés les différents objets et tableaux

-Excusez-moi !

Je retournais piteusement sur le canapé, mal-à-l'aise, et ne sachant pas comment me comporter avec cet individu qui m'apportait son aide sans raison apparente, juste par gentillesse.

-C'est très joli...

Je m'installais à côté d'Elliot. Je tressaillais lorsqu'il approcha le coton de mon visage, grimaçant un peu. Je me laissais faire, résistant à l'envie de m'écarter. Ca pique ! J'étais gênée d'être le centre de tant d'attentions. Maintenant, il passait à mes bras. Ils avaient bien pris eux aussi. Des traces rouges, d'autres qui avaient déjà tourné au violacé voire au jaunâtre. Sa réflexion me tira un léger soupir, puis un tout petit rire :

-Des monstres ? Non, ce sont des anges, ils ne peuvent pas être monstrueux... Personne ne croirait ça...

Je soulevais ce point de façon assez ironique. Qui allait croire que des êtres angéliques frappaient sans aucune raison ? Pour le reste de ses interrogations : Pourquoi ? C'était terriblement simple et en même temps tout bonnement incompréhensible

-Pour rien de particulier... Ils n'aiment pas ceux qu'ils ne peuvent pas ranger dans des cases... Déjà qu'ils ont tendance à rester entre eux... et à se prendre pour des caïds aussi mais ça c'est autre chose... et à pas se mélanger avec des gens qui pourraient provenir d'un autre miroir... alors mi-ange mi-démon.... ils ne peuvent pas accepter ça... c'est contraire à la normalité...

Je m'arrêtais un petit instant. Ça faisait vraiment pitié en fait. Mais c'était bel et bien la réalité.

-D'après eux je suis une erreur qui ne devrait pas exister... La plupart du temps, on m'évite... C'est mieux pour tout les monde... et quand ils arrivent à être assez nombreux... ils se sentent forts et viennent le prouver...

Je haussais les épaules, comme pour signifier que c'était ainsi, qu'on y changerait rien, et que ça ne me faisait pas grand chose...

-Et vous ?

Ma question n'était pas vraiment précise, moi même je n'avais aucune idée de ce que je demandais réellement. Qu'est-ce-qu'il pensait de cela ? D'où venait-il ? Etait-il quelqu'un de "normal" ? Ou pas ? Il y avait mille et une interprétation à ma question, et je ne savais même pas laquelle j'avais posé. Aucune ? Toutes ? Aucune idée...

-Taper sur une jolie jeune fille juste parce que ses ailes ne sont pas blanches... On aura tout vu ! Ils mériteraient de bon coups de pieds aux fesses !

Un petit rire m'échappa bien vite arrêté par les élancements aux niveaux de mes côtes. L'idée de leur faire payer ne serait-ce qu'un petit peu ce qu'ils m'avaient fait était bien tentante... En plus, j'en avais les moyens, ils étaient tous du quartier, je savais où ils habitaient, je connaissais plus ou moins leurs habitudes, leur tendre un piège, leur coller la frousse de leur vie, un par un... Les prendre par surprise un par un et leur faire croire que je pouvais aller jusqu'à les tuer, chacun leur tour, pourquoi pas même leur casser une jambe ou un bras... Mais... Tout cela n'était que le fruit de mon imagination. J'étais incapable de faire cela... Après tout, j'avais reçu l'éducation d'une ange qui prônait la gentillesse par-dessus tout. Et puis, qu'est-ce-que ça m'apporterait ? Encore plus d'ennuis. Cela ne changerait pas leur regards, leur attitude.

Elliot entreprit de me raconter une histoire, son histoire. Je l'écoutais, révoltée par la cruauté de ces humains, serrant malgré moi mon poing sur mon genoux. La bêtise n'avait vraiment pas de limites ! Je comprenais un peu mieux son attitude envers moi. La fin m'était adressée, comme une façon de m'ouvrir les yeux, de me faire réagir :

-Aucune discrimination n'est acceptable. Il ne faut pas te laisser faire. Tu es dans l'Entre-Monde ! Tout le monde sait que les anges peuvent être mauvais et les démons de doux agneaux. Tu dois riposter, prévenir les autorités. Ange ou pas, tabasser quelqu'un juste parce qu'il est différent est illégal et ils méritent une punition. Et si tu as besoin de soutien... je t'aiderais avec plaisir.

Je restais pensive quelques secondes... Je n'avais jamais envisagé une seule seconde à parler de ça avec quelqu'un un jour, pensant qu'ils se lasseraient avec le temps et aujourd'hui, un concours de circonstances m'avait obligé à le faire mais...

-Je ne veux pas... Je ne veux pas devenir celle qui envoi les mômes en prison en plus du monstre dans leurs yeux...

Ma voix s'était transformé en un murmure presque inaudible. Alors que jusqu'à présent, j'avais presque réussi à garder une sorte de distance avec ce que je disais, comme si ce n'était pas de moi qu'il s'agissait, ces mots avaient rompu une sorte de digue, derrière laquelle j'avais enfermé mes émotions, ces émotions que je refoulais parce qu'elles me faisaient trop mal. J'avais baissé la tête, fixant mes mains, et des larmes m’échappèrent tombant une à une sur ma robe, cette fichu robe que ma mère ma mère m'avait presque passée de force. Qu'elle aille se faire voir elle aussi avec ses bonnes intentions à la noix qui causaient plus de dégâts qu'autre chose ! D'une voix d'où perçait une sorte de colère froide, presque en criant je disais :

-Qu'est-ce-que ça changerait de toute façon hein ? Ça ne les empêchera pas de recommencer, au contraire ! De toute façon je suis sûre qu'ils ont l'accord de leur parents ! Leurs parents je les vois tout les jours, et tous les jours ils me regardent de travers, avec le même regard que leurs gosses ! Ce regard plein de dégout ! Qui dit que je ne devrait pas exister ! Même quand je ne les vois pas, je sens leur regard sur moi, qui m'observe derrière les fenêtre, qui me juge peut importe ce que je peux faire ! Même dans les yeux des amis de mes parents, ceux qui passent tout leur temps libre à la maison, ceux qui m'ont vue grandir, je sens que je dérange ! Prévenir un commissaire ne changera jamais ça ! Jamais !

Je venais de déballer d'un coup d'un seul tout ce que je gardais en moi à un presque inconnu qui avait juste eu la gentillesse de m'aider. A ce moment, j'en voulais à la Terre entière, j'en voulais à ceux qui me connaissaient de ne pas voir ce qu'il se passait, particulièrement à mes parents, alors que je savais que c'était moi et moi seule qui m'étais isolée pour qu'ils ne le voient justement pas. Je m'en voulais de ne pas avoir la force de faire ce que m'avait proposé Elliot, je m'en voulais d'avoir purement et simplement peur, je m'en voulais aussi de lui avoir crié dessus sans raison alors que rien n'était de sa faute. Je m'essuyais les yeux d'un bras rageur et commençais à me lever :

-Excusez-moi de m'être emportée... Je... Je devrais y aller

J'avais besoin d'isolement, j'avais besoin de trouver un coin calme où l'on ne me trouverait pas pour pouvoir reconstruire ce mur autour de mon cœur, pour pouvoir faire croire que j'allais bien, pour me persuader que j'allais bien. Combien de temps j'allais tenir comme ça ? Cela faisait déjà 18 ans... Combien de temps encore j'allais réussir à mentir à moi-même et aux autres ? Combien de temps j'allais continuer à me faire croire que je n'avais pas besoin de réconfort, d'amis, d'attention ? Alors qu'au plus profond de moi je savais que ce dont j'avais vraiment besoin, c'était tout l'inverse...