Récolte de simples [Noryan et si quelqu'un veut s'incruster...]

Je passai la matinée à marcher près d'un bois, en faisant des allers et retours entre la lisière de celui ci et son coeur, ombragé et humide ; le temps était doux et l'air du sous-bois était encore empreint de la fraicheur de la nuit, une journée idéale pour renouveler mes réserves de simples qui me servaient à préparer des onguents, pommades, compresses et autres mixtures. Je commençais à avoir le coup d'oeil pour repérer les plantes qui m'étaient utiles, les curatives comme les vénéneuses, les narcotiques et les psychotropes.
Minutieusement, je coupais à l'aide d'un petit couteau des feuilles de plantain, d'achillée mille-feuille ainsi que des racines de valériane que je plaçais dans une besace, au milieu d'un linge humidifié. Tous ces prélèvements demandaient à être utilisés rapidement, sous peine de sécher et de voir leur propriétés dégradées.
Dans cette région, il ne poussait pas d'aloès ; il me faudrait descendre plus au sud pour trouver de quoi préparer cet onguent si polyvalent à base de cette plante grasse. Mais le climat était favorable à la croissance de la belladone, j'en tirerai un puissant antispasmodique, ainsi qu'un poison virulent ; je plaçais ces prélèvement dans une besace séparée pour ne pas risquer de souiller les autres plantes.

A l'abri dans une clairière où l'herbe était encore humide, je m'arrêtai sur une vieille souche d'arbre pour faire le tri dans ma récolte. Tout en farfouillant dans mes sacoches, je me dis que j'allais bientôt pouvoir rentrer préparer mes potions. Je comptais jeter un oeil dans l'herbe autour de moi à la recherche de quelques psilocybes ; je n'étais pas une adepte de ces champignons qui procuraient des visions étranges, je ne connaissais que trop bien les sensations d'un empoisonnement pour éviter de me les infliger volontairement, plus maintenant du moins. Mais je ne rechignais pas à en administrer discrètement à certaines personnes pour leur faire passer des nuits hautes en couleurs.
Je me retrouvais bientôt accroupie dans l'herbe haute, à demie cachée, à cueillir des champignons.

Assez tôt dans la matinée, je décidais d’aller dans la forêt non loin d’Entre-Monde afin de m’entrainer en toute tranquillité. Et puis, j’aimais m’entraîner en forêt, je trouvais que c’était agréable pour un entraînement. Je pouvais également être sous ma forme de dragon sans être déranger, à condition d’avoir l’espace pour. Je devais travailler mon endurance, mon agilité et ma vitesse et par la même occasion, ma lévitation sous forme humaine, plus que la télékinésie.
Arrivé à l’orée de la forêt, je regardai un peu au alentour. L’endroit me paraissait pas mal du tout, alors que l’entraînement commence. Je me mis à courir, en prenant chaque arbre comme obstacle et donc comme quelque chose à esquiver, de n’importe quelle façon, cela augmentera mon agilité dans l’esquive. Par moment, utilisant ma lévitation, je sautais par-dessus des branches basses, histoire de ne pas me les prendre en pleine figure ou de me cogner contre elles tout court. Je sautais aussi de branche en branche pour parfaire mes déplacements en lévitation. Il s’en est résulté de quelques chutes et égratignures qui vont avec. Mais je recommençais encore et encore, accompagnant parfois mes déplacements d’acrobaties, ne voulant pas perdre la main. Quand je le décidai, j’augmentais la vitesse d’exécution, là aussi, les chutes et écorchures étaient au rendez-vous. Après tout, on n’apprend pas sans quelques faux pas.
Après…je ne sais pas combien de temps c’était écoulé à vrai dire, je m’octroyais une petite pause bien méritée. Un bruit d’eau parvint jusqu’à mes oreilles, ma gorge seiche me poussa jusqu’au cour d’eau. Je plongeais ma main dans l’eau, elle était fraiche et claire et après plusieurs gorgées, je me relevais pour marcher un peu, profitant de cette belle matinée en forêt. Je m’amusais de temps à autre avec ma télékinésie, soulevant plusieurs petits cailloux pour les faire tourner au dessus de ma main, puis les lançant sur une cible quelconque…

Toujours affublé de mes lunettes aux verres teintés argent, comme la monture d’ailleurs, j’observais la nature et écoutais son chant. C’était tellement paisible comme lieux qu’on ne peut que s’y sentir bien. Non loin de là où je me trouvais, il me semblait apercevoir une clairière. Lorsque je fus assez proche, une silhouette se dessinait, en train de faire je ne savais quoi assise sur un rocher, ou peut-être une souche. Je me rapprochais encore, afin de mieux voir. Evidemment, elle était de dos, mais au vu de ses oreilles en pointe et noires, je pouvais dire ou penser que c’était une elfe noir, une ou un, de dos, pas facile. Une idée me vint en tête… Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait ça, voyons si je n’avais pas trop perdu la main. Je me cachais derrière un tronc d’arbre, regardant en l’air pour voir où je pourrais me mettre pour l’observer un peu plus. Sans faire de bruit, ou du moins, en essayant d’en faire le moins possible, je sautais de branche en branche afin d’atteindre celle voulu. Une fois là haut, je m’asseyais sur la branche et observais l’elfe, sa main dans une sorte de besace. Maintenant, reste plus qu’à attendre pour savoir combien de temps je peux être là à l’observer.

Je finis par obtenir une petit récolte de champignons hallucinogènes dont je pourrai tirer parti plus tard. J'entrepris alors de faire demi-tour et de m'en retourner à la ville, dans mon échoppe pour effectuer la seconde partie de ce qui constituait la récolte : aucune plante ne se conserve fraiche bien longtemps.
Je m'approchai de la lisière de la forêt pour quitter la clairière et pénétrai dans le bois par le chemin que j'avais emprunté plus tôt. Il me fallut une ou deux minutes avant de relever quelques détails intrigants, comme de l'herbe couchée témoignant d'un passage récent, de jeunes feuilles d'arbre tombées au sol et même par endroit, de petits impacts sur les troncs d'arbre, comme si l'on avait projeté quelque chose dessus. J'étais pourtant certaine d'être seule dans ces bois, mais nombre d'indices tendaient à me prouver le contraire, et vu le nombre de gens qui avaient des raisons d'en vouloir à une assassin, je préférai opter pour la prudence.
Feignant de n'avoir rien remarqué, je poursuivis mon chemin en pressant le pas. Je rabattis mon capuchon sur ma tête et fit appel à la magie pour donner à ma cape sa propriété de camouflage. L'ombre du sous-bois n'était pas suffisante pour me rendre totalement invisible, mais je me fondrai parfaitement dans ce mélange de buissons, de feuilles et de troncs.
J'empruntai plusieurs chemins dans différentes directions, de plus en plus rapidement, et pour finir, je m'immobilisai à l'abri sous un massif et m'immobilisai totalement, tous sens en alerte.
Je fis appel à mes bottes d'esprit pour repérer la présence éventuelle de quelqu'un dans mon entourage proche, mais ne senti que deux animaux quadrupèdes, des biches probablement, se déplaçant vers l'est ; la forêt semblait calme, et je finis par me demander si ce n'étais pas mon imagination qui m'avait joué des tours.

Alors que j’étais tranquillement assis sur ma branche, en train d’observer, l’elfe se leva et parti dans la direction du chemin d’où je venais. De ce fait, je le voyais de face, ou plutôt la voyais. Et oui, même une cape ne peut cacher certaines…formes révélatrices. Si elle possédait un œil expert, ça ne prendrait pas longtemps pour repérer les traces que j’avais laissées. Mais en même temps, je n’avais pas prévu de filature, si je puis dire, alors je ne faisais pas attention aux traces éventuelles que j’avais créées. Il me paraissait cependant que l’elfe ne remarquait rien, bizarre…Quoique, si ça se trouve c’était seulement une simple herboriste et rien d’autre. Elle pressait le pas, rabattait son capuchon sur sa tête pour se dissimuler à mes yeux. Quand je dis dissimulé, ce n’est pas pour cacher son visage, je ne la voyais vraiment plus.

*Intéressant…*

Cependant, je voyais toujours l’herbe qui se couchait sous ses pieds, et j’arrivais à la suivre. Jusqu’à ce qu’elle commence à augmenter sa vitesse de déplacement et que je la perde au bout d’un moment. Là, plus de doute, elle m’a repéré, ou du moins, elle sait qu’il y a quelqu’un. Je fermais les yeux et me concentra sur le bruit qu’elle pouvait faire en se déplaçant si vite. Le bruit de ses pas, des branches qui craquaient… Evidement, je ne pouvais pas être sûr à cent pou cent que c’était bien elle, après tout, nous n’étions pas les seuls dans cette forêt.
J’entendis quand même des branches se casser par moment, et quelque chose comme un frottement, mais c’était léger. Et puis, d’un coup, plus rien… Enfin, je n’entendais plus ces bruits là, d’autres oui, comme un animal pas très loin qui s’éloignait assez vite, vu le martellement du sol.

Maintenant, je ne la voyais, ni l’entendais plus. Il ne me restait plus qu’une seule chose à faire, à vrai dire pas qu’une mais si je voulais m’amuser un peu, je n’allais pas partir et c’est tout.

De branche en branche, je me déplaçais, suivant le même chemin que l’elfe. Arrivé un peu plus loin que là où elle avait disparue, je sautais à terre. D’un saut léger, j’atterri sans bruit, aérien. Je regardais au alentour, mais à part des buissons et des arbres, il n’y avait pas grand chose d’autre. C’était risqué de me montrer comme ça, à découvert, mais bon, je ne pense pas que ce soit très dangereux non plus.
Je commençais alors à marcher, pas trop vite et en laissant mon ouïe aux aguets du moindre bruit trahissant sa présence. Sauf si elle se décidait de se montrer avant…

Des années passées à dissimuler ma présence aux yeux des autres avaient fait de moi une experte du camouflage, ce qui était absolument nécessaire pour le métier que j'exerçais à l'époque. Je pouvais me tenir complètement immobile pendant longtemps, réduisant ma respiration au minimum, ne bougeant que les yeux et gardant les oreilles bien ouvertes sur ce qui se passait autour de moi. Bien évidemment, des artefacts qui permettent de ressentir les déplacements autour de soi et une cape qui vous dissimule quasi parfaitement aident lorsque l'on joue à ce petit jeu. Une fois encore, je reprenais mes anciennes habitudes et redevenais l'assassin que j'étais.

Je perçus une onde sur le sol ; quelque chose venait de percuter l'humus de la forêt, quelque chose de lourd, mais qui avait su amortir son impact. Je sentis alors des pas ; je ne pouvais évaluer la distance, mais je la savais décroissante : quelque chose, ou plus probablement quelqu'un, se rapprochait de moi. Sans bouger, je tâchai de voir sur le côté mais ne vis rien dans un premier temps. Je n'entendais presque rien non plus ; si je pouvais distinguer quelques bruissements indiquant que quelqu'un marchait dans la forêt, c'était uniquement parce que je me concentrais de manière à les entendre. Pour quelqu'un qui ne cherchait personne d'autre, ils étaient parfaitement inaudibles.

Au bout de quelques instants, je vis un joli garçon avancer prudemment en jetant son regard ici et là comme s'il cherchait quelque chose, ou quelqu'un. Depuis quand m'observait-il ? Quelles étaient ses intentions ? Si elles n'étaient pas mauvaises, pourquoi m'avait-il suivit jusque là et continuait de me chercher ? Et surtout, comment était il apparu si près de moi sans que je ne l'eusse senti approcher avant ? Je me posais ces question en observant le personnage depuis ma cachette sous mon massif feuillu. De bonne taille, solidement bâti, ce devait être un bon combattant, ou du moins, il en avait le potentiel physique. Plutôt mignon avec ses cheveux bruns un pagaille et ses yeux bleus comme la mer ; il portait des vêtements simples, adaptés au combat. Quelque chose retint mon attention et je me concentrai pour essayer de voir plus clair ce qu'était l'espèce de brassard qu'il portait accroché à son bras droit. Après m'être creusé les méninges, je reconnus le brassard que portaient les Sanctuaris.
Mon regard s'assombrit ; pourquoi un soldat me cherchait-il ? Etais-je recherchée pour un quelconque motif ? Avais-je des raisons de trouver sur mon chemin les subordonnés du Prétorien ? Je pouvais répondre sans hésiter à ces questions. J'allais tenter la diplomatie afin de m'assurer des intentions du soldat ; si je me rendais compte que je risquais quelque chose, il serait toujours temps d'agir discrètement. J'avais de plus une jolie quantité de substances toxiques sous la main.

Je le laissais me dépasser d'un mettre, puis sorti rapidement de l'abri naturel qui me couvrait. Je relevai ma capuche avant de m'adresser au jeune homme.

"Puis-je savoir ce qui me vaut l'honneur d'être pistée par les Sanctuaris, sire ?"

Mes yeux et mes oreilles ne percevaient toujours rien. Cette elfe était apparemment très douée pour ce qui était de se fondre dans le décor, j’allais devoir me montrer plus prudent, sait-on jamais. A mon avis ce n’était pas une simple herboriste. Alors qui était-elle ? Quelles aptitudes ou capacités, en plus de la rapidité et du camouflage, pouvait-elle bien posséder ? Je sentais que je n’allais pas trop tarder à le savoir… Faite qu’elle n’ait pas des capacités de pisteuses ou un autre truc du genre du même style que ces capacités de camouflage et déplacement, parce qu’à ce moment là, elle m’avait repéré de loin. A quel niveau ces capacités s’arrêtaient ? Raaah, je me pose toujours trop de questions, surtout que je n’aurais de réponse que quand elle sera devant moi et les utilisera, et encore.

Une chose était sûre, qu’elle soit loin ou non, elle devait m’observer et m’analyser par la même occasion. Même moi je le ferais si j’étais à se place. J’avais retiré mes lunettes pour y voir un peu plus clair, tout en continuant à avancer doucement. Mais ça n’avait servi à rien… Je voyais plusieurs animaux plus loin, se déplacer, mais je n’arrivais pas à trouver l’elfe. Elle me tomberait dessus que ça ne m’étonnerait pas. Quand je disais qu’elle me tomberait dessus, c’était une façon de parler…enfin j’espère. Autrement elle pourrait être surprise.

C’est alors qu’après avoir marché un léger instant, j’entendis un bruit de branches qui se font bousculer par le passage de quelque chose, ou quelqu’un plus probablement, provenant d’un buisson.

*Tiens, elle bouge…*

Je m’arrêtais net mais ne fis pas volt face, pas encore. Cette fois, ce fût une voix qui parvint à mes oreilles.

"Puis-je savoir ce qui me vaut l'honneur d'être pistée par les Sanctuaris, sire ?"

Ah, elle avait remarqué mon brassard et l’avait reconnu. Bien que ce n’était pas de le reconnaitre qui était le plus difficile je pense. Elle était cachée à ma droite, si elle l’a reconnu.
Sire ? N’était-ce qu’une forme de politesse ou elle voulait être diplomate avec un Santuaris pour savoir quoi faire ? Je vais voir ça et jouer aussi la carte de la diplomatie.

"Un simple exercice. Vous m’en voyez navré si je vous ais fait une quelconque frayeur, Madame."

Je remettais mes lunettes argent sur mon nez, ne voulant pas dévoiler mes atouts au premier tour, et faisais demi-tour pout me trouver face à l’elfe. Elle avait ôté son capuchon dévoilant son visage gris sombre, presque noir, et fin d’elfe.

*Noir…*

Le fait de le dire dans ma tête me rappela que je savais quelque chose là-dessus, mais je n’arrivais pas à retrouver quoi… Pourtant, il me semblait que c’était assez important.
J’observais ses yeux mauves, très jolis, elle était plutôt belle femme, bien que je ne puisse trop m’avancer avec cette cape qui l’enveloppait.
Pour qu’un blanc pesant ne s’installe pas, je lui posais une question.

"Vous avez des capacités assez impressionnantes, je dois dire. Mais… qu’est-ce qui vous fait dire que je vous pistais vous spécialement ?"

Je ne sais pas pourquoi j’avais posé cette question… Elle m’était venue comme ça.

"Un simple exercice. Vous m’en voyez navré si je vous ais fait une quelconque frayeur, Madame."

Parler de frayeur était peut être un peu excessif, mais je me retins d'en faire la remarque.

"Vous avez des capacités assez impressionnantes, je dois dire. Mais… qu’est-ce qui vous fait dire que je vous pistais vous spécialement ?"

Je devais admettre que j'avais avancé des éléments dont je n'étais pas sûre. J'avais été pistée, c'était l'évidence même, mais rien ne me permettait de dire si cet homme, tout Sanctuaris qu'il était, agissait pour compte des soldats d'Entre-Monde où s'il agissait de son propre chef. J'ignorais si le port des brassards Sanctuaris était un signe de leur activité de service où s'ils le portaient constamment.

"Si je n'en connais pas la raison, je peux néanmoins affirmer sans trop me tromper que j'étais celle que vous cherchiez. Hormis deux biches qui sont déjà loin, nous sommes les seuls dans cette parcelle de forêt."

Je marquai une pause et observais ses yeux plus attentivement. Ils avaient quelque chose d'étrange, un détail qui me troublait sans que je puisse dire ce dont il s'agissait. Il était trop tôt pour me faire une idée des intentions du jeune homme, je devais en apprendre plus.

"Et vous m'avez trouvé, je suis devant vous. Il faut croire que mes capacités ne sont pas si impressionnantes que cela, ou alors nous sommes tous deux très impressionnants. Mais je peux tout aussi bien me tromper, je reconnaitrai alors mon erreur et vous présenterai mes excuses, sire... "

La fin de ma phrase en suspend appelait un nom, mais je n'étais pas certaine d'obtenir ce renseignement aussi rapidement.

"Si je n'en connais pas la raison, je peux néanmoins affirmer sans trop me tromper que j'étais celle que vous cherchiez. Hormis deux biches qui sont déjà loin, nous sommes les seuls dans cette parcelle de forêt."

Il est vrai qu’il n’y avait pas déjà grand monde dans cette forêt, alors dans cette parcelle… Les deux biches… Elle avait donc pu les repérer, voilà une information intéressante. Mais si elle pouvait repérer les formes de vie dans un périmètre défini, pourquoi n’avait-elle pas parlé de l’écureuil que j’avais aperçu juste en train de fouiller dans sa réserve je crois, avant que je redescende sur terre ?

"Et vous m'avez trouvé, je suis devant vous. Il faut croire que mes capacités ne sont pas si impressionnantes que cela, ou alors nous sommes tous deux très impressionnants. Mais je peux tout aussi bien me tromper, je reconnaitrai alors mon erreur et vous présenterai mes excuses, sire... "

Si elle était maintenant devant moi, ce n’était uniquement que parce qu’elle s’était montrée. Autrement, j’aurais eu plus de mal, beaucoup plus peut-être bien.

"Il est vrai que hormis ces deux biches qui se déplaçaient assez vite, et l’écureuil, nous sommes seuls."

Enfin, s’il n’y avait pas d’autres animaux que je n’avais pas remarqués, après tout, je n’avais pas cherché plus que ça et je n’en voyais pas l’intérêt pour l’instant.

"Et si je vous ais trouvée, ce n’est que parce que vous êtes sortis de votre buisson. Sinon, je ne sais pas si j’aurais réussi."

C’était moi ou elle avait laissé sa phrase en suspend comme pour attendre un nom… Et puis, qu’est-ce que je risquais à lui donné mon nom ?

"Excusez-moi, j’en oublie tous mes devoirs. Je m’appel Noryan Aliénor, enchanté."

J’accompagnais cette phrase par un signe de tête, ne quittant pas pour autant l’elfe des yeux. Je veux bien être poli et gentil, mais pas complètement stupide.

"Puis-je vous demander ce que vous faîtes dans cette forêt, dame… ?"

A mon tour de laisser ma phrase en suspend, attendant un nom qui ne viendrait peut-être pas. Comme la réponse à ma question qui était aussi sûr que l’attente de son nom.
Je remarquais les pics qui maintenaient sa coiffure. Simples accessoires ou armes de secours ? Je ne savais pas, mais mieux valait prévoir ce qui pouvait arriver que de se faire surprendre.

"Puis-je vous demander ce que vous faîtes dans cette forêt, dame… ?"

"Korydwen. Korydwen d'Aleronde. C'est un honneur."

Avais-je besoin de mentir en cet instant ? Sans doute pas. Peut être aurait il mieux valu que je dise la vérité d'ailleurs, après tout, rien ne permettait d'inculper Ravëfanwen Lorandara, pensais-je ; mais dissimuler mon identité lors de rencontres comme celle ci était devenu comme un réflexe.

"Et je pense que vous avez déjà votre idée sur mon activité en ce lieu, bien que je ne sache pas depuis combien de temps vous avez l'oeil sur moi. Je récoltais des plantes pour en faire des infusions et des pommades curatives."

En revanche, cette partie n'était que pure vérité. Après tout, c'est comme cela qu'une herboriste fait fonctionner son commerce, la récolte de simple est une activité essentielle dans ce métier.
Je me souvins alors qu'il avait fait mention d'un écureuil ; si je n'avais pas relevé la présence de ce petit animal, c'est qu'il vivait dans les arbres et ne devait pas se déplacer au sol lorsque Noryan l'avait remarqué. Cela me mis sur la piste pour déduire la façon dont il était apparu si proche de moi en un grand impact sur le sol ; il devait se déplacer d'arbre en arbre pour suivre ma progression. Je me sentais un peu ridicule de n'avoir songé à cela plus tôt, mais les nombreuses traces au sol m'avait fait pensé qu'il se déplaçait de façon plus... conventionnelle.
Je fis rapidement le point sur ce que je connaissais de l'individu. Son nom, son prénom, à condition qu'il ne m'ait pas menti comme je l'avais fait ; je savais qu'il était capable de se déplacer d'arbre en arbre, ce qui démontrait une certaine dextérité et un sens poussé de l'équilibre ; je le savais capable de pister des proies à distance, mais ne pouvais dire comment ; il n'était pas infaillible, j'en voulais pour preuve qu'il n'ait pas réussi à me trouver alors que j'étais camouflée, mais en étais-je certaine ? Pour finir, je savais qu'il faisait partie des Sanctuaris. Il avait prétendu effectuer un exercice ; les diverses traces que j'avais noté dans les bois près de la clairière corroboraient cette hypothèse.

"Vous vous entrainiez dans ces bois et pister une personne qui s'y trouvait également faisait parti de l'exercice ? Dois-je être flattée que vous m'ayez choisie pour parfaire vos compétences ou dois-je m'offusquer d'avoir servi de cobaye contre ma volonté ?"

La vérité était que cela ne m'importait que peu, voir pas du tout. Seulement la réponse à pareille question pouvait m'en dire un peu plus sur le caractère de mon interlocuteur.

"Korydwen. Korydwen d'Aleronde. C'est un honneur."

Ce sera un honneur quand j’en saurais plus sur vous, Korydwen d’Aleronde. Nom peu commun, je me demande si elle m’avait donné son véritable nom ou pas… Elle me paraissait être quelqu’un d’assez prudente et méfiante, mais bon, je me faisais peut-être des idées.

"Et je pense que vous avez déjà votre idée sur mon activité en ce lieu, bien que je ne sache pas depuis combien de temps vous avez l'œil sur moi. Je récoltais des plantes pour en faire des infusions et des pommades curatives."

Il était vrai que j’avais quelques hypothèses, mais je ne pouvais pas en être sûr vu que je ne l’avais pas suivi dès le début de sa récolte. Donc ça ne faisait pas longtemps que je l’observais. Ce qui veut qu’elle ne savait pas depuis combien de temps exactement je la suivais. Mais, si je l’avais suivi dès le début, elle aurait surement repéré ma trace plus tôt, ou quand bien même je n’aurais pas laissé d’indice aussi flagrant après… et bien depuis le moment où elle a débuté sa récolte en gros. Je ne savais pas quand elle avait commencé.

Le fait qu’elle n’avait pas eu conscience de la présence de l’écureuil me trottait dans la tête… Peut-être que son pouvoir de détection, appelons-le comme ça pour l’instant, ne s’étendait que sur ce qui touchait la terre ferme, et n’avait pas de vision global dans un périmètre donné. Ou alors elle n’avait pas jugé nécessaire de l’utiliser jusque là. A ce stade, je ne pouvais émettre que de simples hypothèses.
Elle était calme, parlait avec un ton posé et n’avait pas bougé depuis tout à l’heure. Elle voulait surement en savoir un peu plus sur moi avant de faire quoique ce soit. Ce qui était en soit plutôt une bonne idée. Et moi que savais-je d’elle à part son nom ? Elle peut se camoufler facilement à mes yeux comme à mes oreilles, augmenter sa vitesse au delà de ma perception visuelle, détecter la présence de signe de vie sur des distances assez grandes. Et c’était une elfe noire… Je n’arrivais toujours pas à mettre un nom là-dessus, ça en devenait agaçant.

"Vous vous entrainiez dans ces bois et pister une personne qui s'y trouvait également faisait parti de l'exercice ? Dois-je être flattée que vous m'ayez choisie pour parfaire vos compétences ou dois-je m'offusquer d'avoir servi de cobaye contre ma volonté ?"

Ah, voilà des questions intéressantes, je doutais que mes réponses allaient l’aider.

"Pister une personne ne faisait pas parti initialement de l’exercice, l’idée m’ait venu après, quand je vous ais remarquée."

Bon, là d’accord, ça lui indiquait que je ne la suivais pas depuis le tout début mais ça ne lui disait pas non plus depuis quand exactement.

"Maintenant, que vous vous sentez flattée ou offusquée, ne dépend que de vous. Ce n’est pas à moi de décider ce que vous pensez. Mais… si vous avez quelque chose à cacher ou que vous n’appréciez pas que l’on vous espionne, vous serez surement offusquée. Si ce n’est ni l’un ni l’autre, je n’irais pas jusqu’à dire que vous vous sentirez flattée, mais vous ne seriez pas offusquée. Etonnée, peut-être…"

Cela devrait la faire réfléchir quelque peu, ou pas. Je ne pouvais prévoir sa réaction. Mais, si on continuait ainsi, ça pouvait durer un moment.
Un bruit attira mon attention, me faisant redresser la tête, comme un réflexe. Je tendais l’oreille pour essayer de savoir ce que c’était exactement, mais ça ne devait être qu’un animal. Être en face de cette elfe sans bouger et parler ainsi, j’étais légèrement sur les nerfs. Mes yeux cherchaient vers ma gauche, vers l’origine du bruit.