Retour des Tartentules [Avec Karan]

Le sac de Lya était fixé sur le sien. Les deux sacs servaient de protection à son dos, un avantage quand l'ennemi peut venir du ciel. Le fait qu'il bloque sa vue ne posait aucun souci à l'aveugle. Sinmora se tenait tranquille contre sa jambe, guidant son maitre à travers les racines et les butes qui l'auraient fait tomber.
Le loup jappait, il brûlait de rejoindre l'éclaireuse. Son instinct voulait protéger la jeune femme et Karan aurait bientôt du mal à l'en empêcher.
Lya les retrouva peu après, elle avait trouvé le nid.
En ouvrant les yeux, Karan tomba sur une scène sous-lumineuse, couverte de fils brillants, collant. Le chemin pour y aller serpentait dans les bois. A chaque buisson, le soldat craignait de voir apparaitre une tartentule cachée dessous. Le moindre frémissement du vent se transformait en prédateur...

-Elles sont nombreuses, il faut diviser le groupe. Attires en autant que tu peux en gérer, Sin et moi nous chargerons du reste. Si elles se liguent, nous serons submergés, tu comprends ?

Karan lui montra les fils collés aux arbustes et aux arbres. Il posa une main sur un fil, le mouvement se répercuta dans toute la toile.
Une araignée se précipitait sur lui, bientôt suivie d'une autre.

Elles avaient de longues pattes poilues, des mandibules menaçantes. Karan ne se laissa pas touché par les fils de soie, il plongea son épée entre les deux pinces de la première à se présenter.

-Sin, attaque !

Les fils de soie rompaient au contact de sa fourrure métallique. Le loup plongeait dans la masse, se dents se refermaient sur la patte velue d'une autre tartentule.

Le sang de la tartentule gouttait à son coude, Karan retira son bras de la tête qu’il traversait. Son épée l’avait perforé jusqu’à l’abdomen. Le monstre s’écroula à ses pieds au son d’un arbre traversé par le vent.
A ses côtés, Sin se léchait le museau. Sa mâchoire puissante n’avait fait qu’une bouchée de l’araignée. Le loup attendait ses prochains ordres. Ils ne tardèrent pas. L’aveugle repéra deux autres araignées engagées sur la toile. Apprenant de l’état de leurs soeurs, elles se séparaient, aiguisant la curiosité d’autres araignées, elles renforçaient le groupe pour encercler Karan et son loup.

Elles descendaient des branches les plus hautes. Six araignées approchaient de tous les côtés.
Sin sauta sur une première d’entre elles, crevant le cercle qu’elles formaient. Karan à moins d’un mètre du robot faucha les pattes d’une tartentule. Elle se coucha brutalement sous son arbustre plein de fruits, les mandibules fendant le vide.

Le soldat voulait gagner du terrain et ne pas les laisser l’encercler de nouveau. Quelques pas et deux mandibules sortir du sol. Le buisson qu’il croyait innoffensif était une araignée cachée dans le sol… Karan trébucha et s’il évita d’être mordu, il tomba sur le côté. L’araignée approcha sn abdomen luisant, elle s’apprêtait à l’enrouler dans sa toile. Sin se rua sur elle. Il la maintenait au sol d’une patte et de la gueule lui arracha la moitié des pattes.
Karan en profita pour se relever. Il devait prévenir Lya du risque…

-Sin, cherche Lya !

A la suite de son loup, Karan courait à travers les bois pour retrouver la kitsune.

Le monde est en noir et gris, les ombres n'ont ni relief, ni texture et elles défilent sous son regard. Karan suit le loup, aveuglé par la vitesse, le chien se ramasse sur le lui-même. Comme les humains, le soldat ressent en lui le danger, cette masse de métal qui s'étend, lancée vers une araignée qu'elle percute. Une hésitation et il s'arrête, le loup a attiré l'attention des araignées, ses griffes déchirent des toiles invisibles entre les troncs. Il jappe, aboie, le prêtre se demande qui du loup ou des araignées est le monstre. C'est là qu'il la voit, Lya empêtrée dans des restes de toiles.
Il accoure vers elle et lui tend les bras pour l'aider à se remettre. Karan pense à toute vitesse, les araignées sont venimeuses et Lya présente des contusions.

-Elles t'ont mordues ?

Il cherche dans une poche la dose de feu distillé et s'arrête. Dans le dos de Lya, une toile commence à vibrer. Elle tend et tire vers elle des buissons, des arbustes et les branches basses d'ancien feuillus. Le bois craque lentement et des débris commencent à choir du ciel.

Le soldat comprend qu'ils n'ont pas le temps de vérifier si elle est empoisonnée ou non. Il laisse Lya et dresse son épée entre lui au moment où une énorme araignée lui tombe dessus. Il lui perfore la carapace ventrale. Pour un mammifère ce serait suffisant pour le tuer. Mais c'est une arachnide.
Piégé par l'élan de l'animal, il est projeté au sol et sa tête cogne contre une racine.
Aveugle à la vision en teintes de gris, il ne voit plus que des ombres et des lumières floues. Il sait que l'araignée est sur lui et qu'elle s'apprête à lui arracher la tête. Son épée logée dans le ventre de la créature, il a les bras coincé sous son poids.

Karan appris en cet instant qu'on ne tue pas une araignée avec une épingle. Il en faut beaucoup plus pour tuer cet animal.

Sa tête en vibre encore, il voit à peine Lya s'éloigner avec l'araignée. Une âme forte en lui, elle lui répond de toute sa fureur. Une liesse avec un cor et un drapeau, Karan se relève épée à la main.
Il n'a pas le temps de répondre à Lya, d'autres araignées se joignent à la fête. Son arme levée, il se revoit mille ans auparavant sur un champs de bataille, une lutte désespérée qui le dévorait de l'intérieur.

Le soldat avance d'un pas, une araignée ouvre grande ses mandibules, huit yeux attirés par l'éclat de l'arme. Un rayon de soleil perce le feuillage, traverse les branches et à cet instant précis explose sur l'épée. Karan abat son arme entre les deux crochets, l'épée s'enfonce de quelques centimètres dans la carapace de la bête.
Un cri guttural en provenance de son ventre résonne dans la forêt. Il tire sur le manche de l'épée et le tranchant sépare définitivement le crâne en deux lobes suintant. L'araignée et son buisson tombent sur le côté.

L'odeur de leurs fruits montent dans l'air. Il y a les rayons de lumière filtrés arrivant jusqu'au sol, au delà, l'aveugle perçoit Sinmora. Le loup et sa puissance mécanique arrache des pattes et des branches sans discernement. Il combat et plus encore.
Karan siffle. Le loup se défait d'une araignée tremblante et accoure jusqu'à eux.

-Ne nous dispersons pas, elles arrivent.

Karan n'allait pas mourir manger par une araignée qui produit des fruits et elles avaient bien assez rendues cette mission compliquée.

Il entendait les pattes d'une araignée attraper l'écorce d'un arbre. Elle n'était plus très loin. Dès que sa tête fut en vue, Karan bondit vers elle et écrasa son épée et son épaule sur la bête, la tranchant nette.
Une drôle d'image lui venait en reculant vers Sin. Elle ressemblait un peu à un gros oignon coupé sur une planche de cuisine... Une consœur s'essaya à approcher par le sol, le loup bondit sur elle. De toute son poids, il la plaqua au sol. Karan n'eut plus qu'à traverser son crâne d'un coup d'épée pour en finir.

C'était la victime de trop. Avec toutes leurs toiles mal en point et une dizaine de leurs congénères en morceaux, les tartentules prenaient la fuite. Les quelques survivantes traversaient la forêt en faisant grand bruit et à toute vitesse.

Lya se redresse et s'éloigne. Karan est essoufflé, les bras douloureux et pourtant il lui emboîte le pas. Elle ne l'aurait pas inspecté de la tête aux pieds sinon.
Ignorant le but de cette manœuvre, il se préparait au pire. Un nid, des œufs, d'autres toiles. Il lui effleura l'esprit qu'elle pouvait pister une araignée géante. Il faut avouer que l'Entre-Monde a un souci avec la taille des choses.
Le chant du ruisseau arriva à ses oreilles après que son cœur se soit calmé. Il accueillit l'air humide et frais sur son visage avec plaisir.

Sinmora jappe et couine sur la berge. il joue avec Lya toute entière plongée dans le cours d'eau. Il est rassuré pour eux deux et le vieux soldat s'autorise même à boire et se laver tête et torse. L'eau froide saisit ses muscles, elle dénoue les courbatures avant qu'elles ne surviennent.

Au retour de Lya, elle semble aller mieux. Mieux qu'entre les pattes d'une araignée.

-Je n'ai rien, une bosse et des égratignures. Et toi ? Tu n'as pas l'air de souffrir du venin.

Sin monte la garde, Karan le lui avait ordonné lorsqu'ils avaient terminé de jouer avec l'eau. L'animal fixait la forêt, assit et attentif. Le prêtre enfin interrompait son pouvoir. Une lassitude immense s'empara de lui.

-Nous devrions prendre du repos et reprendre la traque de ces araignées demain matin. Je ne verrais plus rien pendant des heures maintenant.