Retour des Tartentules [Avec Karan]

Spoiler:

Il accepta volontiers la proposition de dîner, constatant même qu'elle ne logeait pas en ville. Karan avait la possibilité de dormir sur K'ouen ou K'ien, il ne s'était jamais embarrassé d'un logement en ville lui non-plus. Il n'en n'avait jamais éprouvé le besoin. Sa vie au temple avait parachevé ce mode de vie.
Karan n'avait tout simplement jamais eu de chez lui qui ne soit d'abord propriété d'un gouvernement.

Après s'être installés, elle choisie d'avouer ses particularités. C'est très sérieux que l'aveugle répondit :

-Je dois donc être honnête moi aussi, j'ai terriblement peur des renards.

Il lui décocha un sourire espiègle sous ses yeux vides, amenant un peu de légèreté à leur table.

-Le véritable aveux serait de dire que j'ai un humour assez mauvais. Ce n'est pas tout. Je ne chasse pas en tant qu'aveugle aidé d'un loup de combat. Je suis capable d'interrompre momentanément ma cécité et autrefois, quand mes yeux ne me faisaient pas défaut, j'étais plus que capable de me servir d'une épée, peu importe l'environnement dans lequel j'étais. C'est encore faisable. Bien que voir en noir et blanc n'aide pas à évaluer les distances en forêt...

Pensif, l'aveugle glisse une main prudente sur la table. Quand elle fut sous ses doigts, il souleva la cruche d'eau et avec expérience, il remplit leurs verres.

-Il me rappelle que je dois être prudent.

Karan flattait le loup, la tête massive pressée contre ses jambes.

-Il a bien d’autres utilités, tu le découvriras bientôt.

Karan sentit dans la tension du loup sous sa main que quelque chose changeait. La tête se déroba sous sa prise. Sin allongea le cou jusqu’aux doigts de la jeune femme, il les sentit. Il lapa l’extrémité, pensant qu’elle allait lui donner de ce repas odorant qu’il sentait et voyait depuis peu.

-Tu ne crains rien avec lui, il est programmé pour se tenir tranquille sauf si l’ordre contraire lui est donné. Sa programmation principale l’oblige à me protéger et à me guider si je le demande et il ne peut ignorer les ordres qui lui sont donnés. C’est un loup robot pour aveugle…

Son plat lui était également apporté, il ne perdrait rien à ouvrir les yeux quelques temps… Oubliant les réticences de ces dernières semaines d’ermitage dans sa propre tête, Karan retrouvait luminosité, objets et formes avec une forme d’ivresse. Les porcelaines luisaient vraiment fort. La cruche était posée bien proche du bord de la table, il leva ses yeux morts vers la jeune femme lui faisant face. Il ne l’avait pas imaginée ainsi. Maintenant qu’il l’avait vu, il ne se souvenait pas de l’apparence qu’il lui avait donné dans ses pensées. Mais c’était très différent de la voir en vrai.

L’aveugle pris fourchette et couteau et mangea en silence quelques instants. Il leur fallait discuter d’un tout autre sujet maintenant qu’ils avaient fait connaissance.

-Nous pouvons convenir d’aller à Verdi par perçant. La marche vers le Nord pourra prendre plusieurs jours, jusqu’à ce qu’on trouve le premier groupe.

Karan pensa à Vala au temple. Il ne l’avait pas encore prévenu et elle se débrouillerait bien sans lui. Il pensa aussi aux araignées qu’ils allaient chasser. L’été s’achevant, elles doivent produire des baies en grande quantité. Il se promit d’en rapporter quelques-unes à son assistante.

-Même avec l’apparence d’un kitsune, dit-il enfin, ces araignées seront bien plus grosses que toi. Je pense que Sin pourra t’épauler durant la chasse. Il est plus massif et constitué de métal, il est donc moins comestible pour nos amies fruitières.

Karan ne sut comment répondre à la question qu’elle lui posait. La jeune femme lui parut être plus jeune encore, le coup d’œil rapide en noir et blanc n’avait pas été d’une aide précieuse pour juger de son âge. Surement que les Kitsune ont une espérance de vie différente de celle des humains, alors il ne pouvait avoir un jugement clair. Cette dernière question au contraire l’éclaira plus qu’une vision furtive.

-Peut-être qu’elles le pourraient.

Il se révélait plein d’humour ce soir… Ce n’était pas bizarre, c’était une âme d’enfant qui s’exprimait. Lya avait donc attisé l’une de ses âmes victimes, il chérissait la survivance en lui. C’était parfois un désavantage, son humeur ou son caractère était pollué par les leurs. Le prêtre se connaissait calme et détendu, il n’était pas habitué à être un boute-en-train.
Il termina son verre avant de reprendre avec beaucoup de sérieux. Il le fallait pour faire taire cette envie de continuer les blagues espiègles, contre-productives puisqu’il s’agissait de se préparer pour une mission de chasse.

-Je suis là pour éviter qu’elles ne tentent de te dévorer. Sin et moi feront ce qu’il faut. Nous pouvons même établir un plan basic. A affiner quand nous serons sur le terrain. Tu as les moyens de les repérer et j’ai les moyens de les découper.

Il effleura de l’index le bois vernis de sa canne. Le pommeau se détacha du fourreau et quelques centimètres de lame étincelèrent à la lumière.

-Je m’inquiète surtout qu’elles viennent des arbres. Avec leur buisson sur le dos, pleins de fruits, elles ne doivent pas être très agiles… Je l’espère en tout cas. Sinon, nous aurons besoin d’un appât. Et d’éviter leurs toiles.

Karan l'écouta partir, il caressait la large tête du loup. Le museau posé sur sa cuisse, ce grand chien tout en métal se comportait plus comme un animal de compagnie. Il flatta son col rugueux, lui souriant. Le loup eut le droit de finir son assiette.
Sinmora nettoya avec soin la moindre goutte de sauce. Le propriétaire reçu son paiement seulement après avoir récupéré sa vaisselle propre et brillante.

Ils quittèrent les lieux pour se trouver un endroit où dormir. Le prêtre avait l'embarras du choix. Il trouvait que la caserne des commissaires de K'ouen était le meilleur. Le loup y trouverait de quoi s'occuper pendant que son maitre se repose.

Le lendemain matin, l'aveugle prit le chemin de l'auberge. Sinmora était impatient de retrouver Lya, il tirait sur sa laisse et forçait à Karan à presser le pas.

L'aubergiste l'accueillit avec un grand sourire, surtout quand Karan commanda pour trois personnes. L'aveugle s'installa à une table. Il sirotait un café au goût prononcé de chaussettes marinées, Sin finissant les restes de la veille à ses pieds.
Il avait repensé au plan, il n'aimait pas l'idée que l'un d'eux serve d'appât. Les araignées n'étaient pas des traqueuses. Elles aimaient poser des pièges. Leurs toiles immenses pourraient se retourner contre elles si bien utilisées. L'aveugle dessinait sur une serviette une toile d'araignée. L'impatience du loup l'avait contaminé...

Je sortis de la taverne et me dirigea vers une auberge que j'avais repéré à proximité.

Le prix d'une chambre simple n'était pas très haut, mais tout de même au dessus de mes moyens. Je tentais le marchandage mais ne parvint pas à obtenir une grosse ristourne. En soupirant, j'usais donc de mon pouvoir sur l'aubergiste et parvins à faire baisser de plus de moitié le prix de la chambre, réussissant à éviter de justesse une invitation dans sa chambre "Gratuitement en plus , mademoiselle ..!"

J'attrapais la clé et monta rapidement les escaliers pour m'enfermer dans la chambre plutôt simple mais propre. Laissant mon sac tomber sur le lit, je m'approchais de la fenêtre ,laissant mon souffle chaud former de la buée sur la vitre.

Je repensais à ce Karan, me demandant si je pouvais lui faire confiance pour cette mission , lui et son étrange loup robot. Je ne me posais pas forcément cette question avec mes autres coéquipiers. Par exemple, avec Layn, j'avais tout de suite sus que je pouvais mettre ma vie entre ces mains sans crainte. Avec Moana et Kaname aussi , la question ne s'était pas posée à vrai dire. Mais cet homme , prêtre qui avait une canne contenant une épée ... Cela titillait mon instinct.

En baillant, je m’assis sur le lit. En Kitsune, je serais plus à même de déceler le vrai du faux de cet homme. Et puis, comme je lui avais dit, nous devions nous faire confiance pour mener à bien cette mission. Je devais donc laisser mes questions et doute de côté pour me concentrer sur ces ... tartentules ...

Je finis par me coucher et m'endormit bien vite, recroquevillé en boule contre les draps.
Les premiers rayons de soleil vinrent caresser ma joue avec douceur, me sortant des bras de Morphée. Je me leva et me lava rapidement sous le jet d'eau chaude de la petite salle d'eau , m'habilla avec une tenue facilement "retirable" attacha mes cheveux en queue de cheval haute et , une fois mon sac à l'épaule, partit rejoindre Karan et son loup.

Les deux étaient déjà là pour m'accueillir à la taverne de la soirée précédant et je leur souris à tous deux, m'asseyant avec eux pour manger quelque chose avant notre départ.


- En forme pour notre mission ?

Tout en mangeant , je réfléchissais à notre plan pour aujourd'hui.. Mon regard tomba sur un dessin : une toile d'araignée. Le trait était fin et précis. Il semblait que Karan l'est dessiné. Plutôt impressionnant pour un aveugle .. Même s'il semblait "voir" à sa manière.

- Alors .. as tu réfléchi sur la manière de procéder pour ces tartentules ? Gardons nous le plan de l’appât ?

Bonjour, Lya.

Karan obligea le loup à rester couché à ses pieds, Sinmora couina de frustration. Il appréciait la jeune femme et recherchait à tout prix sa compagnie. L'aveugle le comprenait mais tous les deux ils devaient se tenir convenablement. Il ne céderait pas à de mauvais instincts, ni aux murmures d'une âme espiègle qui riait au fond de lui. Le loup devait prendre exemple et se comporter avec la même retenue.

- J'ai bien dormi. Et toi ? Te sens-tu prête ?

L'utiliser comme appât était dangereux. Le soldat estimait que ce pouvait être un bon plan si les araignées étaient peu nombreuses et bien éparpillées. Mais dans le cas où elles seraient agglutinées au même endroit, ils devraient agir ensemble pour les repousser. Laisser Lya seule au milieu d'une mêlée, c'était trop risqué.

- Nous verrons sur place si ce plan a des chances de fonctionner.

Il patienta quelques minutes qu'elle termine de se restaurer. Quand l'heure arriva, il lui offrit son bras pour les téléporter à Verdi.

L'ambiance changea, la place où ils s'étaient téléportés était bondée de monde. C'était jour de marché. L'aveugle fit rouler sa canne sur le pavé usé, bousculé au départ, peu à peu un espace providentiel se dessinait autour de lui. Les regards échangés entre les badauds étaient révélateurs. Ces gens ne savaient pas se comporter en compagnie d'un handicapé. Une aubaine car ils s'écartaient sans qu'il soit nécessaire de le leur demander.

L'air était frais, la montagne s'élevait dans leur dos. Verdi n'était pas très grande, ils mirent quelques minutes à rejoindre la route quittant les hauteurs. Le voyage en forêt allait être long. Karan s'arrêta à une échoppe de voyageurs. il choisi pour eux des provisions et des gourdes de peau pleines d'eau.

A partir de cet instant, ils entraient dans la forêt pour ne revenir que lorsque les araignées ne seraient plus qu'une poignée... Les premiers arbres cachaient un environnement dense, à l'odeur puissante. Les oiseaux chantaient en cacophonie, Karan se sentait un peu étourdit.Ses sens ne lui étaient d'aucune utilité. Il recouvra rapidement la vue, juste après avoir presque chuté en butant sur une racine. Sa canne ne lui servant plus à rien, il dégaina son épée et s'en servait pour leur frayer un chemin dans la dense végétation.
Dans son autre main, il utilisait une boussole. Eva avait parlé du Nord, c'est dans cette direction qu'il marchait.

-Fais moi signe si tu perçois du danger.

Le loup avançait au devant d'eux. Les odeurs, les sons, tout l'attirait. Karan gardait un oeil sur lui, car Sinmora entendrait le premier les dangers venir à eux... C'est ce qu'il espérait surtout.