Il faut une femme pour préparer convenablement une soirée parfaite-ment romantique

Lys entrait avec une joie sans limite dans l'épicerie. Son magasin favoris dont elle était personae non grata car son propre père avait été clair avec les employés du Miroir : si sa fille approche une arme à feu à moins de dix mètres, il se chargera de faire de la vie de cet employé un enfer. Car Lys n'était pas la fille de n'importe qui, elle était celle d'Ayame. Soeur par adoption de Wergeld. Mais lui, c'était une autre histoire.
Elle venait pour lui, elle avait conçu un plan parfait pour permettre à son petit frère de coeur -qui n'avait aucune compétence en matière d'amour- à préparer quelque chose de spécial. Bien sûr, le jeune homme avait tout prévu.

Après plusieurs mois de suggestions subliminales, Wergeld, enfin, accomplissait son devoir pour le plus grand plaisir de Lys. Il n'avait pas été très heureux de devoir réfléchir à la manière dont il préparerait le moment fatidique.
Des semaines entières, il avait fallut déployer des trésors de patience et pratiquer un lobbying intensif pour obtenir de lui une idée qui ne soit pas de faire porter à un arcturien une banderole enluminée pour la plus grande honte de l'amour de sa vie...
Non, sa dernière idée était somme toute plus abordable, même pour le coeur d'un androïde la précédente aurait causé des dommages irréversibles à leur relation...

Lys, les oreilles frétillantes traversait les rayonnages en quête du saint-graal, l'élément clef : la signature qui ferait de cet instant quelque chose d'inoubliable. Et c'était plus qu'une simple observation : pour oublier, il faudrait renvoyer à la SPA le pauvre animal... Avec un rappel quotidien de ses efforts, Xénon ne pourrait pas louper la chanson.

Enfin ! L'animalerie se présentait devant elle. Lys observait avec un regard heureux les créatures, caressant une truffe, jouant avec un coussinet et puis : les Camitou.

Ils étaient étranges, semblaient maladroits avec leur coque métallique... Mais l'un d'entre eux serait parfait. Lys chercha du regard la vendeuse.

Avec de la chance, elle aurait même le temps de visiter l'armurerie... Tout dépendait de son père. Elle n'imaginait pas que l'elfe écoutait furtivement ses mouvements dans l'épicerie pour l'en extraire avant que la visite de l'armurerie ne devienne une possibilité.

L'hybride profite du soleil et de la fraîcheur de l'heure matinale pour y montrer sa frimousse, certainement son côté félin si ressort. Dans la grande court arrière, Leiline a sortit les Lilavènes dirigé par une Eden plus que joyeuse. C'est que ça s'engourdit à force de rester dans des enclos à rien faire.

Le petit spectacle se fait sous les yeux bien avisés de la femme-chat, Zéphyris agrippé sur son bras gauche.

- Bon, j'avoue avoir largement dépassé l'heure d'ouverture là, il est grand temps que je t'amène à ta place à l'accueil.

- Avec plaisir dame Leiline, mais pourquoi ne pas me supporter de votre bras droit plutôt ?

- Sachant que je n'ai pas de gant de protection ? Hors de question.

Le petit troupeau de nouveau dans leur habitation, Leiline se redirige vers l'Epicerie et sursaute lorsqu'elle tombe nez à nez avec une cliente.

Dans un premier temps, elle se dit qu'elle a oublié de laisser la porte d'entrée du bâtiment fermée, ce qui va à l'encontre de toutes les règles de sécurité qu'elle a mit en place depuis sa nomination. Ensuite semble être elle aussi une femme-chat. Leiline en a croisé que très rarement depuis son arrivée en Entre-Monde, ça lui fait toujours une étonnante et agréable surprise de rencontrer une congénère féline.

- Bonjour et bienvenue dans l'Epicerie madame ! Veuillez pardonner le retard de la maîtresse des lieux pour l'ouverture de son commerce.

Le sourire de l'hybride s'efface pour y laisser une moue incompréhensible à l'adresse du Mangoustan.

- N'en rajoute pas Zéphyris. - Elle offre un grand sourire à la femme. - Bonjour ! Que puis-je faire pour vous ?

un frémissement dans ses oreilles, Lys attendit patiemment l'arrivée de la jeune femme aux commandes de ce navire. Elle la salua d'un large sourire, une tradition de famille qui consistait à être d'une politesse irréprochable et à arborer un sourire lumineux en toute circonstance. Le genre de sourire qui met du baume au cœur et de la lumière dans les âmes les plus sombres.

-Lys, dit-elle en lui donnant une main à serrée. Mon père ne cesse de faire l'éloge de votre animalerie et de sa bonne tenue depuis votre arrivée.

La jeune femme avait hérité d'Ayame cet bienveillance envers la vie sous toutes ses formes.

-Nous nous étions déjà vues, il me semble, au marché de Noël. Wergeld achetait quelques cadeaux.

Elle mit de côté son goût pour les armes, qui ce soir là avait fait frôler la crise cardiaque à Ayame. Lys se tourna alors vers les Camitous dans leur enclos.

-Je voudrais adopter un camitou, c'est possible que son revêtement soit bleu nuit, avec des reflets. Ah ! J'oublie le plus important, il doit absolument être étanche.

Lys avait un défaut, son agoraphobie soignée, elle n'avait jamais perdu cette nervosité incontrôlable qui faisait frémir ses oreilles. Elle craignait d'en dire trop, révélant les dessous d'un plan complexe et chronométré à la seconde près... Enfin, presque. On parlait de Wergeld. Ses plans, d'ordinaire, consiste à attendre l'occasion et à frapper le premier.

Leiline lui serre la main sans hésitation. Ça lui fait toujours de l'effet de recevoir des compliments d'autres personnes, mais ça lui fait un autre effet de ne pas reconnaître quelqu'un qu'elle a pourtant croisée, qui plus est une hybride aux oreilles de chat. C'est un air gêné qu'elle lui lâche la main.

- C'est gentil de la part de votre père, mais je suis vraiment désolé de ne pas vous avoir reconnue avant … Ce qui est un comble quand je croise une congénère.

Notre femme-chat fait rebondir une de ses oreilles du bout de son index. Elle finit par reprendre un sourire plus assurée quand la dame lui fait part de sa commande et dépose son index sur le front.

- Très bien, je note. - Elle désigné Zéphyris sur son bras. - Je vais déposer d'abord cet oiseau moqueur sur son perchoir et je suis à vous tout de suite !

Elle accourt vers le comptoir pour déposer le Mangoustan à la place qui lui est dédié et attrape délicatement Floyd qui attendait bien sagement que sa dresseuse se daigne à le laisser s'accrocher à son avant-bras comme elle a l'habitude de le faire. Tout en marchant, elle commence déjà à prendre quelques notes sur le petit clavier sur son dos, écran relevé pour créer la fiche de commande de sa cliente.

- Alors, pour le revêtement il n'y a pas de problème, nous avons un Camitou tout trouvé ! Par contre il faudra faire quelques modifications dessus pour le rendre étanche. De ce fait, ça ajoutera dix Pims de plus à la facture. Ça vous convient toujours ?

Après avoir eu l'accord de sa cliente, Leiline l'invite à se rendre dans la salle d'attente à l'accueil et retourne récupérer l'heureux élu pour travailler son étanchéité dans l'atelier. Ce n'est qu'une bonne demie-heure après qu'elle sort, fière du travail accompli et convie la dame chat à la rejoindre au comptoir pour conclure la vente, toujours avec le sourire.

- Les modifications sont appliquées ! N'hésitez pas à revenir me voir s'il y a le moindre soucis avec lui. Ça vous fera trente-cinq Pims avec ça.

Spoiler:

-Oui oui, vous pourriez même tripler le prix, ce n'est pas moi qui paie...

Lys arborait toujours ce sourire solaire, trait de famille, mais il s'accordait à un brin d'espièglerie dans son regard et son allure. La femme-chat était on ne peut plus heureuse que la transaction se passe si rapidement. Leiline ayant immédiatement compris qu'elle était pressée. Lys se voyait déjà dans l'armurerie prête à essayer les derniers modèles.
Elle rêvait encore d'acquérir un fusil à pompe, ou bien un fusil d'assaut. Elle s'imaginait le porter à l'épaule en pleine forêt et défendre la veuve et l'orphelin (Wergeld parti mourir on ne sais où).

Sauf que son père avait déjà tout deviné. le baladeur qu'elle portait dans la main vibra. La voix d'Ayame traversa l'oreillette qu'elle tenait à distance de son oreille.

-Ma chérie, nous avons presque terminé au laboratoire, nous t'attendons.

Lys ne put réprimer une moue boudeuse. Car l'épicière revenait à peine.

-D'accord, je vous rejoins dès que j'ai terminé ici.

Lys accueillit le Camitou avec plaisir, par réflexe elle lui caressa la tête et se présenta en sourire et douceur. Ce faisant, elle raccrocha sans dire au revoir et abandonna l'idée de repartir vite pour Cerclon. Et puis quoi encore...
Elle manqua d'oublier de donner le badge pour le paiement à la commerçante. Elle le donna tout en bavassant de plus bel.

-Dites, vous avez des nouveautés en armement ? ça fait longtemps que je ne suis pas venue.

Elle rougit jusqu'au bout des oreilles.

-Mais, enfin... Faudrait éviter que mon père soit au courant.

Elle s'essaya à un sourire complice.

Notre hybride dresse les oreilles lorsque sa cliente lui parle d’armement. Elle a l’air d’être une adepte contrairement à Leiline qui a fait de son mieux pour refourguer ce commerce à quelqu’un d’autre.

La Commerçante observe sa congénère hybride un air désolé tout en encaissant sa commande.

- Ça risque d’être difficile de vous donner les nouveautés, je ne gère plus la partie arme à feu désormais.

Leiline récupère un bout de papier arraché d’un calepin pour y gribouiller une adresse et le donne ensuite à la jeune femme.

- C’est à cette adresse que se trouve l’Armurerie officielle de l’Entre-Monde, à Tern. N’hésitez pas à aller y jeter un coup d’œil du coup !

On a beau dire les goûts et les couleurs, notre féline ne comprend toujours pas ce qui attire les gens sur ces engins de destructions. Elle s’est pourtant bien prit un revolver à l'époque où elle les vendait mais elle sait qu’elle ne l’utilisera qu’en cas d’extrême nécessité.

Leiline sourit et salue chaleureusement la cliente, suivit de Zéphyris dans son habituelle courbette théâtrale.

Lys, tout d’abord paru dépité. Comment ça plus d’arme à feu à l’épicerie ? Quel dieu cruel pouvait ainsi détruire son seul plaisir dans la vie ! Puis, une adresse et un Tern sembla briller en lettre de feu sous les yeux de l’hybride.

-Vraiment ? Ils ont cédé ce marché ?

C’était dit avec toute la retenue dont elle était encore capable. Lys en avait des trémolos dans la voix car aujourd’hui sa passion pouvait s’exprimer librement. L’armurerie ouvrait dans un quartier où son père n’avait aucune force à disposition. Des espions, oui, mais aucun membre du personnel de K’ouen n’irait risquer un Conseil houleux pour suivre la progéniture d’un Milicien. Aussi haut-gradé soit-il.

Lys céda à son instinct premier, la joie gagna son visage et sous la pression la fit trépigner d’impatience.

-C’est génial ! Merci !

Elle ne savait plus trop pourquoi elle remerciait Leiline. Le camitou lové dans ses bras, Lys la salua trois fois avant de réussir à contacter Ayame pour lui dire :

-Ne m’attendez pas, je dois faire un crochet vers Tern.

Evidemment, l’elfe n’était ni surpris, ni heureux. Et ça, c’était bon à entendre. Il s’égosilla, il tenta de la dissuader, mais trop tard, le mal était fait. L’extraction musclée qu’il imaginait était morte dans l’oeuf. Sa tornade de fille prenait son indépendance et son papa-poule en avait le coeur brisé.