[Détective très privé] Thoran & Associés

L'oeil invisible.
Cela sonnait drôlement bien, le slogan était inscrit en lettre sans sérif sous le titre de la nouvelle société installée à Rivetiel. Dans un immeuble neuf entre l'agence luxueuse de la BCP et un immeuble de belle taille appartenant à un miroir quelconque, il faisait petit, rustique, survivant...C'était bien pour cela que je l'avais choisi.
Ou peut-être n'avais-je pas les moyens d'acquérir des bureaux autrement.Que dis-je !Acquérir... Je loue une fortune les locaux au-dit miroir qui se targue d'acheter de l'immobilier comme des petits pains.

La présence de la banque et de l'administration rendait le coin intéressant pour démarrer une nouvelle activité.


Plus sournois et plus discret qu'un chat noir, qui pourrait me concurrencer ? Les sanctuaris voient d'un mauvais oeil un enquêteur privé se placer juste en face de leur petite antenne à Rivetiel. Je leur fais un signe de la tête et m'empresse de leur montrer mon derrière tout en montant les marches de mes bureaux.
J'entre par une ingénieuse chatière fixée à la porte. Le bureau de ma future secrétaire est vide. Mon bureau est énorme en face du sien, je saute sur le fauteuil avec souplesse et puisqu'il n'y a aucune affaire en cours, je m'enroule serein sur le coussin moelleux de mon trône.

C'est l'heure d'une petite sieste.

J'ouvris grand les yeux, pupilles fendues vers un jeune homme aux cheveux hauts en couleur.

-Diantre, un client !

Debout d'un bond, droit et fier comme un coq (un chat, comme un chat), je le regardais de la tête aux pieds. Jamais on ne réveille un chat si brusquement, voyons. Nous sommes des êtres sensibles et délicats. Le sommeil d'un félin est sacré, je vais proposé la mention au Conseil des Maitres.

-Messire, je n'ai qu'un propriétaire et c'est moi-même. Pwyll des Thoran, détective. Prenez un siège je vous en prie.

Sans assistante, je ne pouvais pas lui offrir un café. C'était cliché de toute manière. Je n'aime pas les clichés, ils manque de classe. Or, il est important que le détective Pwyll de Rivetiel soit irréprochable... Je vais tout de même installer un panneau sur les horaires d'ouverture de l'agence. Venir pendant l'une de mes siestes, ce n'est pas possible, je ne peux pas travailler dans ces conditions. Pour commencer, le travail n'est pas un loisir que j'affectionne. Le seul qui me convient c'est celui de dormir sur ce fauteuil moelleux, ledit trône avait même emporté la substance de mes économies.
Le poisson frais étant cher, travailler était un détour obligatoire dans la vie d'un noble chat noir indépendant.

-En quoi puis-je vous être utile ?

Les clients, je vous jure ! Je dis ça en situation d’expert en la question. Il se pourrait que ce soit mon premier client, or les humanoïdes sont très faciles à cerner. Je dis donc : Les clients ! Peut-on dire que je pensais très fort à un dicton connu à base de chat qui s’ennuie…
Mes moustaches frémissent au dessus de la photo. Jeune homme, cheveux blancs, peau blanche, il avait l’air passe-partout. Ce ne sera pas facile de le retrouver, celui-là.

-Une photo, c’est là toute la matière que avez ? C’est un peu léger et mon métier n’est pas de faire du porte-à-porte.

Sur mes dépliants, j’avais fais écrire en calligraphie criarde : je retournerais toutes les cachettes d’os de l’Entre-Monde pour vous. Inscrites en tout petit dans un coin au contraste relatif, de petites lignes expliquaient le contraire. En plus, les tarifs s’engraissaient avec la difficulté de la mission.

C’est amusant, je chasse une grosse souris précise parmi beaucoup de souris. J’ai envie d’un bon repas. Le client étant toujours assit, mon nez infaillible me disait que cette réunion n’était pas terminée. J’ai oublié de parler de quelque chose.
Des détails sur lesquels je ne posais pas la patte. Ma queue battait en rythme le cuir de mon fauteuil. Je dardais deux yeux verts sur mon client. Dans sa quête de l’inconnu aux cheveux blancs, il manquait de me dire l’essentiel.

-Vous n’avez pas l’air vénal… Vous m’avez l’air sincère, c’est presque pire. Dites-moi ce que vous lui voulez à ce garçon. Racontez moi tout. J’adore les histoires. Mais attention ! Il n’y aura pas de ristourne pour m’avoir divertis. Mes tarifs dépendent de ce que vous cherchez. Vous voulez son CV ou son emploi du temps ? Votre petite amie vous trompe et vous voulez des photos compromettantes pour faire marcher un contrat de mariage ?

L’avarice, elle se voit. Dans les plis disgracieux de leurs visages sans poils, c’était un furoncle. C’est la seule chose que n’importe qui peut reconnaître sans avoir jamais côtoyé un autre humain avant. C’est courant, très répandu sans distinction de genre ni d’espèce.

-Ca ne peut pas être ça. Vous n’en avez pas après son argent. Ça se voit.

Elliot déglutit en se rendant compte que l’enquêteur n’allait peut-être pas accepter aussi facilement, il semblait même presque réticent. Mal à l’aise, l’ondin se recoiffa pour essayer de cacher ses doutes.

-Vous n’avez pas l’air vénal… Vous m’avez l’air sincère, c’est presque pire. Dites-moi ce que vous lui voulez à ce garçon. Racontez moi tout. J’adore les histoires. Mais attention ! Il n’y aura pas de ristourne pour m’avoir divertis. Mes tarifs dépendent de ce que vous cherchez. Vous voulez son CV ou son emploi du temps ? Votre petite amie vous trompe et vous voulez des photos compromettantes pour faire marcher un contrat de mariage ?

Il y eut un silence tandis que Pwyll observait la sirène de ses yeux félins et perçants, le rendant un peu mal à l’aise.

-Ça ne peut pas être ça. Vous n’en avez pas après son argent. Ça se voit.

Non effectivement, Elliot n’en avait rien à fiche de l’argent de ce garçon. Mais comment tourner l’histoire de façon à ce que le chat détective accepte sa demande ? Car il était hors de question que William soit soupçonné à cause de cette histoire ! Et il ne devait pas savoir que la sirène s’était mise en danger pour lui… Non, pour son propre égoïsme. Il réfléchit un peu mais trouva une solution, une sorte de compromis entre réalité et mensonge.

- En effet, je ne suis pas vénal, son argent ne m’intéresse pas. Mais vous aviez un indice ! Cet homme s’est approché un peu trop près de mon compagnon, et j’avoue être très jaloux. Que voulez-vous, les sirènes ne sont pas connues pour être partageuse… Enfin, cet homme a aussi entraîné mon compagnon dans une sombre affaire et j’aimerais le retrouver pour lui parler et faire en sorte qu’il ne s’approche plus de mon bien-aimé. On fait ce qu’on peut pour garder ce qui est notre ! N’est-ce pas ?

Elliot tenta de sourire avec sincérité, espérant être suffisamment convaincant pour que Pwyll accepte sa requête.

Une sirène, rien que le nom me faisait saliver. Les sirènes sont les meilleures chasseuses de poisson de l’univers. Leur grand défaut était leur amour pour l’eau. Et moi, ça me filait des boutons la mer...

-Certes. Certes. Peu de monde va jusqu’à embaucher un détective.

Je me souviendrais que les sirènes représentent un marché intéressant. Mes oreilles en perdirent tout sens de la retenue dès qu’il parla d’affaire louche. Ma première enquête allait me ramener à Magna ? Voilà qui me hérisse les poils du dos.. Je me sens comme un hérisson.

-A quel genre d’affaire votre ami a été mêlé ?

Un chat curieux, c’est rare. Un chat curieux qui n’exige pas son paiement à l’avance encore plus rare. Je me trouvais très commercial avec ce client. Je mériterais donc un repas digne dès qu’il aura repassé la porte. En attendant, plus j’aurais d’infos sur notre homme et ses motivations et mieux je me porterais. Surtout si je dois aller dénicher des informations sur lui à Magna.
Dans quoi vais-je embarquer mes griffes toutes neuves… Si je trouve des choses louches, ça va lui coûter un bras, ou dix ans de livraison de thon frais. Je préfère le thon frais. Je n’ai rien pour cuisiner un bras ici.

Mais j’oubliais, je ne savais pas à quoi ressemblait son compagnon. Une photo ne serait pas difficile à obtenir, je me retins de lui en demander une. J’irais la chercher moi-même.

Sur le bureau un formulaire neuf attendait. A rivetiel on trouve tout à prix fou, avait dit le vendeur d’une plume miniature. Cette grosse bague, là sur son présentoir, hérissée d’une griffe dorée, se plongeait dans un pot d’encre et même un chat sans pouce opposable pouvait s’en servir pour écrire.

Je sautais sur le bureau pour aller l’enfiler sur ma patte droite, une pression sur une marche miniature déversa une dose d’encre dans une coupelle. Je ne résistais pas à l’envie de la renifler tout en risquant la blancheur de mes moustaches.

Après avoir résumé l’affaire et adjoint la photo de l’inconnu, je poussais le dossier vers mon client.

-Une dernière chose, remplissez vos coordonnées, je vous contacterai dès que j’aurais des informations pertinentes. A chaque fois je vous demanderai si vous souhaitez creuser l’affaire un peu plus ou non. Je vous annoncerais le prix à chaque fois. Pour le moment, ça fera 20 pims. Vous ne payerez que lorsque j’aurais obtenu quelques éléments. Signez en bas, pour le contrat.

Ça disait que je n’étais pas responsable si ce jeune homme jalousement amoureux se retrouvait avec des ennuis durant mon enquête. J’allais déterrer les problèmes, valait mieux qu’il n’oublie pas dans quoi je fourrais mon museau.

Aïe aïe aïe, toujours plus de questions suspicieuses ! Elliot ne se sentait vraiment pas a l'aise, il avait un peu peur de comment les choses allaient tourner. Mais d'un autre côté, cet enquêteur était très professionnel à poser ainsi autant de questions, ce qui rassurait dans un sens l'ondin incertain. Là encore, il allait devoir broder pour empêcher que William soit désigné coupable du meurtre....

- Cet homme a emmené mon compagnon au Love Hotel, je ne sais pas par quel chantage. C'est là qu'ils ont été vu et que la photo que je vous ai donné à été prise. Et comme par hasard, au moment où ils y étaient il y a eu un meutre ! Je suis certain qu'il espère que les Sanctuari lui fassent porter le chapeau a sa place !

Elliot tentait d'être le plus crédible et convainquant possible. Il fallait absolument qu'il accepte ! Finalement après une longue réflexion, Pwyll prit un document et...une sorte de plume pour chat ? Il remplit sa partie du formulaire et la signa puis tendit le document au jeune ondin qui y nota les coordonnees de la boutique pour éviter que William ait des soupçons . C'est bon il acceptait l'affaire ! Il lui rendit le formulaire complété en souriant.

- Merci beaucoup Mr des Thoran. Je compte sur vous.

L'aquatique le remercia encore. Il avait bien lu les lignes qui expliquaient que le detective ne serait pas responsable des conséquences de ses recherches. L'ondin en avait bien conscience... Il se leva et salua le détective en lui souhaitant bonne chance puis se dirigea vers la sortie, mais il n'avait pas vraiment l'esprit plus léger.