La traque

J’écoutais leurs palabres, observa attentivement les informations d’Augure sur ces différentes notes, tout en me désaltérant de temps à autre. Un petit rire s’échappa de mes lèvres quand Corben sursauta à cause du petit tour de passe-passe d’Augure. Au moins ce dernier avait commencé quelques recherches, un bon point on avancera plus vite. Petit clin d’œil pour Corben et les souvenirs de notre promenade dans le désert. Cet Augure s’avère surprenant, avec son aspect et son caractère assez barbare, il est plus méthodique que je ne le pensais. A prendre en compte, un jour je suis sûr que ça me servira de savoir un détail tel que celui-ci.

Un sonar ? Hmm… Je n’aime pas trop vers le genre d’idée auquelle ils tendent… Un sonar, un ultrason serait plus efficace pour énerver la bête si c’est ce qu’ils cherchent. Mais un léger problème se posera, enfin pour moi…

« A défaut d’un sonar, ton joujou mécanique pourrait produire un ultrason ? »

Je ne suis pas une experte en informatique, car on n’assassine personne avec un ordinateur ou tous dérivés… Sauf si un ordinateur vous tombait sur la tête… Bref, là n’est pas la question. Un ultrason me semblait plus simple à programmer qu’un sonar non ? Je bus une gorgée avant de reprendre.

« Le seul souci de ce plan pour attirer la bête, c’est que moi non plus je ne risque pas de… Comment dire, tomber en adoration d’une telle sonorité titillant mes oreilles. »

Même si je bouchais mes oreilles, le son serait peut-être supportable, mais pas indéfiniment. Malheureusement, si un plan B ne se présentait pas, on serait forcé de prendre le A. Oh, un détail dans ce plan si merveilleux vient toquer à mon esprit.

« Pour savoir, juste, pour l’attirer dans le canyon, on s’organise comment concrètement ? Trois qui attendent au canyon et le dernier qui va chercher le chat perdu ou deux et deux ou… Quoi ? Non parce que c’est bien beau votre histoire d’holocaméra-appat avec une magnétic, mais je doute la boule de métal sache piloter. »

Voilà qui va se révéler intéressant. Qui va se dévouer pour être le conducteur fou de la magnétic à chat-chat ?

L'idée de l'ultrason est judicieuse, prometteuse même. Elle a même le mérite d'obliger la diva à arrêter de se tourner les pouces. Ouais cette foutue idée a vraiment du charme ! Maintenant qui va conduire ? De toute évidence Tara semble vouloir éviter de trop s'approcher de l'ultrason... qu'est-ce que la nature nous a encore pondu ? En fait je m'en fou, on est tous des monstres aux yeux de quelqu'un. Le problème c'est qu'elle devient out pour faire l'appât.

-Corben tu resteras en couverture en haut du canyon. C'est là que toi et ton pote nous serez le plus utile.

Je désigne son fusil à lunette. Ouais, il sera plus efficace de la-haut et déjà en place pour faire feu sur les sachets. S'il a une objection il ferait d'ailleurs bien de nous en faire part de suite parce qu'on a pas que ça à faire de tergiverser.

- Tara, si l'ultrason te met hors course pour faire l'appât autant que tu te mettes en position dans le canyon, prête à recevoir notre invité.

Libre à elle de faire ce qu'elle veut en fait. De tous les membres du groupe c'est celle qui me paraît la plus capable. Je m'inquiète donc pas trop, elle saura où se mettre et quoi faire. Il est temps de penser au rôle de la journaliste et d'user de diplomatie.

- La diva... a toi la magnétik. Tout droit, à fond pendant un kilomètre. Tu crois que tu en es capable ?

Le ton était provocateur au possible. Une preuve de plus que moi et la diplomatie ça fait deux... et puis en fait ça m'amuse trop de la piquer au vif. Bref, je lui laisse pas le temps de répondre et j'enchaîne direct.

- J'ai ma propre moto. Je m'assurerai de garder le chat motiver. Je veillerai à ce qu'il n'ai pas l'idée de rebrousser chemin, ni de faucher l'appât.

Je marque une pause et regarde un à un mes coéquipiers. Je crois qu'il est grand temps d'éclaircir un point.

- Là-bas, on agit en équipe. On veille les un sur les autres. On ne laisse tomber personne.

On botte le cul à ce foutu chat ensemble. C'est le principe de base qui nous maintiendra en vie. Je sais pas si cette tirade sur la solidarité les étonne. Je me fous pas mal de ce qu'ils pensent de moi à vrai dire, mais quand j'accepte un travail, je le fais et bien. J’investis sang et larmes pour mener le contrat à terme. Si ça signifie travailler dans une équipe, je suis prêt à mettre tout grief personnel de côté et à faire corps. Le tout est de savoir si ceux autour de cette table sont prêts à faire de même.

Je hochais la tête à la remarque d’Augure. Au moins, je ne serais pas collé au chat, même si l’idée de batailler un monstre géant sur une moto lancée à toute allure dans le sable du désert avait quelque chose d’épique. Je regardais Augure avec un regard un peu désappointé.

- Bon… Je suppose que le chat sera trop occuper à poursuivre la source de l’ultrason pour te faucher, toi. Le plan me plait. Faudra juste que je trouve un bon coin d’où je pourrais surveiller et aligner les sachets.

Le plan s’organisait de mieux en mieux, ce qui permettait de croire un minimum en notre réussite. Car bien que je n’avais vraiment jamais douté de la chose, un petit bémol vint titiller mon esprit quand Augure balança sa petite tirade surprise de celui qui fera face quoi qu’il arrive. Pas que ça colle pas avec le personnage, mais ça collait bizarrement mal avec son allure…

- « On abandonne personne ». Hunhun… Et si jamais, justement, on est dans une situation plus que me*dique, on a un plan de repli stratégique ? Ou tout ce petit monde ici présent compte partir joyeusement au devant d’une possible mort sans savoir quand sera le bon moment pour se dire que le chat a gagné ?

Oui je suis lâche parfois. Mais j’estime que la vie vaut la peine d’être vécue et je refuse de risquer la mienne pour sauver quelqu’un dont le trépas prochain est quasi-inévitable. Je levais les mains devant moi, en guise d’excuses/explications.

- Loin de moi l’idée de faire passer l’impression que je me barrerais en courant si quelque chose tourne mal, mais si quelque chose tourne TRES -voir trop- mal, je refuse de mourir pour la gloire. Cette mission va me rapporter 200Pims alors qu’on se comprenne bien , je n’ai pas l’intention de vous laisser tomber. Mais je compte bien toucher cette prime, donc : vous n’avez pas intérêt à mourir.

Je me doutais bien qu’ils avaient tous l’intention de rester indemnes, mais je préférais m’assurer que tous n’étaient pas aussi tête brulée qu’Augure. Ce type me faisait encore plus froid dans le dos avec l’idée du « Try or Die » ancré dans son esprit. Quoi de mieux en partant à la chasse aux animaux géants qu’un fou furieux qui tient absolument qu’il y ait un cadavre, que ce soit la proie ou le sien… Je fis glisser les clés de ma machine le long de la table, vers Syena.

- M’selle Syena, je vous confie la belle mécanique. Evitez si possible de trop la reprogrammer, c’est qu’on s’attache à ce genre de bestiau. Pensez à couper l’ultrason quand le chat sera piégé, je ne voudrais pas la voir finir entre ses crocs… Au niveau de la préparation, on est grosso-modo OK. Reste à voir ce qui nous reste à préparer pour cette fin de journée.

La chasse allait clairement attendre demain, vu que le soleil commençait à décliner et qu’il était hors de question de chasser de nuit. Froid, manque de lumière et potentielle nyctalopie du chat allaient poser problème sinon…

Ce plan ne me paraissait pas trop mal, mais je me demande bien ce que je vais pouvoir faire dans le canyon, à pied… Je sais que je courts assez vite, mais je doute que je supplante le félin qu’on allait traquer. Cependant, une personne dans cette position peut s’avérer utile si le tireur, Corben, ne peut assez anticiper l’arrivé du matou pour savoir quand tirer sur les sachets… C’est à réfléchir quand on aura trouvé l’endroit ou piéger la proie.

« Bien, je pense que ma position pourra mieux se préciser demain, quand on se rendra dans le canyon pour mettre en place le piège. Et oui demain car je doute vous soyez nyctalopes si ? En plus si on pouvait ne pas se soucier de la température, ce serait ça en moins. Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit et à demain, à l’aube cela va sans dire. »

Je finis mon verre d’une traite et quittais la table pour me diriger vers la sortie de l’auberge, je voulais un peu m’aérer l’esprit. Avant de passer le pas de la porte, je tournais la tête en direction de Corben.

« Oh et ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de mourir. »

Léger clin d’œil accompagnant cette phrase, et je fis le dernier pas, quittant l’auberge. Je marchai le long de la rue, regardant le Soleil se coucher au loin. Je repassais le plan et son déroulement dans ma tête. La personne qui fera l’appât va devoir faire confiance à Augure, du moins, le temps d’amener le félin jusqu’au piège. Et vu le sentiment de sécurité qu’il inspire, je n’étais pas sûr que ce soit du gâteau.

Après avoir marché un moment, et m’être posée sur un toit telle une vieille habitude, j’entendis mon ventre se manifester. Mieux vaut que je ne sois pas affamé pour demain, alors je retournais à l’auberge et demanda à l’aubergiste s’il était possible de manger quelque chose. Il hocha la tête en signe d’affirmation et je me dirigeais vers une table au fond, pris place pour attendre le dit repas. Repérant Augure, seul, je lui adressai une simple question.

« Penses-tu que la diva, comme tu l’appelles, va s’en sortir avec la magnétik ? Car il est possible que je prenne sa place, suffit que je mette des bouchons dans les oreilles. Ce qui atténuera les ultrasons et me permettra de conduire la magnétik, du moins assez longtemps pour attirer le matou. »

Je le laissai un temps dans ses réflexion pendant qu’une jeune fille me déposa une assiette et me donna des couverts. Je comptais attaquer mon repas, mais voyant qu’Augure restait planté là, je lui fis une proposition.

« Tu veux manger quelque chose avec moi ? Ou si tu préfères t’occuper seul ou autre, on répondra à ma question demain, la nuit porte conseil. »

Sur ce, je m’en remis à mon assiette. Après, au lit !

-Madame a-t-elle des instructions pour la gestion de ses rendez-vous ?
-Tout à fait : Annule-les tous jusqu'à... Jusqu'à mon retour.

Ilinca de surprise lâcha un hoquet aigüe en regardant la coque de la Legacy se refermer sur Dinu Mihai tout sourire. C'était bien la première fois que la dame se précipitait à l'aventure avec un petit quelque chose... Un petit truc inhabituel.
Si la gérante était capable d'imaginer la déesse avec cela, elle aurait sans doute dit que la déesse avait l'esprit du risque, un air ... Espiègle ?

La deux-roues s'éloignait quand la jeune femme fut enfin assez remise de ses émotions pour retourner dans la banque.
Pour ces prochains jours le personnel avait prévu de palabrer sans arrêt des dernières lubies de leur grande patronne. Il faut l'avouer ! Dinu Mihai qui prend la tangente pour aller s'amuser (se défier d'un Arcturien) c'était le genre de chose qui n'arrivait jamais.
Enfin ! L'Entre-Monde est une terre d'impossible, alors un requin de la finance sur une moto, ça se fait, même si ce requin là portait des robes et un large collier aux motifs sumériens en bronze.

Dun avait l'air morte de beau matin. Arrivée aux pieds du lac, la déesse s'était seulement assurée que les titres Zelva, Precision et Chance n'avait pas bougé de sa poche de poitrine. Un passant l'avait alors abordé pour lui indiquer que le groupe d'aventuriers était arrivé la veille et se trouvait en ce moment à l'auberge.
Chance était définitivement dans sa poche sans aucun doute possible. Elle lui sourit aimablement et fit rouler à allure lente la moto jusqu'à l'auberge.

-C'est ça , répondit-elle au gaillard qui venait de lui parler comme à la dernier des inconvenantes.

Elle gagna l'auberge. L'aubergiste fraichement levé s'excusa platement de ne pas être convenable pour accueillir "Madame Dinu Mihai" et il ne la fit pas attendre longtemps avant de lui désigner les chambres de toutes les personnes qu'elle venait chercher.
Une minute plus tard elle tambourinait à chacune des portes. Le temps que ce petit monde saute du lit, elle regagnait l'extérieur et sa monture toute de métal vêtue.
C'était bien l'Entre-Monde ça ! Fournir à une déesse du métal un véhicule entièrement en cette matière (si on omet les pneus et deux ou trois joints et réservoirs).

Elle trouva Augure, lui signifia que les autres ne tarderaient plus. Juchée sur la deux-roues, elle patientait autant qu'il lui était possible.
Et si les autres prenaient leur temps, elle ira les réveiller autrement...

Le chat géant gisait à mes pieds, Augure assommé gisait dans un coin, n'ayant presque pas été utile depuis le début quand il s'était fait happé par l'Acturien.
Syena filmait mon heure de gloire tandis qu'une jeune femme blonde me regardait avec des yeux rempli d'amour. Une foule en délire scandait mon nom, et deux videurs jetèrent sans ménagement Augure hors du champ de la caméra tandis que Myra -c'était bien elle- s'approchait de moi, confiante et reconnaissante.
Et me donna trois coup de poing qui sonnèrent comme un bruit de tambour.
Quand je réouvrais les yeux, tout avait disparu. J'étais dans la chambre miteuse d'hier, plus de Myra, plus de caméra, plus de foule en délire, et quelqu'un qui tapait continuellement à la porte, me demandant d'ouvrir.
Rapide check : je n'ai plumé personne hier,  donc les Sanctuaris ne devraient à priori ne pas être à ma recherche. Théoriquement, je pouvais ouvrir sans crainte.

Je me traînais jusqu'à la porte de la chambre et l'ouvrait, encore décoiffé et les yeux mi-fermé par le sommeil, et tombait nez-à-nez avec l'aubergiste que se dandinait sur place, se tortillant les mains en disant qu'il était désolé-de-me-réveiller-si-tard-mais-voyez-vous-madame-Welgaia-s'était-présenté-à-sa-porte-pas-plus-tard-que-tout-de-suite-pour-partir-avec-vous-et-que-s'il-savait-bien-quelque-chose-c'était-qu'on-ne-faisait-pas-atendre-madame-Dinu-Mihai-Welgaia-non-non-non-s'il-vous-plait-dépêchez-vous avant de partir répéter mot pour mot sa tirade paniquée à la chambre de Taranya et Syena.

Je restais une bonne dizaine de seconde les yeux mi-clos et la bouche entrouverte, un air d'incompréhension sur le visage, avant de faire demi-tour et d'aller me recoucher, persuadé que tout ceci n'était qu'un rêve tordu et que la vraie vie était celle de tout à l'heure.
Sauf que le gérant repassa avec ses « non-non-non-vous-ne-pouvez-pas-vous-rendormir-s'il-vous-plait-écoutez-moi-c'est-sérieux » et me secoua pour m'empêcher de retrouver mes beaux songes. Fichu monde où même les Demi-dieux se font réveiller par de simples humains.
Oui, j'étais grognon et acerbe le matin, mais personne n'aime se faire réveiller à l'aube vers les 9h30. Même pas le temps d'avaler un petit-dej digne de ce nom, l'aubergiste nous poussant presque dehors en même temps qu'il amenait un simple morceau de pain. Ce chat à la noix va non seulement me payer des vacances, mais il va me payer un séjour dans un restaurant le plus chic possible. Non mais.

– M'dame...

Simple salutation à la nouvelle venue -j'étais un peu crevé/remonté pour saluer avec tout la prestance qu'elle méritait-, petite inclinaison du chapeau et je sortais mon Sakrina. La Magnétic (légèrement) cabossée se matérialisa et une fois que Syena me rejoignit, je récupérais la clé et stockait mon fusil.
Taranya sortit peu après et tout ce petit monde démarra les moteurs  plus ou moins silencieusement -du moteur à explosion d'Augure à l'entièrement électromagnétique pour moi-, direction le désert et l'oasis.

Nous arrivâmes rapidement à la formation rocheuse que allait nous servir de piège géant grandeur nature. Une fois à la base, je mettais pied-à-terre. L'heure des préparatifs était arrivé. Une fois Dinu Mihai sorti, nous lui expliquâmes le plan. Je ressortais le fusil du Sakrina et le bloquait derrière mon épaule. Je récupérais du coffre de la moto le sac contenant le tabac et les munitions.

– Je dois monter pour trouver un point de vue suffisement efficace. Je vous laisse le tabac, vous le disposerez là où je vous l'indiquerais. S'il vous plait.Rajouttais-je rapidement, voulant couper court à ma mauvaise humeur matinale.

Spoiler:

Toute déesse qu'elle était, Dinu Mihai n'était vraiment pas habituée à aussi peu de déférence. Elle était venue en renfort et c'est comme ça qu'on lui montrait de la reconnaissance ? enorgueillie par sa victoire sur un basilic plus d'un an auparavant, elle les snoba fièrement en retrouvant son véhicule.
Des débutants, voilà tout !

Dinu Mihai lorgna sur les hautes falaises.
Leur plan consistait à attirer le chat vers l'endroit où le tabac l'attendrait, c'est-à-dire : un appât, un piège, un gars pour tirer la corde de la cage à lapin.
Sauf que la cage n'a pas de porte !

-Quand l'arcturien arrivera ici, comment allez-vous le convaincre d'y rester assez longtemps pour respirer la fumée ?

Même avec une telle quantité, il faudra qu'il l'inspire plusieurs fois pour que cela fasse véritablement effet. Aussi, la banquière leur fit remarquer que les chats comme de nombreux mammifères n'étaient pas de grands amateurs de cigares. Le feu et la fumée pourrait le convaincre de s'éloigner et ce n'est pas un homme et une moto bruyante qui empêcheront une telle créature de s'éloigner du brasier.

Et peut-être qu'ils désiraient son aide pour arranger ça ?
Toujours juchée sur la moto, le bouclier replié elle les observait au dessus d'un léger sourire.