La traque

Dun. Un village peuplé d'artisans et de commerçant. De ce que j'en sais, il survit uniquement parce qu'il est à un carrefour de routes commerciales. Je me demande qui voudrait vivre dans un pareil lieu. Entre les cailloux et le sable, il n'y a presque pas d'arbres. Pas d'ombre et même le lac n'apporte que peu de fraicheur. Un four emplit de menteurs et de voleurs. Voilà ce qu'est ce village. Je l'ai su dès que je suis arrivé, il y a deux jours de ça. Je l'ai su quand une quinzaine de marchands m'ont accueilli avec leur sourire mielleux et leurs paroles qui l'étaient tout autant. "Ici c'est un commerce honnête." C'est la phrase qui revient le plus dans cette bourgade. Ils se foutent de moi ou quoi ? Honnêteté et marchandage ne peuvent coexister. Mais peu importe.

Deux jours durant j'ai récolté les brides d'infos que voulaient bien me donner les habitants. J'ai appris tout ce que je pouvais sur le monstre, j'ai fait une reconnaissance des environs et attendu. J'attends toujours d'ailleurs. J'ai pris une chambre à la taverne du coin et demandé qu'on y fasse monter tous les étrangers qui se pointent. Le meilleur moyen de retrouver mes "camarades" sans le moindre effort.

J'entends des cris dehors.

Est-ce notre proie qui s'invite à Dun. Non, pas assez de vacarme et de panique. Je sors de la taverne et découvre que le village est attaqué par une horde de Zombis. Décidément, ils sont partout ! Une irrépressible envie de violence s'empare de moi. Voilà ce qui arrive quand je poirote pour rien. Il est temps de libérer cette frustration ! Je passe devant une étale et j'enfile mes cestes. Je franchis la forge en me munissant au passage d'une pioche. Et moins de trois seconde plus tard cette pioche vient empaler un zombi contre le mur de terre de la forge. Je dégage mon arme improvisée, et du mur et du cadavre. des bout de cervelle se sont accrochés au métal. Mais je n'ai pas le temps de m'en préoccuper. Un autre cadavre ambulant me fonce dessus. Je me téléporte au moment ou il essaye de m'agripper et réapparais derrière lui. D'un puissant coup de pied, je l'envoi dans le brasier rougeoyant de la forge. A l'aide de la pioche je le cloue dedans. Difficile de dire s'il crie ou non, mais en tout cas il s'agite, convulse et remue frénétiquement quelques instant avant de trépasser à nouveau.

Sang et larmes.

J'empoigne une fourche et la loge dans le crâne d'un autre mort-vivant. Mais déjà un autre me chope dans le dos. Je prends appui sur le mur et pousse de toutes mes force. Nous voilà tous deux entrain de tomber à la renverse dans le brasier. Je me téléporte avant de roussir. Le zombi, lui, se voit transpercé par l'autre côté de la pioche. Incapable de se défaire de ce piège, il cuit comme son pote l'a fait un peu plus tôt.

Je prends le temps d'observer les alentours et dans la pagaille, je vois l'un des inscrits à la chasse d'Arcturus. Bien, il est temps de se mettre en route.

Sang et larmes.

Dun. Une petite merveille pour les gens de mon genre. Le croisement routier mercantile par excellence. Cette ville a quelque chose de magique : Vous y achetez quelque chose, le revendez plus cher deux-trois rues plus loin, et découvrez deux jour après que votre objet est vendu au prix fort par le même marchand qui vous l’a vendu à l’origine. La chaleur abrutit ceux qui pensent faire des affaires et fait le bonheur des bars : Quoi de plus réjouissant qu’une enseigne de troquet dans une fournaise désertique ?
Aux commandes de la Magnetik, je laissais le vent m’apporter les odeurs d’alcool, de coups de couteaux dans le dos (une odeur reconnaissable entre mille pour ceux qui sont habitués !), de « tapis-persans-pour-le-prix-d’un-tapis-percé » et de cadavres en putréfaction.

Tiens, d’ailleurs, cette odeur-ci était inhabituelle. D’habitude, les marchands ont la décence de cacher les corps. Et ils évitaient de faire bruler les corps en plein rue, vu les volutes de fumée noire… Bon j’avais du louper un genre de lynchage de voleur de pommes…. Alors que je m’approchais de la ville, de nombreux marchands fuyaient sur leurs montures respectives en hurlant ou en pestant contre la perte de leurs biens.
Et dans la rue transversale, trois zombies finissaient de se partager un morceau de viande qui devait appartenir avant à un habitant. Poussant la Magnetik plein gaz, je laissais l’adrénaline guider mes gestes et les 650 kg de la machine à l’assaut des mort-vivants. Profitant de mon excitement et d’un brin de folie pour pousser un cri d’attaque style « Incomiiiiiiiiing ! », je sautais quelques mètres avant que la moto ne percute de plein fouet les trois Zombies, les transformant de mort-vivants à l’état de mort-purée.
Ma moto, elle, transporté par le poids et la vitesse, s’envola quelques mètres et retomba lourdement (avec un bruit de métal tordu) dans le sable du désert. Ce qui heureusement pour les frais de réparation, absorba le plus gros du choc.

Quand à moi, je voltigeais « élégamment » pour retomber sur le sol, faisant dune bonne dizaine de roulades pour éviter de passer moi aussi du stade « corps normalement constitué » au stade « tas de chair sanguinolent vaguement humaine ». Le sable aidant, je m’en tirais avec quelques éraflures, un mal de crâne et un tournis du diable. Me relevant comme je pouvais (avec une sacrée envie de vomir), je distinguais vaguement Mister Iceberg s’approcher, avec derrière lui, un bâtiment enflammé. Encore chancelant, je le pointais du doigt et prononçait, mi-amusé, mi-nauséeux. :

- Tu devrais rester là et attendre que la reporter prenne ce plan ! S’éloigner en marchant d’un endroit en feu à toujours été un bon moyen de paraitre génial !

Et sans attendre sa réponse, je me dirigeais vers ma moto en trébuchant, pour vérifier qu'elle fonctionnait encore et récupérer mon matériel. D'autres personnes arrivaient mais pour ma part, seul mon bébé mécanique m'importait pour le moment.

Dun. Il fallait vraiment que l’on passe par ce petit village désertique ? Oui je le connaissais… Et certains marchands, pour ne pas dire presque tous, me connaissaient aussi. On va restreindre aux marchands si vous voulez bien hein. Même s’ils le cachaient bien, car ils savaient les risques encourus s’ils osaient seulement penser à mon nom. Affublée d’un long manteau touchant presque le sol, couvrant une chemisette dont le bas était noué sous ma poitrine, short et bottes pour parfaire l’ensemble, je marchais le long de la rue. Lunette de soleil sur le nez, je regardais ici et là, remarquant bien le regard fuyant de quelques marchands. Petit village tranquille, si on laisse de côté les marchands qui vous assaillent…

Tiens ? Des cris ? Il pouvait certes y en avoir mais pas de ce genre. Mon premier réflexe fut immédiat, je rejoignais les toits et courut en direction des cris. Oh ? Mais quelle surprise, mes acolytes se trouvèrent déjà là. Je regardais les actions d’Augure, toujours aussi… Direct. Un léger sursaut de ma part provoqué par l’instant pyroman d’Augure. Bah oui, moi et le feu ce n’est pas vraiment une histoire d’amour.

Je m’accroupissais sur le rebord du toit, observant toute les actions. Un rire amusé mais non sans discrétion s’échappa de mes lèvres lorsque je vis le p’tit Corben lancer son engin et se… Réceptionner ? Au sol, en tout cas il restait entier et vivant. Vint ensuite Syena, elle se croyait dans un jeu vidéo ? Mais cela valait mieux que rien. Amusant, elle paraissait plus intéressée par la bécane de Corben que par Augure et son feu d’artifice de zombis. Elle possédait plus de cervelle que d’autres journalistes qui filmaient non-stop. Un bon point.

Quand le spectacle touchait à sa fin, sans bouger de mon toit, je lançais à leur intention.

« Ce fut assez distrayant et bien sympathique je dois avouer. » Sourire aux lèvres, je les regardais me chercher du regard quelques instants.

Un pas en avant et je me laissais tomber pour rejoindre la terre ferme. Je fléchis les genoux pour amortir l’atterrissage puis me redressa. Je comptais à nouveau leur dire quelque chose, mais un bruit provenant de derrière moi m’arrêta et je me retournai pour voir de quoi il s’agissait. Pourquoi ça ne m’étonne pas ?

« C’est moi ou c’est un hasard que tu te caches par ici Vlad ? » Lui lançais-je avec une pointe d’ironie.

Ce n’était rien qu’un petit voleur à la sauvette la plupart du temps, mais je remarquais que son regard se portait encore sur…

« Vlad… Tu ne te rappelles pas ce qu’il t’en avait couté la dernière fois où tu as essayé de me voler cet anneau ? Fis-je en portant ma main portant mon anneau sur ma poitrine. Il faut que je te rafraichisse la mémoire ? »

Sa tête se mit alors à faire de vite va-et-vient de gauche à droite. Dommage…

« Alors décampe au lieu de me regarder avec tes yeux de merlan frit. » Lui conseillais-je sur un ton très posé.

Ceci fait, je me rapprochais du reste du groupe et jeta un coup d’œil à Augure.

« Quoi ? Ça t’étonne que je connaisse du monde ou ça t’émoustille que je sache me faire respecter ? » Lui sortais-je avec un sourire en coin.

Oui je sais, navré mais j’aimais bien le titiller quelque peu. Pour des raisons inconnues. D’un signe de tête je saluais Syena et Corben. Bien et maintenant ?

Grand chapeau. Grand fracas. Grand bla bla. Corben est là. Je l'ignore purement et simplement et je continuerai jusqu'à ce qu'il dise quelque chose d'utile. Derrière lui apparaît la journaliste dans une tenue... J'ignore si je dois rire ou cogner ! Enfin bref, pas le temps de s'attarder que Tara fait son entrée. Elle me cherche ? Se faire respecter par une petite frappe de seconde zone... Pitoyable. Je préfère ne pas relever. ça vaut mieux pour tout le monde. En désignant la magnetik, je m'adresse à Corben.

- Je connais un mécano qui pourra t'arranger ça pour trois fois rien.

Aucune moto ne devrait être traitée comme ça et si elle doit supporter un conducteur inconscient comme l'abruti de demi-dieu, au moins aurait-elle la chance d'avoir un bon mécano pour le remettre en état. Bref, passons. S'il veut l'adresse je la lui donnerai. Il est temps de se préparer. Direction l'auberge. Alors que j'arrive à hauteur de miss reporter, je marque une pause.

- C'est toujours mieux que les talons hauts...

Convaincu qu'elle puisse servir à quelque chose ? Non. Mais à défaut d'être utile elle ne nous ralentira pas.

Sur la route de l'auberge, nous passons par un petit marché. Des étales dédiées au milieu du bâtiment pour la plupart. Une petite dizaine de zombies nous fait l'honneur de nous accueillir. Sans ralentir le pas, je m'empare d'un pistolet à clous et fixe le crâne de deux d'entre eux à une étales. Je brise une côte au mort vivant suivant et utilise celle-ci pour percer le crâne de son voisin au niveau de la tempe. Ceci fait j'achève le propriétaire de la côte en lui brisant la nuque. Je laisse les six autres à mes camarades. S'ils ne sont pas capables de s'occuper de ça, autant annuler ce qui nous attend.

Sang et larmes.

L'auberge a été désertée. Il n'y a guère que le patron et une serveuse qui sont restés. Je m'installe à la table dans le coin, au fond. De là, on peut voir tout ce qui se passe dans la salle. Impossible de nous surprendre. Je ne m'attends pas à être attaqué, mais je reste prudent. Les autres y verront peut-être de la paranoïa, mais quand on a toujours vécu à Magna, ces deux mots n'ont plus qu'une seule signification. Mais camarades arrivent et j'attends qu'ils soient tous installer pour passer commande. C'est ma tournée. J'attends que la serveuse prenne note de nos envies et qu'elle s'éloigne avant de parler.

- Primo, ce truc ne prend pas de gros plan de mon visage.

Je désigne la caméra flottante.

- Secondo, tu ne cites ni mon nom, ni mon prénom dans ton reportage.

Deux règles. Pas des menaces, mais des conditions. Je ne menace pas. C'est une perte de temps. Qu'elle ne respecte pas ces règles et je frapperai sans prévenir, avec précision et calme. Channel one n'aura alors qu'à se trouver une nouvelle speakerine. Mon métier requiert anonymat et discrétion. Si elle ne veut rien entendre tant pis pour elle. Je fais une pause avant d'ajouter.

- Des idées pour mater ce foutu chat ?

La serveuse revient avec nos boissons.

-Faites gaffes, elle est jalouse. Souriais-je à Syena avant d’avoir un nouveau haut-le-cœur.

La tête encore lourde, je vidais le compartiment de rangement de la moto. Je vérifiais rapidement que les objets n’étaient pas abîmés avant de redresser la Magnetic. Tout était OK. La moto était couverte d’éraflures du au sable, et un renfoncement du métal à l’avant semblait être les seuls dégâts à recenser. Je tournais la clé et le vrombissement de démarrage se fit entendre, puis le moteur électrique prit le relais. La machine semblait en parfait état de marche.
J’enfilais mon harnais, accrochais mon sac à doc dessus et sortait mon Sakrina. Relâchant mon fusil sniper, le titre accueillit la moto. Ce truc était l’une des plus belles inventions de ce monde. M’ébrouant un peu pour faire passer les derniers vertiges des tonneaux, je calais mon arme sur l’épaule et me retournait vers la journaliste. Me penchant légèrement, un bras plié au niveau du torse et l’autre tendu, indiquant la direction à suive à la demoiselle.

Taranya, encore fidèle au surnom que je lui avais donné de « miss chemise aérée » arriva sur ces entre-faits et tailla une micro-bavette avec un scélérat de passage. Augure fit encore preuve d’un gout raffiné pour le démembrement des mort-vivants et nous en laissa quelques-uns pour l’occasion.

- Eyh si t’es si doué, finis au moins le boulot !

Faisant craquer mes épaules, j’armais mon fusil à l’épaule gauche et ouvrait le verrou. Le zombie le plus proche se tourna vers moi. Je tirais de mon sac une des munitions Enfer achetées précédemment, la chargeais puis armait le verrou d’un geste brusque. Le mort-vivant se rapprocha de moi, et au mépris de toute attitude classique, je me mis à foncer vers la créature pour me jeter entre ses jambes, dos sur le sol. Au moment où la pointe du canon toucha sa poitrine putréfiée, j’appuyais sur la gâchette avec un « surprise » adressé au zombie.
Feu d’artifice de chairs enflammées dans la ville de Dun. Même non chargées de mon pouvoir, ces munitions enflammées et la puissance du fusil ne laissèrent aucune chance au zombie dont la seule partie restant fut ses jambes et le bas de son ventre. Quelqu’un de sensé n’aurait jamais utilisé un fusil de précision comme ça, mais je n’étais pas vraiment quelqu’un d’entièrement sensé. Toujours est-il que c’était efficace. Me relevant rapidement, je m’éloignais des zombies restants pour rejoindre Augure dans l’auberge. Ce parano prit la table du fond, et je le rejoignais, en m’adossant contre le mur. Chose étonnante, il paya la tournée, une fois les autres arrivés.

- Une Harley Wallblanger, pour moi.

Après une nouvelle menace envers la journaliste, le « chef du groupe » demanda des infos. J’avais un peu potassé mon sujet. Je fouillais dans mon sac et lançais sur la table mes 5 sachets de Tabac Blanc, ainsi qu’un des chargeurs Enfer.

- Le tabac dans ses sachets a la capacité d’endormir quiconque respire sa fumée. Vu la taille de la bête, j’ai préféré ne pas prendre de gants. Comme je pense que vous n’aurez pas le temps de jouer aux allumettes pour bruler le tabac, j’ai pris la liberté d’acheter ce joujou et ça –je pointais du doigt les munitions- pour l’enflammer de loin. De toute façon, je ne suis pas fait, ni pas ma corpulence, ni par mon pouvoir, pour me battre au corps à corps avec un tigre de 15metres.

Je jettais un regard à Augure. Rien sur son visage ne me permit de lire si mon plan l’intéressait ou s’il s’en fichait comme de son premier cadavre. Je continuais néanmoins.

- D’après ce qu’on sait, c’est un animal certes plus gros que les autres, mais ca reste un félin. Faites le bouger dans tous les sens et au bout d’un moment, son corps nécessitera du repos. Surtout s’il court. Mon idée, la voilà : Disposer le tabac dans une zone plutôt fermée –un canyon, à la base d’une dune haute, contre une falaise…- et faire en sorte que le tigre soit fatigué. A ce moment-là, je tirerais sur les tas de tabac pour l’endormir. Mon plan comporte par contre quelques défauts. Je levais des doigts a chaque argument. Premièrement, c’est risqué. La bête est puissante et il se peut que nous fatiguions avant elle. Deuxièmement, il ne sera pas facile de l’acculer dans un coin préalablement choisi. Troisièmement, la concentration en fumée risque, en cas de vent changeant, d’être un danger pour nous. Si jamais nous utilisons ce tabac, il faudra que vous portiez des masques.

Je baissais la main et récupérait ma boisson. J’avais exposé mon avis. A eux de juger.

Hmm… Il ne dit rien ? Etonnant, bon passons, on n’avait pas que ça à faire de toute façon. Après les retrouvailles vite faites et peu communes faut dire, on arrive de partout se rassemblant autour du grabuge que nous avait préparé Augure. Quelle délicate attention.

Je suivi le petit groupe jusqu’à l’auberge, où avant de rentrer, telle une étape obligatoire, chacun notre tour on décimait quelques zombies. Genre rien de plus important nous attendait, mais bon, ça défoulera un peu faut avouer. Augure, Corben sont rentrés, reste plus que Syena et moi. Alors qu’elle commence à régler leur compte à ces zombies, je me chargeai de ceux qui se dirigeaient vers elle, mais occupée avec les autres… Un zombie marchant vers Syena, je plaçais ma main sur sa tête, la plaquant contre le mur de l’auberge et vu l’état du crâne, il ne résista pas longtemps. Je m’occupais de ceux qui restaient en brisant la nuque ou en le mettant à terre pour écraser le crâne avec le pied. Ceci terminé, je réajustais sobrement ma tenue, mes cheveux et entrais dans l’auberge.

Bien, puisque tout le monde prenait un petit quelque chose, je regardais l’aubergiste pour passer ma commande.

« Comme d’habitude je dirais. »

Petit sourire et je rejoignais mes compagnons de fortune à leur table. Qui d’ailleurs, déblatéraient déjà leur revendications, Augure envers Syena et son reportage, Corben envers Augure et sa fameuse question du ‘comment on fait ?’ et enfin de Syena envers Augure et Corben. Tant qu’à faire hein.

J’écoutais sans rien dire, le temps qu’ils finissent de communiquer leurs pensées. Corben proposait des idées intéressantes, dont Syena remettait en cause certains points. Bon, un détail ou deux me chagrinaient.

« Syena, à défaut d’avoir de belles images, j’aimerais si possible sortir de cette mission avec le moins de dommages possible. Ensuite Corben, je ne remets pas ta parole en doute, mais tu es sûr que ce tabac pourrait assommer ce félin pour un temps suffisant ? Pas de résistance possible de part ou rien d’autre de cet ordre ? »

Non mais on ne savait jamais, j’avoue que je ne connaissais pas ce type de tabac. S’il marchait ainsi et aussi bien, c’est évident que ça faisait un problème de régler. Après… comment trouver le matou…

« Je pense que ce renseigner auprès des habitants ne serait pas une mauvaise idée. Des fois qu’ils sachent un détail sur ce qu’il attire, ou s’il vient à des moments précis… On peut toujours essayer non ? »

Problème, les habitants vont-ils bien vouloir nous répondre… Moins sûr. Je buvais une gorgée du breuvage que la serveuse avait déposé.

Sous ses airs d'ahuri, Corben a de la ressource. Je l'écoute attentivement. Tara soulève quelques points intéressants. Bref tout le monde est dedans sauf la foutue journaliste qui se croit toujours en vacances. Ses remarques sur ma gueule passent encore, mais elle commence à me les casser menu avec ses airs de diva. Si elle s'imagine que sa part du taff va se limiter à filmer NOS efforts, elle se fout le doigt dans l’œil. En signant la paperasse d'Eva, elle s'est engagée à Chasser. Alors elle chassera. Point barre.

Bref passons. La dernière remarque de Tara... ça fait plusiseurs jours que je m'y atèle déjà. Je suis arrivé bien avant eux et je n'aime pas me tourner les pouces. Je me téléporte sans prévenir pour réapparaître avec des cartes et un carnet. Je déroule la première carte de la région. Elle est annotée en plusieurs points et flèches et cercles tracés en rouge la ponctue.

- Étrangement, la bestiole ne s'est pas encore approchée de Dun. Elle semble se complaire dans le désert et la chaleur.

Je pointe une croix au centre du grand cercle.

- D'après mes observations et les dires des habitants, il y a un oasis. C'est le seul point d'eau du coin assez gros pour désaltérer une bête pareille. A mon avis le matou gravite autour de ce point.

Un coup d’œil rapide à mes coéquipier pour m'assurer qu'ils suivent tous, puis je déploie une seconde carte qui se focalise sur les alentours de l'oasis.

- A l'est du point d'eau, environ à un kilomètre, s'élève un canyon. Haut, très haut et surtout étroit. Le piège parfait.

Je fais passer le carnet à mes camarades. C'est grosso-modo le compte-rendu de ce que m'ont dévoilé les gens du coin, plus deux trois notes, idées. Je leur laisse le temps de se familiariser avec le tout. On sait jamais des fois que miss reportage ait un éclair de génie et se rende utile.

- On prend le chat en embuscade à l'oasis. L'idéal étant qu'il ne puisse boire ne serait-ce qu'une goutte d'eau. On l'énerve assez pour qu'il nous prenne en chasse. On le conduit jusqu'au canyon. Bref, je vais pas vous faire un dessin. La suite c'est le plan de Corben.

Je marque une pause. Non en fait, j'ai fini. A eux de voir si ce plan leur va, s'ils ont d'autres idées ou je ne sais quoi. J'ai juste hâte de partir en chasse. Un formidable adversaire nous attend. Rien que cette idée me fait sourire.

[hrp : Je change de couleur de texte, ce rose fluo commence à me sortir par les yeux ]

Tout le monde se crêpait le chignon joyeusement pour savoir qui ne va pas passer à la télé. Nan mais franchement, la célébrité passagère nous attendait et môssieur faisait la gueule parce qu’il n’est pas photogénique. Et Tara n’y tenait pas non plus. Mais bon sang, ils bossent comment assassins, ces types ? Bon sang, mais laissez-la bosser. Je sirotais ma boisson en écoutant les petits détails chagrins de mon plan. Oui, bah hein, j’avais prévu que il y aurait des failles, on va pas chasser un , on chassait un tigre géant. Je reposais ma choppe sur la table.

– D’après l’Alchimiste d’Élantra –ou du moins son intermédiaire-, un seul paquet d’un coup suffit à envoyer un galet dans les limbes pendant une bonne heure. Donc les cinq paquets en même temps devraient suffire, oui. Et non, c’est universel. Encore faut-il que ce truc ne soit pas immunisé aux poisons… Mais là, c’est plus mon ressort.

Je manquais de m’étouffer avec l’alcool quand Augure disparut magiquement, pour réapparaitre quelques secondes plus tard. Et ce type enchaîna le plus naturellement au monde. Non mais allô ? Prévenir les gens, ça lui arrive parfois ? Je me doutais bien qu’il voulait faire son petit effet avec, mais à quoi ça lui servait de nous montrer ça ? Pouvoir nous dire « Ah, ah, je peux disparaitre et réapparaitre derrière vous sans que vous le sachiez, vous trancher la gorge avec délectation, laisser votre corps pourrir dans un fossé pendant que je tomberais dans la débauche de Magna avec vos propres richesses.» ? Ouais, non, vu le bonhomme, ca serait plutôt « j’irais acheter des nouvelles armes ».

J’avais vraiment une imagination dérangée.

Je toussotais, à moitié étranglé par la boisson et jetais un œil aux cartes qu’il avait ramené avec lui. Il est étrange/malsain/guère sympathique, mais il à l’air organisé… Je pointais tout de même l’espace entre le canyon et la tache bleue perdue dans le jaune.

- Problème. On a tous vu que tu savais parcourir de grandes distances instantanément –et merci pour ça d’ailleurs, j’ai gaspillé une excellente bière- mais nous ? Tu comptes nous faire courir ? Ma Magnetic est en état de marche, mais c’est une monoplace. A défaut, je peux peut-être prendre une de ces dames si on se serre, mais l’autre devra se farcir le voyage à pieds, qui plus est avec le tigre aux fesses. Et même, comment vas-tu forcer le tigre à ne pas rester ? Je serais lui, je me débarrasserais d’abord des parasites pour boire tranquillement après. Vu la dangerosité de la bête, louer des montures n’est pas envisageable - le bon point est que ça éloignera la plupart des prédateurs classiques... Il faut que l’on trouve un moyen d’énerver suffisamment le tigre pour qu’il nous suive...

Je m’absorbais dans la contemplation de la carte. Le carnet d’Augure ne m’avait pas apporté beaucoup, malgré le nombre impressionnant d’info que le type avait récolté. Mais rien sur des potentielles préférences ou répulsions. Nous chassions une bête dont on ignorait tout. Et je n’aimais pas ça. Mais une idée naquit dans mon esprit. Je relevais la tête de la carte, en regardant Syena.

– Madame la reporter, votre holo-caméra ferait-elle sonar ? On pourrait probablement affoler ou énerver suffisamment la créature avec un tel appareillage. Ainsi, je vous prêterais ma Magnetic et vous pourriez attirer le tigre vers le Canyon, en vous mettant à l’abri dans les hauteurs en attendant que l’on fasse ce kilomètre dans le sable… Ca rappellera des souvenirs –Lançais-je à Taranya avec un sourire.