[Ciel] D'or et de Marbre blanc...

Il fallait gravir un escalier constitué de colonnes dont la hauteur augmentait au fur et à mesure en pente douce...
Jusqu'à ce que l'on atteigne le jardin d'agrément. Des roses, des roses de toutes les couleurs. Du lierre et de la glycine qui venaient embrasser les colonnades, les statues abîmées...
Un peu en retrait, un petit temple rond au centre duquel trônait un guéridon et un fauteuil.

Le chemin était en pierre et serpentait jusqu'à un bâtiment à étages. De la lumière se dégageait de derrière les tentures qui ondulaient entre les colonnes. Pour accéder au perron en demi-cercle, il fallait passer un petit pont de bois clair qui enjambait le ruisseau d'eau claire et de sable blanc.

Le heurtoir avait la forme d'une patte de félin griffue, gravée de symboles en grec. L'initié pouvait y lire :

Vetera poussa le lourd battant d'ébène. Elles pénétrèrent dans l'atrium. C'était une grande pièce carrée. En son centre il y avait un bassin d'eau pure, alimenté par une source qui venait du jardin derrière la maison. Le ruisseau coulait doucement, on pouvait y voir les fins galets blancs rouler lentement au fond. Il était enjambé par une toute petite passerelle. Au bord du bassin étaient alignés quelques bancs de marbre et des fauteuils baroque qui donnaient l'impression d'être arrivés là sans raison aucune. Mais cela ne choquait pas d'un point de vue décoratif.
On voyait le jardin, en face, car la pièce n'était pas fermée : entre les colonnes ondulaient des tentures de lin et des fils d'or.
Les plantes vertes couraient partout autour des colonnes, lustres et statues.

- J'ai trouvé Lilanda dans le monde où je voyageais avant, après ma chute de l'Olympe. Kirshiva et moi l'avons recueillie parce qu'elle était maltraitée. Je vous assure que nous avons infligé une sacrée leçon à son... "propriétaire"...

Au bord du bassin, à côté d'un certain nombre de fioles, bouteilles et pots en tous genres, d'onguents, crèmes, savons et poudres, Kirshiva, enveloppée d'un châle vert pâle, trempait ses pieds tout en se passant de l'huile sur les jambes. Elle leva la tête, puis interrompit son activité pour saluer la Panthère.

- Enchantée !

Elle se leva pour préparer un divan afin qu'Uriko puisse s'installer le plus confortablement possible.

- Je m'appelle Kirshiva, je suis la disciple de Vetera.
- Oui, enfin nous sommes devenue amies. Kirshiva va bientôt dépasser son professeur !

Kirshiva eut un petit rire qui devait signifier "Non quand même pas faut pas exagérer". Vetera s'installa dans un fauteuil, invitant Uriko à faire de même. Kirshiva approcha une table basse de bois clair et sortit boissons et gâteaux.

- Que voulez-vous boire, chère Uriko ? Nous avons de l'ambroisie, du miel, des loukoums, du nectar de rose, des muffins, et bien d'autres choses encore... Moi, je n'ai pas besoin de manger, je ne les mange que par pure gourmandise !

Lilanda passa devant elles en trottinant, pour aller s'installer sur un grand coussin de soie qui disparut sous elle.

La déesse se dirigea vers sa chambre pour laisser Uriko et Kirshiva discuter tranquillement. Sa chambre était de marbre mais les murs couverts de tentures de velours rouge. De grandes baies vitrées laissaient passer la lumière dorée. Des banquettes style baroque et diverses tables et guéridons en tous genres meublaient la pièce. À chaque mur il y avait une grande coiffeuse encombrée de fioles de parfums, de boîtes d'encens et de bougies. Dans un coin, l'immense lit à baldaquin trônait.
Elle s'installa à l'une des tables couverte de papiers, de crayons, de plumes et de bouteilles d'encre et continua un croquis non achevé d'une large robe en dentelles.
Puis une idée lui vint, qu'elle réprima aussitôt. Elle aurait tant voulu créer un magnifique kimono pour la panthère, en cadeau... Mais elle ne pouvait donner ses vêtements qu'à Kirshiva, tant qu'elle n'accroissait pas ses pouvoirs.
Elle changea sa coiffure d'un mouvement de paupières. Front dégagé, cheveux courts pour travailler aisément. Elle ferma les yeux, posa ses doigts sur les tempes.
Un point de lumière flotta dans l'air frais de la chambre. Il bougea. Un fil blanc vint s'y accrocher. Et petit à petit, fil par fil, dentelle par dentelle, crochet par crochet, une grande robe rouge en soie se forma.


Pendant ce temps, dans le salon, Kirshiva discutait avec Uriko. La jeune disciple observait avec admiration la panthère en kimono rouge qui buvait son eau.

« Alors dites moi... ça consiste en quoi en fait d'être la disciple d'une déesse? »

La jeune femme repensa alors à Vetera lorsqu'elle l'avait trouvée... sur le trottoir, mise là par ses frères pour leur rapporter de l'argent, et un sourire passa sur ses lèvres lorsqu'elle se remémora la belle vengeance que Vetera lui avait faite. Ils s'étaient tous les trois retrouvés, eux, les caïds du quartier pauvre où elle vivait, ligotés nus au réveil au beau milieu de la place centrale, avec une pancarte "j'ai mis ma sœur à la rue mais c'est moi qui m'y retrouve" et du goudron et des plumes sur les fesses. Elle leva les yeux vers Uriko.

- En réalité, Vetera m'apprend ce qu'elle fait le mieux, c'est à dire la séduction. Elle tente d'accroître ses pouvoirs, mais pas ) des fins personnelles, ce qu'elle veut, elle c'est protéger les couples d'amants, les femmes de leurs maris jaloux... Elle développe ce que l'on appelait chez moi le "féminisme". Elle m'apprend ses méthodes, et nous jouons avec les hommes. Nous les observons sous tous leurs angles...

Elle buvait du vin rouge dans une coupe en or et croqua un loukoum. Ses dents parfaitement blanches entaillèrent la pâtisserie avec gourmandise et du bout de la langue elle récupéra le sucre qui restait au commissures de ses lèvres pulpeuses.

- Comme je suis humaine, je dois manger et boire, et Vetera est gourmande aussi. Elle ne peut donner ses bijoux et vêtements qu'à moi, de ce fait je... vole !

Kirshiva partit d'un éclat de rire. Vetera et elle s'amusaient à perturber quelqu'un avant que d'un coup de main rapide et hyper-discret la jeune disciple délestât la victime.
Lilanda se leva, s'étira, passa près d'Uriko avant de disparaître dans une pièce qui, apparemment, lui était réservée.

- Vetera m'a dit que vous étiez vous-même voleuse, c'est pourquoi elle a tenu à nous présenter. Voulez-vous autre chose ? Nous avons de tout dans nos placards. Elle pensait que peut-être, nous pourrions nous... associer, enfin associer charmes et dextérité pour libérer ces pauvres gens de l'argent qui les encombre ?

L'œil malicieux de Kirshiva observa Uriko. Elle était vraiment admirative du corps svelte et parfait de la féline.