Coupable ? [PV Fafnir]

J'étais installée à mon bureau, un dossier sous le nez, et comme à mon habitude je râlais. Et Rin qui n'était pas encore revenu de son excursion dans la montagne n'était pas là pour me dire de la fermer, je m'en donnais donc à cœur joie. Le dossier en question me parlait de disparitions étranges au sein de Souen, on retrouvait les cadavres le lendemain complètement mutilés, la plupart étaient des gardes et des serviteurs, tous me pressaient de faire quelque chose. Ils ne voulaient plus continuer à vivre dans la peur.

Un nom revenait dans toutes les bouches. Fafnir... Ils l'avaient vu dans le palais il y a quelques jours, juste avant que je ne le rencontre dans Tern. Ils savaient tous qui il était et la rumeur de son retour à Souen s'était répandue comme une trainée de poudre. Ils semblaient persuadés que c'était lui le coupable et voulaient sa tête.Étrangement, malgré la première impression qu'il m'avait laissé, j'étais la seule à croire en son innocence. Pour peu qu'un assassin puisse être innocent en quoi que ce soit...

Je sautais de ma chaise et sortis un instant sur le balcon pour me changer les idées et trouver une solution à ce problème. Je ne savais même pas comment contacter Fafnir pour lui demander des explications. Pas sur ce qu'il avait pu faire, contrairement aux autres, mais sur le potentiel meurtrier. Mais je me doutais bien que je n'allais pas tarder à entendre parler de lui, il ne laissera pas les choses telles qu'elles le sont. Même s'il ne semblait pas trop se préoccuper de ce que l'on pouvait penser de lui, devenir l'ennemi public numéro un de tout Souen n'était pas dans son intérêt et encore moins dans le mien. Je retournais à mon bureau et recommençait à me plaindre de mon service de renseignement complètement incompétent qui n'avait pas cherché à fouiller plus loin persuadé d'avoir trouvé le coupable idéal.

Dans le fond, tout le monde pense que je suis irrécupérable, mais qui leur a dit que j'étais devenu ainsi ? Quoi qu'ils en pensent ils n'ont même pas idée de l'absurdité de leur raisonnement. Les moindres questions qu'ils osent n'ont pas de sens. C'est sûrement pour cela que les réduire en poussière ne m'a jamais provoqué le moindre remords, je n'aurais que des regrets s'il m'arrivait de mettre à mal la seule personne qui paye régulièrement.

Les autres n'osent plus faire appel à mes services, je tues efficacement, y a aucun doute là dessus, mais tout le monde sait qui est le coupable. M'apercevoir c'est comme entendre les cloches de la cathédrale des morts, il y aura forcément une victime. S'en est presque ennuyeux, je vais changer de métier. Enfin, je dis 'tout le monde' mais peu de gens connaissent mon histoire, ma réputation. Je peux encore me trimballer dans les rue de la capitale sans devoir massacrer mes flics qui oseraient la simple pensée de m'emmener en prison.
Les plus drôle sont ceux qui connaissent mon nom mais pas mon visage, alors quand je passe devant une panneau d'affichage j'y vois un avis de recherche et là où devrait figurer ma photo il n'y a rien de plus qu'un point d'interrogation. Les descriptions sont souvent erronées, et on me prend souvent pour un monstre.

De Tern je m'étais fais discrêt dans la ville, quelques clients potentiels avaient pris contact avec moi, hésitant, ils n'osaient jamais demander le prix de mes interventions... Je dois vraiment être un monstre pour que même les loups aient peur de moi.

Mon vol me fit atterrir directement sur le toit de l'île Souen, je m'y laissais tomber les mains dans les poches sans considération pour les pauvres décorations que je piétinais. À force de grimper sur le toit du palais, j'aurais pu y construire un nid que ça n'aurait pas vraiment changer la situation... Je glissais sur les tuiles et m'arrêta à la gouttière pour regarder ce qu'il se passait à mes pieds.

Un petit balcon, ma zone d'atterrissage, laissa passer une petit tête rose qui s'en retourna dans le bureau du maitre l'instant d'après, la piste était libre pour un dernier bond me menant sur cette terrasse.
Je me réceptionnais en fléchissant les genoux et une main vint m'éviter de rouler contre la rambarde. Debout et sur le balcon de mon employeur officiel j'époussetais mon pantalon avant d'entrer dans le bureau.

Elle faisait une tête de déterrée la petite maitresse du miroir, l'air revêche face à des dossiers à n'en plus finir, je ricanais en m'appuyant contre le battant de la porte-fenêtre.

-Quand il fait beau c'est triste de voir des gens enfermés dans leur bureau.

Je ne pris même pas la peine de lever la tête du dossier dans lequel je cherchais des informations depuis tout à l'heure et répondis à la voix dans mon dos d'une voix railleuse comme j'en avais le secret.

- Si t'es pas content, t'as qu'à faire le sale boulot à ma place... Va me chercher des informations au lieu de jouer les rabats-joie !

Jusqu'à ce que je me souvienne d'un petit détail, Rin n'était pas là... J'avais tellement l'habitude de l'entendre quand je travaillais que je n'avais même pas fait attention. Je tournais la tête et eu la surprise de découvrir Fafnir appuyé contre la fenêtre, je m'attendais à le revoir bientôt mais je devais avouer que je ne pensais pas le retrouver si vite. J'allais ouvrir la bouche pour m'excuser de l'avoir confondu avec mon chef de la garde quand je pris conscience que mon bureau se trouvais au troisième étage du palais.

- Je ne veux même pas savoir comment tu es rentré...

Je lui désignais un des deux fauteuils en face de mon bureau, autant se mettre à l'aise, on avait pas mal de choses à régler.

- Je t'en prie ! Fais comme chez toi ! Essaie juste de pas faire trop de bruit, je n'ai pas envie de me retrouver avec toute la garde dans le bureau, j'ai déjà assez de problèmes comme ça sans qu'on m'en rajoute...

Au passage je lui tendis le dossier que je tenais en main, sur lequel on pouvait lire le nom des personnes décédées dans Souen depuis une semaine, en tout sept et le descriptif de l'état dans lequel on avait retrouvé les corps. Et toutes les preuves prouvant la culpabilité de Fafnir, que mon service de renseignement avait pu trouver et que je tentais de contourner depuis le matin.

- Ça m'arrange que tu sois là, je n'avais pas envie de retourner toute la ville pour te mettre la main dessus. Tu es au courant de cette histoire je suppose ?

Je persistais à croire en son innocence dans cette affaire, mais je voulais l'entendre de sa bouche. Peut-être parce qu'une petite partie de moi se disait qu'il en était capable, même si le reste de mon esprit persistait sur le fait que les corps auraient été retrouvés à l'endroit du crime s'il avait été le coupable.

Trop intelligent pour étrangler cette gamine qui me laissait comme un arrière goût amer sur la langue que je nomme arrogance ne s'excusa même pas de m'avoir confondu avec l'un de ses porte-serviette... Je serrai les dents parce que j'avais besoin de ce job en ce moment... À croire que plus personne n'avait envie de tuer son voisin, il ne me restait que le menue fretin, des avis de recherches et des primes pas même capables de couvrir mes frais d'une soirée... J'étais calme, enfoncé dans le fauteuil un bras allongé sur l'accoudoir l'autre replier sur mon abdomen, je l'observais de travers quand elle me fila un dossier.

Je feuilletais les pages, tout d'abord en regardant les photos et quelques illustrations de détectives à qui il manquait un an aux beau-arts pour apprendre à dessiner. Je levais le menton pour observer le petit maitre derrière son immense bureau... Elle ressemblait à un nain aux cheveux roses, un petit elfe né dans un champs de fleurs. J'arrêtais mes élucubrations lyriques me souvenant que je n'avais aucun don dans ce domaine.

Je n'allais pas m'exciter pour des photos de cadavres, alors je lus, je lus en diagonale quelques pages pour comprendre où tout ceci voulait en venir... J'avais tuer un paquet de monde ces derniers temps, dans un grand élan de motivation j'avais pris la peine de faire le ménage sur Souen... En fait, non, j'y étais pour rien, et cette petite chose semblait croire en mon innocence si j'étais bien capable d'être innocent dans ce genre de choses. Elle semblait attendre que je lui confirme que je n'avais rien fait... Sauf que rigoler un peu lui ferait pas de mal à cette fillette.

-Et si c'était moi ?

J'eus un large et franc sourire, un brin ironique, pour la taquiner un peu. Elle me prenait vraiment trop au sérieux, tout le monde me prenait de la sorte. On ne pactise pas avec un homme qui peut vous trancher la tête sans se salir les mains. Mais qui a dit que je l'étais vraiment, tueur si on veut ; seulement, mon indifférence à toute chose me mène à m'en moquer constamment.
Je laissais un long silence s'installer pour observer sa réaction, je voulais rire un peu avant de reprendre sèchement.

-Ces gens ne sont pas mort de ma lame, déjà les meurtres sont trop crades, je tues pas si salement, et puis je n'aurais pas pris la peine de laisser tant d'indices de mon passage si je voulais rester discrêt.

Conclusion : Si il n'y a aucun indice concernant le coupable d'un meurtre sur une scène de crime, c'est que les chances sont très élevées qu'il s'agisse de mon oeuvre. Je lui rendis le dossier, voir des morts ne m'était pas plus agréable qu'à quiconque, je tuais, je n'étais pas un déséquilibrer qui vénérait les tueries, je faisais seulement mon job avec efficacité.

Je fus presque heureuse de sa réponse, même si quelqu'un d'autre que moi aurait immédiatement hurlé à la garde. j'eus exactement le même sourire que lui, quoi que un brin plus ironique.

- Si c'était toi ? Je t'aurais balancé toute la garde aux fesses pour oser me donner du boulot en plus ! Comme tu l'as si bien dis, je préfèrerai être dehors en train de me la couler douce plutôt qu'enfermer entre quatre murs à faire le travail de la bande d'incapable qui bosse pour moi...

Je le fixais en clignant des yeux d'un air complètement niais avec le sourire crétin que je prenais généralement pour faire enrager Rin, mais pour une fois je n'avais pas envie de faire enrager mon vis à vis. Je repris donc rapidement l'air sérieux qui me caractérisait quand je prenais mon rôle de maitre au sérieux. Je repris le dossier et eu l'envie subite de tout envoyer valdinguer, de prendre la tangente et de me retrouver dehors à glander dans les jardins, mais j'avais un tueur psychopathe à mettre en charpie avant, ma séance glandouille attendrait encore un peu...
J'eus un soupir exaspéré avant de m'étaler purement et simplement sur le bureau lorsqu'il se décida enfin à reprendre la parole.

- Je sais très bien tout ça, faut juste arriver à le faire comprendre aux feignasses qui ont rédigées ce fichu rapport... A croire qu'ils ont choisi le premier nom qui leur passait sous la main pour m'occuper moi et retourner buller...

Je réfléchissais à comment mettre la main sur le véritable coupable, quand la solution s'offrit à moi sur un plateau d'argent. Un de mes gardes entra violemment dans le bureau complètement paniqué, sans même prendre le temps de frapper.

- Maitre Caliope, une autre personne a...

Et il bloqua en voyant Fafnir assis en face de moi, sa phrase mourant sur ses lèvres. Si il ne risquait pas de se faire ouvrir en deux j'en aurais presque ris vu sa tête. Il était aussi blanc que si il avait vu un fantôme. Et il allait sortir son arme... Là ça en devenait moins drôle d'un coup.

- Le premier de vous deux qui salit mon bureau se retrouve à me servir de larbin gratuitement pour les six mois à venir...

J'avais fixé Fafnir en disant ça, sachant très bien que le pauvre garde n'avait pas la moindre chance face à lui, mais je me doutais qu'il s'en ficherait royalement...
Vu le ton que j'avais employé, le garde se calma de suite, il n'avait pas envie de se retrouver avec une plante carnivore sous le nez si il était toujours entier et que je pétais un câble, mais il fixait quand même Fafnir d'un regard noir, bien que n'ayant pas très envie de se retrouver avec une lame en travers du corps non plus. Ce qui ne l'empêcha pas de le provoquer...

- Qu'est-ce que tu fais là, toi ?

Je détestais ma vie... Bon sang ce que les hommes pouvaient être stupides...

[hrp : Cruel dilemme ! Six mois à me servir de larbin, ou le plaisir d'un étripage en règle ? ]

Je me curais les ongles, l'air de m'ennuyer ferme pendant qu'elle râlait tout son saoul sur ses préférences à ne rien faire plutôt qu'à s'occuper de l'idiot qui chassait sur mon territoire... Je devrais peut-être lui dire que ce soir il n'y aurait plus de tueur en ville, mais ça, elle le saura quand on le retrouvera mort et de quoi l'incriminer sérieusement bien qu'il soit déjà quelques part dans le monde des morts. J'acquiesçais franchement à cette histoire d'incapables, elle a pas tort, laisser entrer quelqu'un si facilement dans le bureau d'un maitre c'était de l'incompétence... Ces types étaient aussi utiles que armée de criquets pendant la moisson, ils détruisaient plus qu'ils ne sauvaient.

Et le meilleur moment de la journée vint à moi sans que je n'ai besoin de forcer les choses, pourtant, j'y ai pensé. L'idée de sortir en passant par la porte et pourquoi pas narguer les deux ou trois gardes qui devaient se croire invincible dans le couloir. Sauf que le garde qui entra était tout sauf invincible et tout sauf intelligent. Je n'avais pas bougé d'un cil quand l'évidente provocation se fit une place de choix parmi mes priorités du moment.
Je me suis simplement levé de mon fauteuil, un clin d'oeil amusé vers le maitre qui n'avait pas encore tout à fait compris qui j'étais, ni même ce que j'étais, mon épée tomba sur le sol la pointe percutant le dur sans s'y enfoncer. Je souriais au garde qui aurait pu rester coucher ce matin, il aurait passé une meilleur journée.

-Caliope, je ne suis pas votre employé, je ne suis ni un larbin ni un chien.

Ma lame alla se poster entre moi et le garde.

-Quant à toi.

Mon oeil se figea sur le garde qui n'avait pas osé désobéir et sortir son arme.

-Qui es-tu pour me parler ?

Comme je l'ai dit, je tuais proprement, s'il n'y avait que ça comme obstacle à la décapitation pure et simple de cet idiot ce n'était pas vraiment un problème. Et peu m'importait de vivre avec des ressources plus difficiles à trouver, je ne laisserai pas ce genre de provocations sans réponse. C'était trop bon de pouvoir se débarrasser de chaque fourmi trop en-têtée, il n'avait pas conscience. Personne ici n'avait conscience de l'énervement que me procurait d'être dans cette pièce. J'avais d'autres chats à fouetter pour ne pas en plus faire acte de présence dans un bureau qui n'était pas le mien. Le plus énervant était aussi ce dossier sur lequel mon nom apparaissait sans que je n'y suis pour rien. Un peintre n'aurait jamais accepté qu'on le cite coupable de peintures affreuses sans qu'il n'y ai jamais posé son pinceau, c'était exactement la même chose.

Le silence qu'introduisit mes dernières paroles sonnait chez moi comme ma propre reflexion, j'étais si absorbé par mes pensées que j'en oubliais de vérifier les expressions du garde. Je me retournais brusquement face au maitre, et mon épée de nouveau entre mes épaules, je lui exposais la chose... Si chose il y avait.

-Faites sortir cet incapable.

Je posais mon index entre mes sourcils et massait consciencieusement la pointe douloureuse qui notait que j'avais un peu trop usé de magie aujourd'hui.

-Le malade qui tue sur Souen y est forcément, vous voulez d'autres éléments pour le trouver facilement ? Chercher quelqu'un qui se sent mal dans la foule, quelqu'un qui pourrait en vouloir aux mythiques et semi-entités qui vivent ici. Un licencié récemment, un ancien employé du précédent palais... Vous avez viré par mal de monde ces derniers temps, non ?

Une courte pause accueillie mon discours. Je le concluais fermement.

-J'assumerai mes crimes même après ma mort, mais pas ceux d'un déséquilibré. Vous apprendrez que je ne tue pas n'importe qui pour de l'argent.

Ajouter un "n'importe quoi" ne me semblait pas nécessaire. Elle apprendra rapidement que je n'étais pas qu'un simple tueur sans cervelle ni remords. Je ne tue pas les proies faciles, je ne tues pas si les raisons ne sont pas "bonnes", et encore moins si l'employeur peut le faire lui-même. Mais ceci ma réputation n'en disait rien. J'étais un assassin, j'obéissais selon la légende à celui qui me paierait assez pour me mener à tuer femme et enfant s'il le faut. Et personne n'avait besoin de croire autre chose.

Je fronçais les sourcils quand je le vit me faire un clin d'oeil en se levant. Enfin... ce qui me semblait être un clin d'oeil, il avait la même façon de faire qu' Ayame en fermant son œil unique. Je me pris le front dans la main et secouais la tête d'un air affligé quand l'épée toucha le sol, j'aurais du resté couchée ce matin, prétexter une grippe ou autre débilité du genre et rester au fond de ma couette à jouer les taupes. Mais non, il avait fallu que je me lève et que je subisse tout ça dès le matin. J'en avais franchement marre...
J'écartais les doigts afin de regarder à travers et fixait les deux hommes en face de moi, enfin plutôt, l'homme et la futur moitié d'homme et secouais la tête une nouvelle fois quand Fafnir m'exprima clairement ce qu'il pensait de ma menace.

- Vous me fatiguez tous... Je vais finir par foutre tout le monde dehors, envoyer balader les dossiers et autres ennuis du même genre et retourner me coucher...

Quand la lame vint se placer entre eux, l'autre ne broncha pas, se contentant de fixer la pointe en attendant... je me le demandais bien. Le déluge peut-être... Si il pouvait se dépêcher de venir et balayer tout ce ramassis d'abrutis j'en serais d'autant plus heureuse.
Je croyais que Fafnir allait le trancher net mais il semblerait que l'assassin officiel de mon prédécesseur me réserve quelques surprises de taille.

Je sautais ma chaise et me rapprochais des deux hommes en restant quand même un peu à distance, je ne tenais pas à salir mes vêtements propres du matin même si le blond décidait de changer d'avis. Ce que heureusement pour mon bureau et mes vêtements, il ne fit pas, mais rangea sa lame et et se tourna vers moi... avant de me donner un ordre... C'était le monde à l'envers dans ce palais... Je commençais à me demander ce que je faisais là. Je me tournais quand même vers le garde qui n'avait pas bougé depuis qu'il était entré, au moins une preuve que son instinct de survie fonctionnait encore.

- Qui a disparu ?

Il dégluti et me fixa blanc comme un linge avant de répondre enfin.

- Une des filles qui s'occupe du linge. On a retrouvé son panier de linge et du sang, il y a quelques minutes...

Il jeta un regard lourd de sous-entendu à Fafnir.

- Comme tu peux le voir, il était avec moi, et ce depuis plus d'une heure, donc il va falloir vous remettre au boulot tous...

Bon d'accord... j'avais "un peu" menti, mais il n'y avait personne pour me contredire sauf le principal intéressé à qui je lançais un coup d'oeil en douce, le mettant au défi de me contredire.
Le garde hocha bêtement la tête se demandant si c'était du lard ou du cochon et se décida enfin à sortir comme je lui faisais un signe de débarrasser le plancher.

Enfin tranquilles dans le bureau j'écoutais les explications de Fafnir, acquiesçant sur le fait que j'avais fait pas mal de ménage ces derniers temps...
J'allais lui demander s'il était d'accord pour m'aider à retrouver ce dingue, moyennant finances évidemment, je me doutais bien qu'il refuserait de bosser à l'oeil, quand trois autres gardes firent irruption dans le bureau l'arme au poing.
Et là je me décidais enfin à craquer et évacuer toute la colère que j'avais accumulé depuis le matin.

- BON SANG ! MAIS VOUS VOUS CROYEZ OU ? A UN DÉFILÉ MILITAIRE ????
NON, JE N AI PAS BESOIN DE VOUS !
OUI, JE SAIS ME DÉBROUILLER SEULE !
ET VOUS VOUS AVEZ UNE PERSONNE A CHERCHER !
ALORS FOUTEZ MOI LE CAMPS ET TROUVEZ LA !
ET ARRÊTEZ DE SQUATTER MON BUREAU POUR RIEN !
ALORS MAINTENANT, DEHORS !!!!

Ils s'étaient tous arrêtés net et me fixaient avec de grands yeux ronds. J'avais repris ma forme hybride pendant ma tirade, mes oreilles étaient en arrière, ma queue battait l'air furieusement, mes yeux à moitié fermés, mes sourcils froncés et deux petites canines pointues se démarquaient quand j'ouvrais la bouche. Ils ne se le firent pas redire deux fois et quittèrent le bureau en s'excusant misérablement, pressentant l'apparition imminente d'ennuis quand des ronces vinrent s'enrouler autour de mon bras.

Je soufflais un bon coup, fis disparaitre les ronces, remis mes oreilles droites et ma queue arrêta de se balancer et de déranger encore plus mes cheveux. Je me tournais vers Fafnir avec un grand sourire, qui tenais plus du rictus psychopathe que du sourire amical...

- Aaaah ! Ça fait du bien de temps en temps !

J'étais déjà plus calme. Je retournais vers mon bureau et sauta sur ma chaise, m'asseyant sur mes cheveux dans la foulée. Je râlais en les récupérant de sous mes fesses et fis une tresse avant de les nouer avec un cordeau de cuir que j'avais sorti d'un tiroir de mon bureau.

- Bon, maintenant que les gêneurs ont dégagé de mon espace vital, on va enfin pouvoir discuter sérieusement ! Je ne vais pas y aller par quatre chemins... J'ai besoin de ton aide ! Même si je suis assez énervée pour le massacrer moi, je ne suis pas assez douée pour retrouver le coupable seule... Ton prix sera le mien !

J'espérais qu'il accepte et qu'il ne m'envoie pas balader purement et simplement, je devais reconnaitre que c'était la première fois que je traitais avec un assassin, je ne savais pas vraiment comment m'y prendre, mais si cette collaboration marchait, il était évident que je ferai de nouveau appel à ses services. Même si ce fait ne m'enchantait pas tant que ça...

[hrp : Pardon pour le pavé, je me suis sentie inspirée d'un coup...]

Enfin un maitre capable de se faire obéir de ses soufifres avec un talent certain pour la mise en scène... Je ne sais pas si ça venait du statut de mythique ou quelque chose d'approchant mais elle m'était bien sympathique cette petite. Les soldats en avaient la queue entre les pattes à l'entendre proférer ses menaces... Une véritable terreur.
Je m'enfonçais dans le fauteuil jambes croisées je regardais le plafond alors que les gardes prenaient la fuite -littéralement- pour me retrouver seule avec celle qui venait en gros de me sauver la peau alors qu'elle n'avait aucune preuve de mon innocence...

Elle aurait pu s'imaginer mille choses, un tas de scénarios tous plus loufoques les uns que les autres. Mais elle avait décidé que me faire confiance, c'était honorable de sa part, rares sont ceux qui me confie autre chose qu'une mission... Mes talents s'arrêtant souvent là. Je la remercierai sûrement le jour où j'aurai appris à dire "merci". Chose pour le moment impensable.

Elle fit une seule erreur durant cet instant, rien dans sa façon de congédier ses gardes, rien dans son comportement, à part peut-être sa semi-transformation qui en révélait beaucoup sur ses compétences -sait-on jamais si le prochain gros contrat est sur sa tête... De tout ça rien n'était un mal pour elle ni pour ses proches. Mais pour le reste. Son discours avait une faille et je comptais bien l'exploiter.

-Pour une fois je ne me ferai pas payer de façon conventionnelle, je comptais bien aller voir qui vient m'empêcher d'assassiner en paix. Mais proposé si gentiment, je vais imposer mon prix.

Je dardais sur elle mon oeil et bien que ses réactions étaient hautes en couleur je n'avais pas 107 ans à passer dans cette bicoque pour faire des effets de styles... Sachant que je ne suis qu'un très mauvais acteur.

-Vous connaissez un maitre du nom d'Ulsarys, Wergeld Ulsarys. Je veux que vous m'informiez sur lui. Où est-il, comment est-il ne m'intéresse pas, ce nom et son titre m'ont déjà beaucoup appris, mais pour pister le seul maitre à posséder un territoire aussi vaste j'ai besoin de savoir où il est en ce moment ... Ou au moins où il était et ce qu'il comptait faire après votre rencontre mouvementé dans les marais.

Comme tout le monde j'avais entendu parler de cette histoire de marécage et de lions. Le golem me fit bien rire, mais rien qu'à entendre le lien existant entre Caliope et ma proie j'avais espéré qu'elle pourrait m'en dire assez pour le trouver. Si en ville il était on ne peut plus visible et peu discrêt sur son territoire il était comme la fourmis dans le désert. Impossible à détecter sauf avec une étoile miraculeusement chanceuse.
Je penchais la tête et attendis, j'attendais qu'elle parle car sans cela je pouvais tout aussi bien ne rien faire contre l'assassin qui marchait sur mes plates bandes... Je m'en fichais pour le moment, qu'il tue si ça l'amuse je serais bientôt hors de la ville et si loin que personne n'osera me suivre.

Je fronçais les sourcils quand il me parla de ne pas se faire payer de manière traditionnelle. C'était quoi cette histoire ? Je le sentais pas du tout... J'eus raison d'avoir des doutes lorsqu'il me parla de Wergeld, un grondement sourd sorti de ma gorge à ce moment là, je n'avais même pas fait l'effort de le retenir. Je fonçais encore plus les sourcils. Qui avait osé mettre un contrat sur la tête du maitre de K'ouen. J'eus soudain envie d'arracher l'oeil restant de l'assassin en face de moi, mais même si je savais me défendre, je me doutais que j'aurais beaucoup de mal à venir à bout de lui. Je tentais de me calmer un peu avant de lui répondre. Avant surtout de ne pas changer d'avis et de lui sauter à la gorge...

Je réfléchis quelques instants, pesant le pour et le contre. Mon nouveau camarade ou ma Res Publica. La réponse était évidente, mais pourtant j'hésitais. Je ne pouvais pas trahir Wergeld. Je n'avais pas énormément d'amis et Wergeld en faisait désormais parti, mais je me dis qu'il savait se défendre et puis Ayame était avec lui. J'eus également envie de lui mentir, mais je me doutais que cela finirait par me retomber dessus et j'étais très mauvaise menteuse.

Quitte à pactiser avec le diable, je décidais de le faire complètement. Il était hors de question que je vende un de mes amis sans être sûre d'avoir quelque chose en retour aussi. je n'étais pas très diplomate d'accord, mais j'avais encore un minimum de conscience. Et je me doutais bien qu'il me laisserait me débrouiller avec mon problème sans le moindre état d'âme.

- Il est hors de question que je vende un compagnon d'arme sans être sûre d'avoir un retour... Je veux bien te dire ce que je sais pour le peu que ça puisse te servir, mais à une seule condition... Je veux venir avec toi pour mettre la main sur le tueur.

Il ne croyait pas qu'il allait être le seul à poser ses conditions... J'étais encore le maitre ici, n'en déplaise à certains. Je lui fis un sourire tous crocs dehors, le fixant dans son œil valide.

- Quitte à vendre mon âme, autant ne pas en donner que la moitié.

J'étais prête à beaucoup de choses pour ceux dont j'avais la garde. Risquer ma vie en faisait partie.

(tu croyais pas que j'allais te laisser faire ta loi sans rien dire...)

Venir avec moi ? Elle était sérieuse ?
Son tueur était un véritable problème, ses sbires ne semblaient pas capable de le pister correctement et en tant que maître elle n'avait pas le statut idéal pour enquêter sans problème dans sa propre ville... Problématique difficile à résoudre.
Je pensais aussi qu'elle devrait vraiment y réfléchir à deux fois avant de désirer m'accompagner, je ne m'amusais pas pendant une chasse, et j'avais tendance à ne pas faire de différence entre ma cible et ce qu'il y autour. Le but étant de remplir le contrat coûte que coûte. Elle risquait d'y passer et en plus elle ne pouvait pas vraiment se permettre de marchander.

-J'ai dû oublié de préciser que mon prix n'était pas discutable.

Je fronçais les sourcils, assez pour paraitre sérieux un court instant. Les coudes bien calé sur les accoudoirs et le dos enfoncé dans mon dossier, j'étais installé prêt à y rester des heures s'il le fallait. Par contre si elle choisissait d'annuler le contrat je pouvais partir et de suite, pister un type habitué à vivre dans la nature se révèlera aussi difficile que de pister un oiseau dans le ciel. Plus tôt je m'y mettrai plus j'avais de chance de lui mettre la main dessus. D'une façon ou d'une autre je n'avais pas besoin de son aide, elle pourrait au mieux me faciliter la tâche.

-Mais si vous tenez tant que ça à marchander, je peux soit partir soit exiger beaucoup plus pour accepter de me trainer une jeune fille novice avec moi. Prenez le pour ce que ça vaut, vous n'êtes pas habitué à mon milieu.

Et je n'allais pas la jouer maitre d'apprentissage dans l'art de pister et d'assassiner, j'avais appris dès l'enfance, elle pourrait faire un excellent tueur mais loin de moi l'idée de me trouver un disciple. Déjà parce que ça coûte cher à entretenir avant qu'il ne se rende utile et ensuite parce que l'élève cherche toujours à dépasser le maître... Et quand je commencerai à me faire de vieux os j'aimerai que personne ne soit capable de me retrouver et qu'on me laisse crever en paix.

-La solution restante est d'envoyer vos enquêteurs pas foutus de travailler correctement à la chasse de ce dingue qui semble être assez intelligent pour passer entre les mailles du filet sans se faire remarquer. Et plus le temps passe et plus il s'éloigne de vous. Vous pourrez toujours espérer qu'il commettra l'erreur de trop. Et même ainsi vous ne le trouverez pas, vous avez un tas d'indices qui mènent plus facilement à moi qu'à lui, c'est pour dire.

Ou peut-être que c'est moi qui les ai tous tués. Je serais capable d'ubiquité... Faut pas rêver, non plus.