Une vague peut cacher un requin

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Une fois les préparatifs terminés, Lyn et son maigre matériel de voyage se dirigèrent vers le port d’embarquement. Un navire y attendait le petit groupe chargé de retrouver le fameux temple du Dieu-Requin. La jeune femme s’était au préalable renseignée sur cette mystérieuse divinité. Il semblait que seul lieu où l’on pouvait trouver son temple se trouvait vingt-mille lieues sous les mers.

N’étant guère une amatrice de plongée, Lyn avait été soulagée en apprenant qu’ils voyageraient à bord d’un submersible nommé le Fenrir. Il s’agissait d’une sorte d’immense navire vétuste qui s’approchait davantage d’un Drakkar Viking que d’un sous-marin moderne. Au pied du gigantesque bateau, la jeune femme scruta longuement le navire. Il était réellement impressionnant.

Ensuite, comme si l’on venait de l’extirper d’un rêve, elle avait emprunté le pont d’embarquement et avait grimpé sur le Fenrir. Des hommes s’y affairaient. Ils l’ignoraient. Elle les détailla un instant et avisa enfin une silhouette connue. Non loin de là, le robot humanoïde qu’elle avait rencontré à la Bibliothèque s’entretenait avec ce qui semblait être le Capitaine du navire.

Lyn s’approcha d’un pas rapide. Elle leur adressa un sourire enjoué.

- Bonjour, messieurs. Lyn, pour vous servir et trouver ce fameux temple sous-marin !

Se sentant d’une humeur relativement joviale, Lyn était presque prête à se montrer agréable en cette matinée. Peut-être irait-elle-même jusqu’à faire preuve d’humour…

- Lyn ! Bien dormi je suppose !

La dénommée se retint de lancer une réplique cinglante, chargée de sarcasme. Non, aujourd’hui, elle allait être de bonne humeur. Tout du moins, faire en sorte d’en avoir l’air. Il était déjà évident que l’androïde s’efforçait d’être amical, elle n’allait pas s’amuser à le rembarrer méchamment. Lyn se contenta donc de lui répondre par un sourire amusé.

- Oh non, l’appel de l’aventure était bien trop tentant pour trouver repos.

Et cela n’était que trop vrai. Préparant avec minutie son départ, la jeune femme ne s’était autorisée que peu de repos. De toute façon, elle n’était guère créature à ressentir les besoins du sommeil. Depuis sa résurrection, dormir lui rappelait par trop d’aspect sa première mort. Les Ghola ne trouvaient jamais réellement le repos, pas de leur vivant tout au moins.

Le Capitaine s’était rapidement retiré à l’approche de la jeune femme, la laissant seule avec le robot. Lyn ne pouvait s’empêcher de le considérer avec curiosité. Dans son univers d’origine, les machines pensantes étaient prohibées. Depuis la terrible guerre, le Jihad Butlérien, un mot d’ordre unissait les planètes de l’Empire : Tu ne feras point de machine à l'esprit de l’Homme semblable.

Mais tout ceci était depuis longtemps révolu. Désormais, Lyn n’était plus le guerrier-lige d’Irulan, mais simplement une informatrice laissant traîner ses oreilles dans la cité. L’androïde nommé Septembre l’invita poliment à le suivre, près du bastingage. La jeune femme le rejoignit et s’accouda au rebord. Son regard se perdit à l’horizon.

Des embruns marins berçaient ses pensées. Un instant, Lyn se demanda si Septembre possédait des sens similaires aux humains. Percevait-il de la même manière ? La jeune femme elle-même était dôté d’une vue plus perçante et affutée depuis sa sortie de la cuve axotl. Le robot ne lui laissa pas le temps de se perdre davantage dans ses pensées. Il rompit rapidement le silence pour lui exposer les prochaines directives à suivre.

Lyn l’écouta attentivement. Durant les quelques jours précédant l’expédition, elle s’était soigneusement renseignée sur le sujet. Il n’existait que peu de documents archivés à propos du dieu requin et des temples marins. La jeune femme avait toutefois pu tirer quelques informations intéressantes. Elle avait reproduit une carte relativement précise d’Atlantis et des lieux avoisinants. Elle hésita un instant à la sortir et la montrer au robot. Finalement, elle se ravisa. Ils auraient le temps de l’étudier durant le voyage qui les plongerait dans les abimes.

- Hum, il semblerait judicieux de commencer nos recherches à Atlantis. La ville recèle beaucoup de secrets et ses habitants sont parfois plus vieux que certains quartiers de Cerclon. Peut-être trouverons-nous des informations intéressantes.

Elle avait gardé ses yeux dans le vague, imaginant la cité sous-marine d’après le peu de renseignement qu’elle possédait. Si l’on considérait les performances du Fenrir, le voyage ne serait pas trop long jusqu’à Atlantis. Lyn se tourna vers le robot et le perça d’un regard scrutateur. Elle jaugeait. Ses réactions étaient relativement rapides quoique parfois ralenties par quelques défauts de mécanique. Quant à l’esprit qui habitait la machine, il semblait vif et intelligent.

- Et puis j’ai pu récolter quelques renseignements sur des vestiges sous-marins anciens.

Lyn continuait de fixer son interlocuteur, à l’affût de ses moindres réactions.

- Quel genre d'informations ?

Lyn hausse les épaules, silencieuse. Le regard perdu à l’horizon, elle ne répond pas tout de suite. Lentement, elle tourne son visage vers le robot. Pragmatique, ses façons d’opérer semblaient claires et efficaces. La jeune femme s’était rapidement renseignée sur lui et avait appris qu’il était un Sanctuari. Il représentait donc l’ordre de la Cité. Lyn ne savait comment aborder Septembre. Devait-elle s’en méfier ?

- Quelques rumeurs, des morceaux de légendes, elle marque une pause, hésitante, et une carte.

Dans un souffle, elle venait de lui révéler l’existence de la seule information réellement utile qu’elle avait pu dénicher. Il s’agissait d’un reste de carte estompé et abimé par le temps. La plupart des inscriptions, néanmoins, restaient lisibles. La carte indiquait en d’anciens termes la cité d’Atlantis et ses alentours. Un instant, Lyn plongea son regard dans celui du robot, cherchant à le sonder.

- C’est une copie mais elle est très ancienne et utilise un langage oublié en Entre-Monde. J’ai entendu parler d’une créature à Atlantis, qui pourrait nous aider à la déchiffrer.

Lyn avait cependant relevé quelques indications intéressantes sur la carte. Un endroit particulier, faisant référence à d’anciennes ruines, pourrait être un point de départ. Elle préférait pourtant trouver confirmation avec son informateur d’Atlantis. Un instant, la jeune femme hésita à déballer et montrer la carte à Septembre. Effleurant la poche intérieure de sa veste, elle se ravisa. Ils auraient autrement le temps une fois le Fenrir plongé sous l’océan.

-J'y pense, on aura peut-être intérêt à voir s'ils ont des équipements de plongée.

Tirée de ses réflexions, Lyn jeta un regard perplexe au robot. Apparemment, il ne s’était guère renseigné sur leur embarcation. Heureusement, la jeune femme était une informatrice, ainsi, elle possédait quelques réponses à ses questions. Elle se retourna et contempla un instant l’équipage qui s’afférait en vue du départ. Lyn prit un air détaché pour composer sa réponse.

- D’après mes renseignements, le Fenrir possède deux petits submersibles.

Elle posa son regard sur Septembre. Une étincelle amusée brillait dans ses yeux.

- J’imagine que ça sera plus confortable pour vous.

Et son ton était empreint d’une ironie mordante, emplie de sous-entendus.

Le capitaine du Fenrir haranguait ses hommes et les enjoignaient à se dépêcher. Visiblement, le départ était pour bientôt. Et ni Poséidon, ni Ombre n’avaient osé se montrer. Lyn se mordit la lèvre inférieure, anxieuse. Elle ne doutait pas que Poséidon n’aurait aucun mal à les rejoindre si le Fenrir plongeait sous les eaux. Quant à Ombre, rien n’était moins sûr. Lyn fut tirée de ses songes par le capitaine qui s’approchait à grand pas. Il était énergique et charismatique. Il semblait réellement impatient de quitter le port. Lyn, quant à elle, tenait à partir au plus vite afin de débourser le moins d’argent possible pour ce voyage. Septembre se montra plus diplomate qu’elle n’aurait pu le faire et rassura le capitaine.

Ils feraient route pour Atlantis. Tant pis pour Poséidon et Ombre. Ils rejoindront le Fenrir par leurs propres moyens. Lyn haussa les épaules tandis que le capitaine s’éloignait. Elle se tourna ensuite vers le robot et lui adressa un sourire amical.

- Et bien il semblerait qu’on soit seuls maître à bord !

Elle extirpa d’un geste habile la carte qu’elle avait dissimulée sous son pourpoint. Cette dernière était soigneusement enveloppée dans une étoffe précieuse. La jeune femme ne tenait pas à dévoiler la carte ici, en plein vent.

- Examinons cette carte à l’intérieur.

Sans plus attendre, elle se dirigea vers la salle de réunion, non loin des cabines qui leur avaient été alloués. Lyn n’eut aucun besoin de se retourner pour sentir que le robot la suivait d’un pas alerte. Il était terriblement bruyant. La jeune femme songea à lui proposer un jour de lui graisser les articulations.

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Lyn acquiesça à contrecœur. Sa carte était tout simplement une antiquité. Elle avait espéré cependant qu’elle pourrait leur être utile. Fronçant les sourcils, elle grommela tout bas.

- Espérons que l’on trouve un être capable de nous traduire ça à Atlantis.

A peine eut-elle fini ses mots que le navire s’ébranla, projetant en avant ses passagers. Recouvrant rapidement son équilibre, la jeune femme se redressa d’un bond. Ses yeux scrutaient les alentours, à la recherche d’un responsable. Et, sans crier garde, elle se précipita vers la sortie, direction le pont. Son regard accusait plus de colère qu’elle n’en ressentait véritablement mais il avait au moins l’avantage de repousser les hommes qui se trouvaient en travers de son passage. Lyn avisa le capitaine et se dirigea à grand pas vers lui. Septembre devait être sur ses talons.

- Que se passe-t-il ? gronda la jeune femme à l’attention du capitaine.

Ce dernier fit un geste évasif de la main et lui répondit, énervé.

- On peut plus attendre, il est temps qu’on parte. Tant pis pour vos copains, ils n’auront plus qu’à se faire pousser des branchies !



Lyn réprima un léger sourire. Le capitaine du Fenrir ne croyait pas si bien dire. Dans un autre univers et une autre époque, Poséidon avait incarné la toute-puissance des mers et des océans. La jeune femme fit volte-face, ignorant le capitaine au profit de Septembre. Elle lui lança un regard interrogateur.

- On dirait qu’il n’y a plus que nous, non ?

Les rats quittent le navire disait un vieux dicton.