Discours étoilés

Bannie de mon monde d'origine, comme tous les dieux échoués à Entre-Monde, j'ai perdu une grande part de mes pouvoirs. Cela va de l'omniscience à la plupart des pouvoirs comme faire pousser une fleur, transformer une rivale en vache. Je n'étais pas très portée sur ces dons là, me contentant de disséminer des métaux rares à travers le monde.
Hélas même ça, c'est devenu plus difficile. La fatigue fut la première chose que je dus apprendre à gérer en arrivant ici. Avant, un dieu fatigué c'était un non sens. Immortel, tout puissant, nous étions bons, mauvais, parfaitement équilibrés.
Pour me rapprocher un peu de mon ancien statut, retrouver même partiellement ce que j'étais durant des millénaires, j'espérais trouver chez ce dieu qui converse avec les étoiles, un semblant de solution.

Le tout-terrain freina tranquillement en arrivant aux abords de l'observatoire. Le chauffeur bondit de la voiture après ces deux jours de transport et bien qu'il fut légèrement manchot d'avoir été assit si longtemps, il s'inclina en ouvrant ma portière.
J'avais le sourire en sortant, il me confia son bras. Un apprenti astronome nous accueillit en rougissant.

-Bienvenue à l'observatoire.

Un sourire délicat en guise de réponse.

-Je peux faire quelque chose pour vous.
-J'aimerai rencontrer l'Astronome. Pourriez-vous le faire venir ?
-Bien sûr, je vais voir si je peux le trouver !

Il nous indiqua quelques sièges pour nous faire attendre. Je m'assis, mon chauffeur quitta le bâtiment pour retrouver la voiture.

Assistant numéro 4, les joues rosies, ouvrait frénétiquement toutes les portes devant lesquelles il passait. une belle dame distinguée qui lui avait fait de l'effet était là et elle demandait à voir monsieur l'astronome miraculeux. Même si ça lui déplaisait quelque peu que cette belle plante ne soit là que pour voir son supérieur, Assistant numéro 4 n'allait pas la laisser attendre bêtement dans le hall d'entrée de l'observatoire sous prétexte qu'il ressentait une pointe de jalousie. Après avoir ouvert précipitamment un certain nombre de portes, le bon petit employé trouva finalement son parton. Ce dernier était là, tranquillement assis dans un canapé moelleux au possible, un saladier de pop corn sur les genoux, sa peluche à ses pieds, des crayons de couleurs éparpillés au sol et un carnet de coloriages entre les mains. L'astronome, connait et respecté (enfin supposément respecté) à travers tout l'Entre-Monde faisait des coloriages... Il y avait des jours comme ça, ou Assistant numéro 4 se disait que la vie était injuste : son patron, l'astronome, avait argent et gloire et des belles femmes se présentaient à sa porte. Et ce même astronome passait sa journée à dévorer des gâteaux, à chougner et à faire des trucs aussi crétins que de faire des coloriages. Et il restait le meilleur dans son domaine. Juste parce qu'il était un dieu et qu'il commandait aux étoiles. Trop injuste. Légèrement énervé, Assistant numéro 4 jeta son patron dans les escaliers en lui faisant comprendre qu'il était attendu.

Et c'est ainsi qu'un Erwann qui ne comprenait rien à ce qu'il venait de se passer arriva dans la hall d'entrée, seul pièce parfaitement rangée. Sa peluche dans les bras, il observa la nouvelle venue. Elle était grande et mince. Son visage aux traits fins était encadré par des longs cheveux que les rayons du soleil faisaient scintiller. Bizarrement, l'astronome ne la trouva pas plus menaçante que de raison, quoi que l'on ne puisse jamais savoir quelles pensées sombres et quels desseins vicieux peuvent se cacher sous un visage paisible. La paranoïas de l'astronome était encore dans les limites de l'acceptable, et il engagea même la conversation dans les deux minutes suivant son arrivée. Mais évidemment, il ne parla que depuis derrière son Lapinou rose géant.

- Bonjour... Vous avez besoin de quelque chose?

Un jeune homme armé d'une seule peluche venait à ma rencontre. Un jeune homme simple, et quelques miettes sur ces vêtements. J'ai entendu dire qu'il gouvernait aux étoiles. Et si tout comme moi ce dieu venu d'ailleurs regagnait son monde, je n'ose imaginer le pouvoir fantastique qu'il détiendrait. Peut-être était-ce un dieu originel, un dieu créateur. Ou un dieu gouvernant les destins. Même dans les hautes sphères divines subsistent des légendes auxquelles nous avons peur de croire.

Mon sourire recouvre ma surprise. Un puissant dieu se tient près de moi, un dieu qui s'ignore. Je me lève, lissant de l'index un faux plis menaçant ma robe blanche.

-Bonjour Erwann. On m'a raconté que l'astronome était quelqu'un d'extraordinaire. Qu'il pouvait aider une déesse à retrouver quelques pouvoirs perdus.

Car l'Entre-Monde me les a pris sans même songer à l'essence de mon existence. Le métal de mon corps devenu fragile, la fatigue me gagne et quelques décennies plus tôt j'aurais ris d'entendre dire qu'un dieu pouvait s’essouffler.

-Et si tu es cet astronome, alors peut-être accepteras-tu que je récupère l'un de mes anciens pouvoirs.

En m'approchant chaines et bracelets tintent légèrement, j'ai l'impression d'être plus grande que lui mais il se tient courbe comme un adolescent. Peut-être en est-ce encore un ?

-Qu'en dis-tu ?

J'ai toujours brillé, par tout et n'importe quoi, bijou, beauté, assurance... mais beaucoup moins pour ma patience. Voire jamais pour cette vertu dont je dois être totalement dépourvue. Un basilic s'en souvient encore mais pour le lui demander il faudrait lui téléphoner dans l'au-delà. Pas sûr que le réseau d'Entre-Monde aille jusque là !
Mes yeux ne cillent pas et sous les cils argentés, deux onyx délavés l'observent, le dévisagent.

Ah ça, pour être extraordinaire, il l'était. Ce n'était pas la première fois que quelqu'un décrivait Erwann comme étant quelqu'un de pas commun, original, unique en son genre, spécial... mais bizarrement, l'astronome avait toujours l'impression que ce n'était pas quelque chose dont il avait à être fière. Les gens avaient tendance à prononcer ces mots sur un ton quelque peu hésitant, comme s'ils n'étaient pas sûrs d'utiliser les bons termes. de temps à autres, il notait un léger soupçon de sarcasme quand on le qualifiait d'unique. Et étrangement, ça ne donnait pas au jeune homme la sensation d'être complimenté. Du coup, il en était venu à se méfier quand on disait de lui qu'il était exceptionnel, inimitable, ou quelque chose de ce goût là. L'idée qu'être extraordinaire pouvait être quelque chose de positif et que la femme en face de lui pouvait avoir tenter de le complimenter ne lui effleura même pas l'esprit. D'un autre coté, vue le complexe de persécution qu'avait le petit grand bout de chou, il fallait lui dire des compliments d'une manière des plus directes et sans aucune ambigüité pour qu'il comprenne que c'en était. Et ensuite, son coté paranoïaque le rendrait méfiant, s'imaginant que vous voulez lui faire baisser sa garde pour mieux l'attaquer ou mieux le manipuler...

D'ailleurs il en avait trouvé une. Une quoi? Une raison de se méfier de la belle dame élégante venu lui rendre visite. Normalement, n'importe quel jeune homme de son âge serait charmé pour une femme telle qu'elle, et s'il se sentait gauche, embarrassé et hésitait avant de parler ce n'était que par timidité et par peur de déplaire. Mais dans le cas de l'astronome,c'était juste parce que ses névroses habituelles avaient été réveillées par le rapprochement soudain entre lui et sa nouvelle cliente. De quoi le faire reculer d'au moins trois mètres et lui faire rentrer encore plus la tête dans les épaules. Alors que la déesse en face de lui n'avait fait que quelques pas dans sa direction... Heureusement qu'elle était souriante et parlait d'une façon calme et polie, sinon il se serait déjà mis à trembler et serait sur le point de se mettre à sangloter. Caché derrière sa peluche, conservant une distance de sécurité avec la déesse, Erwann observa l'inconnue. a première vue, elle avait l'air correcte. Et pas violente. Et riche. Et intelligente. Et cultivée, aussi. Elle avait plus de classe qu'un certains nombres des personnes venues frapper à la porte de l'observatoire. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elle soit suffisamment patiente pour supporter les facéties de l'astronome.

Pour une fois, la grand-mère d'Erwann (qui était d'ailleurs partie cueillir des champignons en compagnie d'Assistant numéro 3) n'eut pas besoin de faire son entrée en scène et de botter les fesses de son cher petit fils. Ô miracle, l'astronome accepta de lui-même de faire entrée la nouvelle arrivante dans le salon principal de l'observatoire, là où il recevait tous les visiteurs. Le fait qu'ils étaient tous deux dieux y était peut-être pour quelque chose. Ou peut-être que ses névroses étaient en voie de disparition? M'ouais, nan, faut pas rêver non plus...
Dans tous les cas, l'astronome fit signe à la déesse de le suivre alors qu'il quittait le vestibule. Sans se retourner, Erwann mena l'étrangère jusqu'au grand salon. Comme d'habitude, cette pièce était un véritable capharnaüm : il fallait faire attention à ne pas marcher sur des objets divers jonchant le sol alors que des livres de tous genres s'entassaient de ci de là. L'aïeule de l'astronome avait beau rangé régulière cet endroit, il suffisait qu'Erwann y traine une petite demi-heure pour qu'il reprenne cette apparence. Comme à son habitude, le jeune homme alla s'assoir à cette vieille table à manger en bois massif situé près de la cuisine et où trônait un panier de fruit, un plat de cookies et un pichet de citronnade. D'un geste timide de la main, il invita sa presque cliente à le rejoindre.

-Hum... Vous êtes qui? ...Madame?

Toujours aussi timidement, Erwann commença à poser les questions d'usage. Parce que c'est bien beau de venir toquer à sa porte en réclamant qu'il vous donne des pouvoirs, mais lui il fallait quand même qu'il prenne quelques précautions histoire d'être sûr de ne pas se fourrer dans des histoires louches et qui termineraient par lui apporter des ennuis.

-Et, c'est quoi comme pouvoir que vous voulez éxactement? Et Hummmm... vous les voulez pourquoi?

Le jeune homme avait un peu hésiter avant de poser cette dernière question, ce qui expliquait qu'il l'avait pratiquement murmurée. I lui était déjà arriver de tomber sur des clients potentiels qui avaient tendance à ne pas vraiment aimer qu'on leur demande ce genre de chose. Dans ces cas là, la réponse qu'il tendait à fournir était toujours effrayante d'une manière ou d'une autre...

Un enfant dans un corps adulte. La peluche était un indice, les trois pas de recul, le dos vouté, l'hésitation. Oui, un enfant. Et pas de chance pour lui, je n'en avais aucun et n'en voulais aucun. Toujours cette mauvaise histoire de patience qui me faisait défaut. Et ce n'est pas lui qui allait m'aider à trouver un semblant d'esprit zen au fond de mon coeur d'argent.
Je l'ai suivis. Regarder devant soi et éviter les surprises sur le sol s'avéra plus difficile que prévu. Mais bien vite je pus m'assoir et oublier le parcoure du combattant. Il est bien en vaine d'être le seul astronome capable de telles prouesses...

Qui je suis ? C'est une question à laquelle j'ai perdu l'habitude. Qui suis-je ? Dinu Mihai voyons, la banquière de l'Entre-Monde. En ville les gens me connaissent de nom au moins et beaucoup ont déjà vu mon visage, alors évidemment, on ne me demande plus vraiment comment je m'appelle.

-Je suis Dinu Mihai.

Mon sourire est faible.
J'espère qu'il n'écorchera pas mon prénom, qui se prononce au complet et non l'un sans l'autre. Tout le monde fait cette erreur sinon ceux qui se sont bien renseignés avant de me rencontrer... Et ils ne sont pas nombreux.

-Je suis la déesse du métal, ou plutôt, je l'étais avant de venir à Entre-Monde. Je crée et contrôle le métal sous toutes ses formes. Mon corps lui même est fait de métal.

Non je n'ai pas l'habitude d'expliquer ce genre de choses. Et si cet homme ne vivait pas si loin de la ville je ne lui aurais jamais révélé.

-J'ai besoin de pouvoir manier les propriétés des métaux. C'était quelque chose que je faisais facilement avant d'arriver dans l'Entre-Monde, mais aujourd'hui j'en suis incapable. Et sans cela, l'argent de mon corps devient meuble, fragile comme de l'argent pur, et lourd, comme ce même métal.

Peut-être quelques explications en plus ? Mieux vaut trop que pas assez.

-Il faudrait que je puisse ajouter à un métal une propriété normalement appartenant à un autre métal. Je pourrai ainsi rendre l'argent plus solide ou plus léger, par exemple.

Le fer bactéricide comme l'argent, le plomb léger comme le titane... N'importe quelle propriété en plus de celles déjà existantes.

-Penses-tu être en mesure de m'aider ?

Dinu Mihai. ce nom disait vaguement quelque chose à Erwann. Mais très vaguement. Pendant quelques secondes, il essaya de se rappeler où il avait déjà pu entendre un tel nom. Mais bien évidemment, rien ne lui vint à l'esprit. D'un autre coté, ce n'était pas lui qui s'occupait de gérer les finances de l'observatoire, et il n'avait donc aucune raison d'après lui de se soucier de qui était à la tête de la banque où il avait très certainement un compte. Sa grand-mère par contre, bien plus renseignée que lui sur les affaires du quotidien, aurait tout de suite compris qui était la jeune femme gentiment installée dans son salon, assise à sa table à manger familiale.

Après avoir abandonné l'idée de se rappeler pourquoi le nom de Dinu Mihai ne lui était pas totalement inconnu, Erwann se concentra sur la demande de la déesse métallique. Régnant sur le métal, elle avait besoin de recouvrer une partie de ses pouvoirs d'origine. Elle ne voulait pas de nouveaux pouvoirs, non. Juste retrouver ceux qu'elle a perdu. L'astronome joua avec les oreilles de son lapin tout en réfléchissant à ce que cela impliquait. Finalement, le jeune homme se leva de sa chaise et se dirigea vers une porte située près des escaliers menant aux étages supérieurs. Il l'ouvrit et s'engouffra dans le petit bureau mais parfaitement illuminé par les rayons du soleil sur lequel elle donnait. De là où était assise la banquière en chef, il était impossible de voir ce qu'Erwann trafiquait mais elle pouvait parfaitement l'entendre fermer et ouvrir des placards et des tiroirs et fouiller dans un tas de paperasses. Au bout de quelques minutes, le grand gamin divin réapparut dans le salon et alla se rassoir à sa place comme si de rien était. Cependant, il prit bien soin de ne pas lever les yeux en direction de sa cliente et ne le fit pas non plus lorsqu'il lui glissa sous le nez un contrat tout neuf en double exemplaire -un exemplaire pour chacun d'entre eux.

-C'est faisable... Mais... Mais ça vous coûtera... humm... 500 Pims? Hum... Je... Je vous laisse lire le contrat.

Pour des raisons d'assurance et de sécurité, Erwann et sa grand-mère avaient décidé qu'il ne ferait rien tant que les clients ne signeraient pas de contrat. Surtout que dedans il était clairement stipulé le prix des services de l'astronome, ainsi qu'il n'était pas responsable ne cas d'échec ou d'insatisfaction. Ah, et bien évidemment, les nouveaux pouvoirs qu'il attribuait n'était ni repris ni échangé en cas de problème.
L'astronome servit un verre de citronnade à cliente avant de s'en servir un à lui-même. Il but cette boisson fraichement préparée par son aïeule tout en grignotant quelques biscuits, laissant le temps à Dinu Mihaide d'examiner le contrat si elle le souhaitait.

-Humm... Je vais... Je vais avoir besoin de quelques informations. Si ça ne vous dérange pas. Madame? Est-ce que vous pouvez me dire... sous quelle étoile vous êtes née? Erwann posa cette question avec encore plus d'hésitation que d'habitude. Pratiquement personne ne savait sous quelle étoile il ou elle était né; mais le jeune homme s'était dit que ce serait peut-être différent avec une déesse même s'il n'y croyait pas trop.-Vous êtes née quand exactement? Et où?

Ces questions, basiques même si tout le monde ne pouvait pas toujours y répondre, servirait à déterminer quelle étoile était liée à la déesse, ce qui était d'autant plus essentiel dans son cas. Bien évidemment, il y avait d'autres moyens pour savoir quel astre gouvernait sa destinée, mais celui-ci était le plus simple.

Lui aussi s'est essayé à la contractualisation de ses services. Voilà un jeune homme sage, j'aurais pu m'en douter. C'est encore mieux, alors voyons voir ça, je prends le contrats dans mes mains, mes yeux parcourent automatiquement les alinéas, un par un. Sait-il que l'argent sert à faire de la photographie ? On dit bien la photo argentique, non ? En cas de souci je saurais faire une photo à taille réelle du contrat. C'est toujours une preuve intéressante.
Irresponsabilité en cas d'échec ? C'était un contrat de loterie ou un contrat de vente ? Je fronçais les sourcils en levant les yeux.

-Mon étoile, c'est bien la première fois que je m'y intéresse. Je suis née il y a des millénaires, une époque où il n'existait aucun calendrier pour se situer dans le temps. Même pour les dieux. Mais je suis née à Welgaia, sur un filon d'argent éclairé de nuit par l'orgueilleuse Cassiopée. La constellation visible au nord-est au mois d'octobre.

Distraite par ma lecture je terminais en désignant quelques constellation situées immédiatement à proximité, Céphée, la Girafe, Persée et les pléiades...
Je finissais ma lecture très concentrée et pointait deux ou trois termes qui me laissèrent... dubitative.

-Est-il possible que vous ne m'accordiez aucun don, ou que ce don soit totalement différent de celui demandé ? Est-ce une vente ou un jeu de hasard ?

L'argent n'est pas un problème, jamais. Je suis banquière ça suffit à tout expliquer. Mais le contrat, lui... Je reposais les feuilles sur la table et me prenait à sourire doucement. Je ne viens pas négocier comme dans un souk, il aura ce qu'il demande si je peux retrouver un tout petit peu de mon essence divine.
Est-il au moins au courant que je suis pointé du doigt comme un magnifique requin en ville ? S'il ne sait même pas qui je suis, non, il ne se doute de rien. C'est peut-être mieux ainsi. Je me demande ce que deviendrait cette peluche si quelqu'un s'avisait de le lui dire.

Erwann laissa sa cliente examiner les termes du contrats. Ce faisant, il l'observait à la dérober, la fixant du coin de l'œil tout en grignotant de manière nerveuse son biscuit. L'astronome attendait avec anxiété quelles réactions cette élégante dame allait avoir, si elle allait contester un point du contrat où exiger une diminution de ses honoraires. Même si rien chez Dinu Mihai laissait suspecter qu'elle était dans le besoin, le jeune homme avait déjà vue des personnes visiblement bien loties hurler en voyant le prix de ses services et le traiter d'escroc. Après tout, 500 Pims, ce n'était pas rien! Redoutant le pire, Erwann ne put s'empêcher de sursauter lorsque la déesse commença à parler, manquant de casser son gâteau en deux. Mais heureusement pour lui, la banquière en chef ne commença pas à protester contre quoi que ce soit et ne lança aucune attaque verbale ou physique à son encontre. Elle se contentait de lui donner quelques informations vis-à-vis de sa naissance comme il lui avait demander. Et comme il s'y attendait, elle ne savait pas quelle étoile éclairait son chemin... Réprimant un soupir, Erwann attrapa un crayon et un bloc-notes trainant dans le coin. Il s'y mit à griffonner les quelques informations que lui fournissait sa cliente.

Et d'un coup, il devint rouge comme une tomate. Tout allait bien, jusqu'au moment où Dinu Mihai, ayant fini sa lecture, demanda au jeune homme s'il allait vraiment pouvoir lui rendre une partie de ses pouvoirs. Et voilà : elle doutait de lui et de ses capacités. Elle n'avait pas confiance en lui. Elle allait peut-être bien commencer à se moquer de lui en lui lançant des sarcasmes cinglants. Ou encore, elle allait probablement chercher à lui faire baisser ses prix ou à avoir droit à un extra tout en lui infligeant des dommages psychologiques! L'astronome sentait la panique et la peur monter en lui sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit. Il faillit même lâcher son cookie alors qu'il se recula instinctivement.

-N.. Non! C'est pas ça! Pour v... vous, il y a pas de problème! Je peux vous rendre votre... don? Erwann n'avait jamais vraiment considéré les pouvoirs comme des dons. Pour lui, les capacités magiques des uns et des autres n'avaient en soit rien de spécial. Après tout, elles étaient accordées aux uns et aux autres en fonction de l'étoile avec laquelle ils étaient liés. C'était donc naturel que chacun soit pourvu d'un ou deux pouvoirs. Pour Erwann, ces "dons" n'étaient pas différents de la couleur des yeux ou des cheveux : on les possédaient par ce que c'était décidé ainsi. Rien d'extraordinaire à cela.

-C'est juste que... de temps en temps certaines personnes ne se rendent pas compte de ce qu'elles demandent et elles s'imaginent des choses... Mais pour vous, pas de problème! Il suffit de resserrer les liens! Ou peut-être d'en recréer un s'ils ont été détruits... Mais dans tous les cas, pas de problèmes!

Erwann s'était empressé de donner cette explication à la déesse, espérant la rassurer. D'ailleurs, il se mit à fouiller dans le bordel ambiant sans attendre. Il espérait prouver sa bonne foi et éviter une confrontation. Il déplaçait des livres, faisait voler des revus, poussait du pieds des objets farfelus. Une petite minute plus tard, un vieux grimoire et deux parchemins sous un bras, et tenant sous l'autre son éternel peluche; un panier contenant des instruments de mesures dorés avec ornés d'inscriptions, balanciers, pendules, lentilles... en main.

-Dès que vous signez, je me mets au travail.

Le gamin des étoiles était prêt à se mettre au travail. Première tâche à accomplir : découvrir quelle étoile était liée à Dinu Mihai.

Alors j'aurais ce don quoiqu'il advienne. Si c'était juste ça qui lui fallait, c'était parfait. Tirant d'une pochette, dissimulée en ton de blanc sur mes vêtements de la même couleur, un stylo plume en argent je traçais les majuscules de ma signature. Dinu Mihai de Welgaia, le contrat signé le rendais à son heureux et nerveux propriétaire nouvellement riche de cinq cent pims, qui lui seront crédités dès que j'en aurais donné l'ordre à mon retour.
Avec ça, l'observatoire pourrait peut-être investir dans une femme de ménage. Ou dans des meubles de rangement. Ou... Il me donnait des idées de titres. De petites choses pleines de promesses qui feront un peu de publicité à la banque. Quelque chose comme "remettez en place les affaires du quotidien" ou "ayez toujours sur vous de quoi calmer les crises de votre animal de compagnie" ... Il faut ce qu'il faut.

-S'il suffit de signer, c'est parfait. Les pims seront crédités immédiatement à mon retour à la banque.

Je récupérais l'exemplaire du contrat qui m'était destiné avec un léger sourire aux lèvres, la partie avançait si bien et si vite que je serais rapidement ragaillardie d'un vieux pouvoir, certes un peu limité au vu de ce qu'une véritable déesse peut faire, mais ce serait déjà un pas en avant.

-Vous avez besoin d'autre chose ? Je peux attendre dehors si ça vous arrange.

On ne sait jamais avec ces dieux un peu étranges, il leur arrive parfois d'obtenir des effets dévastateurs, ils se rangent en terme de dangerosité au même plan que Merlin et ses apprentis : toujours à tester combien d'explosions il faut pour réanimer un volcan... d'ailleurs je n'ai plus jamais entendu parler de ce Merlin après un sérieux essai plutôt... spectaculaire.

Spoiler:

Erwann, toujours aussi nerveux et intimidé par sa cliente, regarda Dinu Miai sortir comme par magie un stylo plume argent d'entre les plis de ses vêtements blancs. Sans ciller, sans même oser respirer, il l'observa signer le document officiel. Finalement, tout allait bien. L'astronome avait réussi à rassurer la déesse malgré son peu de confiance en soi. Elle avait à nouveau confiance en lui et elle était prête à lui céder cinq cent pims sans lui poser plus de questions. Erwann attrapa le contrat en tremblotant, manquant de lâcher tout ce qu'il avait sous les bras. Après avoir vérifié que la dame assise dans son salon avait bien signé le contrat en bonnes et dues formes, le jeune homme se laissa aller à soupirer de soulagement. Ouf, tout s'était bien passé pour l'instant. Dinu Mihai se révélait être une cliente modèle, ne posant aucune question enquiquinante et ne faisant aucune remarque déplacée. Et elle payerait certainement sans problème.

-hum... ça devrait suffire... Je vais me débrouiller... Mais vous êtes sûre de pas avoir la moindre idée de qui est votre étoile? Ça aiderait pas mal...

Erwann avait une fois de plus parlé dans sa barbe inexistante sans oser regarder son interlocutrice dans les yeux. Il lui tourna le dos avant même d'avoir terminé de lui parler et commença à se diriger vers la porte menant aux étages supérieurs. Sur le pas de la porte, il se tourna légèrement en direction de sa cliente, comme s'il venait de se rappeler qu'elle était encore là.

-Si vous voulez, vous pouvez rester là. Vous pouvez lire ce que vous voulez tant que vous abîmez rien. Et Mamie devrait bientôt être là. Vous pourrez lui demander des gâteaux... ou autre chose. Et si hum.. vous avez besoin de quelque chose, demandez à l'un des assistants. Voilà. Ah, et on vous rendra votre pouvoir durant la nuit. Ce sera plus facile.

Sur ce, l'astronome disparu dans un couloir et fila vers sa chambre. Il posa tout son fatras directement par terre, en plein milieu de la pièce. Et c'était parti pour les préparatifs de l'opération "rendre ses pouvoirs à la déesse d'argent"!