Chupa Choups

Ding! Fait la sonnette. La mezzanine regorge d'érudits en pleine lecture qui penchent vers moi leurs regards peu amènes. Ding ding ! Où est donc passée la charmante bibliothécaire dont mon compagnon de chambré m'a vanté les mérites avant de me mettre dehors.
Trouver du travail... Ce n'est pas ce qui manque mais après la mission dans les terres arides, j'ai pensé quelques semaines de vacances ne me ferait aucun mal. Sauf qu'en convalescence, il n'était pas porté sur la compagnie envahissante d'un autre borgne. C'est Ayame qu'il aurait dû renvoyer...

J'appuie sur la sonnette encore une fois. Deux fois même. Et puis trois. L'écriteaux parle d'une Eva Carine, Bibliothécaire et sur le panneau d'affichage pend le moignon sec d'une feuille déchirée de sa punaise.
L'ordre de quête étant dans ma main.

Eva Carine a écrit:

• Nom de la mission : Choups
  
  Nombre de personnes autorisées : 4
  
  Description et contraintes : Choups c'est le nom d'un chupacabra, peut-être le seul spécimen connu à ce jour qui aurait soudainement disparu... Les chupacabras se nourrissent essentiellement de chèvres, et notre ami Choups avait tendance à aller se servir chez les éleveurs qui séjournent dans les montagnes au sud est de Termer. Trouvez Choups, nous aimerions nous assurer que personne ne lui a mit une balle entre les deux yeux.
  Attention à ses morsures, elles sont aussi contagieuses que celles d'un loup-garou.
  
  Objets fournis : Des bâtons de berger auxquels sont accrochés des grelots.
  
  Gain total : 40pims
  

On ne se foule pas. Je prends mes marques avec quelque chose de simple et de rapide.
En attendant que la bibliothécaire se décide à venir accueillir les visiteurs, je m'adosse au comptoir et regarde les autres aventuriers amassés dans le hall.
Eux aussi en ont marre de la sonnette, l'ambiance est électrique. Palpable.
Interdiction de tuer qui que ce soit sans raison valable, Fafnir. Ce n'est pas dans le contrat que je sois forcé de me tenir en public aussi. J'oubliais. Pas Fafnir. Rurik. Bof, c'est pareil, il n'y a que les autres pour ne rien voir.

Pitié, faite que les dieux ramènent la bibliothécaire. La sonnette commençait vraiment à agacer les personnes pressentes, surtout le corbeau de l'Alchimiste. Le démon lui ne semblait pas trop y faire attention, réfléchissant encore sur la décision qu'il avait prise d'aller en quête une nouvelle fois pour chasser du monstre. Une chupacabra ou un d'ailleurs.... Il ne savait pas si le nom était féminin ou masculin à vrais dire. Enfaîte, il pensait plutôt aux possibilités que pouvait lui apporter des poils ou des écailles de cette créature mystérieuse. Personne ne connaissait l'apparence de cette bête dite unique, ou alors cette espèce est rare, en tout cas, il ne fallait pas passer à côté de potentiel effets bénéfique à l'avancer de l'étude de l'Alchimie. Le Malphas se prenait au jeu, son nouveau métier le passionnait enfaîte.

Nicolaïs ne se doutait même pas que l'homme devant lui dans la file d'attente, qui sonnait comme s'il était énerver de patienter, était là pour la même quête que lui. À première vue il ne semblait pas commode. L'oiseau sur l'épaule du démon le regardait la tête penchée sur le côté comme pour le scruter. L'alchimiste éleva un coup son épaule comme un signal au corbeau pour qu'il arrête de le regarder comme ça, ça ne se fessait pas.

Attendre il n'avait que ça à faire. Donc le Malphas sorti de sa poche sa pipe en bois ainsi que son tabac bleu et se mit à fumer. Il n'y avait pas d'écriteaux "interdit au fumeur", donc tant qu'on ne lui disait rien, il continuait de cracher sa fumée bleue en l'air.

Spoiler:

La bestiole qui me parle ne conjugue aucune verbe. Qui plus est, elle déteste les mots de liaisons et les prépositions. Ce qu'elle raconte ne veut pas dire grand chose. Mais je sais qu'elle se plaint. Evidemment, ayant tué la créature qu'elle devait capturer pour le zoo de Tern on lui avait sucré sa prime, mais les frais d'hospitalisation tout ça tout ça... Alors elle se plaint sur moi.
Un dingue sonne dans le hall depuis un moment. J'ai le regard vide. J'écoute ma bête intérieur songer à mille et une façon de faire un kebab de Geronimo-entre-mondien. J'irais proposer la recette à Mikail.

Elle cesse de parler. Lance une injure et s'en va. C'est fini ?
Je n'ai pas vraiment envie de bouger, je reste plantée là, debout les bras croisés sous ma poitrine à écouter Carine grogner au fond de mes pensées. Non. Au dessus de mes pensées. J'ai l'impression de changer de forme, de lui céder la place. Mais non, je suis toujours humaine et la créature enragée tourne en rond en donnant des coups de griffes spirituels.

Je continue cet instant de grève ou je vais m'occuper du malappris au comptoir ? J'attends là.
Non. Je retourne travailler.

J'entre dans le hall. Attrape une pipe au vol et désigne les étagères de livres non loin.

-La plupart de ces ouvrages sont uniques et extrêmement inflammables. On ne fume pas dans une bibliothèque...

Ton neutre. Je lui rend sa pipe et continue jusqu'au comptoir. Je pose la main sur la sonnette avant que l'autre recommence. Sourir forcé. La sonnette rebondit dans la corbeille à papier.

-Que puis-je pour vous ?

Le loup s'impatiente et moi ? J'ai besoin de boire un truc infecte mais requiquant. On a vraiment l'impression de faire toujours le même travail. Donner une quête, donner les primes. Donner une quête, donner les primes. Parfois pour agrémenter le quotidien il faut aller repêcher un aventurier qui a tenté de frauder la bibliothèque en prenant une quête, le paquetage et les pims sans accomplir la quête. Ces moments là sont rares mais vraiment amusant.

Ce qu'elle peut pour moi ? Me rendre la sonnette déjà, je commençais tout juste à composer une symphonie, je fais quoi sans instrument maintenant ?
Pas de sourire non plus.

-Je prends cette mission.

J'étale la feuille sur le comptoir. C'est calme dans la bibliothèque, le silence sacré qui colle aux livres comme la poussière m'ennuie. C'était mieux avant. Quand ils me lançaient des regards navrés. Les envies de meurtres, c'est constructifs ! On canalise bien et on peut s'inventer une autre vie avec une seule petite envie d'assassinat. J'en suis la preuve vivante.
Il faut, un maitre un peu déphasé, et beau, c'est mieux, un grain de folie et du sel. On bats la pâte énergiquement et on fait cuir à feu doux. Ne reste qu'à savourer.
Donc, la cuisine c'est facile.

-Je sais qu'il est interdit de tuer le chupacabra, on a quand même le droit de le blesser s'il nous confond avec une chèvre ?

J'ai entendu dire qu'il aspirait la cervelle des chèvres et des vaches. Personne ne sait ce qu'il en est vraiment, mais ma matière grise je préfère qu'elle reste au fond de mon crâne. Elle peut s'avérer utile.

Et bien tout compte fait quelqu'un c'est plains de la fumée, la bibliothécaire, celle que NicolaÏs avait rencontré il y a pas longtemps pour prendre sa mission qui consistait à sauver des castors. Elle ne devait pas se rappeler de lui, d'ailleurs lui non plu avait totalement oublié à quoi elle ressemblait et puis ce n'est pas comme si cela avait de l'importance. Le Malphas éteignis sa pipe et la remis dans sa poche, bon ce sera pour une autre fois.

Alors, comme ça l'homme qui jouait avec la sonnette était venu pour la même quête que lui, surement un mercenaire, surement son partenaire pour cette mission de capture. Il fallait mieux le dire de suite s'il ne voulait pas qu'il parte sans lui. Il n'avait pas l'air commode mais s'ils devaient travailler ensemble autant se présenter.

" - Je suis aussi sur cette quête..... Pouvez-vous me rajouter aussi ?? "

Maintenant il fallait se présenter, plutôt facile.

" - Je suis l'Alchimiste, Nicolaïs Amadeus Von Stanislas. Et j'aimerais effectuer la mission "Choups" pour étudier cette créature. "

Le nom de la mission était plutôt ... disons ... bizarre pour une quête. C'était à se demander qui avait donné ce nom enfantin, peut-être qu'un mec était payé exprès pour donner des noms aux quêtes de la bibliothèque....si c'était le cas, combien touchait-il?? Enfin là n'étais pas la question surtout que ça n'avait aucune importance en ce moment. Pour le moment il se demandait bien comment capturer une chose qu'il ne connait pas et surtout savoir à quoi vont servir les bâtons de bergers.

Regard imperturbable, encore un petit malin. Les aventuriers ont cette manie là, qui me donne des sueurs froides quand j'y repense : ils ont toujours le mot pour rire.

-Les chupacabras sont une espèce extrêmement rare. Vous n'avez même pas le droit de lui ôter un seul poil contre sa volonté.

Le fumeur se présente à son tour. C'est une tête déjà vue, j'ai une bonne mémoire, quant à son nom, je doute l'avoir déjà entendu sinon... Je m'en serais rappelé. L'alchimiste allait donc tenir compagnie au gros malin chupaphobe. Je n'essaye même pas de sourire, mes mains s'enlisent dans les nombreux documents étalés sous mon comptoir. Il y en a tellement qu'une louve y perdrait ses petits.
D'ailleurs j'y ai perdu les miens.
Je me mets à fouiller frénétiquement le comptoir. Mais où est passée le bloc de fiche vierge ? Je disparais subitement derrière le burreau.

Ma mauvaise mine n'est pas qu'une seule des conséquences de la présence de Carine balâfrant mes pensées et ma faculté à vivre en société. Il y a aussi cette incapacité à me concentrer cinq minutes, j'en viens à ne plus ranger derrière moi, à ne plus rien organiser. Alors évidemment, je perds tout. Et c'est d'autant plus exaspérant qu'à chaque fois je me mets à fouiller partout et à m'énerver encore plus sur ma propre bêtise.

-Mais c'est pas possible ça ! Où est-ce qu'elles sont passées !

Ma voix provient de derrière le comptoir comme le râle d'un dragon dans sa caverne... Je réapparais subitement, pas de cri de victoire, juste une injure qui hésite à passer le bord de mes lèvres. J'étale une fiche à peine froissée devant le borgne et l'alchimiste.

-Notez vos noms et la quête prise. Pensez à correctement remplir le formulaire, il servira à créditer vos primes à votre retour. Vous connaissez le principe ?

Je n'attends pas de réponse et je poursuis.

-Trouvez Choups et assurez-vous qu'il est encore en vie. Vous ne le blessez pas, vous ne cherchez pas à plaider sa cause devant les éleveurs, surtout devant eux, ils vous colleraient une balle entre les deux yeux avant que vous n'ayez terminé le plaidoyer. S'il s'attaque à des chèvres domestiques, laissez-le faire, ne l'approchez pas quand il se nourrit. C'est une créature qui peut se révéler très dangereuse. Si vous êtes la nourriture, prenez la fuite. Nous enverrons un commissaire le changer d'environnement s'il s'avère qu'il cause de réels dégâts dans les élevages. Enfin, vous votre souci c'est de le retrouver. Notre seul specimen vivant a disparu dans la nature, autant vous dire que les spécialistes de Tern sont prêts à aller le chercher eux-mêmes... Quitte à tous se faire tuer au passage.

Je reviens une minute après avec les bâtons à grelots.

-On dit que les chupacabras sont attirés par le bruit des colliers que portent les bêtes. Ces bâtons de berger vous aideront à crapahuter en montagne dans des zones où l'élevage est très important, mais aussi à manipuler Choups. Il ne deviendra agressif qu'à la nuit tombée, évitez d'avoir des grelots sur vous la nuit. Normalement cette créature se dissimule dans les grottes. S'il s'attaque aux élevages c'est certainement à cause de la faible population de chèvres sauvages à cause des grands lions. Bref, soyez prudent, c'est une zone assez sensible.

Je récupère les formulaires et me permets un rappel de l'unique recommandation importante.

-On a juste besoin de la confirmation qu'il est encore en vie. Ne vous mettez pas en danger inutilement, sauf si c'est vraiment nécessaire. Revenez quand vous aurez terminé !

Hochement significatif, mon menton fait ding ding comme la sonnette. J'ai dû suivre le rythme de la bibliothécaire et le nom abracadrant de l'alchimiste. Il le porte bien je trouve.

-Rurik Ingmar. On peut partager la mission ce sera plus facile.

Eva disparait, je prend le stylos du comptoir et note mon nom complet, je ne l'ai jamais autant écrit que ces derniers temps, je m'étais habitué à ne plus laisser d'identité... le nom de la quête et quelques brèves informations suffirent. Je glissais la feuille devant mon associé.
La louve revenait déjà.

-Les grands lions, je croyais qu'ils étaient descendus plus au sud sur la côte ? On fera attention.

Les lions auraient-ils pu dévorer le chupacabra ? La créature est dite assez puissante mais j'ai entendu dire que K'ouen avait été en difficultés face à plusieurs de ces créatures, clan plutôt important c'est autant de chance de se faire prendre entre deux feux. Voire trois avec tous ces éleveurs... Ne manque que quelques wyverns au tableau. Comment peut-on vivre dans ces montagnes sans se faire dévorer avant le petit déjeuner ?
Je ne prend pas le bâton avec les grelots. Je préfère chasser la créature sans avoir besoin de me transformer en chèvre à ses yeux. Surtout s'il est interdit de lui offrir un trépas bien mérité. Je suis bon pour la chasse, à l'homme, mais un chupacabra c'est presque pareil. Ce serait bien.

Spoiler:

Comment-ça pas le droit de lui retirer le moindre poil?? Comment il va faire Nicolaïs s'il veut étudier les propriétés de la bête?? Rien qu'un petit poil de rien du tout.... bon okay une poignée, mais c'est pas quelques poils en moins qu'il va le tuer. Bon.. peut être qu'avec un peu de chance il en trouveras par terre ou contre les arbres.

Le Malphas suivi toutes les explications de la bibliothécaire, l'histoire des chèvres, des lions des montagnes, etc ... C'était donc pour attirer le Chupacabras les bâtons alors. Bizarre comme technique, le démon pensait qu'ils devraient utiliser une chèvre plutôt qu'un morceaux de bois avec des grelots. L'aveugle signa le registre à son tour.

" - Il suffit seulement de savoir s'il va bien??... Pas besoin de le capturer alors?? .."

Drôle de mission en tout cas, voir si une personne allait bien.. enfin là il s'agissait d'une créature étrange. C'était comme aller voir si un ermite était encore vivant.. un ermite avec des dents, qui tue des chèvre et qui ne sort que la nuit... Ça paraissait simple comme ça. Il devait y avoir anguille sous roche, ou alors le Chup était dure à trouver, ou alors les autorités n'avaient pas le temps pour ça.

Nicolaïs pris un bâton à grelots puisque son associé ne le fessait pas. Vite fait il fessait l'inventaire des produits à amener pour la quête, alors tabac blanc, graines caméléon et argile bleue. Ça devrais, suffire au pire il partagera avec le dénommé Rurik Ingmar. Le démon se tourna vers son compagnon de quête.

" - Quand partons nous? Car il faudrait que j'aille à Elantra avant de partir.

Spoiler:

J'évitais à la charmant et mal lunée bibliothécaire de répondre.

-C'est une mission facile. On doit juste aller voir s'il y a eu crime ou non. S'il n'y a rien, on aura évité le déplacement à un commissaire, s'il y a eu crime on appelle un sanctuari pour qu'il reprenne l'enquête.

J'ai tout compris patron, on se retrouve dans quelques jours pour le rapport final.
Je me demande quel goût peut bien avoir le lion braisé. On m'a déconseillé d'en manger, Wergeld m'avait dit que vu ce qu'avale ces prédateurs ils pourraient être totalement indigeste même après cuisson. En revanche, un lion d'élevage, comme ceux du village aux lions...

-Rejoignons-nous à la porte Nord en début de soirée, nous voyagerons aussi bien de nuit dans la zone agricole, par cette chaleur ce sera même plus agréable.

Si, je suivais la conversation, même si mes pensées déraillent toujours un peu.
Souci d'adaptation, la petite voix ne parle plus beaucoup et quand elle le fait elle s'éteint aussitôt. Mes pertes de conscience, ces "crises de folies" dont il m'avait parlé, sont rares sinon inexistantes depuis... depuis qu'il m'a cassé plusieurs côtes.
L'amour vache.

-Au revoir Eva. À ce soir Nicolaïs !

Je m'échappais mains dans les poches, la moitié du monde cachée par un bandeau et l'autre, indifférent, comme le regard lointain d'une horizon floue.