Escortons les marmottes ! (Suite)

[Début de la mission ici]

Cary détestait le retard. Pour être sûr de ne jamais arriver en retard quelque part, elle s'arrangeait pour toujours avoir de l'avance. C'est ainsi qu'elle se retrouva à la sortie de la ville, une bonne vingtaine de minutes avant l'heure du rendez-vous. Suivant les conseils d'Uriko, Cary s'était pourvue de vêtements chauds - elle les portait en ce moment même et étouffait dessous, mais savait que la température baisserait lors de l'ascension -, d'un sac de couchage et de quelques vivres. Elle espérait que les marmottes avaient prévu leur propre nourriture, car elle n'avait rien prévu pour elles. Elle n'était qu'une escorte, après tout !
Le soleil de midi était haut dans le ciel. Cary posa son sac par terre et s'adossa à un mur. Elle ferma les yeux et savoura le silence... Malgré bien des protestations, Cary avait forcé Rictus à rester à la maison. Elle n'avait pas besoin d'un chat railleur dans son sac en pleine escalade. Comme il était bon de ne pas entendre de commentaire à chaque fois qu'elle faisait quelque chose ! Mais, même si elle râlait beaucoup, Cary appréciait la compagnie du chat bavard. Elle espérait que le voyage ne dure pas trop longtemps.
Enfin, la femme-louve aperçut Uriko qui marchait dans sa direction. La première mission de Cary allait pouvoir commencer !

Les mains dans les poches, je me dirigeais tranquillement vers le point de rendez-vous. Mon sac contenait le strict nécessaire, une écharpe, un manteau un peu chaud et le harnais d'escalade fourni par Cerclon. J'avais également une gourde d'eau classique, mais vide. Je la remplirai lorsque nous arriverons aux pieds des montagnes, pour l'instant nous allons suivre l'Arcos, pas besoin d'eau.

Je m'approche de la fille loup, remarquant qu'elle n'a pas embarqué le chat avec elle, d'un côté c'est dommage car je pense que j'aurais préféré une présence féline que canine, mais d'un autre côté, je voyais pas la bestiole s'amuser à faire grimpette

« Salut... ponctuelle je vois. Allons y. »

Bon, on ne va pas s'éterniser non? En revanche, je vois qu'elle a mis les vêtements chauds directement sur elle, certes, il ne fait pas une chaleur étouffante dans les plaines de l'Est, mais il ne fait pas froid non plus

« Tu devrais te découvrir un peu, si tu habitues ton corps à cette température, tes vêtements ne te serviront à rien une fois qu'on sera là haut, en plus, tu vas transpirer et les humidifier, c'est un coup à choper la crève! Pas envie de te porter une fois en haut. »

Non pas qu'elle a l'air lourde, mais je ne suis pas super forte moi! Je me porte moi-même, c'est déjà pas mal non?

Les mains derrière la tête, je commence à avancer, le bruit de l'eau qui s'écoule nous accompagne le long du trajet, mine de rien, ça fait du bien de savoir qu'on ne va pas tomber sur des bestioles du genre des touvores dans le coin, quoi qu'ils seraient assez bêtes pour venir jusqu'ici rien que pour me faire chier! Je me tourne vers la gamine d'un air un peu blasé, histoire de meubler un peu la conversation

« Hum... tu t'es déjà baladé dans le coin? Est-ce que tu connais quelques espèces locales dont il faudrait se méfier, ou au contraire qui pourraient nous faire avancer plus vite?»

Ça me ferait bien marrer qu'on tombe sur un castronc sauvage qui nous conduise directement, à toute vitesse jusqu'aux montagnes, mais faut pas rêver, si ces bestioles ne se trouvent qu'à l'épicerie, c'est pas pour rien... mais bon, autant demander au cas où

Uriko arriva au niveau de Cary et les deux jeunes femmes se mirent en route.

« Tu devrais te découvrir un peu, conseilla la panthère. Si tu habitues ton corps à cette température, tes vêtements ne te serviront à rien une fois qu'on sera là haut, en plus, tu vas transpirer et les humidifier, c'est un coup à choper la crève ! Pas envie de te porter une fois en haut.
- Plus pratique à porter comme ça, lâcha Cary. Ceci dit, t'as raison. J'aurai froid si je le porte maintenant. »

Même si elle détestait ça, Cary fut bien forcée d'admettre que la panthère ne manquait pas de sens pratique. Bah, l'expérience sans doute. Tout en marchant, Cary enleva sa grosse doudoune et l'accrocha à sa taille. Par contre, elle dut garder ses bottes fourrées de fausse fourrure ; elle n'avait pas prévu de chaussures de rechange. Il fallait vraiment qu'elle fasse quelque chose contre cette manie de vouloir voyager si léger que c'en devenait presque handicapant.
Il faisait beau. Le clapotis de l'eau accompagnait les voyageuses. Les deux femelles avancèrent longtemps en silence. Cela ne dérangeait pas vraiment Cary, mais Uriko sembla vouloir meubler la conversation :

« Hum... tu t'es déjà baladée dans le coin ? Est-ce que tu connais quelques espèces locales dont il faudrait se méfier, ou au contraire qui pourraient nous faire avancer plus vite ?
- Mère ne nous a pas très souvent emmenés hors de la ville, donc je ne connais pas vraiment le coin, désolée. »

Cary resta évasive au sujet de son passé. Même s'il était sans histoire, elle n'avait pas envie d'en parler à la première venue ! D'après la tournure de sa question, Uriko n'était pas très familière avec cet endroit non plus. Tant mieux. Cary n'aimait pas qu'on sache quelque chose mieux qu'elle.
Le silence retomba, uniquement troublé par le chant des oiseaux et le clapotis de l'eau. Soudain, une délicieuse odeur vint titiller les narines de Cary. Elle s'arrêta net et leva la tête pour renifler l'air environnant.

« Ça sent le lapin. »

Cary renifla de plus belle.

« Le lapin primitif. Tu as faim ? Oh, mais peut-être que les panthères ne mangent pas de lapin ? »

Même si Cary avait des provisions, et qu'Uriko en avait sûrement aussi, rien ne valait le goût d'une proie fraîchement chassée. Cary en salivait d'avance.

Bon, ben elle connait pas les environs. Pour ma part, je connais quand même un peu, sans pour autant pouvoir me vanter de connaître les moindres recoins de la plaine, je me suis juste rendue une fois au niveau de l'antre pour voir s'il était possible de chaparder quelque chose au technomage, sans succès.

Nous continuons donc en silence, mine de rien, c'est pas mal qu'elle ne parle pas beaucoup, j'aime pas les pipelettes, mais mon estomac se met un peu à gronder, j'avoue ne pas avoir encore mangé et maintenant que nous marchons depuis bientôt une heure, il commence à se faire faim. Il faut croire qu'elle a eu la même idée que moi car je vois ses oreilles se pointer et elle dresse le nez comme un chien à l'affut... du lapin?

« Si, je peux manger du lapin. Mais je dois avouer que ça me fait royalement chier de leur courir après. Alors t'as qu'à laisser ton sac là, moi je vais me pêcher quelques poissons en t'attendant et on fera une pause pour manger. »

Joignant le geste à la parole, je pose mon sac à terre sur la berge, avant de retirer mon kimono rouge et le poser par-dessus. Moi, j'ai pas de chaussures, j'en n'ai jamais porté, et je n'en porterai probablement jamais, je préfère avoir les pattes libres. De même, pas de sous-vêtements, ça me servirait à quoi? Je suis une panthère quand même! Même si j'ai des formes rappelant vaguement les femmes humaines, mais ma fourrure couvre bien tout. Commençant donc à me glisser dans l'eau froide, je m'approche d'un rocher qui dépasse pour grimper dessus. À genoux, une patte en l'air, je me prépare à choper le premier poisson qui passe, c'est que j'ai la technique! J'ai eu largement le temps de m'entraîner avec les sirènes d'Ancalïme!

En attendant que le cabot attrape son lapin, j'ai le temps de donner deux coups de patte qui ramènent chacun un poisson sur la berge!

« Héhéhé! Quel talent! »

Oui, je me lance des fleurs et alors? On m'en lance jamais alors faut bien compenser non? Allez, j'en attrape un de plus et ça devrait aller, non parce que bon, le poisson, c'est bon, mais c'est pas aussi nourrissant que la barbaque, faut le reconnaître. D'un geste souple, j'éjecte un bon saumon hors de l'eau, ouh que celui là il a l'air bon!!!

Je pique une tête pour plonger intégralement dans l'eau et nager jusqu'à la berge, brrr, pas chaude, mais bon... me hissant sur l'herbe, je reste quelques secondes à quatre pattes le temps de me sécher en me secouant vivement, puis en commençant à me lisser les poils à l'aide d'une petite toilette minutieuse.

Une fois bien sèche, je remets mon kimono, sans trop me soucier de si la louve est revenue ou non pour le moment... d'ailleurs, elle est quand même un peu humaine, son lapin, elle va le manger cru ou cuit? J'espère qu'elle sait allumer un feu parce que moi et la cuisine, ça fait deux...

Uriko ne sembla pas vouloir du lapin. En tout cas, elle ne voulait pas lui courir après et préféra pêcher.

« Tsssssk, flemmarde... pensa Cary en s'éloignant. J'espère qu'elle est bonne pêcheuse, parce qui si Mââdame a la flemme de courir après la proie, j'aurai la flemme de partager ! Manquait plus que ça ici ! »

Cary n'avait pas encore localisé l'animal, mais elle suivait son odeur. Même s'il n'y avait que des plaines aux alentours, impossible de voir le lapin. Cela signifiait qu'il devait être dans son terrier. Tant mieux, il serait plus facile à attraper comme ça. L'odeur se faisait de plus en plus forte et de plus en plus alléchante. Un gargouillement s'échappa de l'estomac de Cary. À mesure qu'elle s'approchait, Cary marchait de plus en plus doucement. Si le lapin était dans son terrier, il pouvait facilement sentir les moindres vibrations du sol.
Délicatement, Cary se mit à quatre pattes. Elle avait trouvé l'entrée du terrier. Elle s'assura de ne pas se placer devant, ou son ombre avertirait la proie de sa présence. Elle approcha doucement sa main griffue du terrier... puis l'y lança à toute vitesse. Elle sentit sa main heurter quelque chose et lui donna un coup de patte. Le lapin devait être étourdi par le coup. Elle se dépêcha de creuser pour élargir l'entrée du terrier, puis ramena le lapin à l'air libre. La bête, encore vivante, se débattit. Cary la plaqua au sol d'une main puis l'acheva d'un coup de dents. C'était ainsi qu'elle avait appris à chasser.
La femme-louve se releva, épousseta ses vêtements terreux, puis retourna vers Uriko avec son lapin. Finalement, elle n'avait même pas eu à lui courir après !

« Alors, la pêche a été bonne ? » lança Cary en s'asseyant en tailleur près de la panthère.

Puis elle mordit à pleine dent dans son lapin. L'animal était dodu et délicieux. Décidément, quand on avait du sang de prédateur dans les veines, rien ne valait la saveur d'une proie tout juste tuée.

Bon ben au moins, c'est une bonne chasseuse, elle semble avoir pris plus du loup que de l'humaine... un bon point pour elle, j'ai toujours eu une préférence pour les bestiaux.

« Jolie prise! »

Oui bon d'accord, je n'affiche pas un large sourire et j'ai pas l'air plus impressionnée que ça, mais c'est l'intention qui compte non? Alors qu'elle attaque son lapin comme ça, sans le cuire ni rien, j'avoue qu'un certain soulagement me gagne... on risque pas de se faire repérer par des coyotes ou autre en faisant un feu.

Je lui montre mes trois poissons, dont le gros saumon, preuve que oui, la pêche a été bonne. Commençant directement par le plus gros morceau - ce serait dommage de gâcher - je mords à pleines dents dans le ventre dodu, sans trop me soucier des arêtes, la chair glisse si facilement dessus, le saumon étant un poisson gras... Je me lèche les babines en levant la tête pour me retenir de ne rire en la voyant déjà couverte de sang

« Joli déguisement, heureusement que le fleuve est à côté sinon tu vas nous attirer tous les prédateurs du coin! »

Petite pique gratuite, mais après tout, je vais pas lui faire des courbettes pendant tout le trajet! Si on peut plus s'amuser... je jète la tête de mon poisson à la flotte, flottant à la surface tout en se faisant emporter par le courant, elle semble rapidement être la cible de petits prédateurs affamés. Je m'attaque à l'autre poisson avec avidité, retirant les organes pour les jeter également à la flotte avant de mordre dans la chair.

Le repas terminé, je m'approche de l'eau pour me rincer un peu le visage, buvant également à petites gorgées, puis je me cale dans l'herbe pour me lancer dans une petite toilette et me débarrasser des restes d'odeur de poisson. Dressant les pattes au ciel afin de m'étirer tout en baillant à m'en décrocher la mâchoire, je me redresse souplement et remue légèrement du popotin pour enlever les brins d'herbes qui se seraient collés à mon kimono.

D'un geste vif, je récupère mon sac pour le remettre sur mon épaule, une patte sur la hanche en attendant que la miss soit prête. J'espère qu'elle n'est pas du genre à faire la sieste après manger, mais j'en doute... elle semble plutôt impatiente de gagner la montagne pour que la mission commence

« Allez en route, faut qu'on essaie d'avancer le plus possible, au moins jusqu'à ce que la nuit tombe. Sauf si, comme moi, tu peux voir dans le noir, dans ce cas on pourra même poursuivre encore un peu sous les rayons de la lune...! »

Après tout, les loups voient quand même mieux que les humains dans l'obscurité, peut être a t'elle également ce talent caché?