De nouvelles recrues pour le Sanctu! [Belli / Dolhan / Mouna ]

Depuis trop longtemps, j'errais sans vrai but. Mais depuis ma retraite à Termer, j'avais décidé de me fixer un moment et de gagner ma croute de façon régulière. Mes talents de guérisseurs me poussèrent tout naturellement vers le Sanctuaire des Braves, l'hôpital général d'Entre-Monde. Rien que ça !

Pour y avoir déjà mis les pieds une fois ou deux, j'en gardais un bon souvenir : une vraie panique y régnait, mais les patients étaient toujours bien reçus et vite pris en charge. Je n'avais jamais travaillé dans une équipe et encore moins dans des locaux adéquats, mais j'étais impatient de tenter ma chance.

Je me rendais donc aux Fumeroles pour postuler au Sanctuaire. J'y parvins sans encombre et, à sept heures pétantes, je me présentais à l'accueil de l'hôpital, comme une fleure. Je n'avais pas mis mon beau costume du dimanche mais j'avais fais un effort pour me raser et mettre un semblant d'ordre dans mes cheveux.

Derrière le bureau se tenait une volée de secrétaires, affairées à diverses taches des plus trépidantes : téléphone, paperasse, re-téléphone, paperasse et encore paperasse...
Je m'accoudais au bureau et apostrophais l'une des femmes.

- Excusez-moi.

Rien, pas même un coup d'œil, elles étaient trop occupée semble-t-il. Je patientais un instant et reprenais plus fort :

- Bonjour !

Cette fois-ci, l’une d’elles leva un œil de ses dossiers pour me toiser. Elle finit par consentir à se lever et s’approcha de moi.

- Bonjour monsieur, pour les consultations veuillez lire le panneau derrière vous, pour les visites c’est à l’autre guichet qu’il faut s’adresser et comme je vois que vous ne faites pas parti du personnel quoi que vous me disiez le guichet « administration » n’est pas celui dont vous avez besoin.

Et beh ! J’avais envie de rire, de lui serrer la main et de la féliciter pour cet accueil… Vraiment ! Mais je n’osais pas me griller avec une secrétaire de l’administration, sait-on jamais ! Mon dossier pourrait disparaitre et ma première paye s’égarée.

- Voyez-vous madame, je ne souhaite pas abuser de votre temps, mais on m’a dit de m’adresser au guichet « administration » pour toutes réponses à des demandes d’emploi. Et comme vous vous en doutez désormais, je me présente à l’hôpital aujourd’hui non pas pour rendre visite à la femme du neveu d’un voisin, ni parce que je suis mourant, mais simplement parce que je suis guérisseur et que j’ai lu une offre pour un emploi dans ma branche.

Elle me lorgna d’un air mauvais, puis sourit de toutes ses grandes dents et me guida à son bureau. Elle s’assit d’un coté, moi de l’autre.

- Voici le dossier personnel, le dossier professionnel et le dossier d’examen, veuillez les remplir tous les trois.

Tout sourire, elle me tendit un stylo. Je la fixais un moment, m’attendant à ce qu’elle s’en aille le temps que je remplisse la liasse de papiers qu’elle venait de me fourrer entre les mains. Au lieu de cela, elle ajusta ses lunettes sur son nez et me fixa, un large sourire aux lèvres. Vraiment les gens peuvent être bizarres.

Je passais une bonne heure à remplir des formulaires, répondant à des questions parfois simple (nom, prénom, race, date de naissance etc.) parfois plus saugrenues (condition du premier décès constaté, heures maximum de présence dans un service hospitalier…), autant dire que je laissais quelques champs libres… La secrétaire ne me quitta pas des yeux un instant, trop heureuse d’avoir une excuse pour s’offrir une pause !
Après avoir rempli le questionnaire, je rendis mon devoir non sans quelques douleurs au poignet.

- Veuillez me suivre monsieur… Eihwaz, le directeur va vous recevoir. Vous avez de la chance il est là ce matin ! Ca serait bien la première fois que je ne dis pas à une personne de revenir dans un, deux ou dix jours… Vous êtes un petit chanceux, ajouta-t-elle avec un air complice qui me fit frissonner.

Elle me conduisit alors dans un dédale de couloir, nous primes un ascenseur et après une bonne dizaine de minutes, nous arrivâmes aux urgences. Il y régnait cette odeur si typique, entre la javel et l’éther, cependant avec une pointe de parfum bon marché… à la rose (je lançais un regard à la petite secrétaire rondelette qui me guidait…).

Elle donna mes trois dossiers, environs quarante pages dans trois chemises papiers respectivement vertes, marron et grise, à une autre secrétaire. Elles papotèrent ensemble un instant puis la seconde me guida dans un couloir, elle me désigna une chaise à coté d’une porte et me demande d’attendre la un instant. Elle frappe et disparait. Sur la porte un cartouche indique « Eönwë Elambar – Chef du service ». Rien que ça, le chef des urgences…

Je n’eus guère le temps de me faire du mauvais sang que déjà, la jeune femme ressortait.

- Entrez je vous prie, M. le directeur va s’occuper de vous.

Le trac me prit au ventre, pour la première fois depuis longtemps, je doutais du bien fondé de ma présence. Etais-je capable d’assurer au sein d’une équipe d’urgentistes. Jusqu’à présent je n’avais connu que des situations simples. Mais il était temps de faire changer les choses !

J’entrai donc dans le bureau.

Devant moi se tenais un grand elfe (décidément ces jours ci, je ne rencontrais que des elfes !). Il tenait plus de l’épéiste que du médecin, sa forte carrure laissait présumer une vie de guerrier plus que celle d’un doux praticien. Mon futur patron, il me plaisait déjà ! Je lançais donc d’un air sincère un :

- Bonjour monsieur, avant d’ajouter, Belli de la tribu Eihwaz, chasseur mais surtout guérisseur. J’ai cru comprendre qu’il y a du boulot pour les gens dotés de talents pour les soins.

Je ne voulais pas passer pour le bavard lourdingue du coin, je stoppais là mon discours. Attendant sa réponse alors que ses yeux perçant me mettaient quelque peu mal à l’aise.

Je ne fis pas de manière et m’assis devant son bureau. Il parut de très bonne humeur, m’expliquant d’un ton enjoué qui il était et me demandant ce qui ne figurait pas dans les formulaires. Je me fis un plaisir de répondre.

– Je suis un demi-ange, ma mère, c’est elle l’ange de la famille, avait pour mission de veiller notre tribu. Je suis issu de son union avec un des chasseurs. Ce n’est pas défendu et je ne suis pas ici pour avoir été bannis ou autre. Je n’ai pas eu de chance voila tout.

Je réfléchis une seconde. Ses grands yeux verts me fixaient avec intensité, il semblait curieux autant qu’intéressé. Je repris mon discours :

– Je tiens de ma mère ce don de guérison. Vous savez ses unions sont assez courantes, je n’ai pas eu d’ailes mais nombres de gens me doivent la vie. Ce qui me conduit à votre question suivante. A ce moment là je souris, amusé par la tournure très carrée et mathématique de ma démonstration. Je n’ai jamais vraiment pratiqué entre guillemets. J’ai toujours eu ce don de guérir les chairs et les maladies, je m’en suis toujours servi. C’est un peu un mode de vie. Depuis onze ans, depuis que je suis bloqué ici loin des miens, je n’ai pas cessé de parcourir le monde, allant de ville en ville. J’ai pratiqué à l’improviste contre un bol de riz, une nuit au chaud et un bon bain. Maintenant je suis las de ce perpétuel voyage et j’aspire à rester quelques temps en ville. Cependant je ne peux pas envisager de faire autre chose que de soigner les gens.

J’avais l’impression de vanter mes mérites, d’expliquer que j’étais jusqu’à la semaine dernière une sorte de chevalier solitaire errant pour sauver l’humanité. Je me sentais beaucoup plus modeste que ça, d’une modestie héritée de celle des anges… quelle ironie que de dire ça.

– Au fond je ne sais faire que ça vous savez, ça et chasser dans le désert mais on s’en fiche un peu.

Je sais navrant que je suis stressé, et cet elfe en imposait vraiment.

– Pour finir, je ne connais pas vraiment le Sanctuaire, j’ai dut y mettre les pieds deux fois je crois… aux urgences et c’était pour y accompagner des gens que je ne pouvais pas complètement soigner moi-même. Mon don est limité et très fatiguant à utiliser. Alors je profite d’être jeune pour postuler aux urgences. Je complète mon don par quelques connaissances en médecine, mais je ne saurais prétendre pouvoir soigner seulement avec ça. Disons que j’arrive assez bien à mélanger les deux. Un petit coup de magie, quelques points de suture pour économiser mon don, un autre petit coup de magie ailleurs, un gros pansement etc. Vous voyez ?

J’étais fier de ma prestation. Il restait à voir si il avait autant apprécié que moi mon petit discours. Mais j’étais déjà un poil plus à l’aise, et surtout j’avais vraiment très envie de travailler ici.

Intéressé ? Vous rigolez ou quoi.

Je gardais cette réflexion pour moi, j’étais vraiment motivé pour travailler aux urgences et il me tardait de mettre la main à la pâte si je puis dire.

Bien sur que je suis toujours motivé. J’eu sans doute un petit sourire amuser mais je n’en suis pas sur. J’aimerai vraiment intégrer les urgences et me mettre aussi rapidement que possible au travail. Il me tarde de travailler en réalité.

Je ne savais pas trop quoi ajouter d’autre, maintenant c’était à lui de juger si il avait ou non besoin d’un guérisseur n’ayant jamais travaillé en équipe et basant tout son travail sur des connaissances quasi-empiriques, dans son service de professionnels multi-diplômés. J’avais beaucoup à apprendre ici, et j’espérais surtout être à la hauteur de tout ces gens.

Au fait, vous avez parlé d’un médecin qui me sera attaché ? Enfin disons que je lui serais confié, ce serait plus exact. Bref d’un médecin avec qui je vais travailler.