La Toge et le Kimono [pv Uriko]

Kirshiva était à Northrives. Elle voulait dépenser l'argent qu'elle avait gagné, et désirait pour une fois ne pas demander à Vetera de lui imaginer ses vêtements.
Vetera quant à elle, avait constaté qu'elle ne connaissait pas Tern et s'était dit qu'elle trouverait sûrement de beaux spécimens. Elle avait donc revêtu une robe rose pâle (très) échancrée, fendue sur les côtés du haut de la cuisse aux talons. Elle n'avait nullement mal aux pieds dans ses spartiates à talons, et avait choisi des bijoux silencieux. Ses bras étaient donc cerclés de rubans soyeux et de dentelles. Sa chevelure arborait ce jour là une couleur roux foncé, presque brique et ses yeux brillaient d'un bleu éclatant.
Elle observait avec intérêt les hauts buildings, les gens qui passaient. Elle sourit à un beau jeune homme qui se cogna contre un réverbère.

À un moment donné, elle s'arrêta devant la devanture d'un fleuriste. Se demandant comment les fleurs restaient fraîches dans cette atmosphère lourde et chaude, elle acheta un petit bouquet de roses rouges avant d'adresser son plus beau sourire au vendeur (elle avait de la chance, elle avait souvent affaire à des hommes). Elle s'approcha de lui -il n'y avait personne- et passa son doigt sous son menton. La déesse sentit le fleuriste frémir. Lentement elle approcha sa bouche de son oreille avant de murmurer "Un cadeau, merci..." puis partit sans payer.
L'homme la regarda partir, ébahi, ne réagissant même pas au fait qu'elle soit partie sans payer.

Elle continua sa route. Plusieurs femmes la regardèrent d'un air méprisant assaisonné à la jalousie et aux années de séances d'esthéticienne.
Vetera aperçut une tache verte, plus loin. Elle continua de marcher et constata qu'il s'agissait d'un parc.

*Tiens, un parc. Ce carré de verdure semblerait presque être un pied de nez à cet amas de béton. Très ironique.* pensa-t-elle.

Après avoir détourné les regards, la Delecuptas s'installa sur un banc, sous l'arbre le plus grand. De là où elle était elle ne voyait presque plus les immeubles.
Un homme d'une trentaine d'années vint s'incliner devant elle et s'apprêtait à lui déclamer quelque chose qui sonnait comme une poésie, si l'on s'en fiait à ses raclements de gorge et à ses sourires gênés.
Le regard furieux et destructeur de la déesse, qui avait viré au noir, dissuada le personnage de prendre la parole. Il partit en écartant son col avec le doigt, s'excusant confusément et bredouillant qu'il avait du se tromper de personne.

Elle éclata de rire. L'homme était laid, et elle le lui avait bien fait comprendre.
Et elle continua d'observer les va-et viens de la population.

Kirshiva venait de rejoindre la déesse et s'était assise à côté d'elle. Les deux jeunes femmes s'étaient alors mises à grignoter délicatement les douceurs rapportées par la disciple.
Les regards des passants se tournaient toujours. Cela avait l'air d'amuser la Delecuptas plus que Kirshiva.
Celle-ci en effet se sentait plus vulnérable du fait qu'elle n'était qu'une humaine. Elle pouvait mourir. Pas Vetera.
Cette dernière, qui était bien sûr une divinité, devina dans ses yeux cette inquiétude et la rassura d'un sourire.
Kirshiva se leva, marcha jusqu'à la poubelle et se fit draguer par un jeune homme.
D'un coup de main bien calculé elle fit mine de lui passer la main sur le postérieur. Et l'homme perdit sa bourse pleine d'argent, sans qu'il n'ait remarqué quoi que ce soit.

Les deux séductrices observèrent avec intérêt la personne qui se rapprochait d'elle. Il s'agissait de la panthère en kimono, la chapardeuse de talent, Uriko. Vetera lança un sourire et répondit avec amusement à son interpellation.

- Je ne pensais pas causer autant de désagrément à tous ces gens. Mais il est vrai que le bout d'gras qui est venu m'aborder a bien fait de s'en aller !

Elle cueillit une fleur dans un massif et l'ajouta à sa coiffure. Kirshiva demanda alors :

- Vous plaisez-vous dans votre domaine qu'est ce quartier de Tern ?

La déesse adressa un sourire à un marchand de glaces qui passait par là et Kirshiva se leva pour aller commander deux cornets fraise-groseille-panacotta.

- Vous en voulez, Uriko ?

La panthère leur demanda ce qu'elles faisaient là. En réalité, Vetera n'en savait pas grand chose. Elle avait marché sans but afin de découvrir les lieux et surtout leurs habitants. Il y avait de beaux spécimens à Tern, mais ceux-ci étaient "détériorés" par l'air vicié de cette ville trop moderne au goût de la Delecuptas.
Elle croqua dans sa glace avant de répondre :

- Je visite. En revanche, je ne sais pas ce que nous allons faire ensuite...

Elle tourna le regard vers Kirshiva qui avait entamé le cornet. Celle-ci proposa :

- Nous pourrions visiter les boutiques... Il vendent bien des vêtements, ici ? Comme ça, on comparera avec ceux de Northrives.

Elle regarda Uriko avant d'expliquer :

- Vetera et moi aimons jouer les stylistes, nous testons toutes sortes de tissus, de bijoux et de parures, de coiffures...

Vetera continua la phrase, comme si elles parlaient d'une seule et même voix :

- ... et nous testons leurs effets sur les gens ! Tel homme préfère-t-il telle matière avec telles pierres ? Un autre est-il plus sensible à une autre association ? Selon les caractères physiques ou moraux, les goûts sont semblables...

- Nous consignons tout sur des carnets. Cela peut paraître étrange comme passe temps, mais c'est réellement passionnant pour nous qui avons tout notre temps de libre ! Et puis, parfois c'est drôle...

Les deux femmes se regardèrent d'un air complice et Vetera sortit d'on ne sait où, mais sûrement pas de ses poches puisqu'elle n'en avait pas, une pile de carnets à anneaux, dont chaque page était couverte d'écritures, de bouts de tissus collés, de croquis... qui faisaient penser à un travail de grand couturier.

- Comme Kirshi' l'a suggéré, nous allons faire les boutiques. Et vous ? Avez-vous une idée de ce que vous allez faire ?