Des morveux pendant la saison des taupes

On se retrouve d’un coup dans l’ambiance blafarde du sanctuaire des Fumeroles, le fourmillement du personnel autour qui ose s’énerver qu’on soit dans leurs pattes alors que nous n’étions pas vraiment blessés.

-Soit une infirmière vient te voir maintenant, soit je transforme cet hôpital en champ de bataille.


Je sors de ma poche un petit sachet de marque du moire et d’instant mousse, intelligemment chapardées des semaines auparavant dans les réserves de l’alchimiste.

Lilou était rouge de honte, et morte d’inquiétude pour Kaïl. Couverts de poussière de la tête au pieds ils faisaient tâche dans le hall immaculé du Sanctuaire des braves.

- Allons nous asseoir, dit elle tout bas en le tirant par le bras.

Une fois assise elle garda la tête basse se repassant la scène… Elle avait mordu un type qui ne lui avait strictement rien fait… Elle serra les poings et sans desserrer la mâchoire elle dit.

- Tu diras rien a Richye hein ? Après Magna, je suis pas sur qu’il s’en remettrait…

Elle releva la tête, pour le regarder, il avait meilleure mine, mais ça ne semblait toujours pas être la grande forme. Lilou inspira profondément et se leva, elle parti dans un couloir, et après quelques supplications elle réussit a convaincre un médecin d’examiner Kaïl en priorité, après tout, elle venait souvent donner un coup de main, elle commençait à être connus au sein du sanctuaire, ils pouvaient bien lui rendre ce service.

- C’est lui Monsieur le docteur, je vous le confie vous me l’abimez pas hein ?

Atrya terminait à peine de retirer les fils d'une plaie cicatriser sur un membre du commissariat que l'intendant vint le trouver, un combiné de téléphone à la main. Quelques mots échangés avec l'un des urgentistes confirma ses craintes. Il retira les fameux fils avec moins délicatesse que précédemment et déclencha une série de grognements indignés dans la bouche de son patient.

-Désolé, un problème avec mon apprentie ! Tenez, faut désinfecter avec ça et vous collez ça dessus ensuite. Bonne journée !

Comme une furie, Atrya quitta le palais pour gagner les urgences. Il arriva pile-poil au bon moment et attirant la gamine et son ami dans la salle de soin, il les salua d'un :

-J'ai bien assez de pansements pour vous soigner tous les deux ! Entrez là ! Je m'en occupe ! Mon apprentie, dit-il avec une fierté que l'autre médecin ne comprenait pas. Elle revient d'une mission, vous voyez !

Il claque la porte au nez du médecin, fit craquer ses doigts et se tourna vers la jeune fille.

-Ce n'est pas bien d'oublier de me prévenir avant de partir en mission ! Asseyez-vous là jeune fille et vous aussi jeune homme.

Il leur indiqua le lit de cuir recouvert d'une couche de papier hygiénique.

Je n'étais pas assez fatigué pour ne pas comprendre ce qu'il se passait.
Ce truc qui sent le poisson pas frais m'avait touché. Il me donnait des ordres et il connaissait ma Lilou.

-Ok. Nemo. Deux choses. Je m'assois si j'ai envie et si tu cries sur Lilou encore une fois, je te fais gober par une taupe-hyène-garou ! On n'a pas idée d'avoir l'odeur et le QI d'une algue et en plus de se permettre de bousculer ma sauveuse.

Je tournais vers elle un sourire taquin.

-Je ne sais pas si c'était pour me sauver ou si c'était un accès de rage par contre. Je veux un vaccin avant d'entrer dans le détail de ma colère.

Pressé d'en finir avec tout ça avant qu'on ne s'aperçoive que j'étais à moitié dans les vappes, je trépignais sur place et fouillais la pièce mécaniquement. Je mis dans mes poches quelques bricoles sûrement utiles pour une blague ou deux dans quelques jours. Dans la foulée, je lançais à Poisson-guérisseur :

- Hophophop ! Du nerf, va me chercher ma piqûre que je puisse quitter cette réunion de psychopathes en blouse blanche. Qu'est-ce que t'es lent ! C'est ton cerveau, je sais, Maman poulpe n'avait pas assez de neurones à distribuer donc toi t'as juste écopé de l'odeur... C'est pas de chance. M'enfin, des neurones t'aurais pas su quoi en faire de toute manière. Héhé !

Finalement, j'allais m'assoir avant qu'on ne remarque mes tremblements nerveux. Bras croisés et moue boudeuse, je concluais ce discours digne du vrai Kaïl par :

-Rha ! Avec tout ça, j'ai faim ! Qu'est-ce qu'on s'ennuie ici !

- Atrya !!!!

Elle ne manqua pas de l’accueillir avec un câlin. Son maître était un peu spécial dans son genre, il avait une drôle de façon de soigner les gens mais il était si gentil qu’on ne pouvait pas lui en vouloir d’être étrange.

- On a sauvé un monsieur qui est tombé dans un trou de taupe géante ! Même que j’ai nettoyée sa plaie et fabriquée une atèle ! Et on a utilisé un slime collant et de la poudre d’aéropoulpe pour le transporter et… Je te présente Kaïl, c’est… mon meilleur ami, il m’a protégé pendant toute la mission et il a un pouvoir super cool et super utile ! Tu sais, c’est lui qu’a créé Higor et….

Elle continua de parler comme ça pendant au moins 5 bonnes minutes un vrai moulin a parole, mais elle avait tellement de chose à raconter qu’elle était intarissable, surtout quand elle devait parler de Kaïl en des termes élogieux, plus rien ne l’arrêtait. Bon bien évidemment le moire ne manqua pas de contredire tout ce qu’elle racontait en se comportant comme il en avait l’habitude. Ça ne la gênait pas si c’était avec des inconnus, mais là elle piqua un fard, elle espérait sincèrement qu’Atrya ne lui en tiendrait pas rigueur.

- Tu peux examiner Kaïl d’abord ? Je sais qu’il est un peu rude mais… il est pas aussi méchant que ce qu’il voudrait qu’on le croit. Moi j’ai rien, juste des égratignures, mais lui il est a bout de force, elle tourna la tête vers lui sa main posé sur la sienne elle ajouta, et ne dit pas le contraire ! Je le sais, ou du moins je le sent….

Tout comme elle savait au fond…. Qu’il l’aimer plus qu’un ami, mais ça…. Elle ne n’oserait jamais l’avouer.
En tout cas s'il ne se calmait pas... Elle allait surement devoir s'opposer à lui.

-En effet, il a l'air adorable ton ami.

Atrya était trop content d'avoir trouvé quelqu'un qui aimait autant que lui disséminer des tendresses et des câlins à tout va qu'il écouta d'une oreille distraite le discours tapageur de Kaïl. Plus qu'un ami pour la fillette et plus qu'un sale gosse se cachait sous les vêtements trop grands.

-Tu vas nettoyer tes égratignures pendant que je vérifie ton ami, d'accord ?

Aussi naïf et bienveillant que de coutume, Atrya n'était pas même un tout petit peu vexé d'être traité de poisson puant ou même d'imbécile heureux. Il s'approcha du moins polis de gamins de la pièce et avant même de commencer à l'ausculter, lui ébouriffa la tignasse au moment même où il le piqua d'une seringue.

-Sédatif, dit-il. Très léger, il était trop épuisé pour avoir besoin de plus. Comme ça je vais pouvoir vérifier son état sans qu'il chouine.

Le poisson-ange avait passé beaucoup trop de temps à jouer les infirmier pour la bande de fous furieux, tous aventuriers par principe et jusqu'au fond de l'âme, qui trainaient au palais. Il gardait, pour les causes les plus difficiles, une seringue avec un calmant toujours dans une poche.

Il trouva l'antiseptique et le coton, présenta une pince à l'allure d'un petit ciseau à Lilou.

-Tu changes de coton à chaque nous passage et tu vas de l'intérieur de la plaie vers l'extérieur.

Ceci étant fait, il alla prendre la tension du jeune homme et sa température.

-Tu feras les pansements de Kaïl aussi.

Pas même une petite réaction, pas de pleure, pas de cri, pas de regard furieux. Je ne sais plus où je suis, en enfer ? Dans une dimension parallèle où tout le monde ignore ma superbe tirade ? Je suis... Humilié. Rouge comme une tomate restée trop longtemps au soleil. Deux fois plus quand Lilou en rajoute une couche sur mon état. Je tire la langue, je suis fatigué et, dans cet enfer personnel, j'ai découvert qu'une personne est immunisée à mon art subtile de la méchanceté gratuite.

Il ose, sa paluche sur mes cheveux, de la poussière se soulève dans la pièce. Je veux le repousser et tout ce que j'arrive à faire c'est tomber à la renverse et m'endormir comme un sac.

Je le hais. Je ne mangerai plus que du poisson à partir d'aujourd'hui.
Je le déteste !
Comment peut-il résister à un tel déchainement de mon mauvais côté ?
Non. Je suis mort. Kaïl rajeunit n'est qu'une ombre pâle d'un passé glorieux. Le temps où l'Entre-Monde au complet me craignait, me haïssait est révolu. Je suis foutu. Je suis devenu la médiocrité que j'ai toujours renié.

Mais j'ai Lilou. Elle est bien Lilou. Elle le mérite peut-être.
Un peu ?

Ouf Atrya n’avait pas prêté attention aux répliques de Kaïl, un faible sédatif, et le voilà parti, une fois endormi il avait vraiment une tête d’ange, absolument irrésistible.

Lilou nettoya ses plaies en grimaçant, le tout était superficiel, puis elle regarda Kaïl, et elle rougit…. Si elle devait nettoyer ses plaies, est-ce qu’elle devait lui ôter son t-shirt… D’une couleur rosée, elle passa au rouge coquelicot, agitant les bras dans tout les sens, finalement elle se contenta de nettoyer les plaies visibles.

Atrya finit de l’examiner, et lui expliqua que c’était une utilisation intensive de son pouvoir qui l’avait plongé dans un état de fatigue dont il ne pourrait se défaire qu’avec une bonne semaine de repos dans un bon lit, avec de bons petits plats, et un programme riche en vitamine, le reste comme pour elle n’était que des plaies superficiels. Soulagée, Lilou fit un autre Câlin à Atrya.

- Merci, dans ce cas, il va rentrer avec moi à la tour et je prendrais soin de lui. Je suis sure que Richye n’y verra pas d’inconvénient.

Puis elle s’installa aux côtés de Kaïl.

- Je vais attendre qu’il se réveiller et on partira, merci pour tout Atrya, je te donnerait des nouvelles.

Puis elle attendit, finalement elle posa sa tête sur le lit et elle s’assoupit.