Kozy : le singe blanc

Entre Cerclon et Main'l, le vent s'est levé. Nous sommes en altitude et mon ventre tiraille aussitôt que nous y posons les pieds.
Ils doivent avoir l'habitude de ce genre de visite au premier pas destructeur pour le petit déjeuner, car il y a un porteur de sacs en papier. Il se précipite vers notre petit groupe et me donne un sac miraculeux. Je m'éloigne du groupe assez vite pour rendre en paix.

Et l'air est froid, aussi froid qu'en hiver avec ce vent qui pénètre la peau comme un couteau. J'aurais dû me renseigner et m'équiper avant de venir. Je regrette d'avoir accepté de partir si vite.

Un deuxième homme s'approche de notre groupe. La bibliothécaire a dû le prévenir car il ne peut s'agir que du commissaire devant nous accueillir.
Deux indices : il est couvert de pansements, il est couvert d'armes en tout genre.
Digne de K'ouen...

L'homme nous tend une main à serrer à chacun de nous, il n'est même pas gêné face à Sash. Je le trouve très courageux.

-Eva m'a prévenue de votre venue. Vous êtes prêts pour une explication de votre mission ou vous préférez attendre demain ?

Je m'essuie la bouche avec un mouchoir quand il se tourne vers moi avec un sourire où manquait une canine. Je ne lui souris pas.
Je me contente d'être la première à répondre :

-On peut commencer par discuter dans un endroit hors du vent et chauffé ?

-Vous voulez peut-être manger un morceau aussi ?

Il se moque de mon état et moi je commence à ventiler plus rapidement. Il est convaincu et s'écarte de notre route pour nous montrer l'entrée d'un bar de l'autre côté de la plateforme.

-Non, ça je pourrais le faire demain.

Je lance un regard suppliant à mes équipiers tout en frottant nerveusement mes bras pour me réchauffer.

Ce n'est pas la hauteur qui fait pâlir la femme serpent, habituée aux vols stationnaires de son navire gobelin, mais bien le vent glacial qui glace ses écailles et la font claquer des dents. Le Vandavel est isolé des températures froides du ciel, et la Naga passe peu de temps exposée au grand vent.
Mais ici, elle regrette amèrement de ne pas avoir pris son équipement d'intervention d'urgence sur les filins de son vaisseau.

Heureusement pour eux, un garde vient les chercher, et malgré toute la sympathie dont elle peut faire preuve, Sarressinashira se précipite en avant à la simple direction donnée par le garde.

Elle entre dans le bar comme un tauracle et se précipite près de la cheminée en feulant sur tout client mécontent qui s'approcherait trop près.

Sarressinashira profite d'un court moment de répit pour retirer sa tiare et ses griffes d'argent, puis ôte son sari sans grande tenue particulière de la discrétion. La pudeur des humains n'affecte pas les Nagas, et la femme serpent n'a jamais vraiment compris cette espèce de passion des poitrines qu'ont les mâles étrangers.
Elle noue autour de la sienne un simple tissu vert délavé, pour être plus à l'aise dans ses déplacements rapides, et range soigneusement son barda dans sa sacoche sans fond. Lorsqu’elle relève les yeux, quelques personnes toussent, gênées d'être vues la bouche ouverte et les joues rouges.

S'adressant au garde et à ses compagnons qui ont fini par entrer aussi, elle reste tout de même lovée près du feu.

¤ Sarressinashira ne pas comprendre. Gorilles souvent vivre dans zones de jungle. Que faire spécimen dans zone désertique ? Fleuve et végétation être à plus de 70km, pourquoi lui rester ici?

Avant de continuer, elle fait un signe à une serveuse qui n'approche qu'une fois que le garde ait confirmé qu'elle ne craignait rien.

¤ Sarressinashira prendre thé noir. Septembre et Azura vouloir quelque chose?

Les lentilles de Septembre décidèrent qu'un changement de température et d'altitude méritait une cession de danse disco. Passant d'une vision en bleu puis en rouge, il n'entendit pas tout de la conservation d'Azura et du comité d'accueil. Sûrement parce qu'il passait plus de temps à tenter de régler ce petit problème d'ajustement qu'à écouter ce qui se disait au milieu de la plateforme.

Rapidement au chaud, rapidement assit, l'androïde pensa qu'il aurait le temps de faire un reboot de son système sensoriel. Erreur, il annula la procédure pour observer du coin de l'oeil la Naga se changer. C'était beaucoup trop pour son petit coeur nucléaire ultra sensible. Il détourna la tête et fut bien heureux de ne pas être capable de rougir.
Pendant qu'il se demandait si les nanobots pouvaient lui faire l'affront de se colorer en rouge pour l'embarrasser, la conversation embraya sur le gorille.

- Non merci, répondit-il à l'invitation. J'imagine que le gorille apprécie le climat de la montagne ?

- Tu l'as dit ! S'exclame le commissaire. Lui-même assit face à Septembre. La réserve était à l'Ouest et il s'est éloigné jusque dans les montagnes. Je ne sais pas trop pourquoi, lorsque j'ai trouvé il m'est tombé dessus trop vite pour m'expliquer les raisons de son voyage touristique.

Ce qu'il y a de bien avec les commissaires, c'est qu'ils se comportent presque tous comme leur Maitre de Miroir : mal poli, bourru et du genre à faire de l'humour un peu dur à avaler.

- Pour le moment, il est plutôt éloigné des oasis, ne peut-on pas le laisser emménager dans le coin et déplacer les équipes de surveillance ?

- Mais, j'ai jamais dit qu'il avait posé ses valises. Il a remonté le fleuve et s'est planqué en montagnes quelques temps. On l'a laissé tranquille jusqu'à ce qu'il commence à redescendre le cours du fleuve... Vu son rythme d'avancée dans dix jours il est à Dun.

Dix jours alors. J'avais confirmé, comme Sash, qu'un thé noir serait idéal. On m'apporta mon thé et un châle en lin. Je l'acceptais de bonne grâce puisque, bientôt, je n'en aurais plus besoin. Nous n'allions pas nous attarder sur l'île volante et irons très vite rejoindre les terres brûlantes du désert. Ma patrie naturelle.

-Il se pourrait que le gorille veuille retrouver son ancien territoire.

-S'il fait ça, il contournera le lac puisque son refuge est à l'ouest, en forêt.

Nul besoin d'être un génie pour le savoir, l'oasis est habitée et en danger, nous devions arrêter Kozy avant qu'il n'atteigne cette zone.

Enki, ce singe n'a rien fait de mal sinon vivre et se défendre. Moi-même, j'aurais très certainement frapper ce commissaire aussi fort qu'il m'était possible de le faire dès notre première rencontre, si j'avais été un singe de belle taille et en fuite...
Je priais intérieurement, non pas un dieu mais une conscience.Une entité qui m'a suivi toutes ces années sans faillir étant à la fois ma bonne étoile et mon croquemitaine.
Je voulais qu'il m'aide à protéger cet animal unique. Nous devions l'attraper sans le tuer.

-Avons-nous l'aide du miroir pour transporter le singe si nous réussissons à l'endormir ?

-Quoi ? Vous espérez que vous n'aurez pas à le tuer ?

Le commissaire n'était pas du genre à s'embarrasser d'un animal unique. Pour lui, il avait dans l'idée que ce singe ne pouvait être inoffensif que mort.

-Notre mission nous donne ce choix, oui.

-Bien dans ce cas, si vous réussissez... Je viendrais avec mes collègues de la réserve pour le transporter chez lui en sécurité. Mais, je ne veux pas vous attrister.

Ce commissaire avait un côté mysogyne qui me hérissait les poils des bras. Me mordant la langue, je risquais à tout moment de l'insulter copieusement dans ma langue natale.

-Ce sera difficile de l'endormir. Et vous risquez de mettre Dun en danger.

Mon regard se porta sur Sash et sur Septembre. Sash était la seule autre femme de l'équipe qui, je l'espérais, comprendrais ma supplique intérieure.

-Qu'en pensez-vous ?

Le robot venait de gagner des points. Il semblait tout aussi embarrassé par notre informateur que moi et Sash. En parlant de se séparer puis de rester grouper, je décide que c'est mon moment d'intervenir. Je n'ai encore jamais expliqué mon don à qui que ce soit de vivant ou non. Mettre des mots pour décrire Enki comme autre chose qu'une tare psychologique... C'était un défi. Puisque moi-même je le considère un peu comme un malade lâché dans la nature.

-Restons groupés, je peux pister le singe. Enfin, je peux suivre une piste qui nous mènera forcément à lui.

Va savoir combien de détours Enki va nous coller et combien de problèmes il voudra que nous rencontrions pendant le chemin.

-C'est mon pouvoir. Je connais les chemins pour arriver ou trouver les choses.

Je ne m'en suis pas si mal sortie. Je ne pense pas être passée pour une folle dingue et Enki pourra continuer de rendre ma vie impossible puisqu'il aura carte blanche pour nous dévoiler tous les chemins qu'il considérera nécessaire à notre, mort ou notre survie. Rassurant.

-Par contre je n'ai rien pour me battre.

Et je lançais un regard à Sash et Septembre, j'espérais qu'ils ne me mettraient pas sur la touche trop vite après cette déclaration.

-Je sais pister mais pas utiliser une arme.

C'est le lot de ceux élevés enfermés dans un temple. Au mieux, je sais reconnaitre l'odeur de quelques poisons... Pour tous les assassinats que j'ai vu passer et pour toutes les gamines qui ont eu la mauvaise idée de goûter les mets empoisonnés destinés à d'autres qu'elles. Mais Sash a l'air de s'y connaitre aussi en truc dangereux quant à Septembre, il ne risque pas d'avoir besoin d'un tel talent.

Le Commissaire semble avoir compris que ses remarques n'étaient pas nécessaire et il se contente désormais d'observer silencieusement, un air indifférent sur le visage, la menace d'un passage en cellule n'étant probablement pas l'idée qui lui semble la plus dangereuse dans l'immédiat.
Sarressinashira cligne des yeux, un peu perdue par la révélation d'Azura. Elle a du mal a concevoir un tel pouvoir, mais son utilité sera redoutable s'il avère comme ce qu'elle s'imagine.

Elle se pince la lèvre inférieure entre le pouce et l'index, le regard fixé sur la carte. Cette mission est une mission de capture et non de braconnage, aussi la question du somnifère se pose.

¤ Sarressinashira et Sssseptembre ssss'occuper de combattre Gorille. Azura pouvoir préparer tabac pendant cssse temps. Problème probable être que tabac ne faire effet qu'au bout d'un csssertain temps. Gorille devoir être consss|/i]stamment dans fumées de Tabac Blanc pour être incons[i]ssscient.

– Et vous, superman ? Vous être un Ken, vous devriez vous en sortir si vous gazez la zone. Pas besoin de poumons quand on est fait de métal, non?

Aussi irritant qu'il soit, le commissaire marque un point. Sarressinashira colle l'un de ses doigts griffus sur les lèvres du K'ouen, sans toutefois quitter des yeux le plan holographique et darde sa langue dans un sifflement autoritaire.

¤ Ssssi Sssseptembre être volontaire ET dépourvu de poumons, alternative être envisageable. Mais alors Sssseptembre devoir affronter Gorille sssseul, et csssela être dommage d'abîmer ssssi joli chassssis.

Elle plante son regard dans celui de l'androïde, un sourire envoûteur flottant sur ses lèvres. Puis elle retourne son attention à la carte, sans cesser de sourire.Titiller les mâles et aller traquer un animal dangereux. Malgré la température basse, la Naga trouve que cette journée se déroule formidablement bien.

¤ Traqueurs devoir piéger gorille dans zone fermée, et rocheuse. Si traqueurs construire piège en bois, proie probablement briser cages comme os du commissaire de K'ouen. Sssseptembre, Caserne possssséder données topographiques de la zone ? Sarressinashira pouvoir contacter Corben Krayt, mais Vandavel être actuellement à capitale. Lui mettre au moins un jour pour rejoindre Dun. Et comme Corben ne pas ssssavoir piloter, autant dire deux jours de plussss.

[i]Elle soupire à l'idée de devoir impliquer son patron. Pour une fois qu'elle puisse passer un peu de temps dans un univers normal, et avec un beau mâle rutilant, elle ne veut pas que son employeur vienne gâcher son jour de congé.

-Ton pouvoir c'est de pister... Impressionnant !

Ce devait être vachement pratique pour retrouver les indélicats ou ses clefs perdues. Mon processeur m'affligeait d'une suite logique de possibilités plus pertinentes pour un don aussi précieux, que j'ignorais allègrement maintenant que le commissaire avait cessé de s'en prendre aux dames. Mon sérieux n'était plus si nécessaire.

Heureusement qu'un androïde ça ne rougit pas. Il ne manquerait plus que ça ! Avec tous les défauts humains dont je suis affublé ç'aurait été une pitié d'être aussi éloquent quant à mes émotions.
J'aime bien mon châssis aussi, c'est une première que quelqu'un d'autre déclare apprécier mon design si particulier.

-En plus d'être bien conçus, j'ai aussi une tête bien remplie. Laissez-moi quelques instants pour voir si mes archives ont des données intéressantes.

A cet instant, j'ouvris la porte d'un placard et celle-ci donnait sur un bureau passablement remplis de dossiers, de sanctuaris fatigués et bruyant mais surtout sur un bureau en particulier. Déroulant la connexion cachée sous mon menton, je me branchais au réseau internet à travers la porte ouverte. N'étant pas le seul sanctuari à utiliser les portes n'importe comment, les collègues ne firent même pas attention à mes bidouillages.

Ma vision fut happée par une aspiration de données extrêmement dense : internet.

-Si j'en crois ce que je vois, dis-je le regard vague, on a une formation rocheuse dans ce coin là qui pourrait faire l'affaire.

Je fis défiler la carte holographique vers une singularité rocheuse dans les bois.

-L'humidité étant très élevée les gaz s’élèveront assez peu, on a les feuilles des arbres pour fermer partiellement la zone, et l'espace rocheux nous permettra d'acculer le singe pour lui faire inspirer le tabac blanc.

Satisfait après avoir téléchargé des cartes à tout va pour remplir mon stockage évolutif, je refermais la porte et le bourdonnement des voix de la Caserne cessa.

-Par contre, nous serons assez proche de la ville.

Trois choses heurtèrent ma sensibilité éprouvée par le froid et l'altitude : le flirt de Septembre et Sash, la prise internet cachée dans le menton de l'androïde et la porte vers la Caserne béante servant au sanctuari à se connecter à son matériel de bureau.
Pour commencer, je trouve qu'ils feraient un joli couple tous les deux. Ensuite, je crois que je vais vomir bien que j'hésite à dire si ça vient de l'altitude ou du menton ouvert du robot. Pour finir, les sanctuaris grimpent dans mon estime et celui-là semble malin comme un singe.

-Pourquoi utiliser du tabac blanc, l'alchimiste a des fléchettes paralysantes et des balles soporifiques, non ? Ne pourrions-nous pas utiliser une sarbacane ou une arme à feu pour l'endormir ?

A mes heures perdues je fais du lèche vitrine. Ce qui me rend quasiment incollable sur tout ce qui se vend légalement en échange de pims. Pims n'étant pas des plus présents dans mon compte en banque ces temps-ci. Ainsi, je me contente de me donner envie sans jamais passer à la caisse.

Ce qui me fait venir à l'objectif du jour qui est de capturer un gorille sans mettre en danger toute une population. Ou bien K'ouen a donné l'ordre d'abattre le gorille dès qu'il aura causé des dégâts en ville.
Dans ces conditions, quitte à prévoir d'attraper le gorille proche de la ville autant s'assurer de le faire bien. Ce serait mauvais genre de rater notre coup et de libérer un gorille déchainé dans Dun. Les habitants et Eva ne nous le pardonneront pas.

-J'ai les moyens d'acquérir le matériel nécessaire si Sept veut bien nous emmener chez l'Alchimiste et le forgeron ou l'Epicerie selon ce qui vous semble le plus efficace. De plus, je ne sais pas me battre alors si vous faites diversion je peux en profiter pour lui tirer dessus.

Avec un demi-sourire je leur disais enfin :

-Si l'un de vous peut m'apprendre à me servir d'un pistolet ou d'une sarbacane d'abord...

[spoiler]Sash/Morok : pourrait-on s'assurer de ne pas détruire un nouveau village. Mon nouveau perso est encore innocent j'aimerais qu'il le reste {/spoiler]