Village sur pilotis - /!\ Attention, kraken [pv]

Manali fut bien heureuse lorsque ses compagnons décidèrent de suivre le pêcheur jusqu'à son navire : elle pouvait enfin abandonner les habitants là où ils étaient sans plus devoir faire attention à ce que certains d'entre-eux ne se montrent agressifs et violents. La plupart d'entre eux retournèrent vaquer à leurs occupations, visiblement pas content que des étrangers décident de s'inviter chez eux sans leur autorisation. L'adolescente suivit donc ses compagnons... sa vitesse de marche diminuant lentement, alors qu'elle tenait son gros sac à bout de bras. Elle avait vraiment l'impression que le poids du dit sac doublait toutes les deux minutes, à tel point qu'elle finit par se demander si elle ne devrait pas le trainer sur le sol pour arriver à destination. Satané jour ! Au final, elle s'était laissée bien distancée et n'arriva devant le navire qu'un peu après ses compagnons. Le... navire... hum... si on pouvait encore appeler ça comme ça. Alors c'était ça le fameux bateau ? A en juger par son apparence, il était à l'agonie ! Le fait qu'il ne soit pas déjà en train de sombrer tenait apparemment du miracle. Exaspérée par cet atout qui se transformait soudainement en fardeau, la jeune fille préféra reporter son attention sur la conversation de ses compagnons à propos de leurs capacités respectives. Maîtrise de l'eau, contre un kraken, c'est forcément des plus utile ! Maîtrise de l'air un peu moins, mais l'option attaques aériennes c'est toujours bon à prendre. Aussi bon que le poison, d'ailleurs, qui serait sans doute un très bon bonus dans la lutte contre la bête. Manali, elle, se sentait cependant toujours aussi inutile. D'accord, elle avait des idées pour mettre toutes les chances de leur côté, mais à côté de ça... qu'allait-elle faire pendant l'assaut sur le monstre ? La drow et le pêcheur s'occupant des harpons empoisonnés, Arcanta transformé en bombardier volant et Nozomi pourrait toujours gêner la bête avec son pouvoir... mais au final, devrait-elle se contenter de regarder sans rien faire ? Elle ressentait le besoin de se montrer utile au moment venu ! Son sentiment de culpabilité vis à vis de ses maigres capacités offensives ne l'aidaient pas à mieux supporter les effets du jour sur sa personne.

Suant à grosses goûtes depuis quelques instants, elle mis sa main en visière sur son front et regarda le soleil, le maudissant intérieurement. Le climat ici était plus tropical qu'autre chose, elle ne pourrait pas supporter cette chaleur bien longtemps... heureusement que l'affrontement se déroulerait forcément de nuit, sans quoi ça aurait été problématique. L'astre solaire était maintenant bien haut dans le ciel et... ben... ce n'était vraiment pas pour plaire à notre jeune fille, qui finit par en lâcher son sac sur le sol, préférant s'en séparer le temps que les gens ne se décident à monter à bord.

-"L'un d'entre-vous aurait-il une arme à feu à me prêter ? N'importe quoi qui me permettrait de me rendre utile sans devoir risquer ma vie en première ligne ? J'aimerais bien ne pas me limiter à regarder le massacre, pour une fois."

D'accord, elle devait bien l'avouer. Elle n'était pas une fille à l'âme charitable et héroïque, elle ne faisait pas ça pour les habitants mais pour l'argent et elle n'avait aucune envie de mourir pour protéger ces gens du monstre. Et alors ? Tout le monde n'a pas un sens aigu du sacrifice et encore moins l'altruisme de mère Térésa en lui. Il n'y a aucun mal à vouloir triompher et vivre en même temps, après tout. Enfin... quoi qu'il en soit, le soleil lui drainait toutes ses forces à une grande vitesse dans cette partie du monde, la jeune fille finit par en perdre l'équilibre et évita de s'étaler au sol de justesse en s'accrochant in-extrémis au bras de l'elfe noire. Elle devait avoir l'air fine, tiens, avec son air épuisé à devoir se raccrocher au bras de quelque d'autre comme une ivrogne pour éviter de trébucher à nouveau ! Elle aurait bien lâché le bras salvateur mais elle craignait ne pas être en mesure de garder son équilibre bien longtemps. Tant pis. La drow était aussi une créature n'aimant pas le soleil à la base... et si elle pouvait s'y habituer, Manali, elle, était incapable de le supporter, peu importe les années d'entrainement à vivre de jour. Ici, il faisait trop chaud et trop lumineux pour elle, le jour était bien trop radieux pour sa pauvre personne.

-"Hum... est-ce qu'il serait possible de monter à bord ? Je crois que j'ai besoin d'ombre... les gens de ma race sont comme qui dirais... en guerre avec la lumière du jour, et je vous avoue que j'ai de plus en plus de mal à le supporter..."

Et elle bâilla à nouveau, à s'en décrocher la mâchoire, comme pour appuyer ses dires.

Je sentis plus que je ne vis Manali défaillir et s'accrocher à mon bras pour ne pas tomber. Je la soutins et lui offrait l'appuie dont elle avait besoin jusqu'à ce qu'elle demande à ce que nous montions dans l'épave flottante.

"Hum... est-ce qu'il serait possible de monter à bord ? Je crois que j'ai besoin d'ombre... les gens de ma race sont comme qui dirais... en guerre avec la lumière du jour, et je vous avoue que j'ai de plus en plus de mal à le supporter..."

Sans attendre la réponse de Quint, je me défis de ma cape, me révélant ainsi sous mon meilleur jour aux yeux lubriques du vieux chasseur de monstre de troisième zone, et la passai autour des épaules de la jeune fille avant de lui rabattre le capuchon sur la tête.

"Je m'excuse pour la chaleur, mais ceci devrait te faire de l'ombre. Je reconnais que les rayons d'un soleil au zénith ne sont pas des plus agréables pour tout le monde. Nous apprécierions en effet de pouvoir monter à bord de votre .. navire/ "

"Parfait parfait, je vous fait la visite guidée ! Passez par ici m'sieur dames, attention à la flaque d'huile, là. Il faut que je change ce filtre, il tousse et il crache, c'est une horreur ! HA HA ! Vous verriez la fumée que ça fait, une vraie usine à charbon !"

En montant sur la passerelle, j'aidai Manali à mettre pied sur le pont, manquant de m'enfoncer des échardes dans les mains en me retenant au bastingage.

"La cabine, sire Quint, la cabine je vous prie."

"Ah ! Oui, hehe, la p'tite dame se sent mal, il faut l'allonger ! Haha, tu n'aurais pas du venir ici fillette, on chasse un Kraken, c'est un boulot pour les hommes ça !"

Je foudroyai le pêcheur du regard et il dut percevoir les envies de meurtres qui me traversaient l'esprit car il se rattrapa aussi sec.

"Ah non, mais pas du tout ! Haha, c'est une façon de parler, je voulais pas... enfin, ce que je voulais dire, c'est que..."

"LA CABINE ! Quint !"

"Euh, c'est par là."

*Si personne ne me donne de bonne raison, à la tombée de la nuit je l'éventre...*

Nous pénétrâmes à la suite du petit homme dans un gourbi infâme ou des carburateurs percés et des bidons d'huile et d'essence s'entreposaient jusque sur les banquettes qui devaient autrefois pouvoir recevoir un postérieur sans le maculer de graisse et de cambouis. Je trouvai une espèce de tissu dans un état passable et dégageait quelques centimètres carrés de siège pour permettre à la jeune fille de s'assoir le temps de récupérer un peu.

"Je crains que ce ne soit tout ce que puisse faire pour l'instant... Sauf peut être nous débarrasser de ce répugnant personnage..." Prononçais-je à voix basse à l'intention de Manali seule.

Je me redressais pour voir si mes deux autres compagnons nous avaient suivis ou s'ils s'étaient attardés sur le pont pour faire le tour de l'équipement extérieur et des oeuvres mortes. Osais-je espérer que le bâtiment avait été caréné une fois depuis sa mise à flots ?
J'avais du mal à me tenir debout à l'intérieur de cette cabine, l'air empestait l'essence et l'on manquait de trébucher sur des câbles et des tuyaux à chaque pas.

"Bon, c'est pas un palace flottant, mais il a de l'allure, Bienvenue à bord de l'Odyssée ! Capitaine Quint pour vous servir, hehe !" Dit le vieil ivrogne en vissant sur son crâne une casquette de marin qui avait dut être blanche lors de sa confection.

Je soupirais.

*Je ne sais pas si je vais tenir toute l'après midi, moi...*

La gamine tenait difficilement la lumière du jour, le contraire devait être étonnant, sa forme serait olympique à la tombée de la nuit ? Je suivais l'elfe et son formidable caractère vers la "cabine". Une déchèterie sentirait meilleur et serait mieux rangée que ça. Ce fut si impressionnant de pénétrer cette boite de conserve flottante remplie de déchets en décomposition depuis l'ère du jurassique que j'eus du mal à débloquer l'entrée pour les suivants.
D'un regard, je cherchais où m'assoir, ne trouvant que trop peu d'endroit où j'aurais pu éventuellement m'installer je fis un bref demi tour pour ordonner à Quint de me suivre.

-Allons voir ce que donne votre rafiot.

Je laissais le choix à Arcanta de nous suivre ou non. L'elfe et la jeune fille méritaient bien qu'on les laisse se reposer après un si long voyage. Nous aurons tous besoin de forces si nous voulons nous en sortir lors de la chasse.
Quint tenta de protester et pour lui montrer à quel point je suis vif quand il s'agit de décomposer ma flûte et d'en extraire la lame en demi-cylindre, je lui dévoilais en un mouvement. Il ouvrit la bouche, la vit se balancer, et referma les lèvres. Il apprenait vite, c'est peut-être sa seule qualité.

Sur le pont, il fallut dégager une montagne de cordes dévorées par le sel et on ne sait quoi de plus coloré dessus. Vint ensuite quelques détritus qui finir tous entassés dans un coin. Car notre marin possédait bien un harpon. Assez petit pour filer rapidement, assez léger pour être tiré facilement, assez mal entretenu pour me faire grincer des dents. Je retroussais les manches de ma chemise pour soulever l'engin sans risquer de bousiller mon vêtement. Peine perdue, la graisse et les défections animales, les insectes morts et les nombreuses choses non identifiables sur le lanceur n'épargnèrent en rien le tissus.

-Il n'y en a qu'un ?

-Ouep ! Il a l'air un peu fatigué, mais il est toujours solide !

Le harpon était de nouveau dirigé vers le ciel. Une position qu'il n'avait pas dû avoir depuis une vingtaine d'années à en juger par... Ma chemise. J'ignorais Quint qui me regardait l'oeil noir et les lèvres pincées.

-Vous êtes des chasseurs de primes, c'est ça ?

-En quoi cela vous intéresse ?

-Je fais juste connaissance, me lança-t-il avec une pointe d'agacement qui m'énerva assez pour lui répondre sèchement.

-Je suis un soldat de l'armée de Souen. Montrez-moi le reste de l'équipement. Où est le filin du harpon ?

En réalité, ce que j'appelais un filin, Quint me montra une vieille corde très, mais vraiment très abîmée. Je ne pus retenir une pique de mauvais goût.

-Et vous chassez avec des cordes en morceaux... Les poissons doivent vous adorer.

-Fais attention à c'que tu dis matelot !

C'eut le bon côté de me faire rire. Nous allions vraiment chasser un Kraken avec un Harpon et un vieux bâteau. Sachant que le matériel datait de l'ère de mon arrière grand-père sûrement. Le tout était soit en pièce détachées soit tellement rongé par le sel et les divers habitants du bâteau qu'il était parfois difficile de savoir ce que c'était à l'origine. D'abord les armes, ensuite nous verrons si les moteurs fonctionnent bien. Et si non on déplacera tout ce matériel sur le plancher du village... Pour le nettoyer, le réparer et peut-être s'en servir. Je soupirais avant de continuer mes fouilles semi-archéologiques.

-Vous avez parlez d'explosifs. Où sont-ils ? J'espère que vous les avez conservés à l'abri de l'humidité, eux.

-Et bien... Les explosifs, hein ? C'est que...

Voyant Ravëfanwen s'occuper de notre coéquipière paraissant bien faible sous ce soleil l'incommodant, je préférais suivre Nozomi pour faire état des lieux avec lui. Enfin si on pouvait parler d'état avec cette coque de noix flottante. En cas de problèmes je pouvais toujours voler pour rejoindre la terre ferme, mais rien que penser à cette idée me déplaisait fortement. Je n'étais pas du genre à abandonner mes alliées en cas de pépins et qui plus est nous étions censé former un groupe uni pour affronter le kraken. Si ce groupe se brisait au moindre inconvénient nous n'irions pas bien loin. Puis il fallait avouer que la terre a plus proche devait être à des centaines de kilomètres et il suffisait de se tromper de chemin pour passer à côté du village de pêcheur. Tout compte fait au lieu de se perdre dans des bêtes pensées, il serait mieux que je réfléchisse avec mes camarades d'un plan d'action avant d'atteindre la pieuvre géante.

- Si tu comptes blesser le kraken avec ce harpon Nozomi, je te souhaite bonne chance.

Je ne pu réprimer un sourire moqueur et incisif en direction de Quint. Celui-ci s'apprêta à répondre une remarque bien sentie mais il fallait croire que finalement ça n'avait pas tant d'importance que ça. A moins que mon regard glacial est eu un certain effet sur lui, par moment je me demandais si je n'avais pas une tête de tueur quand je souriais ainsi.

- Enfin bref, oui montrez nous ces explosifs, voir si on pourra en tirer quelque chose. Si ils sont en bon état cela fera parti de nos atouts non négligeables.

Non parce que même si on arrivait à planter le harpon, le câble le reliant n'était pas sûr de tenir face à la force démesurée du monstre.

- Venez par là, je les stocke dans la cale dans un coin pas très loin ...

La cale ? Si il y avait un endroit plus humide sur un bateau, il fallait me dire lequel et la surprise n'en fut même pas une lorsqu'il nous montra avec un sourire quelque peu gêné ses explosifs. Des bâtons suintants, agglutinés les uns aux autres et qui devaient ressembler dans une vie antérieure à de la TNT. Prenant un des explosifs dans la main, j'affichais une moue dégouté. Ces trucs étaient visqueux, preuve s'il en ait que la marchandise était à moitié trempé.

- Bon ... Genre incompétent de service vous êtes pas mal vous ... Mais vous avez de la chance, les bâtons de TNT ça résiste assez bien et si on les fait sécher assez vite, ça devrait pouvoir exploser. Enfin c'est pas dit ... l'idéal serait d'avoir de la poudre ou autre pour amorcer l'explosion en cas de problèmes, sinon on n'aura qu'à prier pour que ça fasse son office quand on allumera la mèche.

Je me voyais mal envoyer des explosifs, n'explosant pas face à notre monstre. C'était un coup à se faire dévorer en plein vol.

- Hey un peu de respect, je vous ferais remarquer que vous êtes sur mon bat ...

Quint n'eut pas le temps de finir sa phrase que j'avais déjà emporté la TNT disponible afin de la faire sécher sur le pont. Si je l'écoutais encore déblatérer, j'allais lui couper la langue. Décidément tout le monde le détestait ce pauvre type, une bonne chose finalement. Ce sera surement une personne qui n'aura pas de part à la fin.

Hé bien, voilà qui était mieux ! Avec une cape sur le dos et un capuchon sur la tête, malgré la chaleur devenue beaucoup moins supportable, l'adolescente ne pouvait que se sentir mieux. M'enfin, Manali aurait tout de même préféré pouvoir se terrer dans un endroit bien plus sombre que sous une cape, parce que dans une région comme celle-ci, au climat tropical, elle aurait tôt fait de tomber dans les vapes. Il ne lui en fallait pas tant que ça pour défaillir, le soleil étant vraiment son pire ennemi. Heureusement, supportée par la Drow, elle fut emmenée sur le navire de ce Quint. Enfin, "heureusement". Le bâtiment tenait plus de la décharge que du bateau, il fallait l'avouer, et la jeune fille elle-même ne put cacher sa surprise en voyant le dépotoir qui s'offrait à elle. Décidément, cette partie de chasse tenait plus du suicide collectif qu'autre chose ! Impossible, sérieusement. Ils ne pourraient jamais vaincre le kraken s'ils devaient compter sur ce... navire... L'adolescente fut amenée dans une cabine bien sombre, dans laquelle aucun humanoïde digne de ce nom n'accepterait de vivre. Les débris, l'odeur... c'était difficilement supportable ! Ça et le comportement un peu machiste du pêcheur n'aidèrent pas la jeune fille à se calmer, bien au contraire. Ce type commençait à lui taper sur les nerfs.

Lorsque les hommes s'en allèrent inspecter le navire, Manali se débarrassa de la cape et la rendit à sa propriétaire avant de s'asseoir sur le petit coin viable qui lui avait été aménagé. L'odeur ambiante lui donnait la nausée, et pas qu'un peu... quelle galère ! Enfin, en profitant pour essayer de se reposer un peu, l'adolescente réfléchit en jouant négligemment avec son petit pendentif en argent morbide. Finalement, un sourire se dessina sur son visage. Le genre de sourire assez sadique, le genre de sourire qui fout les chocottes et qui ne semblait pas du tout aller avec la personnalité de la jeune fille.

-"Tu pourrais le ligoter avec ses propres explosifs et le lancer dans la gueule du kraken, ça ferait d'une pierre deux coups !"

Hum... elle soupira et retrouva bien vite son visage neutre, soudainement emprunt d'une certaine douceur, surtout après la tête de psychopathe qu'elle venait de faire ! Bon, d'accord, elle s'était peut-être laissée emportée par l'énervement, tout ça à cause de ce maudit Quint qui se complaisait à faire le mariole sans cesse ! Et il espérait avoir une partie des sous, ce guignol... même pas en rêve, non seulement elle en avait trop besoin mais l'aide qu'il pouvait apporter était carrément négligeable à ce stade. Il proposait juste une mort plus rapide !

-"En tout cas, s'il faut s'en servir comme cobaye, ce n'est pas moi qui serai contre."

Heureusement, cette fois, son visage était resté impassible. Parler ainsi de la mort d'un homme ne devait pas être quelque chose qu'on aime entendre de la bouche d'une adolescente, mais après tout, elle n'avait jamais affirmé être une mère Térésa en puissance ! Être gentille, d'accord, mais le monde dans lequel elle vivait maintenant n'avait rien de vraiment sécurisé et la loi de la jungle avait parfois son mot à dire. Aussi naïve qu'elle puisse l'être, elle savait tout de même quand il fallait savoir faire des sacrifices... ou sacrifier les autres. Et puis... dans un sens... même si elle venait à le regretter... elle n'avait qu'à ne pas participer directement au meurtre ! Les autres semblaient avoir pris leur décision, s'opposer à eux ne servirait à rien, sauf peut-être à mettre sa propre vie en danger. Ça n'en valait pas la peine, vraiment.

-"Je ne sais pas si je vais pouvoir supporter l'odeur longtemps... je me demande si on ne ferait pas mieux d'aller rejoindre les autres."

Pourtant, d'une façon ou d'une autre, il était évident qu'elle avait besoin d'un peu de sommeil... mais à ce stade, qui pourrait s'endormir dans un tel dépotoir puant ? Il n'y avait rien à faire, elle n'y arriverait pas.

[HRP : Je vais prendre quelques libertés, si l'un de vous y voit une objection, qu'il m'envoie un MP pour que je corrige]

Je restais de marbre alors que la fillette exhibait un sourire carnassier et proposait de transformer le vieux pêcheur en bombe humaine. Au lieu de m'étonner qu'une gamine arbore un tel masque dénué de sentiments, je me contentais de secouer la tête de droite à gauche lentement.

"Notre cible ne sort sa 'gueule' hors de l'eau qu'en de rares occasion, baser notre plan là dessus rendrai l'entreprise incertaine. Il faudrait de plus porter ce tas de viande imbibée d'alcool pour l'y jeter, et si les deux hommes de notre quatuor en sont peut être capable, ce n'est pas mon cas. Cependant, j'admets que l'idée est plaisante."

L'odeur d'essence commençait à nous tourner la tête et nous décidâmes de sortir de cette cabine étroite, sombre et nauséabonde pour rejoindre Nozomi et Arcanta. Nous allions pouvoir faire le point sur les ressources disponibles pour mener notre chasse à bien. Je réussis à envoyer Quint nous chercher un plein baril d'eau douce dans le village, opération qui devait l'occuper un moment car ramener seul un tonneau d'eau en marchant sur des pontons délabrés sous un soleil de plomb n'était pas une tâche des plus agréable. J'avais du me montrer persuasive pour le convaincre de s'y rendre seul, fort heureusement pour moi, même si ma peau possède une couleur différente des humains, une femme reste une femme et un homme demeure par dessus tout un homme. Nous allions bénéficier d'un moment pour discuter entre nous.

Nous possédions de vieux câbles rouillés, des bouts en mauvais état, des harpons de quatrième jeunesse et des explosifs sommaires en train de sécher au soleil ; Nozomi avait une influence sur l'eau et Arcanta avait l'appuie des airs et une paire d'aile qui pourrait bien nous être utile. Je me demandais s'il était capable de priver une zone assez vaste des vents qui la parcoure, de créer une zone de calme plat qui conduirait à une mer d'huile à la surface de laquelle nous verrions le moindre mouvement provoquer par un monstre de la taille du Kraken. Manali nous servirait de détecteur, et j'apportais avec moi une panoplie de poison dont nous pourrions enduire les pointes des harpons, lames de couteaux ou d'épées.

Le soleil avait déjà grandement décliné et nous étions toujours assis sur le pont du navire de Quint, parlant de stratégie de chasse. Je n'avais pas beaucoup d'expérience dans la traque des créatures marines, aussi participais-je du mieux que je pus à l'élaboration de notre plan. L'un des premiers désaccord traita du lieu en lui même. Il fallait choisir entre la possibilité de mener notre bataille sur le village, risquant du même coup la vie des indigènes et de voir l'intégralité des infrastructures de bois sombrer au plus profond des abysses, ou de nous éloigner en bateau pour affronter le Kraken sur un terrain ou il aurait l'avantage. j'émis la suggestion d'attirer la bête sur une île proche, ignorant s'il y en avait et si les haut-fonds lui permettrait de nous suivre.

Je commençais à m'impatienter, voyant que l'heure tournait et que nous n'avions toujours pas de plan, hormis le plan B comme "bourrer dans le tas". Il nous restait beaucoup de choses à voir : la position de chacun, le rôle que nous aurions, les points à viser, l'ordre dans lequel abattre nos cartes que représentaient les harpons et les explosifs entre autre. L'idée de Manali de charger Quint de poudre explosive et de l'envoyer dans la gueule du loup me paraissait de plus en plus séduisante, nous n'aurions qu'à l'attacher en hauteur grâce à la grue de treuillage des chaluts et de provoquer l'explosion quand l'immense calamar viendrait le gober par en dessous. Je doutais que cela soit suffisant, mais c'était un bon début.

"Nous devons nous décider, le soleil ne va pas tarder à se coucher, et notre hôte ne va pas tarder à revenir avec un tonneau rempli d'eau. Coupons lui les pieds et accrochons le derrière le bateau avec ses explosifs, le sang attirera sans doute notre cible et nous pourrons lui déposer notre cadeau détonnant en direct... "

Et Quint était partit avant que je lui demande s'il avait quelque chose comme un spot lumineux. Il devait bien y en avoir une sur ce rafiot, après tout, un bâteau normal en est forcément équipé... n'est-ce pas ? Et tant que le vieux loup de mer plus rouiller que le titanic n'était pas de retour, impossible de lui demander où il l'avait planqué. Dans le meilleur des cas il suffirait de le rafistoler, dans le pire des cas il était réellement inutilisable. Un peu comme le harpon.

Discuter m'avait laissé le temps de voir ce que je pouvais faire avec le harpon. Le lanceur semblait encore fonctionner et la crasse ôté, la rouille limée, le harpon aiguisé avec un bon coup d'eau. Nous pourrions l'utiliser. Une fois, et certainement pas deux. J'avais réquisitionné un cable provenant d'on ne sait où. Sûrement du canot de sauvetage manquant, où était-il ? Une très bonne question sur laquelle je ne m'attardais pas. Nous n'aurions aucun moyen de l'utiliser sans mourir avant ou pendant.

-Le harpon fonctionnera. Fis-je en finissant de vérifier mon bricolage sommaire.

Et on tire là où l'animal aura le plus mal... Histoire de le mettre en colère pour qu'il aide la vieille pointe mal aiguisée à pénétrer sa chair. Et l'idée de fourrer Quint dans la tête du calamar... Sincèrement, s'il ne subsiste aucun témoin nous n'aurons aucun problème. Et j'étais de plus en plus conciliant quant aux idées sur le futur sort du marin.

-Si on lui coupe les pieds il va faire un bruit intenable. Assommons-le avant.

Je désignais les cordes.

-On pourra l'attacher avec les restes de cordes encore viables.

Et en y réfléchissant, la cabine puait vraiment l'essence. Le rafiot au complet puait l'essence. Il y avait de l'huile souillée un peu partout et j'étais à peu près certain que la cabine regorgerait dans un coin caché de bouteilles d'alcool.

-Et si on attirait le kraken et qu'on lui fourrait le bâteau -et Quint- dans la gueule. Les explosifs plus le bâteau seraient une bombe parfaite pour une tel animal. Et en prime nous nous serons débarrasser de Quint sans que personne ne puisse nous accuser de meurtre. Au pire, il sera mort en héros, bouffer par un Kraken juste avant le feu d'artifice.

Je suis sûr que personne dans ce village ne viendra pleurer ce crétin fini...

L'idiot du village s'en étant allé, nous avions enfin pu nous regrouper afin de débattre de la démarche de notre futur plan de bataille. Bien que savoir que tout le monde souhaitait se débarrasser de Quint me ravissait, la plupart des idées pour s'en servir d'appât ou d'explosifs contenaient selon moi quelques problèmes.

- Je suis plutôt d'accord avec Nozomi, si nous l'écorchons Quint ferait un bruit qui alerterait les pêcheurs du village. Vu que la seule île à proximité se situe à plusieurs centaines de kilomètres, il n'est pas possible d'attirer le kraken en dehors du village et combattre en pleine mer serait vraiment désavantageux pour nous.

Même si les pêcheurs ne devaient pas porter dans leur cœur cet imbécile heureux, ce n'était pas le cas pour nous non plus et je n'étais pas sûr qu'ils apprécient beaucoup les assassins.

- Donc l'assommer et se servir de son bateau en tant qu'explosif me parait une bonne idée, au moins ce rafiot servirait à quelque chose et cela pourrait passer pour un accident.

Qui irait vérifier l'estomac d'un kraken pour voir si ça victime était morte de mort "naturelle" ?

- Pour aider l'explosion, je pourrai concentrer l'oxygène présent dans une certain zone ce qui permettrait de décupler la déflagration et augmenter nos chances de réussites. Par contre le seul inconvénient c'est que ça accéléra la combustion des mèches des bâtons de dynamites et qu'il faudra faire attention.

Pour le moment je ne voyais pas vraiment d'autres applications directes pour mes pouvoirs d'airs et jetant un furtif regard vers les pontons je craignais que Quint ne tarde à revenir.

- Et si ça peut aider je pourrai toujours faire le leurre en volant à proximité de notre pieuvre pour déjouer son attention, comme ça vous auriez le champs libre pour l'attaquer.

L'idée de me retrouver à quelques mètres d'une gueule géantes ornée de crocs ne plaisaient pas plus que ça, mais il fallait avouer qu'un leurre serait d'une grande aide pour le groupe. Cela éviterait que le Kraken s'acharne sur une même zone terrestre.

-"Rien à redire... on l'assomme, on le saigne, on éclaire le tout bien comme il faut et le kraken viendra à coup sûr."

La base de l'idée venant d'elle, l'adolescente ne pouvait pas s'y opposer ! Si le monstre était assez gros pour avaler le navire entier, alors pourquoi ne pas le transformer en bombe géante, en effet ? Il n'y avait pas meilleur moyen pour se débarrasser d'une créature aussi grosse. L'attirer ne semblait plus être un problème à présent, il faudrait juste de la patience, et le blesser mortellement semblait de moins en moins irréalisable... même s'il subsistait quelques problèmes non négligeables. Allumer les mèches pour faire sauter le navire à temps serait assez ardu, demanderait un bon timing et la possibilité de s'échapper... l'adolescente doutait qu'il soit possible de les faire exploser à distance.

-"En admettant que ça ne tue pas la bête sur le coup, quand bien même elle serait mortellement blessée, elle risque de vouloir tout casser dans sa rage... et là, il faudra vraiment assurer pour rester en vie."

Et voilà qu'elle disait tout ça d'un air vraiment désintéressé, comme si ce tragique destin ne semblait pas la toucher plus que ça. Hélas, c'était pourtant ce qui risquait d'arriver si le monstre ne coulait pas sur le coup... évidemment, il y avait toujours une chance pour qu'il fuie, effrayé, et aille agoniser dans son coin ; mais rien n'était moins sur et faire face à un titan enragé capable d'engloutir un bateau entier était vraiment une perspective horrible. Déjà en temps normal, le monstre ne serait pas facile à terrasser, mais dans un tel état de colère et avec l'énergie du désespoir.... aïe.

-"Sinon, pour avoir encore plus de chance de l'attirer, en plus de lui donner le sang de notre... ami... on pourrait également remplir son bateau de poisson. Je doute que les autochtones acceptent de vider leurs réserves pour nous, je le sais bien, mais la pêche reste leur principale source de nourriture et ça reste une idée comme une autre pour augmenter nos chances."

Probablement une idée inutile, aussi, mais après tout... peut-être que le monstre aurait encore plus envie de gober un bateau si le pont était remplis de poissons que si la seule source de nourriture qu'il représentait était un gros bonhomme puant l'alcool sur des kilomètres. En parlant d'odeur, restait à espérer que celle du navire ne ferait pas fuir la bête plus qu'autre chose... bon sang, comment était-il possible de vivre sur un bateau immonde comme celui-là ? Il puait, mais d'une force... c'était atroce ! Et puis, une pièce de musée comme ça, on évite de lui laisser prendre la mer...
Fin' bon, Manali ne revenait toujours pas de sa surprise, même après tout ce temps.

Le plan se construisait petit à petit. Nous étions tombés d'accord sur l'idée de se servir du navire comme d'un gigantesque explosif flottant, de ses projecteurs comme source de lumière permettant de le localiser dans le noir, et du propriétaire comme réserve de sang décelable à des kilomètres à la ronde par le Kraken. Trouver un chalut rempli de poissons pour augmenter nos chance d'être repérer pouvait effectivement nous être utile, cela donnerait un motif de plus à la bête de venir nous présenter ses tentacules.

"Ne vous en faites pas pour Monsieur Quint. J''ai ici un concentré d'une substance que je tire d'une plante appelée Pavot ; avec une forte dose il sombrera dans un phase à la limite entre le sommeil et le coma, si loin de notre réalité que même une amputation le laissera indifférent. Quand il retrouvera ses esprits, il ne devrait plus être de ce monde."

Le problème de l'appât bruyant était, je le pensais, réglé, mais je m'inquiétais de la façons dont nous allions nous y prendre pour déclencher l'explosion. J'avais bien vu des engins capable de faire exploser des charges à distance, mais nous ne possédions pas ce genre de technologies ; nous allions devoir faire preuve d'imagination pour pallier à ce manque de matériel moderne. L'idée des mèches me paraissait fort dangereuse et improbable : une fois allumées, elles ne pouvaient plus être éteintes, et nous n'aurions plus eu qu'à prier tous les dieux que nous connaissions pour que l'animal morde à l'hameçon dans ce court laps de temps. De plus, s'il se décidait à attaquer alors que l'un d'entre nous était encore en train d'allumer la mèche, nous risquions d'y laisser quelqu'un dans l'explosion.

Dans mes réflexions, je tâchais de ramener le problème à quelque chose de simple. L'explosion serait provoquée par une flamme, une étincelle, quelque chose qui embraserait de la poudre et provoquerait la déflagration attendue. Il nous fallait trouver un moyen de faire entrer en contact la poudre et les flammes, celle d'une lanterne ou d'une torche par exemple. Quelqu'un pourrait, à l'aide d'une corde assez longue par exemple, renverser un petit brasero ou une torche sur le pont du navire enduit de carburant, ce qui conduirait les flammes instantanément aux réserve d'explosif et ferait sauter le tout. J'exposai ce plan à mes compagnons.

"Bien entendu, le timing doit être extrêmement rigoureux pour éviter que trop d'eau de mer ne vienne ruiner nos projets en mouillant la poudre ou en noyant l'essence. Mais je pense que les talents de Mademoiselle Manali pourraient trouver là toute leur utilité, n'est-ce pas ?"

Mon regard passa alors de la jeune fille à l'ange aux cheveux sombres.

"Je pense qu'il est inutile de vous préciser que c'est à vous que je pensais, sire Arcanta, pour déclencher l'explosion depuis les cieux. Vous sentez vous capable de porter Mademoiselle en vol ?"

S'il n'en était pas capable, il ne nous restait plus qu'à inventer un signal visuel qui préviendrait l'ange suffisamment à l'avance pour lui permettre d'agir au moment voulu, selon ce que Manali allait percevoir. Quand à la déflagration que provoquerait l'explosion et à l'onde qui allait se propager dans l'eau tout autour du bateau, je pensais que Nozomi allait pouvoir l'atténuer voir la stopper grâce à son influence sur l'eau pour protéger les fondations du village et éviter qu'il ne sombre dans les abysses.

Une fois que je lui en eus touché deux mots, je repensais soudain à ma propre inutilité au sein de l'équipe et baissai les yeux pour regarder mes mains posées sur mes genoux. Assise sur mes talons, à genoux par terre, je me demandais bien quel rôle j'allais jouer dans l'histoire, et commençais à me dire que ces trois là n'avaient en fait nullement besoin de moi pour mener à bien cette mission, je n'allais sans doute que les gêner. Je me tus alors et me mis à songer en regardant le soleil décliner et se rapprocher de l'horizon. Il allait bientôt être temps d'agir.