Erreur Judiciaire [PV Ez]

Les intentions du prétorien étaient très claires à ses yeux: se faire la malle discrètement, ni vu ni connu, le plus loin possible de son bureau. Il avait hésité à retourner aux geôles, mais avec pas de chance il tomberait sur un cas de plus à sauver, et... Ben il en avait eut assez avec Elantir la veille. Il n'allait pas jouer les bonnes âmes tous les jours, il avait quand même mieux à faire. Il avait fait sa bonne action de la semaine, à présent il pouvait retourner jouer les je-m'en-foutiste de service.
Le problème, c'était qu'il répartissait ses biens entre son bureau et ses quartiers, si bien que plus souvent, quand il se trouvait dans l'un et désirait quelque chose, le quelque chose en question se trouvait dans l'autre.

Aujourd'hui ça n'avait pas loupé. Il s'était levé après une (très vague) nuit de sommeil, ce qui en soit ne changeait pas de d'habitude, et s'était auto-convaincu qu'aujourd'hui, il ne ferait que le minimum syndical. Ce qui revenait à aller se planquer dans un coin avec une bonne bouteille... A la base, c'était une bonne idée. Concrètement, la bouteille qui voulait lui avait été offerte par il ne savait plus qui, et se trouvait dans son bureau... Ce qui impliquait qu'il devait se farcir la moitié de la Caserne...
Tant pis, ça sera pour une autre fois.
Résigné, Ez enfonça ses mains dans ses poches, se lançant dans une de ses sempiternelles et interminables promenade à travers toute la caserne. Son hyperactivité naturelle l'empêchait de demeurer assis dans son fauteuil plus de dix minutes... Si bien qu'il évitait d'y trainer. De toute façon, personne ne le cherchait jamais là-bas. Son bureau lui servait limite plus de débarras que de pièce de travail...

"Mais lâchez moi bon sang de bon soir!!!!!! J'ai rien fais, j'exige que vous me lâchiez espèce de rustre!"

Rustre rustre... Non mais c'était un peu fort ça. Y avait pas idée de parler si mal à un sanctuari!
Très vaguement intrigué, et n'ayant rien de mieux à faire, Ez tourna les tallons pour revenir sur ses pas, jusqu'à une intersection où il avait ignoré la gauche et la droite pour continuer tout droit. En regardant des deux côté, il remarqua la source de tout ce vacarme, en mode sac à patates sur l'épaule d'un individu massif comme un bébé cachalot... Il n'avait jamais vu ce type, mais c'était sans doute un sanctuari. Ou alors ça pouvait être un criminel se rebellant face à l'autorité que représentait la femme, mais...
Le prétorien s'arrêta à côté de l'homme montagne, détaillant la femme avec un semblant d'intérêt. Des cheveux blancs pareil, il s'en serait souvenu. Elle n'était sans doute pas une sanctuari, cependant elle n'avait pas non plus le profil d'un criminel... Et les victimes n'étaient pas si mal traitée. Il pencha la tête sur le côté, n'écoutant pas la suite, trop occupé à se perdre dans ses pensées.
La seule femme qui l'avait réellement intrigué, dans toute sa vie...
Et dieu sait que j'ai vécu.
...c'était sans nul doute Elise. C'était la première femme qu'il avait rencontré et côtoyé. C'était peut-être même la seule avec laquelle il avait pu parler de tout et rien... Mais d'abord de tout. Elle avait probablement toujours su à son sujet, ce qu'il était, ce qui l'attendait. Lui, il aurait bien aimé savoir si elle était encore là-bas, ou si elle avait rejoint les siens. Après toutes ces années, après ces siècles, ces millénaires... Non ça faisait sans doute moins. Quoique... Il ne savait pas. Il n'avait jamais su... Mais vraiment, il aurait aimé savoir qu'elle était partie, et qu'elle pouvait être heureuse loin de la guerre et de leurs combats stupides.
Peut-être qu'en fin de compte, ils ont réussi à s'annihiler pour de bon...

"JE RAMASSAIS JUSTE DES PLANTES SOMBRE CRETIN!"

Le prétorien cligna des yeux, revenant sur terre un peu brutalement. Ca sentait le coup foireux à deux lieux à la ronde... Sous l'éclat soudain de la jeune femme (elle avait l'air jeune), il sentit son générateur interne vibrer, se vengeant de ce traitement en lui électrocutant le cerveau, et pas qu'un peu... Ez grimaça, porta une main à l'arrière de son crâne. Il avait vraiment de la chance, pour avoir encore tous ses neurones après un traitement pareil. Enfin c'était un peu ça qui le tenait éveillé et fonctionnel...

" Ca vous dirait de m'expliquer le problème?"

Un grognement lui parvint sur sa gauche, et il leva la main pour lui imposer le silence, ne désirant pas spécialement avoir à comprendre une suite dépourvue de sens de grognements bestiaux. C'était exagéré d'accord... Mais il n'en vait pas envi quand même.

" Aliénor c'est ça?"

Du coin de l'oeil, il aperçut colinette hochet vigoureusement la tête, comme pour confirmer.
Pourquoi y a que des bargeots ici?

" Il vous a arrêté pour trafique de stupéfiants?"

C'était ce à quoi il avait pensé en entendant parler de plantes, mais si elle était guérisseuse, il doutait sérieusement d'avoir bon.
Croisant les bras, et s'efforçant d'afficher un calme détendu (en dépit de la foule de pensées qui s'agitaient dans sa tête), il posa ses yeux pâles dans ceux violets de la jeune femme, attentif à ce qu'elle allait bien pouvoir lui raconter.

Aliénor Mireamwen? Sans déconner...
Jamais entendu parlé... Quoique, il avait peut-être bien entendu parlé d'un Mireamwen... Peut-être... Non sans doute pas en faite. Il n'avait jamais rencontré personne de ce nom, il s'en serait réellement souvenu. Ce doute-là, cette impression de savoir sans savoir, il la connaissait, et savait ce qu'elle voulait dire. Mireamwen, il avait du apprendre ce nom pendant ses vingt années d'hibernations. Un des nombreux trucs inutiles qu'il savait, et dont il ne ferait jamais rien... Blasé, Ez ne chercha pas à fouiller sa mémoire à tiroirs pour trouver ce qu'il avait d'autre sur le sujet, doutant que ça puisse avoir un quelconque intérêt.

Et puis vu qu'elle s'occupait de soigner l'autre idiot, il déconnecta de la réalité, retournant voir dans ses pensées si l'herbe n'y était pas plus verte. Sans blague, ça n'avait rien de palpitant de la voir réparer un sanctuari stupide et incapable d'aller se faire soigner quand besoin était. Mais c'était le cas de beaucoup d'entre eux au fond. Se trainer jusqu'au sanctuaire des Braves, sans rire... Ils avaient mieux à faire, c'était du temps perdu. Quand les blessures étaient superficielles, comme celle-ci semblait l'être, ils se débrouillaient seuls et s'en portaient pas plus mal. Sauf bien sûr pour les manches de service, qui eux devaient se faire amputer six mois après pour imbécilité profonde et congénitale. Mais lui personnellement, il avait renoncé depuis longtemps à essayer de les envoyer se faire soigner. Ils faisaient bien ce qu'ils voulaient, il n'était pas leur père... Et puis toutes ces plaies qu'ils pouvaient récolter, lui il les trouvait ridicules. Rien de plus que des petits bobos... Insignifiants. Lui il se souvenait encore des blessures qu'ils récoltaient alors qu'ils patrouillaient dans des villes en ruine... Ou au fond d'une arène... Il se souvenait qu'ils ne s'arrêtaient jamais d'avancer, de se battre, tant qu'il ne leur manquait pas une jambe ou un bras, tant qu'ils n'avaient pas les tripes à l'air et les poumons comme du gruyère... Tant qu'ils tenaient debout. Une blessure à la main comme celle-ci ne les aurait jamais arrêté. Et puis quoi encore...
Un grognement supplémentaire le ramena dans l'Entre-Monde, et il posa les yeux sur l'homme troll, sur la femme.

N'ayant pas du tout fait attention à ce qu'il entendait, il n'avait rien compris de ce qu'elle avait dit... Et comme toujours, il du rembobiner sa mémoire enregistreuse pour retrouver ce qu'il avait été dit de plus ou moins important. Il zappa tous les grognements et remarques acides, ne retenant que le principal: elle n'était pas dealeuse, mais guérisseuse. Tant pis, il irait refaire son stock personnel auprès de quelqu'un d'autre...

" Ah... Ben la caserne..."

Il réfléchit un instant, avant de pointer un doigt vers le sol, désignant les lieux où ils se trouvaient.

" C'est ici. Et lui... Le doigt se tourna vers colinette ... c'est un sanctuari."

Qui avait fait de l'excès de zèle, mais ça il n'y avait pas besoin de le préciser. Et puis entre sanctuaris, il fallait être un minimum solidaire quand même... Avec un temps de retard, il haussa les épaules en réponse à sa question sur les migraines. Oui il était entrain de réagir totalement en décalé, mais ça c'était parce qu'il n'écoutait rien donc forcément...

"Et il va aller voir ailleurs si j'y suis tiens."

Ben ui pourquoi pas? Grognon grogna (super original), mais ne chercha pas à récupérer sa proie ou contredire son vénérable supérieur. Tournant les tallons, il marmonna quelque chose, avant de s'éloigner de sa démarche chaloupée vers d'autres horizons. En même temps, il n'aurait pas été capable de lancer une réponse à la hauteur à son chef, la nature de l'ayant pas doté de l'intelligence nécessaire.
Dommage! Ou pas.
C'était la dur loi de la jungle: les plus abrutis étaient dominés par d'autres moins abrutis qu'eux, l'ensemble se reposant entre les mains de ceux qui pouvaient carrément prétendre être intelligents... Le prétorien, tout à sa réflexion, se mordilla la lèvre inférieure, avec une pensée pour Wergeld... Sans doute l'exception qui confirmait la règle...

Repensant à sa "migraine", il passa une main dans ses cheveux, s'arrêtant à l'arrière de crâne, juste au dessus de la nuque. Migraine, c'était un grand mot. En faite, en termes barbares et crus, il se faisait un peu électrocuter le cerveau à intervalle très régulier, soit... Toutes les dix secondes? Un truc comme ça... C'était pas du 220V, sinon il n'aurait eut plus qu'une noix grillée dans le crâne. C'était juste assez pour obligé son petit cerveau tout fatigué à ne pas se mettre définitivement en veille, comme il l'aurait fait sans le générateur. Ca ne faisait mal que quand quelque chose d'autre et de violent lui tapait sur les neurones... Comme par exemple, la voix d'une femme entrain de crier.

" Pour la migraine, c'est non. C'est de l'auto-flagellation non-contrôlée chronique. "

Il sourit, l'air de vraiment y croire. C'était ça de toute façon, sauf que... Dit ainsi, c'était clair comme du jus de boudin. Le prétorien retira sa main de sa tête, ne laissant qu'un bref instant trainer le bout de son index le long de la légère cicatrice qui lui courait à l'arrière du crâne, entre les cheveux. Il se foutait de la tronche de Septembre qui sortait d'une boîte de mécano, alors que lui était en patchwork... Culotté, mais en même temps c'était toujours rigolo de pourrir l'androïde.

" Ez Khy, prétorien. Vous me cherchiez?"

Brusque changement de sujet, en même temps elle était sans doute pas venue pour le disséquer ou essayer de régler les quelques soucis que lui posait parfois son anatomie recomposée.

" Bah vous excusez pas c'est pas un drame non plus."

Ils allaient pas faire tout un sac de ça. Elle avait zappé que le troll était un sanctuari, et finalement c'était pas un crime. Il aurait peut-être pu l'embêter pour cassage d'oreilles du prétorien, mais c'aurait sans doute été un peu exagéré... Surtout qu'il était en pleine forme, donc en fait, il ne restait aucune preuve du délit de la jeune femme. Peut-être un ou deux neurones en moins, ou alors son cerveau s'était peut-être un peu incliné sur la gauche en se convulsant quand il s'était pris la foudre... Enfin, c'était vraiment des preuves.

" Ressentir la douleur?"

Il éclata de rire, attrapant d'un geste vif la feuille qu'elle lui tendait. Cette douleur là, celle qu'il avait ressenti les premiers jours où il avait commencé à vivre avec son tazzer intégré, il savait qu'elle était toujours présente. Seulement il s'y était habitué, et s'il ne prenait pas la peine de se concentrer vraiment dessus, il ne ressentait plus l'appareil titiller ses neurones.
Ca forge le caractère...
Même si, dans tout ce qu'il avait vécu, c'était probablement pas ça qui lui avait le plus "forgé le caractère". A côté du reste, c'était prodigieusement insignifiant.

Reprenant vaguement son sérieux, un sourire persistant sur ses lèvres, Ez parcourut la feuille, faisant tourner son horloge interne jusqu'à la fonction "je sais lire". Il hésita un peu sur les premiers mots, peu habitué à ce genre d'exercices, puis le reste s'enchaina tout seul. Elle était là pour un bilan des troupes, et...
Héhé...
Il n'avait jamais songé à demander au sanctuaire d'attribuer à la caserne un guérisseur fixe, qui serait ici pour soigner les plaies superficielles, et n'importe quelle autre blessure nécessitant un minimum de soin, sans pour autant obliger sa victime à faire un aller-retour au sanctuaire. Ils se débrouillaient comme des grands garçons... Et des grandes filles, pour les filles.
C'est qu'il me connait bien Eönwë!
Enfin "bien", c'était sans doute très exagéré. Il connaissait en tout cas les sanctuaris en général, assez pour savoir qu'ils refuseraient en masse la présence d'un guérisseur en ces lieux... A moins que ce ne soit une jeune femme charmante et séduisante. Non mais quel... Quel fourbe ce type! Ez lui, les femmes il ne les considéraient pas comme... Bref c'était pas important, mais en tout cas il n'avait pas ce côté bassement intéressé que pouvaient avoir certains (la plupart même) des autres sanctuaris. Ils accepteraient sans problème de se faire soigner par les mains d'une belle femme... Bande de pervers. Il allait falloir qu'il veille un peu au grain, sans quoi ça allait devenir un vrai bordel ici... Et dans tous les sens du terme.

" Comme ça vous êtes nouvelle dans le coin... En quel honneur vous avez quitté votre bled natal? Eönwë aurait pu vous briefer..."

Et lui parler des sanctuaris. C'était quand même les gens qu'elle avait le plus de chance de croiser dans l'Entre-Monde! C'était une des vérités premières à savoir! Avant même de connaitre les noms et visages des maîtres... Toute une éducation à faire. Une chance, il avait que ça à faire ce matin...

Whouaa ben dis donc...
Finalement il allait peut-être pas demander à ce qu'elle soit interne ici, parce que sinon, à chaque pleine lune elle allait devenir un peu plus dingue qu'avant. Quoiqu'en soit lui ça le dérangeait pas, mais... Si, en fait ça le dérangeait. Pas spécialement envi qu'une seule personne dans tout l'Entre-monde sache qu'il était un dérivé de loup-garou complètement loufoque et apparié. Chacun ses petits soucis, personne n'était parfait après tout! Et surtout pas lui...

Mes troupes?
Mais c'était qu'elle employait presque du jargon militaire! Bientôt il se ferait appeler sergent chef, ou... Ou Tierce, comme au bon vieux temps?
Il a jamais existé le bon vieux temps.
Il esquissa un sourire, laissant errer un vague regard en coin sur les cheveux de la femme. Dans le genre blanc, on faisait difficilement mieux. Ou pire... Enfin bref, c'était limite inégalable. Si elle était humaine (il n'avait pas encore demandé), elle était sans doute plus jeune que lui. Elle, vingt ans, les cheveux blancs comme neige. Lui, plus l'infini au carré divisé par la racine cubique de plus l'infini, roux vif... C'était vraiment n'importe quoi.

Perdu entre deux pensées, il ne releva pas le soupire, seulement la réponse... Même pas. Juste quelques mots.
Artiste de cirque?!?
Suçant ses dents, il réprima un rire moqueur. A vrai dire, il l'imaginait mal dans un cirque... Quoique, en trapéziste, ou dresseuse de chevaux... Ou alors au fond du bide du vieux lion.... Ouais pourquoi pas? C'aurait pu être amusant.
Quand elle expliqua qu'elle s'était tirée à vitesse grand V du sanctuaire, il tourna la tête vers elle... Et ce fut la goutte de trop. La voir nouer ses cheveux comme lui nouait ses lacets, ça le fit tout simplement exploser de rire. A défaut de s'écrouler par terre, il s'adossa au mur, plié en deux, se tenant les côtes. C'était quoi cette fille? Elle était plus ouf que tous les sanctuaris rassemblés! D'accord il exagérait, mais quand même, elle était vraiment bizarre... Une bonne minute passa, pendant laquelle le rire du prétorien se glissa sur les murs, haut et clair, alors qu'il se laissait aller sans résister à sa crise d'hystérie. Souhaiter ne pas se vautrer bêtement (l'air bête il l'avait déjà assez), Ez se laissa glisser jusqu'au sol, s'asseyant au pied du mur comme s'il faisait ça tous les jours (en fait y avait beaucoup de choses qu'il faisait tous les jours). Relevant les genoux, il appuya sa tête contre le mur, respira profondément histoire de se calmer.

"Aaah bon sang, ça fait du bien."

Rire un petit coup, boire un petit coup... Fumer un petit coup, tout ça c'était des petits plaisirs sympas.
Bref, le prétorien se passa une main sur les yeux, ne songeant pas une seconde à s'excuser pour s'être payer sa tête. pas qu'il était trop fier pour le faire, juste... Juste que ça ne lui traversa pas l'esprit.

" Effectivement, un guérisseur ici de temps en temps ferait pas de mal."

Sa main glissa sur son front, passa dans ses cheveux, s'arrêtant un bref instant à l'arrière de son crâne. Avoir autant ri ça l'avait un peu fatigué, mais dans dix secondes, ça serait passé... Pas croyable ça, il avait vraiment été rafistolé par des incapables. Et donc pendant dix secondes, il garda le silence, le regard fixe, comme victime d'un bug cérébrale...
Vraiment une vieille chiotte ce coeur...
...puis il se releva d'un bon, sortant une craie rouge d'une de ses poches, et se mettant en devoir de briefer la jeune femme.

"En gros, y a huit vraies miroirs, un par genre... Les elfes&co, les démons et anges, les dieux, les bestiaux, les tas de boulons, les humains, les zautres... A chaque miroir correspond un maître, qui dirige également un quartier de la ville. Les maîtres nomment le prétorien (c'est moi ça), qui gère les sanctuaris, la milice locale si tu préfères. Voilà c'est simple!"

Sûr, dit comme ça c'était même simple à l'extrême... Un abruti aurait pu comprendre.
Son schéma, aussi simple que ses explications, étant terminé, il rangea sa craie dans une de ses poches, tout en sachant que la prochaine fois qu'il ferait laver ce pantalon, tout ce qui serait lavé avec virerait au rouge... L'art d'oublié des trucs dans ses poches. Enfin, tant que c'était que des craies... Et surtout que c'était pas ses chemises qui se faisaient recolorer...

Ah bon son père "disait" ça?
Disait? Un cadavre en plus?
Sans doute, sinon elle n'aurait pas parlé de lui au passé. En tout cas c'était pas faut ce qu'il disait.

Ing... Déconnectant une fois de plus avec ce qu'elle disait, il chercha dans sa mémoire à tiroir une carte des lieux, histoire de situer Ing. Effectivement, c'était une des nombreuses parties de ce monde sous la coup de Wergeld. Le pauvre... Il se faisait pourrir alors que de tous les maîtres, c'était probablement lui qui avait le plus de boulot, et surtout le plus de soucis. Il n'aurait pas voulu sa place, ça c'était sûr! En même temps il n'aurait voulu la place d'aucun maître. Être prétorien, c'était amplement suffisant. Gérer des troupes armées, il savait faire. Gérer un quartier entier... Ses habitants, son administration, ses finances...
Eurk...

Assis à présent en tailleur de pierre, le dos toujours contre le mur, il pencha la tête sur le côté, signe que (pour une fois) il était attentif. Vrai que pour être guérisseur, fallait avoir la vocation. Soigner les bobos superficiels, ou pas, soigner tous les crétins qui venaient pleurer à l'aide que quand leurs blessures menaçaient de leur bouffer la jambe... Les écouter sangloter et geindre des heures sur leurs tristes sorts, s'occuper des vieux malades pour lesquels un rhume était l'équivalent d'un cancer généralisé, des enfants qui chialaient dès qu'on les touchait... Quelle horreur! Et elle aimait ce qu'elle faisait? Et ben... Ouais, elle devait avoir la vocation, parce que lui il aurait pété une durite depuis longtemps. Enfin ils avaient pas forcément le même âge. Peut-être qu'au bout de cent, elle en aurait marre d'être guérisseuse. Quoique... Lui, au bout de soixante... Non soixante dix... Tiens, c'était quoi déjà le chiffre exact? Soixante dix, cinq mois... Une semaine? Deux? Non une... Et les jours, deux.
Donc, lui au bout de soixante dix ans, cinq mois, une semaine et deux jours, il n'en avait toujours pas eut marre de faire la guerre. Suffisait d'avoir la vocation! Elle s'était soigner les gens, lui s'était la massacrer... Chacun son truc.

Mince j'ai rien écouté...

A la dernière remarque de la jeune femme, il rit de nouveau, quoique de façon beaucoup plus brève et contrôlée.

" Vrai que le vieux Eönwë sait pas dire non à une jolie fille! Quel pervers..."

Il rit avec humour, montrant clairement qu'il se payait la tête du guérisseur.
Il saura jamais que j'ai dit ça!
Et puis quand bien même il le saurait, il ne s'était jamais privé de le lui dire en face. Ce qui lui avait souvent valu de se faire envoyer promener vertement, et surtout de se faire tacler au sanctuaire pendant des heures, pour des raisons totalement bidons.

" Moi ça fait deux ans que je suis sanctuari, et quelques mois prétorien. Avant..."

Alors avant, il avait passé exactement vingt ans à dormir d'un sommeil des plus artificiels. Avant ça, il ne savait pas trop... Tout une zone opaque dont il ne se souvenait rien. Encore avant, il avait été chez Mattéo... Avant ça il y avait de nouveau un temps indéterminé dont il ne gardait quasiment aucun souvenir... Et avant avant, y avait chez lui. C'était pas que ça datait un peu, mais quand même...
Il sourit à la jeune femme et haussa les épaules, l'air de dire qu'avant, c'était ni important ni intéressant. Enfin ça l'était, bien sûr que si, mais que pour lui.

" Qu'est-il arrivé à ton village?"

Lui curieux? Mais non c'était purement professionnel!
Après tout, fallait bien qu'il se tienne au courant de ce qui se passait...