Entretien d'embauche

Sale gosse, la prochaine fois il le laisserait crever de faim dans la rue... Quelle idée... La prochaine fois... Enfin quoi, un sanctuari d'un mètre de haut, mais où allait le monde!

Le prétorien s'arrêta un instant, le temps de regarder où il était... Déambuler dans les couloirs de la caserne, c'était une chose qu'il faisait tout le temps. Il n'aimait pas demeurer planter sur place, alors qu'il pensait. Et comme il pensait tout le temps... Ben il était plus souvent entrain d'errer dans la caserne que de moisir dans son bureau.
A quoi pensait-il déjà? Elantir... Ce sale mouflet, deux claques et au lit oui! Tiens, il allait peut-être lui chercher une famille d'adoption... Ca lui ferait les pieds, ce serait tout simplement génial. Après tout un enfant orphelin... Il était de son devoir d'en faire quelque chose, de lui trouver une famille. Non? Et puis s'il refusait de se soumettre... Dans ce cas, ce serait pas compliqué: il le collerait une bonne fois pour toute derrière les barreaux, et ne se fatiguerait plus avec. Un voleur, aussi petit soit-il... Il aurait du le virer direct, mais il n'avait pas envi de savoir une ordure de plus en liberté. Aussi petite soit-elle. Au moins là, il pourrait garder un oeil dessus...

"Cheeef attention!!!!!!!"

Nié?

Ez se retourna, les mains dans les poches, avisant la masse montée sur quatre pattes qui fonçait vers lui. Ca ressemblait à un chaton... Mais sans poil... Et vert fluo... Avec des yeux montés sur antennes style escargot... Et... Et de deux mètres de haut.
Bordel de #'@x&: ! d'merde...
Et sur cette pensée, le prétorien se fit passer dessus comme s'il n'était rien d'autre qu'un brin d'herbe. Journée de merde, caserne de merde, sanctuaris à la con... Le temps de penser tout ça, de maudire les abrutis qui avaient lâché ce truc, et ceux qui l'avaient pas rattrapé, Ez se redressa et, assis par terre, observa les alentours. C'était comme se faire rentrer dedans pas un chamallow géant. Intéressant, et peu douloureux. Encore heureux!

"C'est quoi c'bordel!! Rgntdjû!!!"

Il tapa dans la main qui s'était tendu pour l'aider, et se releva tout seul. Après avoir remis un peu d'ordre dans son costume, il assassina ceux qui l'entourait du regard... Ce qu'ils prirent pour une permission de circuler. Tout ce beau monde s'en retourna donc à ses affaires, pendant qu'une cohorte de sanctuaris passaient près d'eux en courant, se lançant dans une chasse au monstre. Sans porter d'avantage d'attention à l'incident (il avait l'habitude...) Ez entreprit donc de prendre la direction de son bureau, rageant intérieurement contre le bordel qui régnait si souvent ici. Vraiment... N'importe quoi cette caserne.

"Bonjour, je suis Tom Mc Gregor, je viens pour un entretien d'embauche."

Le prétorien fit volte-face, percutant que son bureau était plutôt de ce côté là, et surtout qu'il y avait quelqu'un qui le demandait. Un instant, il hésita, se demandant s'il ne serait pas plus judicieux de tourner les tallons et de se tirer de là. En plus ce type... Il avait carrément l'air louche. Le concours de monstruosités avait été ouvert ou quoi? Et puis pourquoi ici? En général c'était les maîtres qui faisait ce genre de truc débile.
Ez soupira, brossa un instant sa veste. Quand faut y aller, faut y aller...

"Eep!"

Bon, on respire...
Chassant sa mauvaise humeur, il esquissa un sourire amusé, se rapprochant de ce Tom Mc Gregor. A exactement un mètre de lui, il s'arrêta, l'observant des pieds à la tête... L'examen dura le temps d'une seconde, bref et militaire...
Quoiqu'il en pensa, il ne prononça pas un mot... Du moins pas sur l'apparence de postulant nouveau venu.

"C'est moi qu'tu cherches? Je suis Ez, le prétorien. Appelle-moi... " Réflexion..." Ben comme tu veux en fait."

Il avait pas été loin de lui sortir "appelle-moi Tierce", et encore heureux qu'il s'était retenu, parce que sinon bonjour l'air con... Ici ça n'aurait rien voulu dire. Fouillant ses poches, il perdit plusieurs secondes à chercher son trousseau, puis à essayer toutes les clés s'y trouvant. Oui depuis le temps il aurait pu s'y être habitué, mais bon...
La porte enfin, ouverte, il la poussa du pied, cédant le pas à Tom.
L'intérieur était simple, un planché de bois foncé, des murs blancs, deux fenêtres s'ouvrant sur l'extérieur... Le mobilier était un peu plus personnel: un bureau croulant sous un tas de trucs, des chaises et des fauteuils pas assortis... Et une carte de l'Entre-Monde géante, accrochée à un mur par le biais de diverses épingles et clous.

Sans chercher à se souvenir de quand le ménage avait été fait ici pour la dernière fois, Ez referma la porte derrière lui et son visiteur, balança les clés sur le bureau.

"Vas-y j't'écoute."

Ceci faisant, il retira sa veste et l'abandonna sur le dossier d'un fauteuil, avant de s'installer dans un autre, posa les pieds sur l'accoudoir d'un troisième et remontant ses manches. Ca va il était ici chez lui, il pouvait bien faire ce qui lui chantait...

Le prétorien tendit la main vers le bureau, laissant l'autre observer à loisir les environs. Y avait rien à voir d'intéressant de tout façon, à part du bordel... Soulevant un tas de feuille, Ez récupéra une pipe ébréchée, puis tira sur des cordons de cuir qui dépassait de dessous une pile. S'il récupéra ainsi une blague de tabac, il fit aussi s'effondrer un monument de paperasses, crayons, allumettes, pot de fleur vide, cuillère, carton (vide également) dague de jet... Et autre. Sans se soucier de ça (après tout, rien n'était tombé par terre), Ez ouvrit la blague, en sortit une touffe d'herbe inconnue, à la couleur terne et jaunâtre inquiétante.

" Hunhun."

Bourrant sa pipe du pouce, il parcourut son bordel à la recherche d'un quelconque élément capable de produire du feu. Larcin, tiens donc... Pourquoi les voleurs tenaient-ils tous à se reconvertir en sanctuaris? Elantir, Tom... C'était pas un centre de réinsertion social ici. Enfin pas qu'il sache, après bien sûr, il n'était pas au courant de tout. Mais depuis deux ans, il n'avait jamais entendu dire que ce soit le cas...
Larcin, ces jeunes j'vous jure...

Il releva la tête, se figeant brusquement, alors que ses yeux pâles se plantaient dans Tom, comme si ce dernier pouvait représenter quelque chose de dangereux ou nocif. Possédé... Possédé par quoi? Pas un démon, il l'aurait senti... Et... Si c'était un démon capable de très bien se cacher? Ca existait après tout. Il était bien placé pour le savoir. Et puis... Les démons, comme les anges, comme toutes ces créatures là... Petites ou grandes, discrètes ou pas... C'était toujours pareil.
Mais là...
Il détourna le regard, ce dernier tombant sur une de ses mains. Là, rien. Tout était normal. Pas d'articulations craquantes, pas de douleurs, pas de muscles tendus à s'en rompre... Rien du tout. Conclusion, si ce mec était possédé, ça n'était pas par un démon. Toujours ça de gagner...

" Tu peux t'asseoir hein, te gênes pas."

Il sourit, brusquement moins tendu. Cet Elantir, lui il était louche. Face à lui, il se sentait mal. Mais ce Tom... Lui non. Reportant son attention sur son fatras, le prétorien renonça à trouver de quoi produire du feu... Et, la mort dans l'âme, se rabattit donc sur son plan de secours: jouer les briquets vivants. Il détestait ça, seulement pour un quart de seconde, c'était supportable. Et sans immondices dans le coin, il n'y avait aucune raison que ça dégénère... Il frotta donc la paume de sa main libre contre sa cuisse, avant de serrer le poing et de le coller devant sa bouche. Approchant la pipe, il souffla doucement, sentant sa main, ses lèvres, sa langue, chauffer dangereusement. Avant que l'ensemble ne finisse brûler, et comme ses phalanges se faisant douloureuses, il éloigna sa main de sa bouche, planta sa pipe allumée entre ses dents.

" Alors, tu veux être sanctuari... Vrai que c'est toujours mieux que voler."

Il frotta ses mains l'une contre l'autre, cherchant à chasser la chaleur qui s'était logée dans la droite... Crachant un filet de fumée blanche, il poursuivit.

"Pourquoi tu veux être des nôtres? Vocation soudaine? Parce que c'est chiant comme taf, j'te préviens de suite..."

C'est quarante-huit heures par jour, congés non-payés... Et puis avec le merdier actuel, ça bosse dur...
Il se passa les doigts dans les cheveux, avant de suivre les trois marques qu'il arborait dans le cou du bout de l'index. Il y avait nettement plus chiant comme boulot... Au moins ils étaient payés pour ce qu'ils faisaient, et puis... L'ambiance était plutôt sympas. Ils s'amusaient bien en général, quand ils n'avaient pas de grosses catastrophes à gérer... En bref, pas comme ces temps-ci.

Alors comme sa Ez fumait, mauvaise habitude si il veut rester en bonne santé. Mais apparment c'était exceptionnel car Tom n'avait pas remarquer le moindre paquet ni dans sa veste, ni dans son pantalon. Ne trouvant pas de briquet, il avait simplement frotter ses mains contre son pantalon et avait allumé sa pipe comme sa. Il devait maîtriser la chaleur. Mais pas assez pour que sa ne commence à lui échauffer la main apparement.

Il va se brûler la main ce con de Prétorien.
Tu vas la fermer ta gueule ?
Non pas question, sa m'amuse de te faire chier. Tu le sais pas depuis le temps ?
Ok, tu veux jouer, on va jouer.

Tom se déplaça vers la première fenêtre à gauche du bureau, l'ouvrit et mit les volets en tuile, pour y voir un minimum, il fit de même avec la deuxième fenêtre. Il alla ensuite se placer au milieu de la pièce pour bien faire voir le "démon" qui l'habitait. Tom fit sortir le Darkness, et les deux têtes passérent sur le côté gauche et dorit de la tête de Tom, comme d'habitude. Tom en profita pour donner deux coups de poings en l'air simultanément, pour les placer dans les gueules du Darkness.

"Espéce de connard, sa fait mal."
"Je t'avais prévenu que j'allais jouer."

Le Darkness ne peut pas contrôler son corps tant que l'hôte n'est pas soumis. Et là, ce n'était pas le cas. Tom espérait ne pas avoir effrayé le Prétorien avec ce foutu symbiote. De plus, s'il ne comprennait pas le language du Darkness alors il n'allait pas comprendre grand-chose.

"Bien, je vous présente mon abruti de symbiote, le Darkness."
"Sa y est, maintenant que tu m'as comme putching ball, tu fais les durs."

Aprés une autre baffe dans la tête droite, il conscentit enfin à se taire et à laisser Tom parlait sans avoir les commentaires d'un chieur :

"Je veux rentrer dans les Sanctuaris comme sa j'aurais une paye, un logement et un travail. Tout pour refaire une nouvelle vie. Je m'en balance pas mal que le travail soit chiant, avec lui comme partenaire, je crois que je suis habitué depuis le temps, alors c'est pas le travail qui va être chiant."

Le prétorien haussa un sourcil surpris quand l'autre zouave s'en alla vers les fenêtres, se redressant même dans son fauteuil pour le suivre du regard. Il faisait grand beau temps à l'extérieur, un soleil radieux et réchauffant... Il faisait de l'allergie à la lumière pour...
Moon dieu...

Il cligna des yeux plusieurs fois, avant de se pencher en avant, les coudes sur les accoudoirs, les doigts croisés. Méditatif, il observa un instant les deux affreuses têtes qui se dressaient de part et d'autre de celle de Tom. C'était... Pas le genre de compagnie qu'il aurait voulu avoir. Quelle horreur... Ces sales bêtes, fallait se les farcir h24...
Quand la "chose" parla, Ez trouva à sa langue quelque chose de vaguement familier, mais ne chercha pas plus loin, et surtout pas à chercher dans les bas fonds de sa mémoire s'il avait un traducteur capable de décrypter ce langage. C'est fou comme parfois il trouvait en lui des choses surprenantes... Mordillant le tuyau de sa pipe, le prétorien se garda de demander en quoi consistait le jeu, ou encore ce que la "chose" avait bien pu dire.
Symbiote, le Darkness...

"Enchanté."

Pas la peine de se présenter, d'autant plus qu'il doutait sincèrement que ça puisse intéresser le Symbiote. Un peu rêveur, Ez s'enfonça de nouveau dans son fauteuil, avec un sifflement admiratif.
Mouais, vrai qu'avec un chieur ventousé à ses arrières, il doit être amorti.
Quittant les deux têtes du regard, il reporta ses yeux sur Tom, réfléchissant à ce qu'il venait de dire. En bref, sanctuari était un travail comme un autre, avec assez d'avantages pour qu'il soit intéressé. Ca se tenait... Et puis il avait l'air d'être plutôt quelqu'un de sérieux... De toute façon, un sanctuari de plus, il allait pas cracher dessus. Après... Après il préférait quand même savoir à quoi s'attendre.

" Comment tu t'es retrouvé avec ce symbiote sur le dos? "

Revenant à son bureau, il souleva un carton pleins de journaux, puis poussa une pile de bouquins, avant d'enfin trouver ce qu'il cherchait. Sa pipe toujours coincée entre les dents, il se recalla dans son fauteuil, ses pieds revenus sur les accoudoirs d'en face. Un instant, il secoua le tube de métal qu'il avait dans la main, un léger bruit lui tirant un sourire satisfait.

" Et puis, parle-moi un peu de toi... Que je sache ce qui m'attend."

Braquant l'extrémité du tube légèrement évasé vers Tom, il pencha la tête sur le côté. La curiosité avait beau être un vilain défaut, il trouvait toujours ça fascinant, les expériences sur sujet vivant... Bref, sans rien dire de plus, il fit glisser du bout du pouce l'interrupteur de sa lampe torche sur "on", un faisceau de lumière blanche illuminant brusquement l'autre et ses deux têtes.

Quand le symbiote reprit la parole, Ez aurait juré pouvoir traduire ce qu'il venait de dire... Et puis comme il n'avait aucune raison de comprendre cette langue, et que la comprendre aurait impliqué de nouvelles choses inconnues à son propre sujet, il en resta là. A quoi bon chercher plus loin? Avec un peu de chance, il ne ferait que recroiser vaguement ce type. Après tout, les sanctuaris, il y en avait un bon paquet... Il ne les connaissait pas tous, il y en avait même qu'il n'avait jamais rencontré. Il pouvait très bien ne jamais revoir ce Tom, ne jamais entendre de nouveau le parasite qui l'habitait. Et donc ne jamais réentendre cette langue.

La créature disparut, le prétorien coupa la lumière, balança la lampe dans le carton pleins de journaux. Tom avait l'air de ne pas craindre la lumière, contrairement au symbiote...
Depuis des générations? Merde, je m'en serais débarrassé moi...

Enfin il y avait sûrement une bonne raison pour qu'ils ne l'aient pas fait. Parce que ce symbiote avait l'air sacrément langue de vipère... Fallait vraiment ne pas avoir le choix pour devoir le supporter. Conclusion: le choix, Tom n'avait pas du l'avoir...

" On cherche à être le plus efficace possible. Si tu préfères la nuit, pas de soucis. Tant que le boulot est bien fait..."

Il sourit avec amusement, avant de replanter sa pipe entre ses dents.
Je suivrais toujours les ordres, mais faudra pas exagérer... On est pas à l'armée en même temps...
Même s'il demandait une certaine discipline de la part des sanctuaris, il savait très bien que cette organisation n'avait rien à voir avec un groupe militaire organisé, comme il en avait connu. Rêveur, il se passa une main dans le cou, songeant à ce temps où un ordre était un ordre, et aussi fou pouvait-il être, ils obéissaient. Lui-même s'était quasiment suicidé en acceptait cette mission débile... Quasiment... Totalement oui! Il n'en était, après tout, jamais revenu.

" Ca fait dix piges que les miroirs sont fermés... T'as été où pendant tout ce temps? Et tu viens d'où? Parce que le miroir de K'ouen... C'est rien qu'un miroir."

En gros ça ne lui en apprenait pas beaucoup sur son monde d'origine, pour autant qu'il en ait un. Qui sait, il pouvait très bien être né dans l'Entre-Monde... Il avait l'air jeune, et en tant qu'humain, il devait avoir l'âge qu'il avait l'air d'avoir. Une vingtaine d'année... Et plus le temps passait, plus les jeunes qu'il pouvait rencontrer étaient nés ici.
Mais s'il est pas d'ici, l'entendre parler de son monde...
Ca ne pouvait être qu'intéressant.

Surpris, le prétorien haussa un sourcil et lâcha sa pipe, qui tomba par terre en répandant de la cendre sur le parquet. Il s'en fichait un peu, c'était pas lui qui faisait le ménage, et ça ferait du boulot aux techniciens de surface qu'il soupçonnait de ne rien faire.
La planète Terre... Vous êtes persécuté, traqué et tué pour avoir était différent. Sans rire?
Ben lui il avait pourtant très bien survécu non? Enfin... C'était pas comparable. Il n'y avait aucun doute là-dessus, Tom venait de la Terre "normale", celle qui avait continué son petit bonhomme de chemin sans rencontrer d'autres soucis que ceux inventés par ses occupants.

Il retira ses pieds de l'accoudoir du fauteuil d'en face, se levant même pour faire quelques pas dans la pièce. Ce type râlait parce sur la Terre, sa différence l'avait exclu de la société, avait fait de lui un monstre contre lequel tout le monde s'était braqué, sans chercher à connaitre l'humain qui se trouvait derrière? Humain... Ouais, ça il en était bien un. Toujours entrain de râler et pleurer sur leur sort, alors que d'autres vivaient cent fois pire... Lui, il aurait préféré être jugé sur sa bizarrerie, être persécuté, traqué et tué. Parce que dans ce cas là, il y avait toujours moyen de se trouver une retraite paisible, à l'écart de tout et tout le monde. Il aurait vivre ça, plutôt que de voir la Terre changer du tout au tout, de voir ses habitantes disparaitre, laissant les hommes seuls, obligés de survivre tant bien que mal, et s'entretuer pour deux théories... Bien sûr, grâce à ça, sa bizzarerie n'avait jamais été fichée, en tout cas pas avant qu'elle ne devienne secondaire. Quand on avait compris qu'il n'était pas humain, on s'était dit qu'un bras armé de plus, même étrange, c'était mieux que rien. Et puis sa force de caractère et sa volonté faisant de lui un bon soldat... Ils n'avaient pas voulu se priver d'un bon élément. En tout cas pas avant qu'ils ne l'estiment dangereux, parce que même après soixante dix ans de guerre il ne faiblissait pas, contrairement aux autres. Alors seulement, on s'était débarrassé de lui...

" C'était quelle année, quand tu as quitté la Terre?"

Jusqu'où avaient-ils avancé, eux qui vivaient au même endroit que lui, dans un avenir différent? Cette question, il ne se l'était jamais posé pendant qu'il y était. C'était seulement après, après cette mission débile, et cette conversation avec Elize, qu'il s'était demandé où eux en étaient... Mais il aurait pu lui poser un milliard de questions à ce sujet. La dernière mode, les derniers tubes sortis, les derniers films, les livres, et les villes comment étaient-elles devenues, et les paysages, et les gens? Il aurait sûrement pu l'interroger pendant toute une journée sur le sujet, parce qu'il aurait voulu tout savoir. Savoir que les immenses étendues vides et stériles avaient accueilli des arbres, de l'herbe, savoir que les rues des villes en ruine ne résonnait pas que des tirs de mitraillette...
Raah faut que je boive un coup là.
Ca lui ressemblait pas de brouiller des idées vieilles de... D'il ne savait pas combien, mais vieilles. Il balaya l'air de la main, comme pour effacer sa question, et revint vers son bureau pour se replonger dans des fouilles archéologiques.

" Tu bosses à partir de ce soir. Le jour tu fais ce que tu veux je m'en tape, tant que t'es sage. La nuit, tu patrouilles en ville et remet en place ceux qui foutent le bordel. T'es payé pour chaque tête ramenée."

Il trouva enfin une bouteille au contenu incolore, dont il fit sauter le bouchon et bu un coup au goulot, avant de se rassoir dans son fauteuil. Posant la bouteille à ses pieds, Ez ramassa sa pipe, la balança dans la montagne de bordel de son bureau.

" Si t'as pas de question, tu peux y aller."

Le prétorien s'étira, avant de finalement croiser les mains derrière la nuque, observant son nouveau sanctuari de ses yeux pâles. Ils n'allaient pas se tenir le crachoir pendant trois plombes pour parler de leurs Terres respectives, ça n'aurait eut aucun intérêt. D'autant plus que, pour lui, ça remontait vraiment à longtemps, et les choses avaient du changer... Voir peut-être même disparaitre.