Etrangère sur une terre inconnue [RP Clos]

-Pan !!!!

Une bombe ? Une catastrophe de plus ? Non bien sûr que non... Un singe pourpre comme une betterave passée à la machine s'élança à grand renforts de bonds et de cabrioles pour s'échapper d'une furie qui lui hurlait dessus.

-Reviens ici tout de suite Singe à la noix !

Pan est un petit singe de papier, fort de ses quelques trente centimètres de haut et de son corps creux comme un ballon de baudruches... La plupart du temps il ne s'envole pas facilement dans les bourrasques puisqu'il se leste lui même en se remplissant l'estomac (ou plutôt son corps creux) avec des noix des cailloux, des fruits secs, des bouts de pains et tout ce qu'il peut chaparder (bijoux, pièces, objets minuscules). Seulement, aujourd'hui, Pan avait décidé qu'il goûterait à ce mets très étonnant entre le sucré et le salé qu'est la betterave. Aussi, quand j'étais passée devant la terrasse d'un restaurant, il avait bondit comme un diable pour plonger littéralement dans l'assiette d'une cliente.
Et quand il vit le regard de la harpie sur qui la moitié du plat s'était déversé... Il prit la fuite, et moi avec. Une chance pour moi, j'étais connu sous mon autre forme, cette apparence féminine étant bien plus discrète et passe partout, mais aussi plus rapide. Je pus éviter les revendications et menaces de morts du directeur du restaurant et de sa cliente en fonçant à la poursuite d'un Peter Pan qui méritait que je le colle dans le foyer de la forge de Caël.
Mais Pan ne se laisse jamais attrapé si facilement... Et encore, je suis capable de l'attraper, moi...

Ce qui n'aide pas ce cher Pan c'est surtout sa vocation à courir sans réfléchir. L'animal en papier pris le tournant aussi serré que ce fut et ne se rendit pas toute de suite compte qu'il fonçait droit dans l'eau.
Mais Virgile est toujours là pour réparer ses bêtises... évidemment. Je plongeais à sa suite, étant plus lourde je tombais plus vite que lui qui planait légèrement. Le singe farceur se servit de moi pour sauter sur la rive de justesse quand je terminais dans le fleuve. L'Arcos ne paru jamais aussi froid qu'aujourd'hui, sûrement car la colère me chauffait le sang mieux qu'un feu de cheminée.

En sortant de l'eau, je trouvais Pan penché sur moi ses orbites de papier grandes ouvertes dans l'attente d'une réaction de ma part. Et quand il croisa mon regard noir... Il repartit en sens inverse et aller directement se nicher dans les vêtements d'une jeune femme assise sur un banc.
Et toute dégoulinante de flotte que j'étais, je m'approchais de la jeune femme, l'oeil noir.

-Un voyou se cache dans votre manteau, permettez que je le récupère ...

Je n'avais jamais été aussi en colère contre le singe et pourtant, nous savions tous les deux que j'avais mille raison de le réduire en confettis depuis longtemps, ses aventures m'ayant attiré tant de problèmes que je ne les compte plus... Seulement, jusqu'à aujourd'hui, je n'en n'avais jamais pâtis physiquement. Et une fois de plus c'est une fois de trop.

Une oreille de papier dépassais du manteau, je tirais dessus sèchement et Pan suivis mon mouvement contre son gré, il se tenait l'oreille comme pour éviter qu'elle ne se déchire sous son faible gabarit en papier mâché. Le violet délavé des betteraves formait des taches sombres sur son blanc d'origine sans oublier de compter les autres nombreuses taches que je n'avais pas été fichu de faire disparaitre à son dernier nettoyage. Il était plus gris que blanc depuis quelques mois... Et cette fois il était violet-rose...
Il protestait et se contorsionnait pour que je le libère... Et dû rapidement se lasser.

-Excuses-toi auprès de la gentille personne que tu viens d'embêter !

Je tendis le bras le singe au bout, face à cette parfaite inconnue qui ne reçu que des pleures et des larmes invisibles pour la supplier de le sauver de mon courroux. Vil petit singe...

Je devrais m'y faire. Les gens adorent Pan ! Même Caël est gentil avec lui et le laisse faire ce qu'il veut... Si ça ne tenait qu'à moi, ce singe malin irait finir dans le foyer du forgeron -oui je l'ai déjà dit, ça ne fait pas de mal de le répéter !
Caresses et sourire en cadeau, Pan se tortillait pour rejoindre sa sauveuse qui, semble-t-il, l'avait pris en pitié. Je le laissais filer vers la jeune femme en haussant les épaules d'exaspération. Comment voulez-vous élever cet animal de manière correcte quand personne ne m'aide ?

La main tendue de la jeune femme attire mon regard. Je suis surprise, moi aussi, on ne s'attend pas à rencontrer des gens si enclin à la discussion à tous les coins de rue. Je la serre chaleureusement et profite de ce moment pour m'assoir sur le banc. Pendant ce temps, Pan vogue vaillamment sur le bras d'Aliénor avec la ferme intention de se planquer sur elle là où je n'oserai l'attraper... Il le sait, c'est bientôt l'heure du nettoyage.

-Appelle-moi Virgile. Et lui, je tends l'index vers ma sculpture de papier, c'est Peter Pan, alias Pan.

Après un instant de réflexion, je me souviens que Pan n'épargne jamais personne, que ce soit ceux qui l'aident comme ceux qui le poursuivent -et je sais que la masse de ses ennemis augmente de jour en jour.

-Tu devrais planquer ton argent et tout ce que tu possèdes d'intéressant dans tes poches... Pan vole tout le monde, moi y compris.

Mon sourire s'élargit, j'ai l'air ironique et je ne le suis pas. Cet animal est un monstre de trente centimètre de haut...
Dans ma poche je sors les vestiges d'une enveloppe. C'est bien suffisamment de papier pour lui montrer de quoi je suis capable. Je plie la feuille en une toute petite hirondelle pâle et quand je la lache dans le vide, l'oiseau s'envole pour finir attrapé et écrabouillé par Pan plus jaloux que jamais. Les coins de mon sourire retombent un peu à cette vision et j'abandonne mon sourire.

La jeune femme avait besoin de parler et outre Pan qui s'amusait à explorer les vêtements qu'elle portait, je me doutais qu'elle avait besoin de contact humain. Pour une fois que je regrette de ne pas être sous ma forme masculine ! C'est Caël qui serait content, je me fais une copine -plutôt qu'une amante- pourtant, je me sens un peu gauche.
L'habitude de flirter avec le beau sexe plutôt que de faire ami-ami. Ouep, on peut le dire, je manque cruellement d'expérience dans ce domaine. Et je ne compte pas Pan, qui n'a rien d'un être humain. Mon seul contact amical, c'est triste.

Enchainement de questions, Pan devient encombrant, je respire avant de trouver comment répondre et dans quel ordre. Elle a vraiment besoin d'une connaissance dans cette ville-monde.

-Pan mange tout, il est omnivore... S'il avait des dents il aurait sûrement goûter tes vêtements et tes chaussures... Heureusement pour toi, il n'en a pas et ne peut rien digérer, même si je l'ai créé il n'a jamais vécu comme un vrai singe alors il goûte tout ce qu'il peut et s'en fiche du résultat, c'est... un genre de toc ! Je l'ai créé il y a très longtemps -tu remarqueras que le papier n'a plus l'air très frais- et depuis il ne me quitte plus. La plupart des gens me reconnaissent grace à lui, c'est la curiosité de Virgile...

Je tends la main vers le singe. Il semble qu'il me prenne en confiance puisque je me suis sincèrement adoucie en quelques instants. Il renifle mon doigt comme s'il pouvait y sentir une pointe de danger et... joyeusement il bondit sur mon avant bras et s'y accroche en frottant son museau dessus. Un paresseux bien heureux, il ne me lache plus trop heureux de pouvoir s'accrocher à moi mieux que la manche d'une chemise.
En parlant de chemise, je suis trempée et il commence à faire froid...

-Je ne vis pas dans Northrives.

Je baisse les yeux sur Pan qui grimpe sur mon bras comme on se hisserait sur une barre fixe, mieux que les pompiers !

-En fait, je suis acteur... Heu, Actrice, je voyage un peu partout dans l'Entre-Monde et surtout en ville. Sinon, je squatte chez un ami à Ordae alors je connais plutôt bien la ville. Si tu veux, je peux t'aider à te repérer !

Une personne gentille et généreuse, j'apprécie fortement de recevoir son manteau sur les épaules. Je me frotte les bras et je m'emmitoufle ... Ou plutôt, je me momifie dans son vêtement. Il fait meilleur là dessous et peut-être que Caël ne me tombera pas dessus parce ce que je suis malade quand je rentrerais à la forge. En parlant de forge, là bas il y fait chaud aussi ! Plus je liste les endroit chaleureux que je connais et plus je me fais du mal. Je soupire en abandonnant l'idée.

-T'es guérisseuse... Dis-moi t'as un endroit où vivre en ville ?

Je prenais des notes, elle venait d'Ing et le peu que je savais de la forêt d'Ing c'était sa dangerosité croissante à mesure qu'on s'éloignait des remparts de Cerclon. Soit elle vivait en bordure soit elle avait vécu au milieu des monstres. Habituellement, quand quelqu'un vient d'un endroit peuplé de monstre, la meilleur idée qu'on peut avoir c'est se méfier. Pas d'elle, mais de ce qu'elle est capable de faire.

-Si tu cherches du travail je sais que dans le fumeroles l'hôpital recrute du monde. Si ça te tente... Tu t'y seras peut-être plus à ton aise que sur un banc de Northrives, surtout que les nuits sont froides dans le coin.

Je jetais un oeil au fleuve, lui aussi il était froid...
Pan qui n'aimait pas se faire oublier bondit sur ma tête et bien que son papier s'humidifiait lentement, entrepris de me pouiller comme une compagne. Dommage pour lui je n'avais une seule petite bête dans mon cuir chevelu. Il mourrait de faim s'il était vivant au sens naturel.

-Sincèrement, je sais pas si se refaire une vie dans cette ville est une bonne idée.

Relant de pessimisme ? Non, Je n'étais jamais vraiment morose, mais cette ville était pour moi un théâtre, une scène mal fichue de reproduire la réalité. En fait, quand je traine dans les rues je me pavane comme je le ferais sur scène. C'est du pareil au même, la politique n'a pas de sens pour moi, je sais que Caël connait un maitre et ? Mes relations se cantonnent à esquiver ceux qui aimeraient me voir six pieds sous terres -mes créanciers, ceux à qui j'ai volé l'innocence de leur fille- et les rares personnes que j'apprécie. C'est-à-dire, une seule... Ça ne vole pas haut. En fait, à ce rythme là je finirais vieille fille si mon compagnon me garde même après toutes mes conneries. Evidemment, il y a Peter Pan. Il n'est pas éternel, le papier qui le compose s'abime chaque jour un peu plus et je ne suis pas sûr de pouvoir lui redonner un autre corps, je n'ai jamais essayé en fait, je n'ai créé que Pan et quelques petits animaux qui "mourraient" l'instant d'après.

J'acceptais le petit sachet de plantes. Je doute que je les prendrais, si je retourne chez Caël et que je bois une tisane en lui disant "pour pas tomber malade" j'ai peur qu'il se transforme en infirmier trop zélé (ce serait bien dans d'autres conditions... je devrais y penser).

-Merci.

Un grand sourire de remerciement, je donne le sachet à Pan qui l'enfile dans son bouche comme s'il s'était agit d'un hareng appétissant. Là au moins je suis sûre et certaine que je le retrouverai peu importe où et quand je le voudrais.

-Je peux t'accompagner à l'auberge de Magna. On peut prendre une calèche pour y aller, L'auberge providence t'offrira gîte et couvert en attendant que tu trouves un endroit où vivre.

Je la connaissais bien cette auberge pour y séjourner régulièrement. Quand j'étais là, je n'allais pas tout le temps chez Caël. Parce que j'étais aussi un homme et qu'il n'acceptait pas l'autre moi. En même temps, m'accrocher à lui c'était aussi égoïste que dérisoire, je le lâcherai un jour ou l'autre, pour ma liberté. Si ce n'est pas lui qui me vire à coup de pompe alors que je lui ai fait accepter que sous ma forme masculine je puisse aller voir ailleurs.

J'avais besoin de conseils, non. Juste de pouvoir en parler à quelqu'un. Mes histoires de coeur qui n'intéresse personne. Et Pan n'y comprendrait rien... Ah la solitude me manque. On a pas tous ces problèmes quand on vit seul, quand on mange seul et quand on profite de la chair des autres pour une nuit et c'est tout. Je me fais peut-être vieille... J'ai oublié un principe élémentaire : ne jamais s'attacher.
Elle aussi, je vais l'aider, on discutera, on sympathisera et après je disparaitrai pour ne plus jamais la revoir. C'est toujours comme ça, il n'y a qu'une seule et douloureuse exception.

-D'où tu viens comme ça ?

La question m'avait paru innocente jusqu'à ce que je la pose. Une nouvelle en ville, c'était courant mais on ne sait jamais vraiment d'où viennent les nouveaux. Avant on se demandait, de quel monde, aujourd'hui ce serait plutôt de quelle région ? Peut-être que j'y suis déjà allé ? Elle m'a peut-être déjà vu sur scène incarnant l'autre Virgile...